Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

13. NAPOLÉON PIÉGÉ EN ESPAGNE ET AU PORTUGAL

Goya révèle son tableau peu flatteur de la reine d’Espagne, Marie-Louise de Bourbon (Goya’s Ghosts de Milos Forman, 2006).

13.2. Goya et « Les Désastres de la guerre »

Peintre et graveur aragonais né à Saragosse, Francisco de Goya y Lucientes (1746-1828) s’établit à Madrid et entre au service des Bourbons d’Espagne en 1775. Il est nommé peintre du roi d’Espagne de 1786 à 1808 (Charles III et Charles IV) et s’intègre au cercle des « ilustrados », intellectuels progressistes influencés par les idées des Lumières ; toutefois, ses sympathies pour la Révolution française l’éloignent temporairement de la Cour. En 1773, il épouse Josefa Bayeu, sœur des peintres Francisco et Ramon Bayeu (décédée en 1812). En 1792, suite à une méningite, il devient sourd. En 1795, il rencontre Maria del Pilar Teresa Cayetana Àlvarez de Toledo, duchesse d’Albe, dont il réalise plusieurs portraits et dont il aurait été, dit-on, l’amant. Au tournant du siècle, Goya travaille également pour l’ambitieux ministre Manuel Godoy, dont il immortalise la maîtresse et future épouse Pepita Tudó sous les traits de La Maja desnuda (La Maja nue) et La Maja vestida (La Maja vêtue) (v. 1799/1800), tableaux qui suscitent le scandale (la « maja » est une jeune femme élégante). L’Inquisition censure Los Caprichos, un recueil de gravures où Goya attaque violemment l’influence liberticide de l’Église. En 1808, avec l’invasion française, il est déchiré : favorable aux idées libérales apportées par Napoléon, mais blessé dans son patriotisme, il hésite entre la résistance incarnée par la Junte centrale de Séville et la cour de Joseph Bonaparte, le nouveau roi, dont il réalise le portrait tout en commençant à graver ses eaux-fortes sur Les Désastres de la Guerre, réquisitoire cauchemardesque contre les exactions françaises et la guerre en général ; il est un des premiers artistes occidentaux à en dénoncer l’horreur.
En 1812, il fait le portrait de Wellington, le vainqueur de Napoléon en Espagne, et en 1814, à la demande des Cortes (assemblée parlementaire) de Cadix, il peint les célèbres Dos de Mayo et (Los fusilados del) Tres de Mayo qui commémorent l’insurrection nationale. Le retour d’exil de Ferdinand IV amène la désillusion progressive. Écœuré par la réaction absolutiste, inquiété par l’Inquisition (pour La Maja nue) – quoique le peintre n’eut jamais à comparaître devant un tribunal –, frappé par la maladie qui l’avait laissé sourd, il prétexte un voyage de santé en 1824 pour quitter définitivement l’Espagne et s’exile à Bordeaux où il meurt à l’âge de 82 ans. Goya ou le paradigme d’une époque.
1926 – [projet inabouti: Goya y la duquesa de Alba (ES) de Luis Buñuel. – Buñuel a envisagé plus d’une fois de filmer la vie du peintre. Son tout premier scénario, aussi intitulé « La duquesa de Alba y Goya », et écrit à Paris en collaboration avec Marie Epstein (sœur de Jean) entre septembre et novembre 1926, est programmé pour sortir aux célébrations des cent ans de la mort de Goya à Saragosse. Mais la junte de Saragosse ne parvient pas à en réunir le financement et jette l’éponge en février 1927. Le scénario refait surface en 1928 pour la production Julio César, modifié avec l’aide de l’écrivain d’avant-garde Ramón Gómez de la Serna. En 1937, à New York, puis à Hollywood, où le cinéaste s’est établi pendant la guerre civile, il prépare une nouvelle mouture de son script qu’il espère pouvoir vendre à la Paramount, en vain ; il soumettra ce même script à la Warner Bros. en 1944/45, avec le même insuccés.]
1927® El dos de mayo (ES) de José Buchs. – av. Antonio Mata (Francisco de Goya) (cf. p. 445).
1928/29Goya que vuelve (ES) de Modesto Alonso
Antonio García Guzmán-Modesto Alonso Prod. (Madrid). – av. Antonio Mata (Francisco de Goya), Aurea Azcárraga (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Adolfo Bernáldez, Manuel Ruíz de Velasco.
Le travail et les amours de Goya à Madrid et l’histoire du soulèvement de mai 1808 à travers sa peinture. Un long métrage muet tiré d’une nouvelle du producteur García Guzmán, et tourné dans la capitale (Musée du Prado, l’ermitage de San Antonio de la Florida) par le peintre Alonso Modesto, qui copie lui-même la quarantaine de tableaux de Goya que l’on voit dans le film. C’est l’unique tentative espagnole d’approcher la vie et l’œuvre du grand peintre avant 1971, et elle semble n’avoir pas été exploitée en salle : la réputation sulfureuse de l’homme, son comportement peu conforme et la violence accusatrice de son art décourageront les cinéastes ibériques, en particulier, bien sûr, sous la dictature de Franco et du national-catholicisme (entre 1938 et 1975). Goya est ici récupéré sous l’angle de la guerre d’Indépendance dont il s’est fait le témoin « graphique », et à titre de locataire incontournable du Prado. En 1935/36, les préparatifs pour un biopic sonore du peintre (Henri Barreyre/Atlantic Films) seront réduits à néant par le début de la guerre civile.
1942® Goyescas (ES) de Benito Perojo. – av. Imperio Argentina (la comtesse de Gualda/Petrilla), Rafael Rivelles. – Madrid au début de l’année 1808. Une comédie sans Goya mais aux images fortement inspirées de ses toiles, le personnage central de la comtesse étant, lui, calqué sur la duchesse d’Albe (cf. p. 448).
1944Δ La maja del capote (La Belle à la cape) (ES) de Fernando Delgado. – av. Juan Calvo (Francisco de Goya). – L’idylle malheureuse entre le légendaire toréador Pepe-Hillo (dont Goya fait le portrait) et une Madrilène, entre 1798 et 1801.
1945/46El último amor de Goya (La Diabla) (MX) de Jaime Salvador
León Gurdus/Concordia Films, 90 min. – av. Domingo Soler (Francisco de Goya), Rosita Díaz Gimeno (La Diabla), Gustavo Rojo (Enrique), Paul Cambó, Miguel Arenas, Fanny Schiller, Jorge Mondragón, Julien Duprez, Isidoro Máizquez (le toréador), Enrique G. Alonso, Juan M. Castillo, Julio Daneri, Celeste Grijo, Ismael Larumbe, Theodore J. Pahle, Enrique Peña Franco, Carlos A. Pomo, Enriqueta Reza, Rafael Torres, Alfredo Varela, Guillermo Zetina.
Une production mexicaine montée pour célébrer le bicentenaire de la naissance du grand peintre, à partir d’un scénario du journaliste Ceferino R. Avecilla (pseud. Ricardo Begoña), avec la participation de deux Espagnols républicains exilés au Mexique, Carlos Martínez Baena et Ceferino R. Avecilla : l’amour d’un Goya déjà âgé pour une femme au tempérament de feu, quoique « purifiée par l’amour de l’artiste », sur fond d’invasion napoléonienne. Enrique, un jeune peintre et disciple de Goya, sauve La Diabla, une comédienne, alors que son carosse a été attaqué par des bandits de grands chemins. Il la présente à Goya qui s’en éprend secrètement, mais La Diabla aime son sauveur. Elle profite de la fascination qu’elle exerce sur le colonel de La Fontaine pour obtenir un sauf-conduit pour son amant qui est accusé de conspirer contre l’occupant. Le 2 mai 1808, Madrid se soulève, Enrique est tué dans les combats de rues et La Diabla se suicide. – Tourné aux studios CLASA (Estudios Cinematográficas Latinoamericana S. A.) à Mexico, le mélodrame a une exploitation limitée. C’est pourtant le premier film sonore, et le seul avant 1958, à se pencher sur l’artiste.
1950Δ María Antonia « La Caramba » (ES) d’Arturo Ruíz Castillo. – av. Guillermo Marín (Francisco de Goya). – Biographie de la cantatrice María Antonia Fernández dans laquelle Goya apparaît en train de dessiner la mort tragique du toréador Pepe-Hillo en 1801.
1951[projet inabouti: La Maja de Goya (ES) de José Luis Sáenz de Heredia ; Cesáreo Gonzáles/Suevia Films (Madrid). – Distribution pressentie: Maria Montez (Diana de Dullat), Jean-Pierre Aumont (Gonzalo). – Diana de Dullat, une marquise espagnole ruinée, se fait espionne pour Napoléon afin de maintenir la paix entre la France et l’Espagne. Elle se ravise en mai 1808 et se lie avec un guérillero, Gonzalo, ami de Goya. Elle est fusillée. Moribonde, elle sert de modèle à Goya qui l’immortalise dans son tableau La Maja vêtue... Cette superproduction en Gevacolor, annoncée en mars 1951 et qui devait être le premier film parlé espagnol de Maria Montez, est abandonnée après la mort accidentelle de l’actrice (7.9.51). Le projet refera brièvement surface au printemps 1955, sous la houlette de Luis Lucía, avec Emma Penella (Diana) et José Suárez (Gonzalo) prévus dans les rôles principaux.]
1951Δ [épisode :] Pictura : Adventure in Art – Goya (US) d’Alain Resnais et Lauro Venturi ; Pictura Co., 72 min. – av. Nagres Segovita (Francisco de Goya), Harry Marble (narration). – Documentaire en noir et blanc dont le segment sur Goya, dans lequel l’artiste apparaît, est accompagné musicalement par la guitare d’Andrés Segovia ; un travail peu connu du jeune Resnais (les autres segments sont signés E. A. Dupont, Luciano Emmer, Enrico Gras, Marc Sorkin et Robert Hessens). Lauréat du Golden Globe 1952 pour le meilleur film culturel.
1951[Les Désastres de la guerre (FR) de Jean Grémillon ; Anatole Dauman/Argos Films, 600 m./22 min.
Un documentaire de court métrage saisissant sur les eaux-fortes de Goya, écrit par Pierre Kast (commentaire dit par Grémillon). L’introduction montre une Espagne gaie, riante et galante (peintures antérieures à 1807/08), la conclusion dénonce la dévastation monstrueuse du bellicisme pour aboutir, à travers l’horreur objective qui se dégage de cette tuerie entre soulèvement populaire et répression, sur un « réquisitoire contre le déchaînement de l’impérialisme et de la puissance militaire » (Henri Agel).]
1952(tv) The Face of Spain (US) de William Corrigan
« The Hallmark Hall of Fame » no. 19 (saison 1), W. Corrigan/Hallmark Television Playhouse (NBC 4.5.52), 60 min. – av. Barry Kroeger (Francisco de Goya), Ruth Ford (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Oliver Thorndike (Pablo), Frank Daly (Don Bernardo), Victoria Barcelo (la dame au châle), Fernando Sirvent (le guitariste), Ronald Long (Manuel Godoy), Dale Engle (Carlos IV), Philippa Bevans (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Sarah Churchill (présentation et narration). – La vie de Goya à partir de 1786, d’après un script de Felix Leon et Wilson Lehr.
1958Δ La Tirana (ES) de Juan de Orduña ; Orduña Films, 93 min. – av. Paquita Rico (La Tirana), Virgilio Teixera (Francisco de Goya), Luz Márquez (Maria Cayetana, duchesse d’Albe). – Vie de la tragédienne Rosario Fernández « La Tirana » (1755-1803), une amie de Goya – dont il fit le portrait en 1799 – et la maîtresse du duc de Fornells.
1958The Naked Maja (Goya) / La Maja desnuda / La Maja nue (IT/US/FR) d’Henry Koster [et Mario Russo]
Goffredo Lombardo, Silvio Clementelli/Titanus Film (Roma)-Metro-Goldwyn-Mayer-[United Artists]-Société Générale de Cinématographie (S.G.C., Paris), 112 min. – av. Ava Gardner (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Tony Franciosa (Francisco de Goya), Amedeo Nazzari (Manuel Godoy), Massimo Serato (comte Rodrigo Sanchez), Renzo Cesana (Francisco Bayeu), Lea Padovani (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Leonardo Botta (Ferdinand, prince des Asturies [futur Ferdinand VII]), Gino Cervi (Carlos IV), Nadia Balabine (Charlotte-Joaquime de Bourbon, princesse de Portugal), Carlo Rizzo (Juanito), Audrey McDonald (Anita), Ivana Kislinger (Pepa), Carlo Giustini (José), Patrick Rean (Enrique), Carmen Mora (ballerine), Peter Meersman (Dr. Peral), John Karlsen (l’Inquisiteur), Tonio Selwart (Aranda), Erminio Spalla (Rojas), Pamela Sharp (Maria Isabela), Paul Muller (l’ambassadeur français), Gustavo De Nardo (le prêtre), Yemiko Fullwood (Maria de la Luz dite « La Negrita », fille adoptive de la duchesse d’Albe), Andrea Esterhazy (comte de Fuentes), Giuseppe Giardina (Luigi de Parme), Enzo Fiermonte (Navarre).
Synopsis : Goya assiste outré à la mort par le feu d’une « hérétique » sur ordre de l’Inquisition. Lors d’une rixe d’ivrognes dans un estaminet madrilène, Goya sauve d’embarras la duchesse d’Albe, Maria Cayetana, qui aime fréquenter les lieux mal famés, habitude que condamne la reine d’Espagne, son ennemie. Fasciné par la beauté de la duchesse, le peintre lui promet de faire son portrait, celle-ci l’invite à une soirée dans son palais, mais des pressions de la cour l’empêchent de s’y rendre. Dans les fresques de la coupole de la chapelle royale à San Antonio de la Florida, Goya, obsédé par « la réalité ici-bas », remplace la noblesse par le petit peuple, Charles VI est désemparé, mais Godoy, Premier ministre et amant de la reine, couvre l’artiste d’éloges. Il est nommé peintre de la cour. Tandis que la rue entre en effervescence, accusant Godoy de pactiser avec Napoléon, Goya protège à nouveau la duchesse ; ils s’avouent leur passion. Au petit matin, dans son palais, Maria Cayetana surprend Godoy et ses policiers : en raison de ses lectures interdites (Voltaire, Montesquieu, Rousseau) et de ses fréquentations douteuses, la duchesse est exilée pour une année à Sanlúcar de Barrameda, en Andalousie – à moins qu’elle accepte de travailler pour Napoléon et lui-même, ce qu’elle refuse. Goya la suit secrètement en exil, ils deviennent amants. Lors d’une visite surprise, Godoy découvre leur liaison et, à la vue de la Maja nue, menace de faire arrêter Goya par l’Inquisition s’il ne retourne pas immédiatement à Madrid. Pour faire partir le peintre, la duchesse feint de ne plus l’aimer. Goya sombre dans le désespoir, ses cauchemars se reflètent dans sa peinture. L’Inquisition s’attaque aux Capriccios et à la Maja, mais Godoy sauve Goya en espérant, en contrepartie, la collaboration de la duchesse. Comme elle s’obstine dans son refus, il ordonne son assassinat par lent empoisonnement. La capitale se soulève contre les Français le jour où Goya apprend que Maria Cayetana est gravement malade. Les rues sont baignées de sang, la foule lynche Godoy tandis que la duchesse expire dans les bras du peintre qui a enfin compris quel fut l’héroïque déchirement de sa bien-aimée (après une agonie cinématographique de huit minutes, digne de La Dame aux camélias).
Les quelques remarques de Goya au sujet de Maria Cayetana trouvées dans sa correspondance privée ne trahissent pas de passion particulièrement dévorante, loin s’en faut – mais bon, la légende romantique s’étant imposée partout dans la littérature et les médias, il n’y a pas de raisons de s’en priver. On attribue à Goya cette flamme en se basant sur un séjour commun de l’artiste et de la duchesse (qui lui commanda plusieurs toiles) à Sanlúcar, en Andalousie, en 1796, alors que son voyage au sud semble avoir été surtout lié à sa fonction de peintre de la cour, car il accompagna à la même époque leurs Majestés à Séville et à Cadix. En revanche, on sait que la duchesse eut, après le décès de son époux, une brève liaison avec Godoy (auquel elle fit cadeau de La Vénus au miroir de Velazquez), puis avec Antonio Cornell y Ferraz, ministre de la Guerre. Godoy lui-même était un important mécène de Goya et possédait les deux Majas qu’il cachait dans un cabinet secret. Enfin, la noiraude des deux toiles, nue, puis habillée (sur exigence de l’Église), n’était pas la duchesse d’Albe, mais vraisemblablement Pepita Tudó, maîtresse et future épouse du Premier ministre. (Rappel : la « maja » désigne une jeune femme élégante.)
Passons sur les phénoménaux raccourcis et confusions du scénario qui fait mourir Maria Cayetana et Godoy le jour du fameux 2 mai 1808, date à laquelle Godoy, en fuite, séjournait à Fontainebleau avec sa famille (il décéda à Paris quarante-trois ans plus tard !) et la duchesse était déjà sous terre depuis six ans. La théorie de son empoisonnement – par ses domestiques – a été réfutée scientifiquement (cf. infra, Volavérunt, 1999). L’Inquisition n’incrimina le tableau de La Maja nue qu’après le retour de Ferdinand VII en 1814, et le peintre n’eut jamais à comparaître devant un quelconque tribunal. (La dernière exécution par le feu de l’Inquisition date de 1781, à Séville.) Autre amusette à relever en flânant : quand Goya rencontra la duchesse, vers 1795, il était quinquagénaire et complètement sourd, et accessoirement toujours marié à Josefa Bayeu, la sœur de Francesco Bayeu, autre peintre à la cour (tout cela n’existe pas dans le film). Nous sommes donc loin du beau séducteur célibataire, ombrageux, danseur élégant, adulé de la gent féminine – dont l’habilité à la navaja égale son talent de dessinateur ! – que propose cette niaiserie.
Une fois n’est pas coutume : l’histoire de production est nettement plus intéressante que le résultat à l’écran. En mai 1954, alors qu’il vient de terminer The Barefoot Contessa (La Comtesse aux pieds nus) avec Ava Gardner, Joseph L. Mankiewicz annonce un film sur Goya produit par sa propre société, Figaro Inc., hélas sans suite. Trois ans plus tard, c’est Albert Lewin, l’auteur du magique Pandora and the Flying Dutchman (1951), toujours avec Ava Gardner, qui rédige un scénario sur le sujet, destiné à Ava et à Yul Brynner en Goya. On peut rêver. Ne parvenant pas à réunir les fonds nécessaires, il revend son texte à la Titanus à Rome, qui, stupidement, ne l’utilisera pas. Le producteur Lombardo, patron de la Titanus, centralise les projets avortés sur le grand peintre, puisque en été 1955, Alberto Lattuada prépare pour lui également une « Maja desnuda » à partir d’un script de Suso Cecchi d’Amico (fidèle collaboratrice de Visconti) et Giorgio Prosperi, avec Amadeo Nazzari en peintre aragonais. Entre-temps, Ava Gardner a tourné le dos à Hollywood et s’est établie à Madrid où ses frasques amoureuses choquent bourgeoisie et ecclésiastiques. Elle accepte de faire le film (qui clôt son contrat MGM) parce que le tournage doit avoir lieu dans son pays d’adoption – et sans doute parce qu’elle se sent proche d’une femme libérée qui « aime scandaliser les hypocrites », tout comme Goya s’affranchit des conventions morales et picturales de l’époque. Seulement voilà : les descendants de l’authentique duchesse d’Albe (outrés par la réputation sulfureuse de la star) protestent si violemment contre le film que le gouvernement franquiste en interdit la réalisation sur territoire espagnol ; toute l’équipe se trouve alors obligée d’émigrer à Rome. Mais en fait, ce ban est un pur prétexte : Franco et son entourage national-catholique ne veulent pas d’un film sur l’individu Goya, trop subversif, irrécupérable pour le régime en place. (Le film restera inédit en Espagne, excepté un passage à la télévision vingt ans plus tard.) La bande est tournée en Technirama et Technicolor dans les studios Titanus-Farnesina, au cœur des vieux quartiers de la capitale italienne et au palais royal de Caserte à Naples (juin-septembre 1958).
L’artisan germano-américain Henry Koster, un touche-à-tout qui dirigea le premier film en CinemaScope, le péplum La Tunique en 1953 (accessoirement aussi un passionné de l’époque napoléonienne auquel on doit Désirée en 1954 et le script de Die letzte Kompagnie, 1930) accepte son job avec réticence, car le scénario, d’une bêtise crasse, a été bricolé au jour le jour par une demi-douzaine de scribouilleurs italiens. Koster affirmera plus tard que ce fut « l’expérience la plus cauchemardesque de sa carrière », couronnée par les caprices et insultes quotidiennes de Tony Franciosa. Émule de l’Actor’s Studio new-yorkais, ce dernier s’acharne à entrer dans la peau d’un génie en mettant la patience des techniciens et collègues sur le plateau à rude épreuve, tandis qu’Ava Gardner joue son rôle à l’instinct. Les deux vedettes ne s’adressent pas la parole ; persuadée du contraire, Shelley Winters, Mme Franciosa au civil, veille jalousement sur le plateau, ce dont les tabloïds locaux font des gorges chaudes.
Contrairement à ses confrères John Huston (Moulin Rouge sur Toulouse-Lautrec) ou Vincente Minnelli (Lust for Life sur Van Gogh), Koster ne cherche à aucun moment à retrouver le chromatisme et les formes des toiles de l’artiste, mais enregistre platement ce qui se présente sous son objectif ; pour le « Dos de Mayo », il fabrique un hommage à la célèbre séquence des escaliers d’Odessa (Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein). En charge de la version italienne, son assistant Mario Russo enregistre quelques scènes supplémentaires. Quant à la nudité que promet racoleusement le titre du film, elle n’existe évidemment pas à l’écran ; en revanche, l’exploiteur aux États-Unis (United Artists) choisit de lancer le film en distribuant des reproductions du tableau de Goya à travers tout le pays, et en l’insérant dans ses affiches publicitaires ; plusieurs quotidiens (la presse de W. R. Hearst) s’y opposent. Les postes américaines refusant d’acheminer une publication aussi « obscène », l’affaire entraîne un procès très médiatisé en dommages et intérêts (mars 1959). L’accueil critique et public du film est presque unanimement catastrophique – quoiqu’il serait injuste d’ignorer la majestueuse photographie de Giuseppe Rotunno (Le Guépard de Visconti, Amarcord de Fellini), et, transcendant les lenteurs comme le grotesque de certains passages, la présence animale, électrisante d’Ava Gardner, rarement vue aussi belle, carrément sublimissime dans une danse d’accouplement avec son partenaire. En Italie, le film se hisse en deuxième position au box-office (773 millions de lires) et obtient le Prix David di Donatello 1959 (meilleure production) et trois nominations au prix du Syndicat national des journalistes de cinéma (photo, production, décors). Sortie française en juin 1961. – DE : Die nackte Maja, ES : La maja desnuda (tv, dvd).
1961Δ [épisode :] Abuelita Charlestón (ES) de Javier Setó ; M. D. Producciones, 103 min. – av. Marujita Diaz, Spartaco Santoni, Germán Cobos. – Premier épisode, situé en 1810 : les sorcières qui servent de modèle à Goya dans Los Caprichos fabriquent un philtre d’amour pour une Madrilène amoureuse d’un officier de Napoléon (le reste de la comédie se déroule au XXe siècle).
1965(tv) La maja y el águila / El águila y la maja (ES) de Manuel Mur Oti
Série « La otra cara del espejo », Radiotelevisión Española (TVE 24.1.65), 50 min. – av. Carmen Bernardos (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), MANUEL DICENTA (Napoléon), José Calvo (Francisco de Goya).
La duchesse d’Albe (la « Maja ») rencontre Napoléon (« l’Aigle »), un scénario original du cinéaste franquiste Mur Oti.
1966® (tv) Diego de Acevedo (ES) de Ricardo Blasco. – av. José María Escuer (Francisco de Goya) (cf. p. 472).
1969*(tv) Goya (DE) de Wilhelm Semmelroth
Westdeutscher Rundfunk (Köln) (ARD/ORF1 3.-4.4.69), 2 parties/210 min. – av. Wolfgang Büttner (Francisco de Goya), Ellen Schwiers (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Thomas Braut (José Quintana), Bernhard Minetti (le Grand Inquisiteur Lorenzana), Kaspar Brüninghaus (Don Gaspar Melchor Jovellanos), Hans Hinrich (Père Salzedo), Karel Otto (Manuel Godoy), Jutta Kamman (Pepita Tudó, sa maîtresse), Hermann Lenschau (Don Miguel), Joseph Saxinger (Don Diego), Kurt Waltzmann (Don Campomanes), Viktor Tacik (comte François Cabarrus/Francisco Cabarrús Lalanne), Marlene Riphahn (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Sigrid Bode (María Josefa Pimentel, duchesse d’Osuna), Eva Lissa (Josefa Bayeu), Willy Lindberg (Isidoro Maiquez), Arno Görke (Pablo), Victor Curland (Dr. Peral), Herbert Steiniger (abbé Lacroche), Walter Orth (Don Pablo Olavides), Ernst von Klipstein (Pedro Téllez-Girón, duc d’Osuna), Rudolf Kleinfeld-Keller (le cardinal).
La vie de Goya, sa sympathie croissante pour les libéraux, sa participation à un tribunal de l’Inquisition qui ébranle sa foi en les valeurs de l’Ancien Régime, la découverte que sa peinture peut servir d’arme politique. L’infidélité de la duchesse d’Albe et le décès de sa fille le précipitent dans le désespoir. Le retour de l’ordre ancien le force à s’exiler. – Un téléfilm scrupuleusement recherché et d’honnête facture, grâce au savoir-faire d’un téléaste-scénariste ambitieux, chevronné et passionné par son sujet (il fit une année de recherches en Espagne avant de tourner). Semmelroth montre l’artiste en lutte pour son intégrité au cœur de la tourmente politique, chaque séquence étant liée à une toile ou à un cycle de peintures spécifiques. Une des grandes heures de la télévision allemande.
1969(tv) Biografía de Goya (ES) de Juan Guerrero Zamora
Série « Novela », Radiotelevisión Española (TVE 16.-20.6.69), 5 x 25 min. – av. Francisco [Paco] Morán (Francisco de Goya), Manuel Fernández Aranda (Goya enfant), José Vivo (Antonio Rafael Mengs), Ascunión Villamil (Francisca Sabasa y García), Lola Cordón (Josefa Bayeu, dite Pepa), José Luis Lespe (José), Julio Goróstegui (Père Ramón de Pignatelli), Blas Martín (José Luzán y Martínez), Antonio Fauro (Martín Zapater), José María Escuer (Leandro Fernández Moratín), José Caride (aubergiste), Josefina Serratosa (domestique), Manuel Peiró (le fils), José Crespo (le chanoine José Duaso), Antonio Moreno (Isidro), Carmen de la Maza (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), José Blanch (Carlos IV), Tony Canal (Camito), Víctor Fuentes (Montiano), Francisco Merino (Clavito), José Luis Barceló (Valdés Leal), Mariano Alex (Ferdinand VII), Jesús Enguita (Ramón María del Valle-Inclán), José Segura (marquis de la Solana), Ricardo Tundidor (Francisco de Quevedo y Villegas), Vicente Vega (Miguel Mañara), Antonio Colinos (Suderelli), Juan de Haro (Ayala), Julio Goróstegui.
Biographie filmée (vidéo) dans les studios TVE de Prado del Rey à Madrid pour la série quotidienne « Novela » (télésérie perdue).
1971*Goya – Historia de una soledad / Crónica de un amor y soledad de Goya (ES) de Nino Quevedo
Carlos García Muños, Nino Quevedo, José Saguar/Surco Films, 117 min. – av. Francisco Rabal (Francisco de Goya), Irina Demick (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), José Maria Prada (Sebastián Martínez), Hugo Blanco (Agustín Esteve), Marisa Paredes (Maja), Teresa Del Rio (Inés), Jacques Perrin (Pacheco), Ricardo Merino (Manuel Godoy), Merche Abreu (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Maria Asquerino (Leocadia), Montserrat Julio (Josefa Bayeu), Teresa Rabal (un enfant), Gerardo Malla, Inma de Santis.
Cette première fiction espagnole parlante consacrée au peintre est également le premier long métrage du cinéaste « maudit » Nino Quevedo, un romancier plusieurs fois primé. Formé à l’école documentaire, Quevedo fait à la fois appel à la « légende romantique » de Goya (la duchesse d’Albe) et, nouveauté, aux découvertes les plus récentes de l’historiographie pour illustrer la trajectoire mouvementée de l’artiste sur une durée de deux heures, ce qui lui permet de réfuter par exemple des allégations qui ont la vie dure (l’empoisonnement de ladite duchesse) et d’insérer quantité d’anecdotes peu connues. On suit un Goya progressivement isolé par la surdité et ses ennemis, de ses relations amoureuses avec la duchesse au crépuscule de son exil volontaire à Bordeaux (les diverses séquences sont introduites par les toiles du maître qui s’animent). Ayant obtenu de gros moyens, Quevedo tourne en écran large Panoramica 70 mm et Eastmancolor, privilégiant les extérieurs authentiques, dans Madrid et sa province (Alcalá de Henares, Aranjuez, Colmenar, El Escorial, Talamanca del Jarama, Torrelaguna, Valsaín), à Segovie (Carbonero El Mayor), La Granja, Riofrío, Tolède et Huelva en Andalousie. Pour son malheur, la censure franquiste s’en mêle à plusieurs reprises, le film est mutilé : à l’arrivée, la transformation d’un peintre de la cour en génie iconoclaste est trop faiblement éclairée, on tait le scandale du tableau de la Maja (c’est ici la femme de chambre de la duchesse qui pose pour le peintre), la bande semble naviguer entre indécision et paresse, sans toujours réussir à trouver le ton adéquat. Pourtant, les compositions chromatiques sont séduisantes, la Française Irina Demick (jadis découverte par Darryl F. Zanuck) fait une duchesse racée et brillante, et Francisco Rabal un Goya tellement convaincant qu’il rejouera ce même rôle en 1983 pour Mario Camus (Los desastres de la guerra) et en 1999 pour Carlos Saura (Goya en Burdeos).
La première madrilène du film a lieu sous le parrainage de l’actuelle duchesse d’Albe, mais la presse comme le public espagnols sont peu réceptifs à la rigueur documentaire d’un « film-fleuve qui veut trop en dire » (Felix Martialay, El Alcázar, 3.11.71), alors que Variety (USA) salue au contraire « un des meilleurs films du pays, malgré ses défauts » (3.2.71). Une œuvre poursuivie par la malchance, mais à réévaluer. Sélectionné au festival de Cannes 1971. Prix du Cercle des Ecrivains de Cinéma (CEC) décerné à la l’actrice Maria Asquerino et aux décors de Sigfrido Burmann. Prix du Syndicat National du Spectacle (SNE) pour le meilleur film de l’année.
1971*Goya oder Der arge Weg der Erkenntnis / Goyya, ili tyazkiy puti poznaniya (DE-RDA/SU/BG/YU) de Konrad Wolf
DEFA-Studio für Spielfilme (Potsdam-Babelsberg)-Kinostudiya Lenfilm (Leningrad)-Studiya Boyana-Bosna Film, 206 min. (2 parties)/134 min. – av. Donatas Banionis (Francisco de Goya), Olivera Katarina [= Olivera Vuco] (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Fred Düren (Agustín Esteve), Tatjana Lolowa (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Rolf Hoppe (Carlos IV), Wolfgang Kleling (Manuel Godoy), Ernst Busch (Gaspar Melchor de Jovellanos), Mieczyslaw Voit (Grand Inquisiteur), Gustaw Holoubek (Juan Agustín Ceán Bermúdez), Mihail Kozakov (Ferdinand Guillemardet), Irén Sütö (Doña Lucia), Andrzej Szalawski (Abate), Martin Flörchinger (Otero), Arno Wyzniewski (Quintana), Carmen Herold (Maria Rosario), Ljudmila Cursina (Pepa), Veriko Andchaparidzé (Gracia de Lucentes y Salvador, la mère de Goya), Ariadna Sengelaja (Josefa Bayeu), Gerit Kling (Elenita Goya, sa fille), Petar Slabakov (Gil, dit « Sancho Pancha »), Nunuta Hodos (Eufemia), Georgij Pavlov (Padilla), Igor Vasilyev (San Adrian), Günter Schubert (Ortiz), Kurt Radeke (Velasco), Walter Bechstein (messager de l’Inquisition).
Synopsis : Peintre du roi, favori de la reine, Goya vit une existence aisée ; ses toiles ornent galeries et palais du pays. Il est déchiré par sa passion pour l’altière duchesse d’Albe, à la fois la femme qu’il désire et l’aristocrate qu’il hait quand elle le traite comme un laquais. Goya croit en la monarchie et en l’Église, jouit de sa position à la cour, mais sa nature ibère le pousse instinctivement vers le peuple et – quoique sourd, souvent ivre, sale, mal rasé, obsédé par le sexe – à une prise de conscience politique. Esteve, son ami et collaborateur, lui présente de vrais patriotes : dans une taverne madrilène, le peintre rencontre la cantatrice révolutionnaire Maria Rosario, bientôt condamnée à mort par l’Inquisition. La chanson de Maria, incriminée par l’Église, le bouleverse et le sensibilise aux criantes injustices rongeant la société espagnole. Sa peinture s’en fait le miroir, l’Inquisition s’en mêle. Goya se défend en dialecticien habile, reste inflexible et choisit l’exil. Les inquisiteurs lui prophétisent un « oubli éternel » ...
Le Roman de Goya (1951) – titre original : Goya ou L’éprouvant chemin vers la prise de conscience – est une biographie romancée de Lion Feuchtwanger qui s’attache à comprendre la genèse de l’œuvre tout en dressant un tableau social de l’époque. Romancier bavarois décédé à Los Angeles en 1958, auteur du célèbre Le Juif Süss (1923), Feuchtwanger est un proche de Bertolt Brecht qui n’a jamais renié ni son pacifisme ni son admiration naïve pour l’Union soviétique de Staline et, plus tard, pour l’Allemagne de l’Est. En août 1957, à Hollywood, Anthony Mann acquiert une option sur les droits du roman de Feuchtwanger qu’il se propose de porter à l’écran pour United Artists sous le titre de « This Is the Hour », avec son épouse Sarita Montiel en duchesse d’Albe ; le projet est coulé par la mise en chantier de The Naked Maja de Henry Koster (cf. supra). Dramaturge à la DEFA, Walter Janka s’assure les droits en 1963 grâce à son amitié avec Marta Feuchtwanger, mais le script qu’en tire Angel Wagenstein à Berlin-Est subit de nombreuses réécritures, la censure d’Ulbricht incriminant des passages qui traitent des rapports délicats entre l’artiste, la société et les autorités. Feuchtwanger a écrit son texte en réaction à la « chasse aux sorcières » maccarthyste, les « continuateurs modernes de l’Inquisition », et c’est bien ainsi que Konrad Wolf, le cinéaste vedette de la RDA (Sterne/Étoiles, Grand Prix du Jury à Cannes 1959), voit son film. Fils de l’écrivain antifasciste Friedrich Wolf et formé au cinéma en URSS (où il passa la guerre), le réalisateur lutte pendant sept ans contre vents et marées pour trouver un financement, la RDA, en pleine crise économique, n’étant pas à même d’assumer seule un projet aussi ambitieux. En 1966, on envisage même une coproduction avec l’Ouest (Artur Brauner/CCC-Film Berlin) et quelques vedettes (Anthony Quinn ou Marlon Brando, Jeanne Moreau), n’était la perspective de compromis inacceptables avec l’ennemi idéologique. Film de prestige soutenu par Erich Honecker en personne, Goya est finalement mis sur pied en partenariat avec l’URSS, la Bulgarie et la Yougoslavie, et réunit des interprètes de huit pays socialistes différents. Il est tourné en Sovscope 70 mm et Sovcolor aux studios DEFA à Potsdam-Babelsberg, à Leningrad, à Doubrovnik, à Yalta en Ukraine, dans un village tzigane en Serbie et dans le massif bulgare des Rhodopes.
Deux ans après le Printemps de Prague, Kurt Wolf accomplit acrobaties, pirouettes et sauts périlleux pour représenter la position de l’artiste dans un État totalitaire. Il transforme son Goya en une personnalité socialiste modèle, bravant la tyrannie avec une intégrité et un courage civique exemplaires, sans toutefois remettre en question le système même qui maintient les tyrans en place. Goya est ici un artiste qui transforme son art en arme politique et s’associe aux masses révolutionnaires, car « tout art véritable ne peut être apolitique ». Le philosophe libéral Jovellanos est métamorphosé en communiste vertueux, combatif et idéaliste. Dans diverses interviews données à propos de son film, Wolf se réfère à Angela Davis, à la guerre du Vietnam, à l’Espagne de Franco. Les tyrans sont monarchistes, impérialistes et/ou ecclésiastiques (on ne fait pas dans le détail : la France napoléonienne est noyée dans le tas, la guerre d’Indépendance à peine évoquée). Paradoxalement, l’Inquisition, dictature dans l’État, est ici également un puissant levier contre la maison royale. Ses victimes sont exposées publiquement en robes blanches de condamnés avec chapeaux pointus (« corozas ») – des accoutrements humiliants qui devraient pourtant leur rappeler les coiffes de capucins que la « Révolution culturelle » maoïste impose à ses prisonniers ... Dans sa mise en scène, Wolf privilégie vastes tableaux, mouvements de caméra d’une imposante majesté, des compositions esthétiquement léchées et porteuses de pathos, la narration étant, elle, grevée par une certaine lourdeur et une dialectique ambiguë. Le décorateur Alfred Hirschmeier fournit toutefois un travail tout à fait remarquable, et l’acteur lituanien qui interprète Goya, Donatas Banionis (Solaris d’Andreï Tarkovski, 1972), parvient à émouvoir quand il cherche à représenter l’homme derrière l’artiste. Konrad Wolf décroche le Prix spécial du Jury au festival de Moscou 1971, mais il est déçu de l’accueil public à l’Est comme à l’Ouest, qui reste poli, sans plus. – ES : Goya, genio y rebeldía , US : Goya or the Hard Way to Enlightenment , GB : Goya or the Hard Path of Knowledge, Goya and the Evil Way to Knowledge.
1974(tv) Goya o La impaciencia (ES) de José Antonio Paramo
Série « Los pintores del Prado », Ramon Gomez Redondo/Radiotelevisión Española (TVE 10.7.74), 36 min. – av. Pedro Sender (Francisco de Goya), Sonsoles Benedicto (Josefa Bayeu, son épouse), Miguel Angel (Francisco Bayeu), Jesús Enguita (Ramón Bayeu), Enrique Cerro (Martín Zapater), Jesús Franco (Dehan), José Crespo (Ayue), Gabriel Llopart (Frère Salcedo), Adolfo Tous (archidiacre), Victorico Fuentes (archidiacre), Juan Cristobal Gonzalez (enfant), Pascual Barrachina, Emilio Mewllado, Roberto Cruz.
Saragosse en 1780. Obscur beau-frère de peintres aussi admirés que Francesco et Ramón Bayeu, Goya est invité à décorer la coupole de la basilique del Pilar. Goya se plaint de l’omniprésence, de la jalousie et du mépris de ses deux beaux-frères qui font la loi dans son ménage et critiquent tout ce qu’il entreprend. Les autorités ecclésiastiques trouvent la peinture de cet « apprenti gribouilleur », qui affirme devoir sa réputation à son travail et non aux intrigues, « pas assez dévote ». Par chance, Goya est rappelé à Madrid et nommé Premier peintre de la Chambre du Roi, la plus haute distinction pour un artiste.
1976(tv) Francisco de Goya (ES) d’Emilio Martínez-Lazaro
Série « Paisaje con figuras », Antonio Gala, Francisco Molero/Producción C.T.-Radiotelevisión Española (TVE 3.1.77), 31 min. – av. Javier Loyola (Francisco de Goya), Francisco Merino (José Duaso) et les voix de Francisco Sanchez, Claudio Rodriguez, Rafael de Penagos.
En 1824, parlant au nom de Ferdinand VII, le duc de Híjar a accordé à Goya, 78 ans, un congé de six mois pour des bains à Plombières. Goya en profite pour s’exiler à Bordeaux. Durant son voyage en berline, Goya repense aux événements récents, persuadé que ses compatriotes veulent le tuer « au nom de Dieu et du patriotisme ». Il y a des échafauds à chaque coin de rue, dit-il, même les enfants le maudissent : tout le pays est devenu sourd, plus sourd que lui ... Un court métrage réalisé à peine un an après la mort de Franco, d’où un franc-parler et des propos sur l’idéologie dominante encore impensables une décennie plus tôt.
1982® (tv) La mascara negra (ES) de Antonio Giménez-Rico, Emilio Martínez Lazaro et José Antonio Páramo. – av. Estanis González (Francisco de Goya) (cf. p. 480).
1983® (tv) Los desastres de la guerra 1908 / Tristes presentimientos de lo que ha de acontecer (ES/FR) de Mario Camus. – av. José Bodalo (Francisco de Goya) (cf. p. 480).
1984® (tv) Los desastres de la guerra / Guérilla ou les désastres de la guerre (ES/FR) de Mario Camus. – av. Francisco Rabal (Francisco de Goya) (cf. p. 481).
1984/85*(tv) Goya. 1746-1828 (La Vie de Goya) (ES/IT) de José Ramón Larraz
Antonio Isasi-Isasmendi/Toledo Producciones S.A.-Isasi Producciones Cinematográficas S.A.-RTVE-RAI Rete1-Sacis Spa.-FR3-La Sept (TVE 13.5.-17.6.85 / FR3 13.2.88 / RAIuno 13.4.-21.7.91), 6 x 52 min. – av. Enric Majo (Francisco de Goya), Laura Morante (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Jeanine Mestre (Josefa Bayeu), Gerardo Malla (Francisco Bayeu), José-Maria Caffaell (Ramón de Pignatelli), Augustin Poverada (Ramón Bayeu), Marisa Paredes (María Josefa Pimentel, duchesse d’Osuna), Luis Escobar (Carlos III), Alberto Closas (comte de Fuentes), Antonella Lualdi (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Raf Vallone (le chanoine José Duaso), José Bódalo (Carlos IV), Fernando Garcia Valverde (Ferdinand VII), Carlos Larrañaga (Manuel Godoy), Kiti Manver (Gumersinda Goicoechea), Manuel Gil (Javier Goya adulte), Rosalia Dans (Leocadia Zorrilla de Weiss), Emilio Gutiérrez Caba (cardinal Louis de Bourbon), Verónica Forqué (María Teresa, duchesse de Chinchón), Antonio Vilar (Antonio Raphael Mengs), Ismael Merlo (José Benito de Goya y Franque, père du peintre), Miguel A. Rellán (Bailo, libraire), Alfredo Mayo (comte de Floridablanca), Conrado Sanmartín (l’Infant Don Luis), Isabel Mestres (María Teresa Vallabriga), Javier Escrivá (Bernardo de Iriarte), Mario Pardo (Leandro Fernández Moratín), Luis Prendes (Gaspar Melchor de Jovellanos), Emma Penella (gitane), Manuel de Blas (Sebastián Martínez), Luis Maluenda (duc d’Albe), José Guardiola (l’abbé Escoiquiz), Manuel Gallardo (gén. José de Palafox y Melzi).
Résumé des épisodes : 1. « La cucaña / L’Ascension » : L’enfance et l’adolescence de Goya à Fuendetodos et à Saragosse, où il est l’élève du peintre José Luzán, puis entre à l’Académie de dessin. Il complète sa formation en Italie. De retour, il épouse Josefa Bayeu, un mariage intéressé, car elle est la sœur de Francisco Bayeu, peintre à la cour. – 2. « Pintor del Rey / Peintre du roi » : Les premiers travaux à Madrid. Invité par le duc d’Osuna à une partie de chasse, il surprend Cayetana, la duchesse d’Albe, en train de se baigner dans une rivière et fait des esquisses d’elle. La Révolution éclate en France, l’Espagne empêche l’entrée d’écrits subversifs aux frontières. Nommé peintre de la Chambre du roi à Aranjuez, Goya est très sollicité, mais tombe malade lors d’un séjour à Cadix où il perd l’ouïe. Godoy devient Secrétaire d’État à l’âge de 25 ans. – 3. « Cayetana / La Cayetana » : Goya rejette les avances de la duchesse d’Albe, mais lorsque le duc meurt, il la suit à Sanlúcar de Barrameda où ils deviennent amants. Les fréquentations de Cayetana le rendant jaloux et violent, elle renvoie son « jouet » à Madrid où il la peint nue, mais avec le visage d’une domestique. Il vend ses Caprichos dans une boutique à vin pour déjouer la vigilence de l’Inquisition, Godoy les acquiert. – 4. « La familia de Carlos IV / La Famille de Charles IV » : En 1799, Goya est nommé Premier Peintre de la Chambre, le roi Charles IV lui commande un portrait de la famille royale. Le prince Ferdinand conspire contre son père. La duchesse d’Albe meurt brusquement et lègue tous ses biens à ses domestiques (1802). Javier Goya, le fils de l’artiste, se marie. Les armées françaises entrent en Espagne pour attaquer le Portugal, Ferdinand provoque la chute de Godoy à Aranjuez et renverse son père (1807). Les Français libèrent Godoy, tandis que Goya courtise Leocadia Zorrilla, une servante. Le peintre et son fils assistent horrifiés aux combats de rues du 2-3 mai 1808. – 5. « Yo lo vi /Je l’ai vu » : À Saragosse, entre deux sièges des armées napoléoniennes, Goya fait le portrait du général Palafox. Sur le retour, il est témoin des atrocités commises par les paysans autochtones comme par les occupants. À Madrid, il jure fidélité au roi Joseph Napoléon (Bonaparte) et portraiture son aide de camp, le général Nicolas Guye ; celui-ci le charge de sélectionner 50 tableaux représentatifs de l’art espagnol à transférer à Paris, ce qui lui vaut d’être décoré de l’Ordre Royal d’Espagne. Josefa, la femme du peintre, est mourante et Leocadia (enceinte et qui a été chassée par son mari) la veille. La faim et les maladies déciment la population. Lorsque Wellington fait son entrée à Madrid (1812), Goya se dédouane en peignant son portrait, et, pour éviter de futures représailles, se place au service du nouveau régent, le cardinal Louis de Bourbon, immortalisant sur toile l’insurrection de ses compatriotes. Au retour de Ferdinand VII, il subit un double procès, l’un pour collaboration avec l’ennemi, l’autre à la demande de l’Inquisition pour obscénité (La maja desnuda). Un ami, le chanoine Duaso, le sauve. – 6. « La Quinta del Sordo / La Quinte du Sourd » : Goya s’installe avec Leocadia dans sa nouvelle maison baptisée « Quinta del Sordo », tandis que le roi ordonne qu’on diminue le nombre de ses toiles au Prado. Ferdinand VII méprise la Constitution, dans les Cortes, libéraux et absolutistes s’affrontent. Une armée française replace le roi sur son trône. Compromise politiquement, Leocadia s’enfuit en France avec son fils. Quoique placé sur une liste noire, Goya est amnistié par le roi ; il choisit prudemment l’exil à Bordeaux.
Une télésérie de cinq heures due, surprise, au producteur Antonio Isasi-Isasmendi, que les amateurs de cinéma-bis connaissent en premier lieu comme réalisateur de petits thrillers et d’un Scaramouche parodique (1963). Peut-être fallait-il des talents non « rangés », non reconnus par l’establishment artistique et critique pour se risquer à présenter une image si peu conforme aux manuels officiels. Comme son producteur, le téléaste José Ramón Larraz, ancien auteur de bandes dessinées et fabricant d’obscurs films d’horreur et de sexe, vient de la marge. Et c’est bien la toute première fois en Espagne que, dans une télésérie par ailleurs très documentée et filmée in situ (Aranjuez, El Escorial, la Granja, El Pardo), l’on montre le grand peintre national en opportuniste, collabo, adultère, névrosé, frôlant la folie, prêt à beaucoup de bassesses pour « percer » et se nicher auprès des puissants. Profondément conscient de la puissance mobilisatrice de son art, ce Goya s’estime par conséquent libre de se servir des codes et les trônes chancelants, quels qu’ils soient, pour s’adresser à tous ses compatriotes, jusqu’aux plus démunis. Larraz retrouve sa veine « horrifique » pour mettre en scène avec moult détails sanguinolents les monstruosités de la guerre reproduites ensuite dans les eaux-fortes ; il en va de même quand, au cours du premier épisode, Goya adolescent s’introduit avec des camarades dans un asile d’aliénés et subit un spectacle de démence et de laideur dont les images ne le quitteront plus. L’illustration est romanesque, sans la moindre prouesse esthético-narrative, mais sérieuse et, à son niveau, relativement exhaustive. Un budget peu courant pour la TVE (350 millions de pesètes) a présidé à sa réalisation, et le casting réunit des noms connus du cinéma et du théâtre ibériques. Plaisant et instructif.
1986(tv-mus) Goya (US) de Gian Carlo Menotti (th) et Kirk Browning (tv)
Metropolitan Opera, New York (PBS 28.11.86), 132 min. – av. Plácido Domingo (Francisco de Goya), Victoria Vergara (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Karen Hoffstadt (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Louis Otey (Martin Zapater), Howard Bender (Carlos IV), Stephen Dupont (Manuel Godoy).
Les relations difficiles entre Goya, la duchesse d’Albe et la reine d’Espagne, toutes deux rivales pour l’amour du peintre. Captation de l’opéra en trois actes de Gian Carlo Menotti (musique et livret), créé en 1986 pour Plácido Domingo au Kennedy Center/Washington Opera sous la direction musicale de Rafael Frühbeck de Burgos. Une œuvre musicale qui ne fera pas date.
1996(tv-mus) La maja de Goya : El Musical (ES) de Vicente Escrivá et Fuentes Vicente
Vicente Escrivá/Aspa Cine-Video S.L. (Antena 3 TV 19.12.96), 90 min. – av. Cruz Tony (Francisco de Goya), Germa Castaño (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Chiqui Fernández (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Juan Manuel Chiapella (Carlos IV), José Truchado (Manuel Godoy), Fernado De Juan (Francisco Bayeu), Kirby Navarro (Josefa Bayeu), Eva Diago (Gerónima), Pep Guinyol (Antonio Rafael Mengs), Baltasar Fonts (Cascajo).
Goya épouse Josefa Bayeu mais s’éprend de la duchesse d’Albe qu’il peint nue, créant un scandale à la cour. Josefa le quitte, le peintre est inconsolable à la mort de la duchesse. – Captation du musical de Fernando Arbex (mus.) d’après un livret du cinéaste-écrivain Vicente Escrivá.
1997(vd) Goya, la maja desnuda / Goya and the Naked Maja (IT) de Joe D’Amato
International Film Group (IFG) S.A.-Butterfly Motion Pictures, 90 min. – av. Philippe Dean (Francisco de Goya), Sara Bernat, Max Cortés, Alba Del Monte, Sophie Evans, Mario Falcon, Tavalia Griffin, José María Guzmán, Albert Monserrat, Nuria, Tony Ribas, Silvia, Julia Taylor.
Film pornographique de l’inénarrable Joe D’Amato alias Aristide Massaccesi, spécialiste italien du sexe et du nanar d’horreur. No comment. – DE : Goya – Verführung mit dem Pinsel.
1998/99**Goya en Burdeos / Goya (Goya à Bordeaux) (ES/IT) de Carlos Saura
Andrés Vicente Gómez, Fulvio Lucisano/Lola Films-Televisiòn Española-Via Digital-Italian International-RAI, 107 min. – av. Francisco Rabal (Francisco Goya), José Coronado (Goya jeune), Dafne Fernandez (Rosario Weiss, sa fille), Maribel Verdu (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Eulalia Ramon (Leocadia Zorrilla y Galarza de Weiss), Joaquin Climent (Juán Moratín), José Maria Pau (Manuel Godoy), Cristina Espinosa (Pepita Tudó), Azucena de la Fuente (Josefina Bayeu, dite Pepa), Carlos Hipólito (Juan Valdés), Mario de Candia (Francesco Bayeu), Saturnino García (le prêtre / saint Augustin), Pedro Azorín (Braulio Poe), Manuel de Blas (Salcedo), Conach Leza (femme d’Andalousie), Franco di Francescantonio (docteur d’Andalousie), José Antonio (danseur), Emilio Gutiérrez Caba (José de la Cruz), Joan Vallès (Novales), Mario De Candia (Francisco Bayeu).
Synopsis : Bordeaux en 1828. Exilé avec ses amis libéraux, Goya est à présent vieux et malade, on le retrouve un jour errant dans les rues de la ville, au bord du délire. Leocadia, sa compagne avec laquelle il vit depuis 1813, et Rosario, sa fille adolescente qu’il adore, s’occupent de lui. La nuit, il réalise des œuvres tourmentées. Son passé hanté de fantômes, il l’évoque devant Rosario : l’admiration portée à Vélasquez et Rembrandt, ses deux maîtres (le troisième étant la nature) ; la duchesse d’Albe qu’il aima et peignit, toujours un souvenir obsédant ; le décès mystérieux de la duchesse, victime d’intrigues de cour ; sa promotion au rang de peintre officiel de la Cour ; la maladie qui le rendit sourd à quarante-six ans ; l’engagement politique contre l’occupation française, les déceptions et la disgrâce sous Ferdinand VII, les ennuis avec l’Inquisition, etc. Alors qu’il agonise dans son lit, veillé par Rosario et Leocadia, la duchesse d’Albe lui apparaît.
Dédié au frère du cinéaste, le peintre Antonio Saura (passionné de Goya et qui vient de disparaître), le film se clôt sur une phrase d’André Malraux : « Après Goya, la peinture moderne commence. » Francisco Rabal campe l’artiste pour la troisième fois, après Goya de Nino Quevedo (1971) et Les Désastres de la guerra de Mario Camus (tv 1984). C’est son dernier rôle : il décédera en été 2001, de retour d’un festival au Canada, lors d’une escale d’urgence ... à Bordeaux. Aragonais comme Goya, Carlos Saura (Cria Cuervos, 1976) livre non pas une biographie, mais une réflexion originale sur la personnalité et l’art du peintre, restituée à travers un enchaînement pêle-mêle de souvenirs, de visions et de cauchemars qui se déroulent en majorité dans son cerveau. Le portrait se densifie en un kaléidoscope de l’histoire espagnole, marquée par une mentalité réactionnaire et le despotisme. Une œuvre difficile, nourrie de considérations esthétiques, qui tente la synthèse entre film, peinture et théâtre et s’ouvre à des univers visionnaires grâce à la photographie magistrale de Vittorio Storaro, qui parvient à retrouver la tonalité et les couleurs mêmes des toiles. Le groupe théâtral catalan « La fura dels baus » mime les Désastres de la guerre (tournage à Aranjuez) et Saura a rédigé ses dialogues à partir de la correspondance de l’artiste avec Martín Zapater. En rupture totale avec le didactisme du genre historique (tout en reprenant des épisodes contestés de la « légende romantique », la fascinante duchesse et son prétendu empoisonnement), le film relève en premier lieu de l’expérimentation visuelle, dont la singularité – et la beauté – sont incontestables. Le romancier Jacques Chessex, Prix Goncourt, salue « un film qui surpasse tout ce que j’ai pu imaginer d’admirable dans la critique ou l’approche d’une œuvre de peintre ( ...), le plus haut témoignage que je connaisse, au cinéma, de l’amour et de la fidélité à une œuvre de génie » (L’Hebdo, 14.9.2000). Néanmoins, les avis sont partagés, car l’œuvre de Saura n’évite pas certaines lenteurs, des répétitions rébarbatives, des propos trop explicatifs et une volonté esthétisante que d’aucuns jugeront gratuite. Le public boude les salles, mais lors de sa tournée des festivals internationaux, le film accumule les prix : meilleure contribution artistique et Prix du Jury œcuménique à Montréal 1999 (Saura), Prix du Cinéma européen 2000 (photo), 5 Prix Goya (Rabal, photo, costumes, maquillages, décors) et 5 nominations, etc. – DE : Goya in Bordeaux.
1999*Volavérunt / La maja desnuda (ES/FR) de José Juan Bigas Luna
Mate Cantero/Mate Producciones SA-MDA Films S.L.-UGC International Media-Eurimages-TVE-Via Digital-Canal+, 115 min. – av. Aitana Sanchez-Gijón (Maria Cayetana, duchesse d’Albe), Jorge Perugorria (Francisco de Goya), Penelope Cruz (Pepita Tudó, son modèle et maîtresse de Godoy), Jordi Molla (Manuel Godoy), Jean-Marie Juan (Juan Pignatelli), Stefania Sandrelli (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Carlos La Rosa (Carlos IV), Zoe Berriatua (le prince des Asturies, Ferdinand VII), Maria Alonso (María Teresa de Bourbon, comtesse de Chinchón), Olivier Achard (Grognard), Empar Ferrer (Catalina Barajas), Ayanta Barilli (duchesse d’Osuna), José Cantero (chef de la police), Carlos Bardem.
Synopsis : Madrid en 1800. Doña María del Pilar Teresa Cayetana de Silva y Alvarez del Toledo, plus connue sous le titre de duchesse d’Albe (1762-1802), est la femme la plus belle, la plus riche et la plus libertine de son temps. C’est une séductrice ouverte à mille expériences, de l’amour au théâtre en passant par les fêtes et la politique. Elle conspire en faveur du prince héritier, le futur Ferdinand VII, ennemi mortel du Premier ministre Godoy – dont elle est pourtant la maîtresse. Simultanément, elle a une liaison avec Goya, qu’elle appelle « Fancho ». Le peintre l’immortalise dans ses Caprichos (n o 61) et, allongée tantôt nue (La maja desnuda ou Volavérunt), tantôt habillée, deux tableaux faits à la demande de Godoy. Ambitieux et sans scrupules, ce dernier est également l’amant de la reine et couche de surcroît avec Pepita Tudó, une jeune bergère gitane, autre modèle de Goya. Furieuse, la reine force Godoy à épouser la comtesse de Chinchón. Le 22 juillet 1802, la duchesse d’Albe, 40 ans, donne une soirée fastueuse pour inaugurer son nouveau palais, réception à laquelle assistent amis et ennemis : tous les invités ont des raisons de l’aimer ou de la haïr. Indisposée, la duchesse se retire dans ses appartements alors que la fête bat son plein – et on la retrouve morte au matin. Le roi Charles IV ordonne une enquête. La police conclut à une mort naturelle, trop de secrets d’alcôve sont en jeu. Goya, Godoy et Pepita sont convaincus qu’ils portent une responsabilité dans la mort de la belle Cayetana, mais le mystère demeure entier.
Le cinéaste catalan Bigas Luna, découvreur de Penelope Cruz et de Javier Bardem (Jamón, jamón, 1992), fabrique ici une sorte de thriller en costumes centré autour de la disparition inexpliquée de la duchesse. (En fait, son corps fut exhumé en 1945 pour établir la véritable cause du décès : une encéphalite précédée d’une infection des lymphes qui avait attaqué le foi et les poumons ; on ne trouva pas de trace de poison.) Le tournage en scope et couleurs a lieu à Jerez de la Frontera (Andalousie), au palais royal de Riofrio à San Ildefonso, à Aranjuez et à Madrid (Alameda de Osuna, église de Doña María de Aragón). Le film récolte des critiques très mitigées, les uns lui reprochant un script confus, un style ampoulé, une narration amorphe et des intrigues sans grand intérêt qui engendrent la lassitude, les autres vantant une « superproduction d’auteur » aux décors somptueux, aux costumes extravagants, aux panoramiques époustouflants et à un « duel dansé » au paso doble entre la duchesse et Pepita qui fait des étincelles. En adaptant le roman éponyme de l’écrivain uruguayen Antonio Larreta (1980), Bigas Luna, grand amateur d’érotisme morbide, livre une œuvre plus intimiste que captivante, sa caméra effleure les corps veloutés, l’intensité insolite des couleurs reflète les débordements de l’époque. Enfin, le film donne une explication cocasse quant à la femme qui aurait servi de modèle aux deux Majas : le visage était bien celui de Pepita, mais le corps celui de Cayetana, dont Goya était épris ! Si non è vero ... Aitana Sánchez-Gijón reçoit la Coque d’argent de la meilleure actrice au festival de San Sebastian 1999, où le film est présenté en compétition. Quatre nominations aux prix Goya 2000 (photo, costumes, décors, maquillages), deux aux Fotogramas de Plata (Jordi Mollà et A. Sánchez-Gijón). – IT : Il mistero.
1999(tv) Goya : Awakened in a Dream (CA) de Richard Mozer
Série « The Artists’ Specials », Devine Entertainment Corp., 49 min. – av. Cedric Smith (Francisco Goya), Jaclyn Blumas (Rosarita), Shannon Lawson (Leocadia, sa mère), David Bockstael (Javier Goya), David Reale (Mariona Goya), Jan Filips (Carcini), Stephen Fisher (De Arletta), Robert Russell (Tomas Goya), Ewan Maclaren (Ferdinand VII d’Espagne), Joel Sugerman (un prêtre).
Âgé, déprimé, malade, Goya souffre des persécutions de l’Inquisition. Il fait la connaissance de la fille de sa nouvelle concierge, Rosarita, qui lui redonne du courage. Sous l’inspiration de cette adolescente talentueuse, il tourne le dos à ses cauchemars et crée quelques-unes de ses plus belles toiles. – Film didactique pour la jeunesse.
2006Δ (tv) The End of the Inquisition (CA) de David Rabinovitch ; New Atlantis-France 5-Vision TV (CTV 1.2.06), 45 min. – av. Francisco Grande (Francisco de Goya). – Episode de la série canadienne « Secret Files of the Inquisition (Les Dossiers secrets de l’Inquisition) » dans lequel apparaît brièvement le peintre, harcelé par le Saint-Office.
2005/06***Los fantasmas de Goya / Goya’s Ghosts (Les Fantômes de Goya) (ES/[US]) de Milos Forman
Saul Zaentz/Xuxa Producciones S.L. (Madrid)-KanZaman S.A.-Antena 3 Televisión-The Saul Zaentz Company, 114 min. – av. Javier Bardem (frère Lorenzo Casamares), Natalie Portman (Inès Bilbatúa / Alicia, sa fille), Stellan Skarsgård (Francisco de Goya), Randy Quaid (Carlos IV), Blanca Portillo (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Michael Lonsdale (père Gregorio Altatorre, Inquisiteur général), José Luís Gómez (Tomás Bilbatúa), Mabel Rivera (María Isabel Bilbatúa), Unax Ugalde (Angel Bilbatúa), Julian Wadham (Joseph I er Napoléon [Joseph Bonaparte]), CRAIG STEVENSON (Napoléon), Cayetano Martínez de Irujo (Arthur Wellesley, Lord Wellington), Manuel Brun (Ferdinand VII), Silvia Kal (la reine Marie-Antoinette de Bourbon, son épouse), Aurélia Thiérrée (Henriette Casamares), Simón Andreu (directeur de l’asile), David Calder et Frank Baker (moines de l’Inquisition), Jack Taylor (chambellan), Carlos Bardem (officier français), Scott Cleverdon (général français).
Synopsis : Madrid en 1792. Le tribunal de l’Inquisition présidé par le père Gregorio prend ombrage des gravures satiriques de Goya. Machiavélique, le moine dominicain Lorenzo Casamares se fait peindre par Goya (qu’il défend parce qu’il montre le vrai visage du peuple et qu’il travaille à la Cour) tout en dirigeant la lutte contre les hérétiques. Inès Bilbatúa, fille d’un riche marchand et modèle du peintre, est accusée de pratiquer la religion juive alors qu’elle est de famille chrétienne. Elle passe aux aveux sous la torture, admettant tout ce que Casamares et ses bourreaux du Saint-Office veulent entendre. En présence de Goya, Don Tomas Bilbatúa, père de la victime, invite Casamares à dîner. À table, ce dernier affirme que selon l’Église, les aveux obtenus sous la torture sont une preuve valide de culpabilité, car le Ciel aurait sinon donné au tourmenté la force de supporter la douleur. Furieux, Bilbatúa prend Casamares au mot et le contraint par la torture à signer un papier dans lequel le clerc déclare être le bâtard d’un chimpanzé et d’un orang-outan et qu’il est seulement entré dans l’Église pour la détruire de l’intérieur. Diabolisé, Casamares doit fuir le pays et son portrait, une fois achevé, est brûlé en place publique comme « acte de foi ». Témoin impuissant de la cruauté des hommes, Goya ressent les premiers effets de la surdité. Malgré un don important versé au Saint-Office par son père et une intervention auprès de Charles IV, Inès reste en prison, car « l’Église ne peut se mettre dans son tort ». Au palais royal, on apprend que Louis XVI vient d’être guillotiné ...
Seize ans passent. En 1808, Napoléon explique à ses maréchaux que les Espagnols ne doivent plus souffrir de la tyrannie de leurs monarques corrompus, et les généraux français haranguent leurs troupes en leur prédisant un accueil favorable de la population ibère. La suite est connue. Lorenzo Casamares a adhéré aux idées révolutionnaires en France. Nommé Procureur impérial, il reçoit de Napoléon les pleins pouvoirs pour mettre fin à l’Inquisition ; les biens du Saint-Office sont confisqués, le père Gregorio et ses sbires condamnés à mort sous l’acclamation des Madrilènes, les prisons s’ouvrent. Libérée, défigurée au point d’’être méconnaissable et d’une saleté repoussante, Inès (qui a perdu la raison) est obsédée par l’idée de retrouver sa petite fille Alicia, née des viols répétés commis en cellule par Casamares. Goya la prend sous sa protection, tous les membres de la famille Bilbatúa étant morts pendant l’insurrection du 2 mai. Casamares prétend que le viol d’Inès est pure invention et la fait discrètement interner, mais grâce aux informations du père Gregorio (qui sauve ainsi sa tête), Goya parvient à la tirer de prison et à retrouver Alicia, devenue une prostituée. Casamares tente de faire déporter ce témoin gênant de son passé dans les colonies en Amérique, mais l’arrivée de Wellington bouleverse ses plans : les Anglais chassent les Français et Ferdinand VII rétablit l’Inquisition. Casamares est capturé par des guérilleros alors qu’il tente de fuir. Il est arrêté, jugé, condamné à mort. Refusant de sauver sa vie en se repentant publiquement de ses péchés (selon l’offre du père Gregorio), il est garrotté sur la Plaza Mayor à Madrid, sous les yeux de leurs Majestés, de Wellington, d’Alicia, de Goya et d’Inès, la folle qui brandit un bébé abandonné en hurlant le nom de Lorenzo.
Goya’s Ghosts est un projet longuement mûri. Du temps de ses études de cinéma à Prague, dans les années 1950, Forman rêvait déjà secrètement de faire un film sur l’Inquisition espagnole, y voyant plus d’un parallèle avec le régime communiste de son pays. Il choisit l’exil en 1968, qui fut suivi du triomphe à Hollywood (Vol au-dessus d’un nid de coucous, 1975). En 1985, lors de la promotion d’Amadeus, le projet refait surface avec l’ami et producteur américain Saul Zaentz. Jean-Claude Carrière, qui a déjà traité de l’Inquisition dans sa remarquable Controverse de Valladolid (tv 1992), lui suggère de rapprocher l’action (initialement située au XVI e siècle) de la Révolution française ; le personnage de Goya est introduit à un stade ultérieur de l’écriture, et sa présence dans le titre peut induire en erreur. Car il ne s’agit pas d’un film sur Goya mais avec Goya – Goya en tant qu’observateur tantôt (trop) prudent et passif, tantôt effrayé et fasciné des convulsions de l’Histoire. « Le plus courageux des lâches » selon Forman : son indignation ne transparaît que dans son art (ses peintures noires n’étaient pas destinées au public et Les Désastres de la guerre ne furent exposées que longtemps après sa mort). Il ne s’agit donc pas ici d’explorer pour la 10 e fois les liens ambigus qui se tissent entre l’art et la politique, et le Premier ministre Godoy comme la duchesse d’Albe sont exclus.
Le véritable propos de ce film qui se veut « politiquement incorrect » (J.-C. Carrière) est ailleurs. Forman et Carrière le dirigent contre toute catégorisation, toute forme de manichéisme idéologique : Lorenzo Casamares, l’antihéros romanesque du récit, est un homme de gauche qui fut autrefois combattant d’extrême droite, et dont les agissements déterminent la destinée du peintre comme de son modèle Inès. Ce fou de Dieu, manipulateur non dépourvu d’humour et opportuniste, a troqué le Père, le Fils et le Saint-Esprit contre la sainte trinité républicaine : bombardé principal responsable de la Justice napoléonienne en Espagne, l’individu « a passé d’un intégrisme à l’autre, il bouffe du curé comme il brûlait du païen » (A. Duplan, L’Hebdo 19.4.07). Mais ce même monstre lubrique qui a martyrisé et engrossé Inès dans son cachot avant d’être forcé sous la torture d’avouer non des hérésies mais des idioties, s’est marié, a des enfants, et, haut fonctionnaire, continue à vouer à Goya une admiration et une bienveillance sans bornes. Puis, face à la mort, enfin sincère, il refuse de renier ses actes en s’excusant publiquement. C’est l’intellectuel qui veut changer le monde mais se laisse instrumentaliser dans son idéalisme, détruisant par là ses bonnes intentions – alors que Goya, lui, reste prisonnier de son égocentrisme d’artiste et de sa surdité. L’un se réinvente au fil des événements, l’autre, en retrait, demeure un observateur grave et implacable : son art parle pour lui. Goya accuse le procureur de se vendre au vainqueur, Lorenzo rétorque que le peintre, qui a portraituré l’ange (Inès) et le démon (lui-même), s’est également prostitué en travaillant pour tous ceux qui paient, Godoy, Charles IV, Palafox, Joseph Bonaparte ou Wellington. (Ce n’est pas volontairement qu’il quittera l’Espagne en 1824, mais sous la menace.)
L’idée du bien et celle du mal valsent au gré des prises de pouvoir. Venus au nom des Lumières, les libérateurs laissent un bain de sang derrière eux (« pas de liberté aux ennemis de la liberté ! »), tandis que, paradoxalement, leur départ permet la réintroduction du fanatisme religieux. Vus sous cet angle, les sacrifices de la « grande guerre patriotique » espagnole se réduisent presque à un accident de parcours et le pays, plongé dans le chaos, n’est plus qu’un gigantesque asile de fous, une toile de la « période noire » de Goya, sans héros ni porte-parole. Le script relate ces vertigineuses et morbides pirouettes avec une ironie mordante, un sens de l’absurde kafkaïen bien typiques du Tchèque Forman, mais aussi avec un humour noir auquel Carrière, vieux complice de Buñuel, n’est pas étranger ; ils transformeront leur scénario original en roman, enrichi de détails historiques (éd. Plon, 2007). D’aucuns reprocheront au tandem d’avoir eu recours aux ficelles du mélodrame, du feuilleton (Inès et Alicia) alors que ce choix est délibéré : le mélo et le roman noir sont des genres qui fleurissaient à la fin du XVIII e siècle et dont les révolutionnaires, Danton compris, étaient de friands consommateurs : le style de récit correspond donc idéalement à la période historique où il se situe (cf. J.-C. Carrière, L’Esprit libre, Paris 2011, p. 117).
Quoique parlée anglais (ce qui heurte le public de la Péninsule), la production est entièrement espagnole, tournée sur place à Madrid (El Pardo, San Martín de la Vega, parc du Retiro, palais de Boadilla del Monte), Ségovie, Salamanque, Tolède (Ocaña), Saragosse (monastère de Veruela) pour la somme relativement modeste de 36 millions de $. C’est également l’unique film hispanique où l’Église et le comportement du clergé sont ouvertement critiqués, à travers l’hypocrite Grand Inquisiteur et Lorenzo Casamares. La trajectoire en zigzag de ce dernier n’est du reste pas rare à l’époque et s’inspire fortement de celle de Juan Antonio Llorente (1756-1823), poète, inquisiteur, politicien et historien, progressiste « afrancesado » appelé au Conseil national par Joseph Bonaparte et peint par Goya, enfin auteur d’une précieuse Histoire critique de l’Inquisition en quatre volumes, rédigée en exil à Bordeaux (1817/18). Un autre modèle fut le Grand Inquisiteur Ramón José de Arce (1759-1844), archevêque de Burgos, qui prit parti pour Napoléon en 1808 et dut s’exiler à Paris après le retour des Bourbons. Précisons cependant que l’Inquisition espagnole n’avait à cette époque plus la toute-puissance que ce film lui attribue, le ministre Godoy avait déjà fortement limité ses pouvoirs.
Javier Bardem, flamboyant, donne à son personnage de « méchant » la touche d’humanité et de complexité qui font éclater les stéréotypes. Le Suédois Stellan Skarsgård, l’acteur fétiche de Lars von Trier, campe un Goya peu loquace, effarouché, poltron parfois, et la fragile Natalie Portman, choisie par Forman en raison de sa troublante ressemblance avec La Laitière de Bordeaux (1826), tient le double rôle de la malheureuse Inès et de sa fille. Film parfaitement maîtrisé et d’une rare intelligence, Goya’s Ghosts adopte un style plus européen qu’hollywoodien, à la fois grande reconstitution et drame intimiste dont la lecture s’impose à plusieurs niveaux. La haute exigence de cette œuvre, son classicisme comme son point de vue idéologiquement iconoclaste et d’une féroce noirceur peuvent expliquer son échec public quasi général : mal reçu en Espagne (les spectateurs n’y retrouvent ni leurs clichés ni leurs repères, et encore moins leurs icônes nationales), bradé par la plupart des distributeurs, sorti en France en été, sans projection de presse, incompris par une frange de l’intelligentsia (malgré une défense acharnée de Michel Ciment dans Positif). À redécouvrir d’urgence. – IT : L’ultimo inquisitore, DE : Goyas Geister.
2011(tv) Menotti : Goya (AT) de Kasper Bech Holten
ORF-Art House, 101 min. - av. Plácido Domingo (Francisco de Goya), Michelle Breedt (Cayetana, duchesse d'Albe), Iride Martinez (Maria-Luisa, reine d'Espagne), Andreas Conrad (Carlos IV, roi d'Espagne), Maurizio Muraro (Don Manuel Godoy), Christian Gerhaher (Martin Zapater). - Captation de la mise en scène de l'opéra en trois actes de Gian Carlo Menotti (1986, rev. 1991) présentée au Theater an der Wien (Vienne).
2017(tv) Tiempo de ilustrados (ES) de Jorge Dorado
Série "Il ministerio del tiempo" (épis. 12), Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 22.1.17), 70 min. - av. Pedro Casablanc (Francisco de Goya), María Adánez (la duchesse de Osuna), Noemi Ruíz (la duchesse d'Albe), Luis Callejo (Manuel Godoy), Raquel Pérez (María Teresa del Toro), Eva Marciel (Pepita Tudó).
Une série de science-fiction relatant les tentatives de modifier l'histoire de l'Espagne en voyageant dans le temps. - Le tableau de la Maja nue ayant été détruit, on cherche à convaincre Goya, à présent vieux et amer, de repeindre la toile.