IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

3. CHARLES QUINT, ROI D’ESPAGNE ET EMPEREUR GERMANIQUE

L’Espagne picaresque des voleurs à la tire et des prostituées dans « Lázaro de Tormes » (2000).

3.4. « La vida del Lazarillo de Tormes y sus fortunas y adversidades »

 La Vie de Lazarillo de Tormes »), roman picaresque en un prologue et sept chapitres publié anonymement en 1554 et dont l’auteur serait probablement Diego Hurtado de Mendoza, ambassadeur de Charles Quint en Italie, également auteur d’une « Histoire de la guerre de Grenade » parue en 1627.
Lázaro, surnommé Lazarillo, est un jeune garçon issu d’un milieu pauvre de Salamanque (traversé par la rivière Tormes) qui est abandonné par sa mère prostituée à un mendiant aveugle escroc et avare dont il devient l’apprenti. Zélé, Lazarillo passe au service de plusieurs autres maîtres – un prêtre, un écuyer, un moine, un vendeur d’indulgences, un chapelain, un bailli et un archevêque -, devenant au fil de ses aventures de plus en plus intelligent, malin et rusé. Le roman fut censuré par l’Inquisition qui en fit paraître en 1573 une version expurgée.

1925[El Lazarillo de Tormes (ES) de Florián Rey. - av. Alfredo Hurtado "Pitusín", Manuel Montenegro, Carmen Viance. – Action transposée au XXe siècle.]
1958(tv) Lazzarillo de Tormes (IT) de Carlo Triberti et Cesare Emilio Gaslini
Radiotelevisione Italiana (RAI 22.3.58). – av. la Compagnia del Teatro Angelicum.
1959El Lazarillo de Tormes (Lazzarillo de Tormes) (ES) de César Fernández Ardavín
César Fernández Ardavín, Luís Laso/Hesperia Films S.A. (Madrid), 114 min./93 min. - av. Marco Paoletti (Lázaro), Carlos Casaravilla (l'aveugle), Juanjo Menéndez (le noble), Enrique Avila (Alguacil Sagra), Memmo Carotenuto (le comique), Antonio Molino Rojo (le gendarme), Margarita Lozano (Antonia), Emilio Santiago (le sacristain de la Sagra), Pilar Sanclemente (la fille aveugle), Victoria Rambla (la veuve), Mary Paz Pondal, Ana Rivero, Juana Cáceres, Carmen Rodríguez, Angeles Macua, Carlo Pisacane.
Vendu par sa mère à un aveugle, le petit Lazarillo part sur les routes d’Espagne, puis, las des coups reçus, il entre au service d’un sacristain avare qui l’affame ; il vole la huche et le pain de la messe, est chassé, recueilli à Tolède par un gentilhomme de fortune endetté, hableur et sans le sou, puis trouve enfin refuge dans une troupe ambulante de baladins dont le chef se déguise en moine et escroque les villageois éloignés de leur paroisse en leur vendant de fausses bulles d’indulgence... Etant donné la nature subversive de l’ouvrage littéraire, son irrévérence, son anticléricalisme et sa causticité, le film est sévèrement censuré par le gouvernement franquiste qui impose une autre fin, dans laquelle on explique que Lazarillo sera pendu pour ses crimes avant d’avoir atteint ses quatorze ans. (Après la mort de Franco, Ardavín ressortira sa première version.)
Une restitution assez fidèle de la geste (l’Espagne ensoleillée et misérable), du travail honnête, strictement illustratif mais sans génie ni la moindre idée de mise en scène et dégageant un léger ennui, à force de suivre l’apprentissage et les stratégies répétitives d’un gamin soi-disant affamé (ce qui n’est pas le cas du jeune interprète, Marco Paoletti). C’est un récit sagement calibré, digne des lectures obligatoires de collège, dégagé de tout souci de témoignage ou de réalisme sérieux, juste perturbé pendant quelques minutes par un rêve à la Salvador Dali. Le reste est au service de la politique d’ouverture au tourisme international et du « prestige culturel » du pays. Ardavín a tourné son film (en noir et blanc) de juin à août 1959 dans les studios de la Sevilla Films à Madrid, en extérieurs à Tolède, Olías del Rey (Tolède), Lerma et Frías (Burgos), Salamanca, La Alberca (Salamanca), Tordesillas (Valladolid), Piedralaves (Avila). De beaux extérieurs, des compositions esthétisantes qui séduisent sans difficulté les jurys conformistes de l’après-guerre : El Lazarillo de Tormes est primé deux fois par le Syndicat National du Spectacle et quatre fois par le Circulo de Escritores Cinematográficos à Madrid. Il récolte l’Ours d’or au Festival de Berlin en 1960 (À bout de souffle de Godard ne reçoit que l’Ours d’argent...), est projeté à la Biennale de Venise, aux festivals de San Sébastien et d’Acapulco, etc. Un grand succès populaire en Espagne-même. Ailleurs, le silence ou l’oubli. - DE/AT : Der Schelm von Salamanca, IT : Lazarillo di Tormes, US : Lazarillo.
1960(tv) Lazarillo (FR) de Claude Loursais
Série « Le Théâtre de la jeunesse », ORTF (1e Ch. 22.12.60), 65 min. – av. Joël Flateau (Lazarillo de Tormes), Jean Marie Amato (l’aveugle), Lucien Baroux (le curé), Jean Rochefort (l’écuyer), Anna Caprile, Jacques Dynam, Hubert de Lapparent, Jacques Marin, Charles Moulin, Maurice Nasil. – Une adapation de Jean-Louis Roncoroni.
1964(tv) El Lazarillo de Tormes (ES) de Gerardo N. Miró
Série « Nuestro amigo el libro », Radiotelevision Española (TVE 13.6.64), 30 min. – av. Gustavo Valera, Salvador Muñoz, Manuel Velázquez, José García Cruz, Antonia Castelló, Nuria Cugat.
1968(tv) Lazzarillo (IT) de Andrea Camilleri
Radiotelevisione Italiana (RAI 25.12.68), 4 épisodes. – av. Vittorio Guerrieri (Lazarillo), Antonella Della Porta (Anita), Paolo Carlini (cavaliere Albeniz), Carlo Romano (oncle Juan), Massimo Mollica (Martinez), Carla Greco (Palma), Olga Gherardi (Dolores), Gustavo D’Arpe (Don Pedro), Mirella Gregori (Juanita), Filippo De Gara (le gendarme), Attilio Corsini (un noble), Mario Lombardini (Pablo), Alfredo Sernicoli (Manuel), Filippo Degara, Mimmo Billi. – Adaptation libre d’Andrea Camilleri.
1987* I picari (Una puttana per due ladri) / Los alegres picaros (Une catin pour deux larrons) (IT/ES) de Mario Monicelli
Giovanni Di Clemente/Clemi Cinematografica (Roma)-Procucciones Cinematográficas D.I.A. (Madrid), 121 min. - av. Giancarlo Giannini (Guzmán de Alfarache), Enrico Montesano (Lazarillo de Tormes), Vittorio Gassman (le marquis Felipe de Aragona), Giuliana de Sio (la prostituée Rosario, femme de Lázaro), Nino Manfredi (l’aveugle), Bernard Blier (le ruffian), Blanca Marsillach (Ponzia), Vittorio Caprioli (Mozzafiato), Enzo Robutti (le capitaine du navire), María Casanova (la femme enceinte), Juan Carlos Naya (marchand de céramique), Claudio Bisio (chef des esclaves), Sal Borgese (le quartier-maître), Germán Cobos (l’imprésario), Patrizia La Fonte (la marquise), Jesús Guzmán (le joailler), Alfonso del Real (le bourreau).
Deux vagabonds enchaînés sur une galère de repris de justice parviennent à s’échaper au cours d’une mutinerie, puis, épris de liberté, ils sillonnent les routes d’Espagne, chapardant en quête de subsistance et trompant leur entourage tout en évitant les tribunaux toujours menaçants de l’Inquisition. La comédie douce-amère du grand Monicelli réunit deux personnages de romans picaresques espagnols, Lazarillo et le gueux Guzmán de Alfarache, héros d’un roman en deux parties qui porte son nom, écrit par Mateo Alemán en 1599 et 1604. Roman de divertissement et discours moral immensément populaire, Guzmán de Alfarache s’adresse à une société pécheresse ; son protagoniste, fils d’un joueur aux cartes pendu pour avoir triché, puis tyrannisé par un éducateur vicieux, réprouve sa vie d’escroqueries une fois adulte. Dans le scénario auquel a œuvré Suso Cecchi d’Amico (fidèle collaboratrice de Visconti), c’est donc avec le jeune Guzmán qui rame à ses côtés que Lázaro s’allie pour échapper à leur condition de miséreux. Leurs chemins se séparent plusieurs fois, au gré des rencontres cocasses et embuscades en tous genres ; la seule personne qui se montre aimable avec Lazarillo est un hidalgo truculent, affamé, ruiné mais fier, magnifiquement campé par Gassman, l’acteur fétiche de Monicelli (I soliti ignoti, La grande guerra, Brancaleone, etc.), cinéaste férocement attaché à dénoncer les fléaux sociaux. À la fin, Guzmán tue accidentellement un gendarme et est condamné à la pendaison, comme jadis son père. Mais Lázaro, qui s’est débarrassé de son épouse prostituée, est à présent aide-bourreau et parvient à faire exécuter un autre larron à sa place... pour peu qu’il se laisse couper une main afin de ressembler au malheureux sur l’échafaud ! - Filmé à Covvarubias, La Vid et Peñaranda de Duero à Burgos, à Salamanque et à Avila (Castilla y León), le film est un échec complet en salle, malgré un mélange corrosif de sarcasmes et de tendresse qui est ici sabordé par de regrettables lenteurs. – DE : Vagabunden wie wir, GB/US : The Rogues.
2000Lázaro de Tormes (ES) de Fernando Fernán-Gómez et José Luis García Sánchez
Andrés Vicente Gómez/Lolafilms S.A. (Madrid).Via Digital S.A.-Radiotelevisión Española TVE, 97 min./89 min. – av. Rafael Alvarez « El Brujo » (Lázaro), Beatriz Rico (Teresa), Karra Elejalde (l’archiprêtre), Agustín González (Machuca), Manuel Alexandre (Escribano), Alvaro de Luna (Calderero), Francisco Algora (Ventero), Juan Luís Galiardo (l’alcalde), Patricia Mendy (son épouse), Emilio Laguna (frère Gabriel), José Lifante (un clerc), Francisco Rabal (l’aveugle), Manuel Lozano (Lazarillo enfant), José Alias (commentateur), Tina Sáinz (une femme du marché), Eva Serrano (Constanza), Alberto Domínguez-Sol (Mendizábal), Natxo Molinero (le voisin), Esteban Massana (le courrier du roi).
Après plus de 30 ans de vicissitudes, Lazaro adulte comparaît devant un tribunal à Tolède où il défend son mode de vie passé, expliquant qu’il n’a jamais volé pour faire le mal mais pour ne pas mourir de faim. À l’appui de sa défense, il raconte de nombreuses aventures, détaillant ses stratégies pour survivre et ses tactiques pour satisfaire ses employeurs du moment (un archevêque le pousse à épouser sa maîtresse, un moine l’utilise pour racoler les femmes, son mariage avorté avec Teresa, etc.). - Le tournage en Eastmancolor et écran panoramique de janvier à mars 2000 se fait au monastère de Lupiana (Guadalajara), à Talamanca de Jarama (Madrid) et dans les vieux quartiers juifs de Tolède. Rafael Alvarez, interprète principal, est à l’origine du projet dont il confie la réalisation à Fernando Fernán-Gómez, un des comédiens les plus populaires d’Espagne, qui a déjà traité la matière sur scène et signe le scénario. Mais Fernán-Gómez tombe malade pendant le tournage et doit être remplacé par José Luís García Sáchez tandis Francisco Rabal le remplace dans le rôle de l’aveugle. Le film présente une version non censurée des tribulations et malheurs de Lázaro, la critique sociale et politique étant à nouveau possible après la mort de Franco. De l’ouvrage très soigné, mais handicapé par de trop nombreux flash-backs et un récit fragmenté qui freine toute émotion. Lauréat de deux Goyas (scénario et costumes). - IT : Le avventure e gli amori di Lazaro De Tormes.
2013[Animation : (tv) El Lazarillo de Tormes (ES) de Juan Bautista Berasategi ; Arte Sonora Estudios-Canal Sur Televisión, Euskal Irrati Telebista (EiTB), av. les voix de Pilar Valdés (Lázaro), María Antonioa Martínez (sa mère), Nonia de la Gala (María), Javier Merchante (l’aveugle), Jesús Prieto (le clerc).]
2015[Animation : (tv) El Lazarillo de Tormes (ES) de Pedro Alonso Pablos ; Pliski Prod., 21 min.]
2015® (tv) El ministerio del Tiempo – (épisode :) Tiempo de Picares (ES) de Marc Vigil (TVE 30.3.15), 67 min. - av. Juan Blanco (Lázaro de Tormes).