XIV - PAVILLON NOIR: ÉPOPÉES MARITIMES DU XVIIe-XVIIIe s.
2. LES GRANDS ROMANS DE PIRATERIE
2.3. Les romans de flibusterie d'Emilio Salgari
Cinq romans du cycle des « Corsaires des Antilles » impliquant les trois fils du comte de Ventimiglia, lâchement assassiné par Van Gould, et qui se font flibustiers pour le venger. Ils sillonnent les mers sous les noms de Corsaire Noir, Corsaire Vert et Corsaire Rouge. – « Il Corsaro Nero » (1898), « La regina dei Caraibi » (1901), « Jolanda, la figlia del Corsaro Nero » (1904), « Il figlio del Corsaro Rosso » (1908) et « Gli ultimi filibustieri » (1908), ainsi que « I corsari delle Bermude » (1909) du cycle éponyme. Le cinéma prend beaucoup de libertés avec les romans de ce Michel Zévaco italien, mélangeant allégrement les noms propres, les liens familiaux et les couleurs de leurs corsaires. – Pour la série « Pirati della Malesia (Sandokan) », cf. XIX e siècle : Empire britannique (9.8). Salgari (1863-1911) était l’auteur favori du jeune Che Guevara.
1921 | Il Corsaro Nero (IT) de Vitale De Stefano Rosa Film Milano, 2108 m. – av. Rodolfo Badaloni (Emilio di Vengimiglia, le Corsaire Noir), Ketty Watson (Honorata Van Gould), Vitale de Stefano, Carlo Re, Anita Faraboni. La lutte du Corsaire Noir, dont le frère, le Corsaire Rouge, a été tué, contre Van Gould, gouverneur de Maracaïbo et assassin. Honorata, la fille du gouverneur qui devait être la victime de la vengeance, devient l’épouse du corsaire. Premier produit d’une suite de cinq films muets fabriqués avec des bouts de ficelle dans les parages de Milan, ignorés ou massacrés par la critique et à peine distribués. Remakes sonores en 1936, en 1944 (Mexique) et en 1976 avec Kabir Bedi. |
1921 | La regina dei Caraibi (IT) de Vitale De Stefano Rosa Film Milano (2 épis.), 2043 m.. – av. La bella Argentina (Yara, princesse indienne), Rodolfo Badaloni (Emilio di Ventimiglia, le Corsaire Rouge), Ketty Watson (Honorata Van Gould). Accompagnés des fidèles Carmaux, Van Stiller et Moko, le Corsaire Rouge et sa princesse indienne Yara, seule survivante du massacre de sa tribu par les Espagnols, sillonnent les Caraïbes à la recherche du marquis félon Van Gould. Ils s’emparent Veracruz avec l’aide de pirates de Tortuga mais Van Gould leur échappe. Ils poursuivent son navire, sont capturés, puis s’évadent et abordent une île inconnue où Honorata, la fille disparue du marquis, est devenue la reine des indigènes. Emilio renonce à sa vengeance et retourne en Italie avec Honorata. Deuxième production muette milanaise (cf. supra). |
1921 | Il figlio del Corsaro Nero (IT) de Vitale De Stefano Rosa Film Milano (2 épis.), 2971 m. – av. Rodolfo Badaloni (Enrico di Ventimiglia, fils du Corsaire Noir), Nera Badaloni (Neala, sa sœur), Riccardo Tassani. Troisième production muette milanaise : La jeune Neala, fille du Corsaire Noir, est enlevée par le gouverneur espagnol d’une île de la Jamaïque, qui espère ainsi la plier à ses volontés et dénicher le trésor paternel. Son frère Enrico la sauve. Les scénaristes sont fatigués : selon les romans de Salgari, Enrico et Neala sont les enfants du Corsaire Rouge, et non du Noir. |
1921 | Gli ultimi filibustieri (IT) de Vitale De Stefano Rosa Film Milano ( 2 épis.), 2051 m. – av. Riccardo Tassani, Nera Badaloni, La bella Argentina. – Quatrième production muette milanaise, suite du précédent : Enrico di Ventimiglia, fils du Corsaire Rouge, entreprend une expédition et parvient à libérer sa sœur Neala, et à tuer son ravisseur. Remakes sonores en 1942 et en 1965. |
1921 | Jolanda, la figlia del Corsaro Nero (IT) de Vitale De Stefano Rosa Film Milano (2 épis.), 2785 m. – av. Anita Faraboni, Emilio Liguori. – Cinquième et dernière production muette milanaise. Cf. remake de Mario Soldati en 1952. |
1928 | Il Corsaro Nero (IT) de Rodolfo Ferro Trento Film (Giuseppe Ledstetter). – av. Giulio Boumassar (Emilio di Ventimiglia). – Film inachevé faute d’argent (commencé à Gocciadoro et sur le lac de Ravina). |
1936 | *Il Corsaro Nero (IT) d’Amleto Palermi Giorgio Genesi/Artisti Associati, 96 min. – av. Ciro Verratti (Emilio di Ventimiglia, le Corsaire Noir), Silvana Jachino (Honorata Van Gould), Ada Biagini (Amy, fille du pirate Michel de Grammont), Nerio Bernardi (gouverneur Van Gould), Cesco Baseggio (Van Stiller), Checco Durante (Carmeaux), Guido Celano (gouverneur Henry Morgan), Piero Carnabuci, Romolo Costa, Olinto Cristina, Alfredo Martinelli. En 1630, après la mort du Corsaire Rouge, tué par Van Gould, le gouverneur de Maracaïbo, le frère du défunt prend le nom de Corsaire Noir et décide de venger la famille en attaquant le port vénézuélien. Dans les Caraïbes, il s’empare d’un galion espagnol transportant incognito Honorata, la fille de son ennemi. Lorsque le Corsaire Noir découvre son identité, il l’abandonne sur une chaloupe en pleine mer. Elle est sauvée, mais de retour à Maracaïbo, elle découvre qu’elle n’est que la fille adoptive de Van Gould. Entre-temps, le Corsaire Noir attaque la cité portuaire. Il en tue le gouverneur et repart avec Honorata dont il s’est épris. La réponse de l’Italie fasciste au « Captain Blood » de Michael Curtiz, sorti avec fracas sur tous les écrans du monde l’année précédente. Pour transposer au cinéma un des romans d’aventures les plus lus des adolescents italiens, cette fois en version parlée (cf. 1921), Palermi, vétéran prolifique en tous genres, réunit un budget conséquent, avec deux champions d’escrime (Verratti, médaille d’or aux Olympiades 1936 à Berlin, et Ada Biagini) à l’affiche et confectionne sa fresque maritime dans les studios Cines et Caesar à Rome, en extérieurs sur l’île d’Ischia et dans la Mer tyrrhénienne (les deux vaisseaux utilisés ont été construits en grandeur nature pour 600’000 lire au chantier naval de Falanga di Torre del Greco à Naples). Une narration qui traîne parfois, mais une reconstitution conséquente – la production réunit 3000 figurants, nécessite 1200 costumes et coûte deux millions de lire – qui semble avoir enthousiasmé Benito Mussolini. Précisons que le roman, lui, se termine mal : Honorata n’est pas la duchesse de Weltrendrem (son nom d’emprunt), mais bel est bien la propre fille de Van Gould ; la mort dans l’âme, en pleurs, le Corsaire Noir l’abandonne alors sur une embarcation en pleine mer. |
1940 | *La figlia del Corsaro Verde (La Fille du corsaire) (IT) d’Enrico Guazzoni Giulio Manenti/Manenti Film, 76 min. – av. Doris Duranti (Manuela, fille du Corsaire Vert), Fosco Giachetti (Carlos de la Riva), Camillo Pilotto (cpt. Zampa di Ferro), Mariella Lotti (Isabella de la Riva), Enrico Glori (le pirate El Rojo), Sandro Ruffini (Don Luis de la Riva, le gouverneur), Tina Lattanzi (Doña Mercedes de la Riva, son épouse), Polidor (le pirate Goliath), Primo Carnera (El Cabezo, le mulâtre). Pour racheter un passé orageux, Carlos de la Riva, le fils du gouverneur de Maracaibo, une colonie sud-américaine infestée de pirates. s’infiltre sous une fausse identité à bord du navire flibustier de Zampa di Ferro pour mettre fin aux rapines. Il est découvert mais Manuela, la fille du Corsaire Vert (frère du Noir et du Rouge) est tombée amoureuse du téméraire jeune homme). Elle sauve la vie de Carlos et, appuyée par une poignée d’hommes fidèles du Corsaire Vert (exécuté jadis par le gouverneur), l’aide à anéantir les forbans au moment où ils prennent Maracaibo d’assaut. Elle paie son acte de sa vie. Attribué à tort à Emilio Salgari, le roman éponyme dont est tiré ce film serait en réalité de Renzo Chiarelli, publié en 1941 (ou, selon d’autres sources, de Scurial, probablement un pseudonyme du fils de l’auteur, Omar Salgari). Autre prestigieux vétéran et pionnier italien des reconstitutions historiques (on lui doit le premier « Quo Vadis » en 1913), Guazzoni en signe une adaptation plaisante et trépidante, tournée aux studios Pisorno à Tirrenia, près de Pise, et en extérieurs à Calafuria et à Livourne, sur les côtes de la mer Ligurienne. On y rencontre quelques trognes de choix, dont Primo Carnera, champion mondial de boxe (1933/34), mais l’affiche est dominée par la belle Doris Duranti, une des plus grandes star du cinéma mussolinien. |
1942/43 | Il figlio del Corsaro Rosso (IT) de Marco Elter Bellamacina e Cuffaro/B. C. Films, 80 min. – av. Vittorio Sanni [=Vittorio Sanipoli] (Enrico di Ventimiglia), Loredana (Neala, sa sœur), Luisa Ferida (Carmen de Montelimar), Memo Benassi (marquis de Montélimar), Pina Renzi (Panchita), Aldo Silvani (Don Barrejo de la Tuelva), Idolo Tancredi, Domenico Viglione Borghese. Gouverneur de Las Palmas, le marquis de Montélimar a fait assassiner le Corsaire Rouge et a enlevé sa fille Carmen en se faisant passer pour son oncle, avec l’intention de l’épouser et d’hériter ainsi du trésor du défunt. Mais Enrico di Ventimiglia, le fils du corsaire (et neveu du Corsaire Noir), démasque le félon, le tue et délivre sa sœur. La suite, tournée simultanément : |
1942/43 | Gli ultimi filibustieri (IT) de Marco Elter Bellamacina e Cuffaro/B. C. Films, 82 min. – av. Vittorio Sanni [=Vittorio Sanipoli] (Enrico di Ventimiglia, fils du Corsaire Rouge), Loredana (Neala, sa sœur), Osvaldo Valenti (Ramon de la Sierra), Nerio Bernardi (gouverneur de Guyaquil), Pina Renzi (Panchita), Aldo Silvani (Don Barrejo de la Tuelva), Idolo Tancredi, Domenico Viglione Borghese. Le gouverneur de Guyaquil a appris qu’Enrico, le fils du Corsaire Rouge, et sa sœur Neala sont les héritiers d’un fabuleux trésor caché dans une grotte. Il fait enlever Neala et arrêter Enrico sous un faux prétexte. Amoureuse de Ramon, un officier de la garde, Neala refuse d’épouser le gouverneur qui la contraint au mariage sous peine de tuer son frère. Dépité, Ramon libère Enrico, et à la tête de ses flibustiers, celui-ci règle ses comptes. Suite du précédent, tourné à Cinecittà. Dernier film de Marco Elter, obscur tâcheron piémontais (un alpiniste, ancien champion olympique de ski) qui se réfugie en Suisse après la chute de Mussolini et la réquisition de Cinecittà par les Allemands. Précisons que ce film – dont le tournage, commencé en été 1941 à Cinecittà, aux studios F.E.R.T. à Turin et en Sicile (entre Palerme et Bagheria) est chambardé par les aléas de la guerre – n’a qu’un lointain rapport avec le roman homonyme de Salgari (dernier du cycle). Dans le livre, trois flibustiers, Mendoza, Buttafuoco et don Barrejo sauvent la comtesse Ines di Ventimiglia des griffes du marquis de Montélimar. |
1944 | El Corsario Negro (Le Corsaire Noir) (MX) de Chano Urueta [et Antonio Momplet] Gonzalo Elvira/Cinematografia Latinoamerica S. A. (CLASA) Films Mundiales, 100 min./85 min. – av. Pedro Armendáriz (Emilio di Ventimiglia, le Corsaire Noir), June Marlowe (Honorata Van Gould), José Baviera (gouverneur Van Gould), Tony Diaz (Rolando, le Corsaire Rouge), Maria Luisa Zea (Yara, princesse indienne), José Luis Moreno, Antonio Díaz, Paco Fuentes. Le Corsaire Noir venge le meurtre de ses deux frères en terrassant Van Gould et épouse Honorata après avoir appris au dernier moment de la bouche de Yara, mourante, qu’elle n’est pas la fille du félon (cf. premake de 1936). Les œuvres de Salgari sont traduites en espagnol et en portugais, et le romancier italien devient rapidement un auteur culte en Amérique latine. Pedro Armendáriz, alors au sommet de sa carrière mexicaine et peu avant sa découverte par John Ford et Hollywood, anime cette fresque maritime filmée aux studios CLASA à Mexico City et photographiée par le grand Gabriel Figueroa. La production est mise en chantier par le réalisateur espagnol Antonio Momplet qui se retire pour diriger Maria Felix dans « Amok » (d’après Stefan Zweig) et laisse sa place au moins exigeant Urueta ; celui-ci abuse des transparences et emprunte d’impressionnantes séquences d’abordage (avec deux galions grandeur nature) au film italien de Palermi de 1936. Le récit s’achève en musique, les flibustiers entonnent « Canción del pirata », une œuvre du poète romantique espagnol José de Espronceda (1835). Un démarquage sans génie mais honorable des classiques de la Warner Bros., distribué aux Etats-Unis et en Europe en 1951 (en Italie, le film se heurtera aux héritiers de Salgari qui n’ont pas été consultés). |
1951 | La vendetta del corsaro / Revenge of the Pirates (La Vengeance du corsaire) (IT) de Primo Zeglio Ermanno Donati, Luigi Carpentieri/Athena Cinematografica, 100 min. – av. Jean-Pierre Aumont (Enrico de Roccabruna), Maria Montez (la marquise Consuelo de Velazco), Milly Vitale (Luana de Roccabruna), Paul Müller (Espinosa), Enrico Glori (le gouverneur), Saro Urzi (Aguirre), Roberto Risso (Miguel), Mario Castellani (Armagnac), Franca Tamantini (Conchita). En poursuivant le meurtrier de son père dans les Caraïbes, le corsaire italien Roccabruna retrouve la trace de sa sœur disparue, Luana, devenue la suivante d’une marquise espagnole, Doña Consuelo. Tous se mesurent au gouverneur tyrannique de Carthagène, qui est épris de Luana et l’a fait enlever après avoir tué son père…. On découvre dans cette adaptation inofficielle et apocryphe de « Il figlio del Corsaro Rosso » de Salgari (tous les noms ont été modifiés) la sulfureuse Dominicaine Maria Montez, égarée à Cinecittà après une décennie à camper la souveraine exotique sous le soleil californien. À ses côtés, son époux Jean-Pierre Aumont. En Italie, le film est bloqué, accusé de plagiat par les héritiers de Salgari (en l’occurrence son fils, Omar), mais fait une jolie carrière à l’étranger (il a été tourné en version italienne et anglaise). Primo Zeglio refera un remake en 1958, en se référant cette fois à Salgari. |
1952 | *I tre corsari (Les Trois Corsaires) (IT) de Mario Soldati Carlo Ponti-Dino De Laurentiis-Lux Film, 80 min. – av. Ettore Manni (Enrico [=Emilio] di Ventimiglia, le Corsaire Noir), Cesare Danova (Carlo di Ventimiglia, le Corsaire Vert), Renato Salvatori (Rolando [=Enrico] di Ventimiglia, le Corsaire Rouge), Marc Lawrence (Van Gould), Barbara Florian (Isabella), Alberto Sorrentino (Agonia), Gualtiero Tumiati (le vieux comte de Ventimiglia), Ignazio Balsamo (Van Stiller), Joop van Hulzen (le vice-roi des Antilles), Ubaldo Lay (Alvaro), Amedeo Dejana (Maître Enfer), Tiberio Mitri (Jordan Graumont), Fernando Iannilli (Sharp). Flanqué de ses trois fils Enrico, Carlo et Rolando, le comte de Ventimiglia défend héroïquement son château contre la soldatesque espagnole quand il est traîtreusement assassiné par l’aventurier Van Gould, chef de la garnison vendu à l’ennemi. Les trois rejetons sont capturés et transportés à bord d’un vaisseau à destination du Panama, sur lequel voyage également Isabella, la fille du vice-roi des Antilles. Le navire est arraisonné par le pirate Maître d’Enfer qui libère les fils Ventimiglia et les prend à son service sur l’île de Tortuga. Enrico défend Isabelle, convoitée par les pirates, à la pointe de son épée et la transporte chez son père à Maracaïbo où elle rencontre l’amiral Van Gould, le nouveau commandant de la flotte espagnole. Apprenant cela, le trio familial se transforme en Corsaires Noir, Rouge et Vert. Ils malmènent les galions espagnols et s’emparent de Maracaïbo par la ruse. Carlo, le cadet, meurt sous la torture, exécuté par Van Gould qui est tué à son tour, tandis qu’Enrico obtient du vice-roi repentant et sa fille Isabella et les titres de noblesse et les domaines dont la famille Ventimiglia fut spoliée. Le romancier-cinéaste Mario Soldati prend des vacances en tournant cette série B à l’italienne, une parenthèse atypique dans sa carrière et un condensé désinvolte, à la limite du pastiche, de divers romans de Salgari dans lequel le réalisateur réunit le trio familial des Corsaires Noir, Rouge et Vert. En fait, le scénario signé Enno De Concini, Age et Scarpelli et Franco Brusati s’inspire d’un « faux Salgari », rédigé par un émule du nom de Sandro Cassone, auteur de « Il Corsaro Verde » (1900). Réalisé aux studios Ponti-De Laurentiis de la Vasca Navale à Rome, et en extérieurs à Palo Laziale, Ladispoli et au château Odescalchi, ce film s’ingénie à masquer l’extrême pauvreté des moyens par des cadrages habiles, un découpage inventif et des compositions plastiques souvent séduisantes ; le long duel final entre Enrico et Van Gould à la lueur d’une lanterne, au cœur de la poudrière du fort, n’est pas indigne de Michael Curtiz (jeu très violent d’ombres et de lumière, splendidement rendu par Tonino Delli Colli, le futur chef opérateur de Pasolini, Sergio Leone et Polanski), et le félon périt d’un coup d’épée en pleine bouche, au son strident des violons de Nino Rota. Le navire utilisé à Palo n’existe qu’à moitié, l’autre partie étant ancrée dans le sable, et les balancements de la caméra simulent le roulis. Un joli succès populaire avec des recettes nationales totalisant 369 millions de lire. |
1952 | *Jolanda, la figlia del Corsaro Nero (La Fille du Corsaire Noir) (IT) de Mario Soldati Ponti-De Laurentiis-Lux Film, 89 min. – av. May Britt (Jolanda di Ventimiglia), Marc Lawrence (Van Gould, comte de Medina), Renato Salvatori (Ralph Morgan, fils de Henry), Barbara Florian (Consuelo di Medina), Guido Celano (Henry Morgan), Ignazio Balsamo (Van Stiller), Umberto Spadaro (père putatif de Jolanda), Joop van Hulzen (Sir Bendix), Amedeo Dejana (Maître Enfer), Marga Cella (Maria). Enfant abandonnée recueillie par des pirates, la petite Jolly alias Jolanda grandit parmi eux et devient elle-même une redoutable bretteuse. Adulte, vêtue comme un homme, elle gagne Maracaïbo où Espagnols et Britanniques se font la guerre. Elle y rencontre Consuelo, la fille du gouverneur, qui s’éprend d’elle. Avant de mourir, le gitan Sam, son mentor, lui révèle que son père était Enrico di Ventimiglia, le Corsaire Noir, et que seul Van Stiller à Santa Fé peut lui en dire plus. Ce dernier connaît l’assassin d’Enrico : le gouverneur Van Gould, comte de Medina et fils de l’ancien ennemi des Ventimiglia. Avec l’aide du légendaire capitaine Henry Morgan (qui a renoncé à la flibuste pour rallier la flotte royale britannique) et de son fils Ralph qui l’aime, Jolanda décide de venger la mort de son père et vogue sous pavillon anglais contre l’Espagne. Morgan et les siens ayant été incarcérés sur ordre de Medina, Jolande pénètre dans la forteresse en se déguisant en nobliau et en flirtant avec Consuelo jusqu’à la libération des amis et l’annihilation du camp adverse. Après le trio Ventimiglia, Soldati mobilise leur fille et nièce corsaire ; il se rend à Stockholm avec Carlo Ponti pour y dénicher un visage frais, blond et aguichant : May Britt (qui brisera sa carrière hollywoodienne en épousant le chanteur noir Sammy Davis Jr. six ans plus tard), devenue noiraude dans le film. Le cinéaste s’ingénie à habiller, déshabiller (un sein dénudé) et à travestir sa starlette suédoise (qui ne parle alors ni l’italien ni l‘anglais), pourvue ici d’une triple identité, tantôt Jolanda, tantôt Jolly ou Enrico di Montenero, soit une corsaire, une saltimbanque ou un aristocrate. Tourné en même temps, avec la même équipe technique (Delli Colli, Nino Rota) et sur les mêmes lieux que le film précédent, « Jolanda » est une des meilleures adaptations des flibusteries de Salgari, dynamique, caustique, malicieux (l’ambiguïté sexuelle), aux compositions visuelles élaborées et à la fin macabre (en tentant de fuir, le traître Medina se retrouve piégé sur une embarcation de lépreux qu’entourent des requins). |
1958/59 | Il figlio del Corsaro Rosso (Le Fils du corsaire rouge) (IT) de Primo Zeglio Ermanno Donati, Luigi Carpentieri/Athena Cinematografica, 96 min. – av. Lex Barker (Enrico di Ventimiglia), Sylvia Lopez (Carmen di Montélimar), Luciano Marin (Miguel de Montélimar), Vira Silenti (Neala, sœur d’Enrico), Diego Michelotti (Juan Herrero), Luigi Visconti (marquis de Montélimar), Vicky Lagos (Paquita), Franco Fantasia (Dorado), Antonio Crast (Don Juan de Sasebo), Roberto Paoletti (Don Barrejo de la Tuelva), Giorgio Costantini (Van Halls), Saro Urzi (Mendoza). Remake du film de 1942 (cf.), cette fois en Totalscope et Eastmancolor. C’est le premier film de l’Américain Lex (« Tarzan ») Barker en Italie et le dernier rôle de la pulpeuse Sylvia Lopez qui décède de la leucémie quelques mois plus tard. Dans le cadre du cinéma populaire européen des années 1950/60, ce film marque aussi, d’une certaine manière, la rencontre de Salgari avec son équivalent germanique, Karl May : Lex Barker sera en RFA sept fois l’interprète d’Old Shatterhand dans la série des « Winnetou » et trois fois Kara Ben Nemsi dans les récits proche-orientaux de May. Ici, la prestance naturelle de l’acteur compense quelque peu l’insignifiance du produit, dont le duel final, assez réussi, se déroule dans un décor de prison évoquant les dessins de Piranèse. En l’occurrence, Zeglio recopie son propre film de 1951, « La vendetta del corsaro », également produit par Athena Cinematografica (cf. supra), en réutilisant décors, costumes et une partie du scénario. Son assistant s’appelle Sergio Leone. Tournage aux studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome, à Lavinio Lido de Enea et au large d’Anzio. |
1961 | (tv) Giovanna, la nonna del Corsaro Nero (IT) d’Alda Grimaldi (RAI 19.11.61), 8 épisodes. – av. Anna Campori (Giovanna), Roberto Villa (le Corsaire Noir), Giulio Marchetti (Battista), Pietro De Vico (Nicolino), Mario Bardella, Carlo Sposito. Parodie cathodique musicale : la nonna (« grand-mère ») du Corsaire Noir se bat victorieusement contre les capitaines pirates Kidd, Morgan et Barbe-Noire. Un programme pour la jeunesse écrit par Vittorio Metz (en s’inspirant lointainement des romans d’Emilio Salgari) et qui aura deux suites : « Le nuove avventure di Giovanna, la nonna del Corsaro Nero » (1962) et « Giovanna alla riscossa più forte di un bicchiere di gin » (1966), avec la même équipe. |
1962 | (tv) Le nuove avventure di Giovanna, la nonna del Corsaro Nero (IT) d’Alda Grimaldi (RAI 28.10.62), 8 épisodes. – av. Anna Campori (Giovanna, la grand-mère du Corsaire Noir), Pietro De Vico, Giulio Marchetti, Mario Bardella. – Parodie cathodique musicale (cf. 1961). |
1965 | L’avventuriero della Tortuga / Der Abenteurer von Tortuga (dvd : Kampf um Tortuga) (Le Flibustier des Caraïbes) (IT/DE) de Luigi Capuano Ottavio Poggi/Liber Film (Roma)-Eichberg Film (München), 97 min. – av. Guy Madison (Don Alfonso di Montelimar, gouverneur de Tortuga), Ingeborg Schöner (Soledad Quintero), Rik Battaglia (cpt. Pedro Valverde), Nadia Gray (Doña Rosita), Mino Doro (Tarsarios), Andrea Aureli (Enrico Vallejo), Aldo Bufi Landi (Mendoza), Linda Sini (Paquita). Très, très lointainement inspiré du roman « Gli ultimi filibustieri » (cf. film de 1942) : le capitaine pirate Valverde s’attaque aux galions espagnols et empoche la dot de diverses dames de la haute société qu’il feint d’épouser, avant de s’éprendre sérieusement de la princesse indienne Soledad et d’affronter par là à un autre prétendant, Don Alfonso, le féroce gouverneur de Tortuga. Une bande en Totalscope et Eastmancolor tournée aux studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome avec l’Américain Guy Madison, star d’innombrables westerns de télévision. C’est la dernière flibusterie salgarienne avant dix ans, le cinéma bis italien (et ses réalisateurs Capuano et Umberto Lenzi) ayant bifurqué à partir de 1963 vers la Malaisie et les aventures exotiques de Sandokan alias Steve Reeves et de son compagnon Yanez qu’interprète à nouveau Guy Madison. |
1966 | (tv) Giovanna alla riscossa più forte di un bicchiere di gin (IT) d’Alda Grimaldi (RAI 22.10.66), 6 épis. – av. Anna Campori (Giovanna, la grand-mère du Corsaire Noir), Pietro De Vico, Giulio Marchetti, Paolo Modugno. – Parodie cathodique musicale (cf. « Giovanna, la nonna del corsaro nero », 1961). |
1976 | *Il Corsaro Nero (Le Corsaire Noir) (IT) de Sergio Sollima [et Franco Fantasia] Angelo Rizzoli, Luigi Rovere/Rizzoli Film, 126 min. – av. Kabir Bedi (Emilio di Roccabruna, comte de Ventimiglia, le Corsaire Noir), Carole André (Honorata, duchesse Van Gould), Mel Ferrer (gouverneur Van Gould, son père), Angelo Infanti (cpt. Henry Morgan), Sonja Jeannine (Yara), Salvatore Borghese (Carnaux), Franco Fantasia (Van Stiller), Eddy Fay [=Edoardo Faieta] (Jean-David Nau dit François l’Olonnais), Jackie Basehart (Rolando di Ventimiglia, le Corsaire Rouge), Nicolò Piccolomini (Amedeo [=Carlo] di Ventimiglia, le Corsaire Vert), Mariano Rigillo (comte de Lerma), Tony Renis (José), Dagmar Lassander (comtesse Isabella di Bermejo), Guido Alberti (Don Ribeira de Aguanita), Franco Fantasia (Van Stiller). Sergio Sollima et ses deux vedettes Kabir Bedi, natif de Lahore, et Carole André, délaissent passagèrement la télévision et les lucratives aventures malaisiennes du héros salgarien Sandokan pour ce remake (cf. film de 1936) en Eastmancolor et Techniscope, dont la première particularité est d’avoir été entièrement tourné en décors naturels, pour ainsi dire sur les lieux de l’action. Sollima filme à Cartagena, en Colombie, notamment dans les anciens quartiers espagnols de la cité et dans l’impressionnante forteresse de San Felipe de Barajas (construite entre 1536 et 1657), sur la colline de San Lázaro, à Santa Catalina, dans les donjons de Las Bóvedas, à Santa Marta avec son Parc National Naturel Tayrona, et, cela va sans dire, sur les ondes de la véritable mer des Caraïbes. Sergio Canevari a reconstruit scrupuleusement un galion et deux brigantines (dont le « Folgore ») en grandeur nature. Le salaire de Kabir Bedi, noiraud, félin, le regard de braise et à présent une star adulée dans toute la Péninsule, grimpe de 20 à 200 millions de lire. Le maître d’armes Franco Fantasia initie Bedi au maniement de la rapière occidentale pour affronter la vedette américaine Mel Ferrer, un Van Gould blond, engagé en souvenir de son mémorable duel dans « Scaramouche » (1952). Mais le tournage, commencé avec un certain faste, connaît déboires et retards, le producteur Angelo Rizzoli (« La dolce vita » de Fellini) étant impliqué dans le scandale politique de la loge secrète P2, et l’argent pour payer techniciens et figurants n’arrivant qu’au compte-goutte ; Sollima doit faire des économies où il peut. Dans cette variante incluant l’intrigue de « La regina dei Caraibi » (cf. film de 1921), le Corsaire Noir perd ses deux frères, lâchement assassinés par l’infect Van Gould alors qu’il est lui-même occupé à défendre un village indien Kalaman contre la férocité de la soldatesque espagnole ; il ne parvient à sauver que la princesse indigène Yara, déterminée désormais, elle aussi, d’avoir la peau de Van Gould. Sollima, co-auteur du scénario, rythme son récit comme un spaghetti-western (il en réalisera trois, très remarqués pour leur coloration politique virulente), tance le colonialisme à travers le génocide des Indiens et introduit quelques éléments insolites : Van Gould est introduit entouré des corps de sept pendus ; les corsaires forcent une vingtaine de religieux à porter les échelles d’assaut lors de l’escalade du fort ; Emilio est hanté par la mort de ses deux frères dont il croit voir les fantômes et qui l’empêcheront d’exécuter Van Gould afin qu’il puisse trouver le bonheur auprès d’Honorata, sa fille – car le film opte pour une fin douce-amère. Vaincu, Van Gould se fait sauter avec son galion, tandis que Yara, blessée mortellement, est inhumée par les siens. Le capitaine Henry Morgan, qui s’est débarrassé de l’Olonnais, redoutable pirate, obtient du roi la place vacante de gouverneur. Chez Salgari, le Corsaire Noir retourne seul dans son pays où il tombe au combat lors de l’invasion française du Piémont. – N’ayant pas obtenu le succès escompté, Sollima et Kabir Bedi retournent à Sandokan. |
1983 | Los náufragos del Liguria (MX) de Gabriel Retes Hector Lopez, Jorge Santoyo/Cooperativo Rio Mixcoac-IMCINE, 93 min. – av. Tina Romero (Constanza), Ignacio Retes (Emilio Albani), Maria José Garrido (Teresa), Juan Claudio Retes (Héctor), Ernesto Rivas (Enrique Seri), Frida Maceira (Sofia), Gerardo Quiroz (Piccolo Tonno), Gonzalo Lora (Harry Thompson), Jaime Casillas (cpt. Talcone), Raoul Ruiz (un marin). Après le naufrage du « Liguria » suite à une erreur d’un marin, Emilio Albani, la jeune aristocrate Constanza et sa petite sœur Sofia, le matelot Enrique et les enfants Teresa, Hector et Piccolo se sauvent sur une île. Venu de l’autre versant de l’île, Talcone, le capitaine responsable du naufrage, périt en essayant de les anéantir. – Film pour la jeunesse, adaptation très libre du roman « I Robinson italiani » (1896) de Salgari, tournée à Ixtapa et Zihuatanejo (province de Guerrero) en même temps que l’épisode suivant : |
1984 | Los Piratas – Náufragios II (MX) de Gabriel Retes Hector Lopez, Jorge Santoyo/Cooperativo Rio Mixcoac-IMCINE, 91 min. – av. Carmelina Encinas (la femme-pirate Jolanda), Tina Romero (Constanza), Ignacio Retes (Emilio Albani), Maria José Garrido (Teresa), Juan Claudio Retes (Hector), Ernesto Rivas (Enrique Seri), Abel Woolrich (Marino Albizetti). Suite du précédent : les naufragés du « Liguria » explorent l’île et y découvrent le trésor enfoui du Corsaire Noir, quand survient un vaisseau pirate commandé par Jolanda qui cherche à récupérer l’or. Les pirates attaquent les naufragés, mais sont défaits, Yolanda rend le navire à son ancien capitaine qui ramène les naufragés à la civilisation. |
1997-1999 | [(tv) Yolanda, la hija del Corsario Negro / Jolanda, la figlia del Corsaro Nero / Yolanda, the Daughter of the Black Corsair (Le Secret de la Rose Noire) (ES/IT) de Claudio Biern Boyd B. R. B. Internacional (Barcelone)-RAI Fiction-Antena 3 Television, 26 x 30 min./75 min. – av. voix de Stella Musi (Jolanda), Davide Lepore (cpt. Henry Morgan), Dario De Grassi (Van Gould). – Dessin animé pour enfants dans lequel Jolanda combat le cruel Van Gould et venge son père le Corsaire Noir tout en étant guidée par un médaillon aux pouvoirs magiques.] |
1998 | [(tv) Il Corsaro Nero (IT) de Kim Jun Ok ; Corrado Orlandi/Mondo TV Italiana, 26 x 30 min. – Dessin animé s’inspirant également de « La regina dei Caraibi » et exploité aussi en un vidéofilm de 90 min.] |
2012 | (vd) Jolanda tra bimba e corsara (IT) de Tonino De Bernardi Giovanni Davide Maderna/Quarto Film-RAI Tre-Film Commission Torino-Piemonte (RAI3 7.9.12), 120 min. – av. Caterina De Bernardi, Giulietta De Bernardi, Teresa De Bernardi, Andrea Mantelli, Alberto Momo, Giulietta Debernardi, Eugenio Maderna. Film expérimental inspiré par la vie fantasque d’Emilio Salgari (1862-1911) et son roman « Jolanda, la figlia del Corsaro Nero », dans lequel se mêlent images du passé et du présent. Tourné dans le Piémont (Turin, Gasalborgone) à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de l’écrivain et présenté au festival de Venise 2012 (section « Giornate degli autori »). |
2012 | (vd) Gli intrepidi (IT) de Giovanni Cioni Giovanni Maderna/Quarto Film-Fuori Orario-RAI Tre, 90 min. – av. Carlo Monni, Giovanni Martorana, Stefano Sarri, Emma Parrini, Davide Guasti. – L’univers des pirates des Caraïbes selon Salgari dans ce deuxième film expérimental présenté au festival de Venise 2012 (section « Giornate degli autori », cf. supra). Tourné en Toscane, à Barberino nel Mugello, à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de l’écrivain. |
2012 | (vd) Carmela, salvata dai filibustieri (IT) de Giovanni Davide Maderna et Mauro Santini Quarto Film-Fuori Orario-RAI Tre, 76 min. – av. Carmela Lupoli (Jolanda, fille du Corsaire Noir), Mimmo Boccuni (cpt. Van Stiller), Sussò Boccuni (Carmaux), Grazia Solfrizzi (cpt. Henry Morgan), Francesco Montervino (Don Raffaele), Cosimo Sale (comte de Medina), Roberto Sale (Pierre le Picard). – Troisième film expérimental présenté au festival de Venise 2012 (section « Giornate degli autori », cf. supra), tourné à Taranto (Apulie) à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de l’écrivain. |