IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

Alvaro Cervantes (Charles Quint) dans la télésérie « Carlos, Rey Emperador » (2015/16).

3. CHARLES QUINT, ROI D’ESPAGNE ET EMPEREUR GERMANIQUE

Né en 1500 à Gand, Charles de Habsbourg, dit aussi CARLOS V et KARL DER FÜNFTE, mort en 1558 au monastère de Yuste, en Espagne. Il est fils de Philippe le Beau (fils de l’empereur Maximilien Ier d’Autriche) et de Jeanne de Castille, dite la Folle (cf. chap. 2.2). Charles hérite de son père des possessions de la maison de Habsbourg (royaume de Hongrie, royaume de Bohême, archiduché d’Autriche, etc.), des dix-sept provinces des Pays-Bas et de la Franche-Comté (duché de Bourgogne), par sa mère des royaumes de Castille et d’Aragon et de tout l’empire colonial espagnol (les « Indes occidentales »), ainsi que du royaume de Naples et la Sicile.
Élu empereur d’Allemagne en 1519, il est le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle. Ce cumul exceptionnel de territoires et de pouvoir est le résultat d’une politique délibérée d’alliances patrimoniales. Lui-même épouse en 1526 la princesse Isabelle de Portugal (1503-1539). À 17 ans, il devient (non sans remous locaux, comme la révolte des Comuneros) roi des Espagnes sous le nom de CARLOS Ier, ayant sa cour à Tolède, mais il passera à la postérité sous celui de Charles Quint, couronné officiellement empereur du Saint-Empire romain germanique en 1530. De langue maternelle française et ayant grandi à la cour bourguignonne et néerlandaise de Bruxelles, il devient par ses incessants déplacements dans tout le continent – il a passé un quart de son règne en voyage - un personnage de dimension européenne (il apprend l’allemand, le néerlandais, l’anglais, l’espagnol et l’italien). En son absence, trois femmes gouvernent ses possessions espagnoles, néerlandaises et allemands : sa tante Marguerite d’Autriche, son épouse Isabelle et sa sœur Marie de Hongrie. Très pieux, le monarque cherche à réaliser le rêve carolingien d’un empire à la tête de la chrétienté (catholique) unie, face à la progression de l’Empire ottoman avec lequel s’unissent ses ennemis français en Europe, François Ier et Henri II (guerres d’Italie) ; son rêve de reprendre Constantinople à Soliman le Magnifique avorte. Il défait François Ier à la bataille de Pavie et le garde un temps en captivité à Madrid, mais sa lutte contre la Réforme protestante dès 1517 sera un échec, confirmé par la paix d’Augsbourg en 1555 (cf. Allemagne), tout comme les révoltes en Flandre et en Brabant (1567) (cf. chap. 8.2). Le pape Clément VII craint que Charles Quint, qui a déjà en main l’entière Italie méridionale par héritage espagnol et cherche à contrôler l’Italie septentrionale (convoitée par la France), n’unifie les États de la péninsule sous un unique sceptre impérial au détriment de l’État pontifical qui risquerait de disparaître complètement. Charles Quint se résout à intervenir militairement, ce qui aboutit au traumatisant sac de Rome causé par des lansquenets allemands mutinés en 1527 (cf. Italie, chap. 6).
Fatigué par ses déboires militaires et une santé chancelante, vieilli prématurément, handicapé par la goutte, l’empereur abandonne les territoires allemands et autrichiens ainsi que la régence de l’Empire à son frère Ferdinand en 1556, puis abdique en Espagne en faveur de son fils Philippe II pour se retirer, handicapé en chaise roulante, dans le monastère de San Gerónimo de Yuste en Estrémadure - où il s’éteint deux ans plus tard, à l’âge de 58 ans. Une vie en apparence glorieuse, mais faite de contrariétés et de désillusions : à la fois mélancolique et sanguin, craint pour ses colères homériques, Charles Quint se sera battu pour le trône du Saint-Empire, mais sera le premier empereur romain germanique à abdiquer. Il aura dépensé des fortunes pour une unité religieuse de l’Europe occidentale, une monarchie universelle chrétienne selon le vieux rêve médiéval, lui qui se voyait surtout en homme de paix, mais sera forcé de faire la guerre durant toute sa vie (ses campagnes étant financées par l’or des Amériques). Enfin, il aura voulu changer le cours de l’Histoire, mais un moine allemand en décida autrement.

Rappel : Assoiffé de conquêtes, Charles Quint commandite les expéditions exploratrices de Fernand de Magellan, d’Antonio Pigafetta et de Vasco Nuñez de Balboa ; il encouragera Hernando Cortés à détruire le royaume aztèque au Mexique et Francisco Pizarro et Lope de Aguirre à faire de même avec les Incas au Pérou. Tout en imposant – de gré ou de force – le message spirituel de celui que les indigènes appellaient « le dieu cloué » (cf. chap. 7).