II - LE ROYAUME D’ANGLETERRE
9. GEORGE III (1760 à 1810)
9.6. Les grandes mutineries de Spithead et de Nore, et autres événements maritimes de la Royal Navy
La mutinerie de Spithead qui implique la flotte militaire de la Manche, éclate au large de Portsmouth, au sud de l’Angleterre, alors que le pays est en guerre avec la France révolutionnaire. Le 16 avril 1797, excédés par les conditions de vie déplorables à bord, la solde très basse et la multiplication des châtiments corporels, les équipages de 16 navires au mouillage dans le Spithead déposent leurs officiers et refusent d’obéir aux ordres de Londres ; ils maintiennent toutefois la discipline à bord des vaisseaux en créant leur propre structure de commandement (d’où le surnom de « République flottante de Spithead »). Après avoir vainement tenté de réduire la mutinerie par la force, l’Amirauté délègue l’ancien amiral Lord Richard Howe pour négocier et la flotte reprend son service le 15 mai 1797. Une autre mutinerie éclate parallèlement dans le Nore (Kent), un estuaire de la Tamise, à partir du 12 mai. Les officiers sont maltraités, fouettés, enduits de goudron par leurs équipages, qui exigent de surcroît que la Grande-Bretagne fasse la paix avec la France du Directoire : les mutins affichent également des objectifs politiques et menacent l’approvisionnement de Londres. Le gouvernement affame les navires par un blocus et procèdent à une répression féroce (59 marins condamnés à mort). Dans les Indes occidentales, les marins de l’ « Hermione » tuent leurs officiers (septembre 1797), et en décembre, l’équipage du « Marie Antoinette » fait de même, puis rallie un port français. Cette cascade d’insurrections va traumatiser pour longtemps la Royal Navy, même si celle-ci restera pour plus d’un siècle la flotte la plus puissante du monde.
1915 | Midshipman Easy (GB) de Maurice Elvey British and Colonial Kinematograph Company, 2700 ft. – av. Compton Coutts (Jack Easy), Elisabeth Risdon (Doña Agnes Ribera), A. V. Bramble (Mesty), Fred Groves (Don Silvio). – Cf. film de 1935. |
1935 | *Midshipman Easy / US : Men of the Sea (GB) de Carol Reed Basil Dean, Thorold Dickinson/Associated Talking Pictures, 77 min. – av. Hughie Green (Jack Easy), Margaret Lockwood (Doña Agnes Ribera), Harry Tate (Mr. Biggs), Robert Adams (Mesty), Dennis Wyndham (Don Silvio, le brigand), Frederick Burtwell (Mr. Easthupp), Desmond Tester (Gossett), Roger Livesey (cpt. Wilson Arnold), Tom Gill (Gascoyne). Autour de 1798, alors que Lord Nelson chasse le Français dans la Méditerranée, Easy, un jeune aspirant de seize ans fraîchement engagé à bord du H. M. S. Harpy, fait ses premières expériences en mer. Candide, maniéré, mais aussi téméraire, entêté et imbu d’idées égalitaires, le gaillard discute tous les ordres de ses supérieurs (leitmotiv : « I should like to argue the point, Sir »). Lors de l’arraisonnement d’une frégate ennemie au large du détroit de Gibraltar, il délivre de sa propre initiative une belle Espagnole, Doña Agnes Ribera, et ses parents en route pour Palerme, puis adoucit son capitaine en lui ramenant un butin de 14’000 doublons. Arrivé en Sicile, il capture le redoutable bandit Don Silvio avec l’aide de son camarade Gascoyne, sauve une cinquantaine de bagnards enchaînés dans un navire en train de couler, puis empêche des brigands de massacrer la famille Ribera qui se terre dans ses domaines. Son ami, le caporal noir Mesty, précipite Don Silvio, évadé, en bas d’une falaise alors qu’il s’apprête à tuer le jeune homme. Face à tant d’exploits, le capitaine du H. M. S. Harpy renonce à punir Easy pour désobéissance, car d’autres batailles les attendent sur les côtes de l’Espagne, alliée de la France. Le scénario d’Anthony Kimmins est inspiré du récit autobiographique du capitaine Frederick Marryat, « Mr. Midshipman Easy » (1836), une lecture très appréciée par les adolescents avides d’aventures et déjà portée à l’écran en 1915. C’est le premier film du jeune Carol Reed, supervisé à la table de montage par Thorold Dickinson. Dans sa chronique hebdomadaire du « Spectator », le romancier Graham Greene salue le nouveau-venu en des termes dithyrambiques : « Reed a plus de sens cinématographique que la majorité des vétérans du cinéma britannique » (3.1.36) écrit-il, relevant à la fois sa maîtrise de la narration, son imagination visuelle (qui fait fi d’un budget minuscule) et le dynamisme des combats ; Greene ne se doute pas alors qu’il deviendra le plus précieux collaborateur du cinéaste après la guerre (« The Third Man », 1949). Tourné aux studios Ealing et en extérieurs à Weymouth et sur l’île de Portland. |
1962 | *H. M. S. Defiant / US : Damn the Defiant ! (Les Mutinés du Téméraire) (GB) de Lewis Gilbert John Brabourne/GW Films-Columbia Pictures, 101 min. – av. Alec Guinness (cpt. Crawford), Dirk Bogarde (ltn. Scott-Padget), Anthony Quayle (Vizard), Maurice Denham (docteur Goss), Nigel Stock (Kilpatrick), Walter Fitzgerald (amiral Jackson), André Maranne (col. Giraud), Richard Carpenter (ltn. Ponsonby), Peter Gill (ltn. D’Arblay), David Robinson (aspirant Harvey Crawford). Méditerranée en 1797 : le capitaine Crawford, juste et humain, est en charge du H. M. S. Defiant (navire fictif). Il se heurte à son premier lieutenant Scott-Padget, un officier hautain et sadique qui d’une part estime que le commandant se montre trop faible avec son équipage et d’autre part désapprouve sa décision de mettre le cap sur la Corse alors que Bonaparte est en Italie. Issu d’une famille influente, Scott-Padget a déjà « cassé » deux capitaines auparavant, et, appliquant une discipline inhumaine, il persécute et fait flageller le jeune fils de Crawford, l’aspirant Harvey, sans que le père puisse intervenir. Les marins, à leur tête Vizard, préparent la mutinerie, ayant appris ce qui se passe à Spithead. Crawford parvient à éloigner son fils du lieutenant en le plaçant à bord d’une frégate française capturée, puis il condamne Scott-Padget à ses quartiers pour insubordination. Lors d’un combat contre un navire vénitien, Crawford est blessé et perd un bras ; Scott-Padget prend le commandement et capture le colonel Giraud, conseiller politique de Bonaparte. Mais sa perversité et sa cruauté déclenchent bientôt la mutinerie à bord. Crawford persuade toutefois les mutins de rallier la flotte anglaise qui bloque La Rochelle ; la mutinerie générale de Spithead a porté ses fruits, l’équipage jubile, mais un matelot poignarde Scott-Padget. Lorsqu’une frégate française menace le vaisseau amiral britannique, Crawford promet l’impunité à tout son équipage s’ils interviennent à temps. Ils remportent la bataille et sont félicités par l’Amirauté. Les faits relatés par ce film sont certes moins mélodramatiques que la saga du Bounty, moins héroïques que les exploits de l’amiral Nelson contre Napoléon, mais plus proches de la réalité en ce qui concerne le quotidien des marins de la British Navy à la fin du XVIII e siècle, et leurs conditions de vie. Aidé par deux comédiens de marque, Guinness en officier propre et décent (il finira par haïr son rôle) et Bogarde en psychopathe, Lewis Gilbert (formé à l’école documentariste et qui a signé deux ans plus tôt « Sink the Bismarck ! ») livre du travail solide à défaut d’être original ou inspiré. Il réalise sa fresque maritime – à ce jour la seule qui évoque directement les événements traumatisants de Spithead – en Technicolor et CinemaScope aux studios de Shepperton et sur la Costa Blanca en Espagne (Dénia, port d'Alicante, Valence), d’après le roman « Mutiny » de Frank Tilsley (1958). |
1975 | (tv) *Mutiny (GB) de Kenneth Ives série « Churchill’s People » no. 24, Gerald Savory/BBCtv (BBC 9.6.75), 50 min. – av. Edward Fox (Aaron Graham), Nigel Stock (Lord amiral Richard Howe), Alan Lake (l’aspirant Valentine Joyce), Ian Hogg (Richard Parker, chef des mutins de Spithead), Charles Gray (William Henry Cavendish, duc de Portland), Philip Madoc (Williams), John Justin (vice-amiral Charles Buckner), Michael Culver (Lord Spencer). Récit des mutineries de 1797 dans la Royal Navy qui ont traumatisé celle-ci pendant des décennies: le duc de Portland charge un magistrat de police londonien, Aaron Graham (1753-1818), d'enquêter sur les responsables des mutineries et les circonstances qui ont provoqué l'insurrection. Le résultat de ses investigations dans les tavernes et sur les docks au mouillage de Spithead et de Nore déplait à l'amirauté comme au ministère de l'Intérieur qui auraient voulu mettre les mutineries sur le dos d'hypothétiques agitateurs jacobins. Graham subit des pressions mais ne cède pas. Parker, le chef des mutins, lui décrit en détail les divers dysfonctionnements de la Royal Navy. Graham le défend en vain devant la cour de justice. Parker est pendu, et Graham ruiné par un gouvernement qui ne lui pardonne pas son intégrité. Il faut le petit écran et la caution prestigieuse de Sir Winston Churchill (l'épisode est tiré de A History of the English-Speaking Peoples, 1956-58) pour aborder ces événements de manière honnête. |