V - L’ESPAGNE, LE PORTUGAL ET LEURS COLONIES D’AMÉRIQUE

10. COLONIES ESPAGNOLES ET PORTUGAISES EN AMÉRIQUE

10.7. La vice-royauté espagnole de Rio de la Plata (Argentine, Paraguay)

L’ARGENTINE, la BOLIVIE, l’URUGUAY et le PARAGUAY sont d’abord compris dans la vice-royauté du Pérou jusqu’en 1775. Celle du Rio de la Plata, constituée en 1776 par Carlos III d’Espagne avec siège à Buenos Aires, comprend également une partie du Chili et du sud du Brésil. Au Paraguay, forte résistance des Guaranis armés par les Jésuites qui y avaient instauré les « réductions » (abolition de l’oppression coloniale).
1947La manigua sin Dios (ES) d’Arturo Ruiz-Castillo ; Taurus, 75 min. – av. Nani Fernández (Panambi), Maria Paz Molinero (Guarimbé), Jorge Mistral (Yacapasu), Luis Prendes (Frère Archanda), Antonio Casas (Javier de Chaves). – Chaco 1767 : sur ordre de Carlos III, les Jésuites sont expulsés de la région et leurs missions détruites, la population indigène est réduite en esclavage. Cf. infra, « The Mission » (1986).
1950The Avengers / Los vengadores (Les Mousquetaires de la vengeance) (US/AR) de John H. Auer ; J. H. Auer-Republic, 90 min. – av. John Carroll (Don Careless alias Francisco Suarez), Adele Mara (Maria Moreno), Mona Maris (Yvonne), Fernando Lamas (André LeBlanc), Roberto Airaldi (col. Luis Corral), Jorge Villoldo (Don Rafael Moreno), Vicente Padula (El Mocho). – En Argentine au XVIIe s., un justicier tue le despote local, le bandit El Mocho et son complice, le colonel Corral, vengeant et le meurtre de son père et celui du gouverneur (d’après le roman « Don Careless » de Rex Beach).
1955(tv) Das heilige Experiment (DE) de Konrad Wagner ; NWRV Hamburg (ARD 31.5.55), 80 min. – av. Richard Münch (Alfonso Fernandez), Fritz Schmiedel (père Rochus Hundertpfund), Heinz Klingenberg (père William Clarke), Karl John (père Ladislaus Oros), Hans Hinrich (Don Pedro de Miura), Alexander Hunzinger (Don Esteban Arago), Rudolf Fenner (Don Miguel Villano), Helmut Gmelin (Lorenzo Querini), Gerhard Bünte (Carlos Gervazoni, évêque de Buenos Aires). – Paraguay 1767, une république instaurée par les Jésuites sur les principes des Évangiles se heurte à l’hostilité du roi d’Espagne et du pape. Dramatique d’après la pièce de Fritz Hochwälder (1942).
1955(tv) Sacro esperimento (IT) de Gianfranco De Bosio (th), Silverio Blasi (tv) (Progr. Nazionale 8.4.55). – av. Ivo Garrani (Alfonso Fernandez), Leo Garaglia (père Rochus Hundertpfund), Giuseppe Fortis (père William Clarke), Vittorio Sanipoli (père Ladislaus Oros), Ottorino Guerrini (Don Pedro De Miura), Luigi Vannucchi (Don Esteban Arago), Aldo Barberito (Don Miguel Villa), Mario Ferrari (Lorenzo Querini), Cesare Fantoni (Carlos Gervazoni, évêque de Buenos Aires). – Dramatique d’après la pièce « Das heilige Experiment » de Fritz Hochwälder (1942), cf. 1955.
1964(tv) Sacro esperimento (IT) de Claudio Fino (Secondo Progr. 9.9.64), 109 min. – av. Ivo Garrani (Alfonso Fernandez), Guido Lazzarini (père Rochus Hundertpfund), Pietro Privitera (père William Clarke), Enzo Tarascio (père Ladislaus Oros), Nando Gazzolo (Don Pedro de Miura), Carlo Cataneo (Don Esteban Arago), Umberto Orsini (Don Miguel Villa), Adolfo Geri (Carlos Gervazoni, évêque de Buenos Aires). – Dramatique d’après la pièce « Das heilige Experiment » de Fritz Hochwälder (1942), cf. 1955.
1966(tv) Das heilige Experiment (DE) de Rainer Wolffhardt ; WDR-Bavaria (ARD-ORF-DRS 1.11.66), 95 min. – av. Otto Rouvel (père Provinzial), Paul Hoffmann (Don Pedro de Miura), Herbert Stass (père Rochus Hundertpfund), Wolfgang Hofmann (père William Clarke), Manfred Heidmann (père Ladislaus Oros), Alfons Höckmann (Don Esteban Arago), Helmut Oeser (Don Miguel Villano), Friedrich Joloff (Lorenzo Querini), Alfred Balthoff (Cornelius), Claus Clausen (Carlos Gervazoni, évêque de Buenos Aires). – La pièce de Fritz Hochwälder (1942) adaptée par Helmut Pigge, cf. 1955.
1967(tv) Sur la Terre comme au Ciel (FR) de Jean-Paul Carrère (2e Ch. ORTF 26.4.67). – av. Victor Francen, Pierre Mondy, Jean Mercure, Serge Peyrat, Joseph Quéré, Jean-Roger Caussimon, Jacques Alric, Yann Davray. – Dramatique d’après la pièce « Das heilige Experiment » de Fritz Hochwälder (1942), cf. 1955.
1986**The Mission (Mission) (GB) de Roland Joffé ; David Puttnam/Enigma-Goldcrest, 128 min. – av. Robert de Niro (Rodrigo Mendoza), Jeremy Irons (Frère Gabriel), Ray McAnally (cardinal Altamirano), Liam Neeson (Fielding), Aidan Quinn (Felipe Mendoza), Ronald Pickup (Hontar), Charles Low (Cabeza), Monirak Sisowath (Ibaye), Asuncion Ontiveros (chef indien), Cherie Lunghi (Carlotta), Daniel Berrigan (Sebastian). – Au Paraguay en 1750 : frère Gabriel remonte le fleuve Parana, escalade les falaises qui surplombent les chutes d’Iguazu et fonde la mission San Carlo sur les terres des Indiens Guaranis. Mercenaire et marchand d’esclaves, Mendoza habite également sur les hauteurs d’Iguazu. Lorsqu’il découvre que sa femme le trompe avec son frère à Carthagène, il le tue, puis, pour racheter son âme, la crapule se fait Jésuite à la mission de Mendoza. Mais en 1767, l’Espagne et le Portugal (avec l’assentiment du Vatican) signent un traité et décident d’évincer les Jésuites pour s’approprier les terres indiennes : les idéalistes n’ont plus leur place dans le Nouveau Monde régi dorénavant par le pouvoir et l’argent. L’intérêt économique des colons européens prime sur l’Évangile. Gabriel et Mendoza arment les Indiens, mais la résistance est aussi chaotique qu’inefficace et la mission est massacrée par la soldatesque ibéro-portugaise. – Les fameuses « cités heureuses » édifiées aux XVII e et XVIIIe siècles, ces utopies jésuites devenues légendaires, situées à cheval entre les frontières d’Argentine, du Paraguay et du Brésil, ont représenté un réel défi au pouvoir colonial. Elles offraient un modèle autonome d’organisation sociale et économique qui a intrigué et fasciné les Lumières : comment, sans fouets et sans violence, par la seule arme de la persuasion, une poignée de Jésuites suffisaient à gouverner un cinquième de continent, soit une quarantaine de villages (regroupant chacun jusqu’à 8000 indiens) reliés entre eux par un réseau de routes bien entretenues, dotées de gîtes d’étapes et de chapelles. Évangélisés et scolarisés (dans leur propre langue) par des moines d’une ouverture d’attitude à l’autre quasi ethnologique, les anciens cannibales y travaillaient aux champs de quatre à cinq heures par jour, de leur plein gré, heureux et en musique, à l’abri des esclavagistes brésiliens (les « bandeirantes »). Adoptant un modèle social inspiré de celui en vigueur chez les Guaranis, les Jésuites établirent une sorte de communisme primitif où le fruit du travail de tous était partagé entre tous. Ce que le script de Robert Bolt (le scénariste du « Lawrence d’Arabie » de David Lean travaille à ce sujet depuis 1974) ne dit pas, c’est que les Jésuites sont paradoxalement victimes de leur propre initiative : en civilisant les indigènes, jadis de redoutables guerriers semi-nomades, ils les ont rendus incapables de se défendre et de profiter du savoir ancestral de combat et de survie dans la jungle pour piéger l’adversaire. Les Jésuites qui résistèrent aux côtés de leurs protégés furent bel et bien liquidés. De l’illustration et une interprétation de très haut niveau au service d’une idée indubitablement généreuse, mais la réflexion est un peu étouffée par la somptuosité des paysages exotiques, les images très léchées de Chris Menges et la musique enveloppante d’Ennio Morricone. Le tandem antinomique Jeremy Irons-Robert de Niro (l’homme de paix et le guerrier sanguin) fonctionne à merveille. Une production de 22 millions de $ dont les extérieurs sont tournés dans la forêt colombienne avec des Indiens Chocos, à Santa Marta, à Carthagène et aux chutes d’Iguazu (Colombie). Palme d’or au Festival de Cannes 1987. Sept nominations à l’Oscar, Oscar de la meilleure photo à Chris Menges. Un film lointainement inspiré par la pièce « Das heilige Experiment » de Fritz Hochwälder (1942) qui traite de la fin de l’État jésuite du Paraguay (cf. 1955).
2012Insurgentes (BO) de Jorge Sanjinés ; Grupo Ukamau, 90 min. – av. Lucas Achirico, Reynaldo Yujra, Alejandro Zárate, Gory Patiño, Willy Pérez, María Guimaraes. – Semi-documentaire avec de nombreuses et importantes reconstitutions (400 figurants) qui illustre notamment l’insurrection des 12’000 Indiens aymaras de Bolivie en 1781, Indiens réduits à l’esclavage par les colons espagnols et menés par Tupac Amaru à Cusco et par Tupac Katari à La Paz. La révolte échoue, les chefs sont exécutés. La réflexion de Sanjinés sur l’oppression de la population autochtone se poursuit jusqu’au présent, dans le cadre de la réélection en 2014 du président bolivien Evo Morales, lui aussi d’origine aymara. Le film, parlé espagnol, aymara et quechua, est le plus onéreux jamais produit en Bolivie.
2017**Zama (AR/BR/FR/ES) de Lucrecia Martel
Rei Cine (Buenos Aires)-Bananeira Films (Rio de Janeiro), 115 min. - av. Daniel Giménez Cacho (Don Diego de Zama), Lola Dueñas (Luciana Piñares de Luenga), Matheus Nachtergaele (Vicuña Porto), Juan Minujín (Ventura Prieto), Rafael Spregelburd (cpt. Hipólito Parrilla), Nahuel Cano (Manuel Fernández), Daniel Veronese (le gouverneur).
Le quotidien lugubre du quotidien des conquérants espagnols en Amérique latine, à la fin du XVIIIe siècle. Le corrégidor Don Diego de Zama, isolé dans le Gran Chaco, espère une lettre du vice-roi du Rio de la Plata signifiant sa mutation pour Buenos Aires. Souffrant de l'éloignement de sa famille, de l'ennui de son travail de fonctionnaire au coeur d''une petite communauté qui reconduit les codes de la cour d'Espagne dans les fièvres et la vermine comme du manque de reconnaissance de sa hiérarchie, il perd patience et se lance dans une entreprise désespérée en traquant Vicuña Porto, un bandit légendaire. Sa troupe est criblée de flèches par les Indiens, lui-même, exsangue et mutilé, est ramené à travers les marais sur une pirogue... Un sinistre précis de la décomposition coloniale inspiré d'un roman d'Antonio di Benedetto et projeté avec succès aux festivals de Venise 2017 (hors compétition), Toronto, New York, Londres, Busan et la Havane..