VI - EUROPE CENTRALE ET DE L’EST, BALKANS, TURQUIE et invasions mongoles
4. DE LA RUS’ DE KIEV (RUTHÉNIE) AU ROYAUME DE MOSCOVIE
4.3. « Tarass Boulba » roman de Nicolas Gogol
En Ukraine vers 1560, pays dominé par la noblesse polonaise. Robuste, rustre, bruyant et belliqueux, le cosaque zaporogue Tarass Boulba, 50 ans, est en guerre permanente contre les Polonais catholiques et les Juifs qui occupent sa terre et souillent les églises orthodoxes ; il s’affirme toujours prêt à verser du sang pour sa foi, et à ses yeux, tout homme digne de ce nom est fait pour se battre à ses côtés - quand il ne participe pas aux fêtes cosaques, gigantesques ripailles, orgies primitives aux effusions émouvantes. Ses deux fils, le favori Andreï (André), l’aîné, et le cadet Ostap (Eustache) rentrent de Kiev après y avoir fini leurs études au séminaire. Il les conduit à la « setch », le campement militaire cosaque où aucune femme n’est admise, situé sur une île du Dniepr. Après avoir jeté dans le Dniepr tous les Juifs des alentours, les cosaques commencent leur campagne de destruction en incendiant les villages occupés par les Polonais et assiégeant la place forte de Doubno. La forteresse est bientôt affamée, la peste y fait des ravages. André surprend une servante tatare qui a pu sortir par un souterrain pour trouver de la nourriture. Il la suit, la protège et apporte du pain aux assiégés. Dans la ville, il retrouve une jeune femme, fille du prince-gouverneur de Kovno dont il était secrètement amoureux à Kiev. Horrifié par le sort des assiégés, il trahit les siens et passe à l’ennemi polonais. Lors d’une sortie, il est encerclé par les cosaques et exécuté par son propre père. Lorsque les renforts polonais surgissent, le cadet Ostap est capturé. Ayant échappé à la mort, Tarass Boulba voudrait sauver son deuxième fils, mais il a le déchirement d’assister impuissant à la torture publique d’Ostap : tout ce qu’il peut faire est de crier à son rejeton qu’il est là, témoin de son héroïsme, et de lui promettre de le venger. Désormais devenu d’une férocité extrême, Tarass retourne à la « setch », prend le commandement des cosaques et sème la terreur dans les villes polonaises jusqu’à ce que, battu et fait prisonnier à son tour, il finit sur le bûcher, brûlé vif.
Maîtres d’une grande partie des plaines fertiles et des steppes de l’Ukraine, tour à tour alliés ou ennemis des Russes, des Polonais, des Tatars et des Turcs, les Zaporogues formaient un peuple éminemment guerrier organisé en république militaire. L’accord de Brest de 1596 soumit la population zaporogue (vivant entre Bug et Dniepr) au pouvoir catholique romain de Pologne, avant que les cosaques ne s’allient à la Moscovie tsariste à Pereislav en 1654, bradant une fois de plus leur liberté contre une illusoire sécurité. Auparavant, en 1648, toute l’Ukraine s’était soulevée contre le gouvernement polonais, sous le commandement de l’ataman rebelle Bogdan Khmelnytsky (1595-1657) qui devint après sa mort une véritable légende (cf. Absolutisme, chap. VII. Russie/2). C’est ce combat-là et ce personnage que Gogol déguise à travers la personne, imaginaire celle-ci, de Tarass Boulba. La Russie prenant de plus en plus le contrôle de l’hetmanat cosaque, Khmelnytsky, méfiant, se tourna d’ailleurs peu avant de décéder vers une alliance avec la Suède, tractations qui n’aboutirent pas et que les Russes se gardèrent d’ébruiter.
Quand il publie Tarass Boulba en 1835, Nicolaï Gogol, 26 ans, se sent encore Ukrainien, mais quand il retravaille son récit en 1842, il le fait en russophile inconditionnel, son Ukraine natale étant passée en grande partie dans un empire tsariste dominé par l’ambiance intellectuelle et l’économie du « grand siècle russe ». Son roman veut célébrer la primitive et sauvage nature du peuple slave et a inspiré diverses œuvres musicales : le drame lyrique d’Arturo Berutti en 1895, la rhapsodie de Leon Janácek en 1918, l’opéra de Marcel-Samuel Rousseau en 1919, l’opéra de Mykola Lysenko en 1924 et le ballet de Reinhold Glière en 1952. – Nota bene : presque toutes les versions cinématographiques ont éliminé les passages antisémites du roman. Les régimes communistes ont découragé voire interdit toute adaptation du texte à l’écran en raison de son héros trop « libertaire », mais aussi de son « nationalisme chauvin », de ses représentations conflictuelles régionales qui s’attaquent aux camarades du présent et ignorent la lutte des classes : pas question pour l’Ukraine si fertile d’espérer sortir du giron de l’URSS.
Maîtres d’une grande partie des plaines fertiles et des steppes de l’Ukraine, tour à tour alliés ou ennemis des Russes, des Polonais, des Tatars et des Turcs, les Zaporogues formaient un peuple éminemment guerrier organisé en république militaire. L’accord de Brest de 1596 soumit la population zaporogue (vivant entre Bug et Dniepr) au pouvoir catholique romain de Pologne, avant que les cosaques ne s’allient à la Moscovie tsariste à Pereislav en 1654, bradant une fois de plus leur liberté contre une illusoire sécurité. Auparavant, en 1648, toute l’Ukraine s’était soulevée contre le gouvernement polonais, sous le commandement de l’ataman rebelle Bogdan Khmelnytsky (1595-1657) qui devint après sa mort une véritable légende (cf. Absolutisme, chap. VII. Russie/2). C’est ce combat-là et ce personnage que Gogol déguise à travers la personne, imaginaire celle-ci, de Tarass Boulba. La Russie prenant de plus en plus le contrôle de l’hetmanat cosaque, Khmelnytsky, méfiant, se tourna d’ailleurs peu avant de décéder vers une alliance avec la Suède, tractations qui n’aboutirent pas et que les Russes se gardèrent d’ébruiter.
Quand il publie Tarass Boulba en 1835, Nicolaï Gogol, 26 ans, se sent encore Ukrainien, mais quand il retravaille son récit en 1842, il le fait en russophile inconditionnel, son Ukraine natale étant passée en grande partie dans un empire tsariste dominé par l’ambiance intellectuelle et l’économie du « grand siècle russe ». Son roman veut célébrer la primitive et sauvage nature du peuple slave et a inspiré diverses œuvres musicales : le drame lyrique d’Arturo Berutti en 1895, la rhapsodie de Leon Janácek en 1918, l’opéra de Marcel-Samuel Rousseau en 1919, l’opéra de Mykola Lysenko en 1924 et le ballet de Reinhold Glière en 1952. – Nota bene : presque toutes les versions cinématographiques ont éliminé les passages antisémites du roman. Les régimes communistes ont découragé voire interdit toute adaptation du texte à l’écran en raison de son héros trop « libertaire », mais aussi de son « nationalisme chauvin », de ses représentations conflictuelles régionales qui s’attaquent aux camarades du présent et ignorent la lutte des classes : pas question pour l’Ukraine si fertile d’espérer sortir du giron de l’URSS.

Chez les Cosaques de « Taras Bul’ba » d’Aleksandr Drankov (1909).
1909 | Taras Bul'ba (RU) d’Aleksandr Drankov A. Drankov Studio (Moskva), 240 m./10 min. - av. Anisim Suslov (Tarass Boulba), Leonid Manko, D. Tchernovskaïa. |
1910 | Ljubov Andrija [=L’Amour d’Andreï] / Taras Bul'ba (RU) de Maurice-André Maître Pathé-Moscou, 280 m. - av. N. Vassiliev (Tarass Boulba), A. Liesnogorski (Andreï Boulba), A. Veskov. |
1912 | Ljubov Andrija [=L’Amour d’Andreï] / Taras Bul’ba ili Ljubov Andrija (RU) de Danylo Sakhnenko Choukline, Sakhnenko & Co./Atelier cinématographique La Patrie (Kyev), 240 m. |

Le père abat le fils pour trahison et se laisse mourir, inconsolable : « Taras Bulba » (1924) de Vladimir Strijewski.
1923/24 | Taras Bulba. Ein Heldenschauspiel - 1. Die Tochter des Woiwoden - 2. Kosaken-Ende (Tarass Boulba) (DE) de Vladimir Strijewski Iossif [Josef] N. Ermolieff/Ermolieff Film GmbH (München)-Orbis Film AG (München), 8 actes/3174 m./126 min. (2 parties). - av. J. E. Duvan Tarzoff (Tarass Boulba), Helena Makowska (Panotchka, fille du gouverneur de Doubno)), Ossip Runitsch (Ostap Boulba), Oscar Marion (Andreï Boulba), Clementine Plessner (la femme de Tarass), N. N. Novitzky (le voïvode), Alexander S. Polonsky (l’aubergiste Jankel), Lia Tschung Tsching (la servante de Panotchka), August Junker, Rudolf Raab. Une adaptation qui suit assez fidèlement la trame de Gogol : les études des deux fils de Tarass Boulba à Kiev, la flamme d’Andreï pour Panotchka, fille du gouverneur de Doubno, ville bientôt affamée par les cosaques ; une servante parvient à Andreï la nuit grâce à un souterrain. Celui-ci apporte des vivres et rejoint l’ennemi polonais par amour pour Panotchka, puis est surpris, désarmé et abattu par son père. Ostap, l’autre fils, est capturé par les Polonais et meurt sur l’échafaud. Tarass Boulba a vainement tenté de le sauver puis, encerclé et condamné à la pendaison, il est sauvé par des compatriotes qui se sont introduits dans la ville. Mais le vieux cosaque, inconsolable, attend la mort parmi les siens. Pionnier du cinéma russe, le producteur moscovite Iossif Ermolieff a sorti pas moins de 120 films à Moscou entre 1915 et la Révolution d’Octobre. Ayant fui la Russie soviétique avec acteurs et techniciens en raison de la nationalisation du cinéma ordonnée par Lénine en 1920, il s’installe en un premier temps à Paris, puis dès automne 1922 en Allemagne. Il y devient le concurrent « germanique » de la société Albatros à Paris, spécialisé dans les sujets de la Russie tsariste, dont ce Tarass Boulba muet en deux parties. Des centaines de Russes blancs émigrés de l’Est et établis en Bavière font de la figuration comme cosaques pendant les six mois de tournage en 1923 aux ateliers de München-Geiselgasteig, dans les entourages du studio, à Grünwald et au château de Schleissheim. Entretemps, le sujet de Gogol a été inofficiellement banni en URSS, car il met les peuples concernés dans une lumière défavorable et encourage le « régionalisme » ; En août 1923, Vladimir Gardine prépare en vain une adaptation à la VOUFKOU d’Odessa (avec les acteurs Nicolas Saltykov, Nicolas Panov, Ivan Kapralov et Zinaïda Barantsevitch), initiative coulée par un projet concurrentiel germano-russe de Vladimir Strijewski et Joseph Yermoliev qui s’effondre à son tour. Alexandre Dovjenko travaille depuis plus de dix ans sur la matière qui, semble-t-il, lui est particulièrement chère et qui capote en 1935 (Ukraïnfilm), puis définitivement en 1940/41 en raison de l’invasion allemande. Dans les années 1960, même un cinéaste aussi réputé que l’Ukrainien Sergueï Bondartchouk, auréolé par sa méga-fresque de Guerre et Paix, ne parviendra pas à l’imposer. |

1936 | Tarass Boulba (FR/[DE/GB]) d’Alexis Granowsky Alexis Granowsky, Hans Henkel, Georges Loureau, Alexander Korda, Leonid Komerovsky/G. G. Films (Paris)-ALGRA Production des Films Alexis Granowsky (Paris)-[Tobis Cinema Film AG-London Films], 105 min./87 min. - av. Harry Baur (Tarass Boulba), Jean-Pierre Aumont (Andreï Boulba), Roger Duchesne (Ostap Boulba), Danielle Darrieux (Marina Zamnitzky), Paul Amiot (le prince Zamnitzki, son père), Fernand Ledoux (Dmitri Tovkatch), Pierre Larquey (Sachka), Jeanne Crispin (la femme-cosaque Galka), Georges Paulais (Ibrahim), Pauline Carton (la gouvernante), Nane Germon (Zelima), Pierre Piérade. - Les cosaques : Noël Roquevert, Castrix, Gustave Huberdeau, Larive, Murcie, Georges Saillard, Seller, Simon, Jean Toulout, Walter. - Les Polonais : M. Bénard, Carnège, Edy Debray, E. Ferny, Forget, Marial Rèbe. C’est à nouveau un Russe exilé qui aborde le sujet : homme de théâtre yiddish avec Marc Chagall à Moscou, confrère du grand Meyerhold, établi puis chassé d’Allemagne en 1933, Alexis Granowsky filme en France Les Aventures du roi Pausole, sujet libertin tiré de Pierre Louÿs, puis Les Nuits moscovites, roman de Pierre Benoit avec Harry Baur, un des plus grands comédiens français de l’entre-guerre, sur scène comme à l’écran, mais pas toujours à l’abri du cabotinage. C’est après cette agréable « russerie » francisée que Granowsky porte son ultime choix – il meurt du cancer une année plus tard à l’âge de 46 ans – sur le texte de Gogol, en reprenant Baur, indispensable, et son précieux décorateur Andrej Andrejew (Don Quichotte de Pabst, Le Golem de Duvivier, Mayerling de Litvak). Pierre Benoit (« de l’Académie Française ») en signe l’adaptation, tandis qu’une participation inofficielle britannique et surtout allemande (Fritz Falkenstein au scénario, Franz Planer à la photo, musique de Paul Dessau, Hans Henkel en coproducteur) permet d’élargir le budget ; le film sera même brièvement exploité dans le Reich. On enregistre dès la mi-juillet 1935 pendant 9 semaines des extérieurs en Hongrie, dans la ville médiévale de Sárospatak et son château de Rákóczi-Var ainsi que dans la Puzsta avoisinante, puis à partir de septembre en atelier en France, aux Paris Studios Cinéma à Billancourt et à Pathé Cinéma à Joinville. Dans un rôle quasi inexistant tant il a été raccourci, Danielle Darrieux – la vedette de Mayerling - remplace au dernier moment Micheline Cheirel, tombée malade en plein tournage. Le résultat à l’écran n’est certes pas très « slave », les cavalcades sont routinières et les clichés dépaysants tant appréciés dans l’Hexagone cinématographique d’alors abondent ; on peut s’amuser du contraste entre Andreï, « le meilleur élève de sa volée », et son frère Ostap qui se vante de « ne savoir ni lire ni écrire, comme tout vrai cosaque ! » et le prouve en vandalisant les locaux de l’université, mais aussi de la description de leur père belliqueux qui « à sa première dent de lait avait déjà fait une demi-douzaine d’orphelins ». Joli cœur, Andreï s’introduit dans la chambre à coucher de sa Polonaise en passant par la cheminée tandis que son frère s’offre quelque amourette dans une meule de foin avec Galka, une jolie femme-cosaque (sic). Quant au héros en titre, il braille, rit bruyamment, boit, bafre et danse, envahissant l’écran de sa puissante présence, puis part en guerre pour un mauvais prétexte, car « les chevaux deviennent gras comme des porcs », « le gouvernement polonais empêche les cosaques de boire » et « la vie n’est pas drôle lorsqu’on n’a que des amis ! » La truculence ne sonne pas toujours juste, loin s’en faut, mais Harry Baur, véritable monstre sacré au crâne chauve, retrouve ici un de ses personnages favoris en homme mûr que sa descendance trahit ou abandonne (David Golder, Mollenard, etc.) ; Baur avait déjà été envisagé en 1935 pour camper Ivan le Terrible, un projet inabouti du producteur-réalisateur français Jack Forrester (Sita Films, Paris). La fin retourne un peu à Gogol : Tarass Boulba somme André de descendre de cheval, de se désarmer et faire sa prière puis l’abat froidement (« c’est moi qui t’ai donné la vie, c’est moi qui te tue »). Ostap est capturé par les Polonais et va être pendu dans la cour de la citadelle mais, à la tête d’un commando, Tarass le sauve. Les renforts polonais arrivent, le chef cosaque écope d’une balle dans le ventre. Récupéré par les siens, il désigne Ostap comme son successeur, passe ses chers camarades en revue, puis meurt debout, en fumant sa vieille pipe. De l’exotisme soigné, pas trop éprouvant mais qui plaît au public du samedi soir. – BE : Les Cosaques de Tarass Boulba, IT : Taras Bulba. |
1938/39 | The Rebel’s Son / The Barbarian and the Lady / The Rebel Son of Taras Bulba (GB) d’Alexis Granowsky, Adrian Brunel et Albert de Courville Charles David, E.C. Molinier, [Alexander Korda]/Omnia Film-London Film Productions, 88 min. - av. Harry Baur (Tarass Boulba), Anthony Bushell (Andreï Boulba), Roger Livesey (Piotr [Ostap] Boulba), Patricia Roc (Marina), Joan Gardner (Galka), Frederick Culley (le prince Zamnitzky), Charles Farrell (Dmitri Tovkatch), Bernard Miles (le prisonnier polonais), Joe Cunningham (Sachka), Stafford Hilliard (le bègue), Ann Wemyss (Selina), Leslie Gunler (Stablehand). La version anglaise du film français d’Alexis Granowsky (cf. supra, 1936), fabriquée en même temps que ce dernier mais avec des acteurs anglais carrément grotesques en cosaques, puis retourné en grande partie et entièrement remonté par Adrian Brunel (aussi scénario) et Albert de Courville, en retenant surtout les extérieurs hongrois. (Granowsky et Alexander Korda avaient déjà coproduit Les Nuits moscovites en 1934, avec Harry Baur.) Le résultat est un massacre et un échec public, Korda fait retirer son nom du générique. La critique britannique estime qu’on célèbre la flamboyance mais ignore la tragédie, puis qualifie Harry Baur (mal doublé en anglais) d’« Akim Tamiroff sans humour », plus tête dure et grognon que meneur d’hommes. Graham Greene, alors critique au Spectator, se demande « quelle raison ce film peut bien avoir d’exister » (28.7.39). - ES : El hijo de Taras Bulba. |

Tarass Boulba (Yul Brynner, à dr.) et son fils cadet Andreï (Tony Curtis) partent en guerre contre les Polonais (1962).
1962 | Taras Bulba (Tarass Boulba) (US) de Jack Lee Thompson Harold Hecht, Alexander Whitelaw, Tony Curtis/Harold Hecht Productions-Curtleigh Productions (Tony Curtis)-United Artists, 122 min. - av. Tony Curtis (Andreï Boulba), Yul Brynner (Tarass Boulba), Christine Kaufmann (Natalia Dubrov), Guy Rolfe (le prince Grigorij de Pologne), Sam Wanamaker (Filipenko), Vladimir Sokoloff (le vieux Stepan), Brad Dexter (Shilo), Perry Lopez (Ostap Boulba), George Macready (le gouverneur), Ilka Windish (Sophia Boulba, la mère), Vladimir Irman (Gricha Kubenko), Daniel Ocko (l’hetman Ivan Mykola), Abraham Sofaer (l’abbé), Mickey Finn (Korzh), Richard Rust (cpt. Alex), Ron Weyand (Tymoshevsky), Vilina Marcus (la princesse gitane), Martine Milner (la fille rousse), Chuck Hayward (Dolotov), Syl Lamont (Kimon Kander), Ellen Davalos (Zina), Marvin Goux (frère Bartholomé), Jack Raine (le maire), Leon Alton (un domestique), Paul Frees (narration). Hélas, un ratage intégral ! Pourtant la mise en chantier du film semblait prometteuse… À l’origine, il s’agit d’un projet du cinéaste américain Robert Aldrich – « Tarass Boulba, c’est moi ! » aurait-il dit - réputé pour quelques chefs-d’œuvre à la dynamite (Vera Cruz, Kiss Me Deadly, Attack). Une œuvre à tourner en janvier 1959 en Yougoslavie (Avala Film) et en Grande-Bretagne sur un scénario de David T. Chantler ; mais Aldrich ne veut à aucun prix confier le rôle-titre à Yul Brynner, trop typé et difficile. Au même moment, les magnats franco-russes Ilya et Alexander Salkind annoncent leur propre version avec Orson Welles devant et derrière la caméra ; Welles rédige un script, sans suite. Acculé à la ruine lorsque United Artists retire son financement en 1960, Aldrich revend son propre projet au producteur indépendant Harold Hecht, partenaire souvent courageux d’Aldrich et de Burt Lancaster depuis leur drame pro-Indien Apache (1954). Hecht prévoit dans le rôle principal Burt Lancaster, puis Anthony Quinn, après le refus de Jack Palance (un véritable Ukrainien, lui, révélé justement par Aldrich). Les agendas ne coïncident pas. Reste Yul Brynner, 41 ans, qui estime et clame haut et fort que Tarass Boulba est le rôle de sa vie, puis approche à cet effet le romancier et historien ex-communiste Howard Fast (auteur du Spartacus filmé par Kubrick) ; ce dernier peine toutefois à ignorer le contexte historique de la nouvelle de Gogol à cause de la persécution des juifs polonais par les cosaques ; quant à la star au crâne chauve, elle oblitère cet aspect, préférant se concentrer sur la tragédie d’un père aveuglé par le nationalisme et qui anéantit son fils préféré (le second fils survit). Le script de Fast est retravaillé par Waldo Salt (autre blacklisté), puis Karl Tunberg (Ben Hur). Mais l’entreprise chavire lorsque Tony Curtis, 37 ans, accepte le rôle du fils Andreï, s’impose comme coproducteur (Curtleigh Productions), exige d’être nommé en tête d’affiche au-dessus de Yul, puis s’éprend de sa jeune partenaire allemande, Christine Kaufmann, 17 ans, sous les yeux de Janet Leigh, son épouse depuis 11 ans. Scandale et tensions. Le montage final réduit le héros en titre au second rôle, une majorité de scènes avec papa Tarass (pourtant assez crédible) sont coupées, seule reste l’amourette parfaitement mièvre - avec « flous artistiques » - d’Andreï et de Natalia, sa mignonne aristocrate polonaise. Corrigeant sérieusement Gogol, l’intrigue insiste longuement sur leur flirt caché à Kiev qui force Andreï, humilié par les étudiants polonais, puis flagellé mais ayant échappé à la castration, à fuir la ville inhospitalière avec son frère. À la fin, le jeune homme sauve Natalia du bûcher - auquel elle a été condamnée pour être tombée amoureuse d’un ennemi ! - en acceptant de mener un raid hors de la forteresse affamée afin de s’emparer du troupeau de bœufs des assiégeants ; il se fait surprendre par son géniteur qui l’abat. Sur quoi les cosaques précipitent tous les Polonais dans les flots et Doubno devient ville cosaque (!). Tarass se ravise, ordonne la paix pour tout le monde et, avec son fils survivant Stepan et Natalia, le trio se receuille sur le tombeau d’Andreï. Cette salade aussi indigeste qu’insignifiante – dont Yul Brynner ne se remettra jamais - a été confiée au réalisateur britannique Jack Lee Thompson, mercenaire sans états d’âme accoutumé au cinéma d’aventure, à la logistique compliquée et aux gros budgets (The Guns of Navarone). Faute de s’entendre avec les pays de l’Est, il emmène tout le monde en Argentine, à Salta, au pied de la Cordillère des Andes (à 1000 km nord-ouest de Buenos Aires, atteignable seulement par auto et avion) où est érigé à grands frais le décor géant de la forteresse de Doubno, remarquable, devant laquelle se démènent 3 bataillons de l’armée argentine et 500 gauchos de la Pampa entraînés à monter comme des cosaques. L’effort est payant, cavalcades et batailles sont visuellement très impressionnantes mais hélas interminables ; elles ont été dirigées par Cliff Lyons (collaborateur de John Ford, Michael Curtiz, Sam Peckinpah et qui vient de régler l’assaut final de The Alamo pour John Wayne). Le tournage en Panavision et Eastmancolor se déroule d’octobre 1961 à février 1962, avec des quartiers de Kiev et Doubno - d’une laideur consommée - reconstruits aux studios Universal (Los Angeles), plus quelques extérieurs au Walt Disney’s Golden Oak Ranch à Newhall (Calif.). Une moitié des spectateurs – surtout américains - ne se dérange pas pour rire de ce Tony Curtis en joli cœur cosaque (à contre-emploi et à peine moins âgé que son « papa » Yul Brynner), l’autre moitié parce qu’elle n’admet pas la mort de leur idole à la fin d’une histoire aussi insensée ! Budgété à 3,8 $, le film revient finalement à 7 millions $, la production comptabilise une perte sèche de 4,5 millions $. Seul le compositeur Franz Waxman s’en sort avec une nomination à l’Oscar pour sa belle partition. - IT : Taras il magnifico. |
1961/62 | Le Fils de Tarass Boulba / Taras Bulba il cosacco (FR/IT/YU) de Henri-T. Zaphiratos et Ferdinando Baldi Henri Zaphiratos, Giovanni Solitro/International Thanos Films (Paris)-Compagnia Cinematografica Europea (CCE Milano)-Associazone Internazionale Cinematografica (IAC)-I.D.C.Produzione Cinematografiche-Dubrava Film (Zagreb), 96 min. - av. Vladimir Medar (Tarass Boulba), Jean-François Poron (Andreï Boulba, son fils aîné), Georges Reich (Ostap Boulba, son fils cadet), Lorella De Luca (Nadia), Fosco Giachelli (le voïvode polonais, son père), Erno Crisa (l’envoyé du roi de Pologne), André Huc-Santana (Gurko), Sylvia Sorrente (la gitane Mira), Andrea Scotti (le prince Lipowski), Mirko Ellis (le prince Chipkine), Nino Marchetti (Kotchevoï, chef suprême des cosaques), Dada Gallotti (Nicha), Armand Bourguignon, Diane Telegen, Claude Bertrand, Jean-Henri Chambois, Roger Rudel. D’accord avec les tribus tartares, le roi de Pologne-Lituanie, dont l’emprise se fait sentir à Kiev, décide de se faire livrer comme otages les fils des chefs cosaques. Tarass, le plus fier d’entre eux, jette l’envoyé royal à la porte et fait chercher ses fils Andreï, amoureux de Nadia, fille du voïvode polonais, et Ostap à Kiev. Les Polonais tentent de tuer Tarass tandis qu’Andreï est enlevé par les Tartares qui le livrent à la Pologne. C’est la guerre, Tarass remporte une première bataille. L’hiver bloque les troupes royales qui ne peuvent parvenir à Doubno où s’entassent les réfugiés. Le voïvode menace de tuer André si les troupes de son père avancent, mais le jeune homme parvient à s’échapper et les Polonais se réfugient derrière les remparts de la cité où survit aussi Nadia. Tarass promet de vendre Nadia comme esclave à Constantinople. À l’insu de son père, celle-ci vient se livrer aux cosaques pour qu’ils épargnent la cité, Andreï l’enlève et la ramène à Doubno. Tarass ordonne l’assaut de la ville, Nadia est tuée par une flèche et Andreï, ayant pris parti pour les Polonais, est abattu par une flèche de son propre père, fou de colère. Une production quasi inconnue, dont le tournage en Totalscope et Eastmancolor débute en août 1961 (soit juste avant le film concurrent de J. Lee Thompson) en Croatie et dans les studios de la Dubrava-Film à Zagreb et d’Icet à Milan, se poursuivant jusqu’en hiver dans la neige, par -25°C pour les batailles. Le scénario est signé Ennio De Concini, responsable de nombreux péplums, mais aussi de Il grido d’Antonioni, du Masque du démon de Mario Bava et de Divorce à l’italienne de Pietro Germi. Une première distribution des rôles prévoit Van Heflin (Tarass), Rossana Schiaffino (Nadia) et Alan Scott (Andreï), mais c’est le comédien croate Vladimir Medar qui remporte le rôle-titre ; à ses côtés Jean-François Poron, joli garçon qui vient d’interpréter le duc de Nemours aux côtés de Marina Vlady dans La Princesse de Clèves de Jean Delannoy. À la mise en scène, également coproducteur et coscénariste, le romancier, dramaturge et réalisateur gréco-français Henri-T. Zaphiratos, qui a tourné peu de choses ; il est soutenu par Ferdinando Baldi (le western spaghetti Django) à titre de conseiller technique. L’affiche peu alléchante, les moyens limités et la concurrence du supernanar américain avec Yul Brynner lui enlèvent toute chance de succès. Le film sort en septembre 1962 en Iran (!) et seulement en novembre 1964 en France ; il semble quasi inédit en Italie (sauf hypothétique distribution régionale). - DE : Taras Bulba - Die Kosaken kommen, US : Taras Bulba, the Cossack, The Fighting Cossacks (dvd), Plains of Battle (tv). |
1965 | (tv) Tarass Boulba (FR) d’Alain Boudet Série « Le Théâtre de la Jeunesse » de Claude Santelli, RTF/ORTF (TF1 10.4.65), 99 min. - av. Christian Barbier (Tarass Boulba), Michel Benedetti (Andreï Boulba), Sadi Rebbot (Ostap Boulba), Yvette Etievent (Irina), Edith Garnier (Yadwiga), Alice Reichen (Nania), Marcel Guido (le frère de Yadwiga), René Alone (Kochevoï), François Darbon (Yankel), Yves Arcanel (Tovkatch), Jean Gobet (Dmitrio), Pierre Duncan (le passant), Billy Callaway (le cocher), Jean Galtat (le soldat polonais), Robert Secq (le bourreau), Franck Estange, Roger Jacquet, Henri Czarniak, André Tomasi, Armand Ladoumègue, Michel Charrel, Georges Beichenko, Wladimir Yagello, Dick Éro (divers cosaques), Roger Rudel (narration). – Une transposition théâtrale assez inoffensive de Gogol, adaptée pour la jeunesse de l’Hexagone par Jean-Louis Roncoroni et enregistrée dans les studios parisiens des Buttes-Chaumont. |
1967 | (tv-mus) Taras Bulba (CS) de Václav Hudecek Ceskoslovenská Televize (Praha), 23 min. – av. Cestmír Randa (Tarass Boulba), Jirí Kodet (André), Eva Vísková (la fille), Petr Kostka (Ostap, fils cadet de Taras Bulba). – Illustration de la rhapsodie pour orchestre éponyme de Leos Janácek (1918) et trois tableaux : 1. « Mort d’Andreï » - 2. « Mort d’Ostap » - 3. « Prophétie et Mort de Taras Boulba ». |
1987 | (tv-mus) Taras Bulba (CS) de Pavel Smok Ceskoslovenská Televize (Praha), 23 min. – av. Vladimír Kloubek (Ostap, fils cadet de Taras Bulba). – Captation télévisuelle du ballet de Pavel Smok créé à partir de la suite orchestrale de Leos Janácek (1918). |

Mikhail Golubovich interprète Tarass Boulba pour la télévision ukrainienne (2009).
2008/09 | (tv) Duma pro Tarasa Bulbu [=Une pensée pour Tarass Boulba] (UA) de Piotr Panchuk et Evgeny Bereznyak Suspilne Kultura TV (Kyev) (Pershyi Natsionalnyi 29.3.09), 69 min. – av. Mikhail Golubovich (Tarass Boulba), Valery Narizhny (un cosaque). – Une version ukrainienne du roman de Gogol fabriquée en réaction à la superproduction nationaliste russe de Vladimir Bortko, alors en cours de tournage (cf. infra). Ce film à petit budget (2 millions de $) est tourné en juin 2008 autour de Zaporijia et sur l’île fluviale de Khortytsa sur le Dniepr, où a été établie une ville-musée avec la reconstruction d’une ancienne forteresse cosaque, des habitations et une petite église en bois, ensemble dans lequel jouent d’authentiques cosaques et des acteurs du théâtre de Lougansk (dont Mikhail Golubovich est la vedette). Avec cette production, le scénariste et coréalisateur Evgeny Bereznyak souhaite interroger la jeunesse du pays pour savoir si elle serait capable et si elle aurait l’énergie d’imiter Boulba pour le bien de sa patrie... Le film n’est jamais sorti en salles, mais il a été diffusé à la télévision ukrainienne et reproduit localement sur DVD. |

À droite, Ostap, le fils aîné de Tarass Boulba, s’apprête à être torturé par les Polonais sur la grande place de Varsovie.
2009 | (ciné+tv) Taras Bulba (Barbarians) (RU/UA/PL) de Vladimir Bortko Sergueï Danielyan, Ruben Dishdishyan, Aram Movsesyan, Anton Zlatopolskiy, Aleksandr Potyomkin/ARK-Film Productions-Central Partnership-Telekanal Rossiya (Moskva), 131 min./129 min./tv: 150 min., 3 parties. – av. Bogdan Stupka (le colonel-ataman Tarass Boulba), Igor Petrenko (Andreï Boulba), Vladimir Vdovitchenkov (Ostap Boulba), Magdalena Mielcarz (Panna Elzbieta Mazowiecka, fille du voïvode polonais de Doubno), Daniel Olbrychski (Krasnevsky), Youri Beliaev (l’ataman de Zaporogue Kirdyaga), Mikhail Boïarski (le cosaque Moisei Chilo), Sergueï Dreiden (le marchand juif Yankel), Ada Rogovtseva (la femme de Tarass Boulba), Vladimir Iline (l’ex-ataman Kurennoï), Liubomiras Laucevicius (le duc polonais Mazowiecki), Les Serdiouk (le cosaque Dmitri Tovkatch), Aleksandr Dediouchko (l’ataman Kokoubenko), Ivan Krasko (le cosaque Kassian Bovdioug), Matliouba Alimova (Tamanka, la servante tatare), Boris Khmelnitsky (le cosaque Barbu), Piotr Zaïtchenko (le cosaque Metelitsa), Stanislav Sokolov (le scribe), Eduard Cenzor (un moine), Ekaterina Novikova (Panna), Tadeusz Paradowicz (un colonel polonais), Sergueï Russkin (Gayduk), Krzysztof Gosztyla (Kozniewski), David Price (un cosaque), Ostap Stupka (Vertikhvost), Sergueï Bezroukov (narrateur). Certes, cette adaptation du texte de Gogol possède absolument tout ce qui manque aux autres : des paysages, des types humains, un langage, des coutumes, des vêtements, armures et armes d’une indépassable authenticité. Sur ce point-là, le plaisir est garanti. Le rôle-titre a été confié à l’Ukrainien Bogdan Stupka/Bohdan Stoupka, 67 ans, directeur artistique du Théâtre national Ivan Franko, ex-ministre de la Culture et des Arts (sous le gouvernement Iouchtchenko), couvert d’honneurs et de prix sur scène comme au cinéma, avec une centaine de films à son actif. Le tournage en scope couleurs (budget : 516 millions de roubles) s’opère du février 2007 à novembre 2008, d’abord en Ukraine (Crimée, forteresse de Khotyn, île de Khortytsia sur le Dniepr, Zaporozhye, château Kamianets-Podilskyï, Kiev), puis en Pologne (Boleslawiec, Wroclaw, château de Grodziec), enfin dans les studios de la Lenfilm à Saint-Pétersbourg, avec la participation de 1000 figurants, 100 cascadeurs et 150 chevaux. L’action est située en 1569. Pour une fois, et la seule fois à ce jour, l’intrigue du roman (dans sa version plus politisée de 1842) est rigoureusement respectée, à quelques détails près, rajoutés par le scénariste : l’épouse de Tarass est violée et tuée par les Polonais qui incendient sa ferme ; Elzbieta (sans nom chez Gogol), la fille du gouverneur polonais, est enceinte d’Andreï, mais elle meurt en couches après le décès de son amant et son père renonce à tuer le nouveau-né, son petit-fils. Quelques annotations ethnographiques aussi, comme l’élection d’un chef suprême (kotchevoï) et les rites qui l’accompagnent. Tous les retours en arrière (naissance et baptême des deux fils, épisodes et coucheries à Kiev, rêves et souvenirs) sont en noir et blanc. Par ailleurs, la fin tragique est maintenue exactement telle que l’évoque l’écrivain : Ostap, le frère d’Andreï, est capturé et exécuté publiquement, le sourire provoquant, sans un mot, sur la place centrale de Varsovie, sous les yeux en larmes de son père qui a pu s’introduire en cachette dans la ville grâce à l’aide du juif Yankel et qui, caché par la foule, lui crie son admiration. Peu de temps après, Tarass Boulba, traqué impitoyablement par la puissante cavalerie polonaise, attire l’ennemi au haut d’une colline pour permettre à ses compagnons de s’échapper en traversant le Dniestr ; condamné au bûcher, il meurt en martyre de sa cause et de sa foi, brûlé vif tout en riant et invectivant ses ennemis. La dernière scène du film se déroule un an plus tard, le nouvel hetman Pototsky harangue ses cosaques : « Est-il au monde des supplices, est-il des flammes, est-il une puissance qui pourront jamais surpasser la force russe ? » - puis, sabre au clair, il passe à l’attaque, tagada-tagada. Fin. Au plus tard à ce moment-là, le spectateur lambda aura compris qu’il a affaire à un film à message. Plus de douze fois au cours du récit, les dialogues clament la « gloire éternelle de la terre russe », « la camaraderie russe », le « cœur russe ». Et l’Ukraine dans tout cela ? ➤ Le film a été programmé pour sortir le 2 avril 2009, date anniversaire de Gogol. Ce jour-là, à Moscou, Vladimir Poutine célèbre Gogol comme « un immense écrivain russe », tandis qu’à Kiev, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko rappelle modestement que Gogol appartient à l’Ukraine, car « il écrivait en russe mais pensait et éprouvait des émotions en ukrainien ». Le réalisateur Bortko reçoit le Prix Lénine « pour l’incarnation des idéaux d’amitié entre les peuples ukrainien et russe, et la promotion d’un patrimoine historique et culturel commun dans le film. » Ce qui vaut à Taras Bulba d’être présent à la Mostra de Venise… En revanche, il est vivement critiqué par nombre d'hommes politiques et journalistes dans les médias ukrainiens pour sa récupération idéologique. Le héros de Gogol y servirait de figure d’identification pour la Russie contemporaine et sa ligne politique ultranationaliste alors que les cosaques des XVIe-XVIIe siècles ne sont pas morts pour la Russie, mais pour leur liberté. Le ministre de la Culture et du Tourisme de l'Ukraine, Vasily Vovkun, déclare que « dans le film de Bortko, l'impérialisme russe apparaît sous une nouvelle forme en mobilisant Gogol », ajoutant que « le film est fait sur mesure » et dirigé « à la fois contre l'Ukraine » et « contre la Pologne ». Oleg Tyagnibok, leader de l'association panukrainienne Svoboda, qualifie le film de « propagande moscovite » et de produit de la guerre de l'information contre l'Ukraine. D’autres voix, comme celle de l’écrivain Oles Buzina, estiment au contraire que le Taras Bulba de Bortko parle des « vrais Cosaques » qui se sont battus pour la Russie et l’Orthodoxie, « et non pour le manuel d'histoire de Iouchtchenko, où ils sont encadrés pour le « maintien de la paix » de l'OTAN et l'idée de « l'intégration européenne ». La stricte fidélité du film à sa source littéraire excuserait tout, on se cache derrière Gogol. Le 22 décembre 2014, le Comité d'État pour la cinématographie de l'Ukraine annonce l'interdiction de projeter le film sur tout le territoire ukrainien, accusant ses créateurs de discréditer l'idée nationale ukrainienne et affirmant que cela pourrait nuire aux intérêts nationaux du pays. Autre nouveauté : le film insiste à chaque occasion sur les querelles religieuses entre bons orthodoxes (russo-cosaques) et les autres, car les Polonais voient des hérésies à anéantir partout où le catholicisme romain ne s’est pas imposé. Mais c’est surtout l’antisémitisme qui déclenche des réactions, notamment dans les médias en Israël. Le film a renoncé aux embarrassantes scènes de pogrom en Ukraine comme en Pologne décrites par l’écrivain. On se contente de montrer quelques juifs en fuite (« noyons les Israélites dans le Dniepr ! ») et leurs maisons saccagées ou incendiées ; le Tarass du film prend Yankel sous sa protection, mais la description caricaturale qu’on en donne, vil, lâche, vénal, brassant ses pièces d’or en grimaçant, rappelle furieusement celle du Juif Süss de Veit Harlan en 1940, à la veille de la « solution finale ». La dernière demi-heure du film se vautre dans une violence rarement vue à l’écran, une boucherie qui ferait passer Peckinpah ou Tarantino pour des enfants de cœur : en affrontant les redoutables hussards ailés polonais avec leurs plumes de rapaces, il n’y a pas un coup d’épée ou de lance sans plaie bien ouverte, têtes décollées, entrailles béantes, bras ou mains sectionnés dans une suite ininterrompue de giclures de sang à rougir l’écran. Bravo les effets spéciaux. Les tortures subies en public par Ostap et ses compagnons sont détaillées étape après étape, bras et jambes écrabouillés par une massue, torses rôtis dans des plaques de métal rougies par le feu, les corps pantelants (ou ce qu’il en reste) suspendus par des crochets, etc. Un Polonais ricane : « J’aime bien quand ça dure… » Le titre de distribution internationale, France comprise, de ce Taras Bulba est Barbarians… En référence aux cosaques rugueux, aux « sales Polaks » - ou aux commanditaires du film ? – DE (dvd) : Steppensturm. Der Aufstand der Kosaken, GB (dvd) : Iron & Blood : The Legend of Taras Bulba. |
2010 | [Veer – Hero of the People (IN) d’Anil Sharma. – av. Salman Khan, Mithun Chakraborty, Jackie Shroff. - Une adaptation du roman de Gogol dont l’action est située en Inde en 1862 où l’armée coloniale anglaise et le maharadjah de Madhavgarh combattent les irréductibles guerriers Pindari (tournage devant la forteresse Amber à Jaipur). – DE : Veer – Die Liebe eines Kriegers.] |