III - L’ITALIE

6. LES 11 GUERRES D’ITALIE ET LE SAC DE ROME EN 1527
Au sortir de la guerre de Cent Ans qui sonne le glas de la société féodale, la France s'enivre des vestiges de l'Antiquité classique. Tandis que l'Espagne et le Portugal envoient leurs navigateurs découvrir - et asservir - des mondes encore inconnus, les derniers Valois, se prévalant d'héritages lointains, embarquent leur royaume dans soixante-cinq ans de ruineux rêves transalpins, croyant que la Péninsule italienne, morcelée en petits États disparates, serait facile à conquérir. Prise entre les cinq puissances principales de la Péninsule, les Républiques de Florence et de Venise, le duché de Milan, le royaume de Naples et l'État pontifical (tous liées par des alliances locales plus qu'aléatoires), sans compter les Habsbourg de Vienne et de Madrid, la France se heurte à une résistance dont elle ne viendra pas à bout. Tandis que l'Italie est ravagée pendant plus d'un demi-siècle et que sa population paie le prix du sang, la véritable conquête se fait en sens inverse, et sans armes : la France " s'italianise " à travers les idées et les arts de la Renaissance.
PREMIÈRE ÉPOQUE : 1494 à 1515
La première campagne militaire française est montée par CHARLES VIII, dont le père a hérité le titre de roi de Naples (la maison d'Anjou y a régné jusqu'en 1442). Sa revendication du royaume ex-angévin et ses efforts armés pour reconquérir ce trône virtuel avec l'aide du chevalier Bayard (1494/1497) se soldent par un échec, alors que le pape Alexandre VI Borgia lui a octroyé une bulle autorisant les Français à traverser les États de l'Église pour aller à Naples, ville contre laquelle ce " chef de la chrétienté " aussi fourbe qu'indigne a aussi noué une alliance secrète avec Milan et Venise. Une fois le roi de Naples acculé, il obtient de lui la main d'une princesse pour son dernier fils Gioffré, puis appelle à l'aide les Ottomans afin de le protéger de la vengeance des Français. Charles VIII prend la Ville éternelle et Naples sans combat, mais Venise et le Saint Siège le repoussent hors du pays. LOUIS XI, son beau-frère et successeur, se dit héritier du duché de Milan par sa grand-mère, une Visconti. Il lève une armée pour en chasser le duc, Ludovic Sforza le More, monte jusqu'à Naples et reperd le tout après quatorze ans de guerre contre les Espagnols de Ferdinand II d'Aragon, maîtres de la Sicile (quatre campagnes d'Italie, 1499/1500, 1500/1504 et 1508/1513). Quant à FRANÇOIS Ier, raffiné, à la bourse largement ouverte et un homme de goût au train de vie dispendieux, il fait venir en France les meilleurs artistes transalpins (Léonard de Vinci, Benvenuto Cellini), achète des œuvres de Michel-Ange, de Raphaël, du Titien. Mais c'est un roi qui aime aussi le fracas des armes et se révèle un stratège déplorable pendant les quarante ans de guerre qui l'opposent aux armées germano-espagnoles de Charles de Habsbourg, dit Charles Quint, sur sol italien : au total, six campagnes, avec des victoires françaises éphémères à Milan, à Naples et à Marignan (1515).
DEUXIÈME ÉPOQUE : 1516 à 1544, 1559
L'arrivée de CHARLES QUINT sur l'échiquier européen a changé la donne. Héritier de l'Espagne et de son empire colonial, des dix-sept provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples, de l'Italie méridionale et des possessions autrichiennes, ce monarque alors le plus puissant du continent parvient à se faire couronner à la tête du Saint-Empire romain germanique (après avoir acheté les princes-électeurs avec l'argent des banquiers d'Augsbourg). Èlu " roi des Romains " en 1519, Charles Quint forme une coalition avec Henri VIII d'Angleterre et les États pontificaux pour contrer la " Sainte Alliance " de la France avec Venise, manœuvre visant à lui arracher la couronne impériale, puis envoie sur la Péninsule une puissante armée sous les ordres de Charles III, Connétable de Bourbon, chargée de briser l'Alliance et d'en capturer le principal promoteur, le pape Clément VII (Jules de Médicis). Les Français subissent une écrasante défaite à Pavie (1525) à l'issue de laquelle ils s'engagent à renoncer à toutes leurs prétentions territoriales sur l'Italie. Fait prisonnier, François Ier passe une année en captivité à Madrid, puis, libéré, il renie ses engagements forcés. Entretemps, le pape, jouant sur le désir de revanche du Valois, fonde une nouvelle ligue anti-impériale appelée la " Sainte Ligue de Cognac " (1526) à laquelle se rallient, outre de roi de France, la Florence des Médicis, Milan, Venise, Gênes et l'Angleterre. Au printemps 1527, occupé personnellement à combattre les luthériens et les Ottomans, Charles Quint décide d'une intervention armée rapide contre l'État pontifical (pour éviter l'armée de la Ligue), expédition à nouveau confiée au Connétable de Bourbon qui bénéficie de 35'000 hommes - des Espagnols, des Italiens et des lansquenets luthériens allemands - pour affronter les 5000 soldats défendant la ville de Rome. Grâce au sacrifice des gardes pontificaux, Clément VII peut se réfugier dans le château Saint-Ange en empruntant un souterrain tandis que les mercenaires impériaux pénètrent massivement dans la ville. Le SAC DE ROME (6 mai 1527) par des soudards non payés depuis des mois, avides de butin, ivres et dépourvus de commandant - car le Connétable a succombé à un coup d'arquebuse - va s'étirer pendant presque une année : Rome ne sera évacuée qu'en février 1528. En plus de dommages incalculables au patrimoine artistique, la Ville sainte sera réduite de 55'000 à 11'000 habitants (en incluant les dévastations de la peste dues aux cadavres non enterrés). Le pape a capitulé après six mois et quitté clandestinement Saint-Ange pour Orvieto.
Affaiblies par la malaria et l'échec du siège de Naples, les troupes de la Ligue se sont retirées, mais François Ier poursuit le combat dans la décennie qui suit, allant jusqu'à s'allier avec les princes protestants allemands (1531) et même avec le " Grand Turc ", Soliman le Magnifique (1536), toujours dans le vain espoir de terrasser Charles Quint et les cités italiennes. Il contracte en 1543 l'alliance du croissant et du lys avec les armées du corsaire Barberousse/Khayr ad-Dîn (dont la marine ottomane est basée à Alger) qui s'installent à Toulon. La France est alors la seule nation d'Occident à faire alliance avec l'empire ottoman ... tout en dénonçant hypocritement les " Sarrasins " qui sont aux portes de Vienne. À la mort de François Ier, son fils HENRI II poursuit le conflit contre le Saint-Empire de Charles Quint, puis contre Philippe II d'Espagne. Après l'échec d'une onzième et dernière campagne en Italie, en 1557-1559, Henri II abandonne les prétentions territoriales de ses prédécesseurs pour s'occuper de son royaume exsangue et signe la paix du Cateau-Cambrésis avec les Habsbourg en 1559, paix qui entérine l'hégémonie de l'Espagne sur la Péninsule italienne. Les guerres de Religion en France commencent trois ans plus tard.
PREMIÈRE ÉPOQUE : 1494 à 1515
La première campagne militaire française est montée par CHARLES VIII, dont le père a hérité le titre de roi de Naples (la maison d'Anjou y a régné jusqu'en 1442). Sa revendication du royaume ex-angévin et ses efforts armés pour reconquérir ce trône virtuel avec l'aide du chevalier Bayard (1494/1497) se soldent par un échec, alors que le pape Alexandre VI Borgia lui a octroyé une bulle autorisant les Français à traverser les États de l'Église pour aller à Naples, ville contre laquelle ce " chef de la chrétienté " aussi fourbe qu'indigne a aussi noué une alliance secrète avec Milan et Venise. Une fois le roi de Naples acculé, il obtient de lui la main d'une princesse pour son dernier fils Gioffré, puis appelle à l'aide les Ottomans afin de le protéger de la vengeance des Français. Charles VIII prend la Ville éternelle et Naples sans combat, mais Venise et le Saint Siège le repoussent hors du pays. LOUIS XI, son beau-frère et successeur, se dit héritier du duché de Milan par sa grand-mère, une Visconti. Il lève une armée pour en chasser le duc, Ludovic Sforza le More, monte jusqu'à Naples et reperd le tout après quatorze ans de guerre contre les Espagnols de Ferdinand II d'Aragon, maîtres de la Sicile (quatre campagnes d'Italie, 1499/1500, 1500/1504 et 1508/1513). Quant à FRANÇOIS Ier, raffiné, à la bourse largement ouverte et un homme de goût au train de vie dispendieux, il fait venir en France les meilleurs artistes transalpins (Léonard de Vinci, Benvenuto Cellini), achète des œuvres de Michel-Ange, de Raphaël, du Titien. Mais c'est un roi qui aime aussi le fracas des armes et se révèle un stratège déplorable pendant les quarante ans de guerre qui l'opposent aux armées germano-espagnoles de Charles de Habsbourg, dit Charles Quint, sur sol italien : au total, six campagnes, avec des victoires françaises éphémères à Milan, à Naples et à Marignan (1515).
DEUXIÈME ÉPOQUE : 1516 à 1544, 1559
L'arrivée de CHARLES QUINT sur l'échiquier européen a changé la donne. Héritier de l'Espagne et de son empire colonial, des dix-sept provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples, de l'Italie méridionale et des possessions autrichiennes, ce monarque alors le plus puissant du continent parvient à se faire couronner à la tête du Saint-Empire romain germanique (après avoir acheté les princes-électeurs avec l'argent des banquiers d'Augsbourg). Èlu " roi des Romains " en 1519, Charles Quint forme une coalition avec Henri VIII d'Angleterre et les États pontificaux pour contrer la " Sainte Alliance " de la France avec Venise, manœuvre visant à lui arracher la couronne impériale, puis envoie sur la Péninsule une puissante armée sous les ordres de Charles III, Connétable de Bourbon, chargée de briser l'Alliance et d'en capturer le principal promoteur, le pape Clément VII (Jules de Médicis). Les Français subissent une écrasante défaite à Pavie (1525) à l'issue de laquelle ils s'engagent à renoncer à toutes leurs prétentions territoriales sur l'Italie. Fait prisonnier, François Ier passe une année en captivité à Madrid, puis, libéré, il renie ses engagements forcés. Entretemps, le pape, jouant sur le désir de revanche du Valois, fonde une nouvelle ligue anti-impériale appelée la " Sainte Ligue de Cognac " (1526) à laquelle se rallient, outre de roi de France, la Florence des Médicis, Milan, Venise, Gênes et l'Angleterre. Au printemps 1527, occupé personnellement à combattre les luthériens et les Ottomans, Charles Quint décide d'une intervention armée rapide contre l'État pontifical (pour éviter l'armée de la Ligue), expédition à nouveau confiée au Connétable de Bourbon qui bénéficie de 35'000 hommes - des Espagnols, des Italiens et des lansquenets luthériens allemands - pour affronter les 5000 soldats défendant la ville de Rome. Grâce au sacrifice des gardes pontificaux, Clément VII peut se réfugier dans le château Saint-Ange en empruntant un souterrain tandis que les mercenaires impériaux pénètrent massivement dans la ville. Le SAC DE ROME (6 mai 1527) par des soudards non payés depuis des mois, avides de butin, ivres et dépourvus de commandant - car le Connétable a succombé à un coup d'arquebuse - va s'étirer pendant presque une année : Rome ne sera évacuée qu'en février 1528. En plus de dommages incalculables au patrimoine artistique, la Ville sainte sera réduite de 55'000 à 11'000 habitants (en incluant les dévastations de la peste dues aux cadavres non enterrés). Le pape a capitulé après six mois et quitté clandestinement Saint-Ange pour Orvieto.
Affaiblies par la malaria et l'échec du siège de Naples, les troupes de la Ligue se sont retirées, mais François Ier poursuit le combat dans la décennie qui suit, allant jusqu'à s'allier avec les princes protestants allemands (1531) et même avec le " Grand Turc ", Soliman le Magnifique (1536), toujours dans le vain espoir de terrasser Charles Quint et les cités italiennes. Il contracte en 1543 l'alliance du croissant et du lys avec les armées du corsaire Barberousse/Khayr ad-Dîn (dont la marine ottomane est basée à Alger) qui s'installent à Toulon. La France est alors la seule nation d'Occident à faire alliance avec l'empire ottoman ... tout en dénonçant hypocritement les " Sarrasins " qui sont aux portes de Vienne. À la mort de François Ier, son fils HENRI II poursuit le conflit contre le Saint-Empire de Charles Quint, puis contre Philippe II d'Espagne. Après l'échec d'une onzième et dernière campagne en Italie, en 1557-1559, Henri II abandonne les prétentions territoriales de ses prédécesseurs pour s'occuper de son royaume exsangue et signe la paix du Cateau-Cambrésis avec les Habsbourg en 1559, paix qui entérine l'hégémonie de l'Espagne sur la Péninsule italienne. Les guerres de Religion en France commencent trois ans plus tard.