III - L’ITALIE

2. ITALIE SEPTENTRIONALE : LOMBARDIE, VÉNETIE ET ÉMILIE-ROMAGNE

2.8. « The Taming of the Shrew », comédie de William Shakespeare

Rédigée en 1595, " La Mégère apprivoisée " est située à Padoue vers 1400, cité alors sous domination vénitienne. Baptista Minola, un des plus riches marchands de la ville, a deux filles : l'aînée, Katharina, est si insupportable, autoritaire et capricieuse que personne n'a osé jusqu'à présent demander sa main, tandis que la cadette Bianca est adorable, charmante et soumise, convoitée par trois prétendants, les seigneurs Lucentio, Hortensio et Gremio. Mais leur père refuse de céder cette dernière avant d'être débarrassé de la première. Arrivé de Vérone, Petruchio [Petruccio], chasseur de dot, ruiné mais hardi, accepte d'épouser la riche Katharina, l'emmène de force à Vérone où il la " dresse ", la privant de nourriture, de sommeil, jouant les rustres et ne ménageant en aucun moment sa mégère pour qui il représente la balourdise et la brutalité... jusqu'au jour où l'un comme l'autre s'aperçoivent de l'amour qu'ils se portent et le démontrent publiquement dans le domaine paternel à Padoue.
Nota Bene : la liste des captations et dramatiques tv de la pièce n'est pas exhaustive.
1908The Taming of the Shrew (La Mégère apprivoisée) (US) de David Wark Griffith
American Mutoscope & Biograph Co., 319 m./17 min. - av. Florence Lawrence (Katharina), Arthur Johnson (Petruchio), Linda Arvidson (Bianca), Harry Solter (Baptista Minola), George Gebhardt (Lucentio), Mack Sennett (le domestique de Petruchio). - Tournage aux studios Biograph (New York City) et à Coytesville (New Jersey).
1908La bisbetica domata (IT) de Lamberto et Azeglio Pineschi
Società Italiana Pineschi (Roma), 187 m.
1911The Taming of the Shrew (GB) de Sir Francis Robert Benson
Cooperative Cinematograph Co.-Stratford Memorial Theatre Company, 341 m./12 min. - av. Sir Francis Robert Benson (Petruchio), Constance Benson (Katharina).
1911La Mégère apprivoisée (FR) d'Henri Desfontaines
Radios-Eclipse (Paris), 328 m. - av. Cécile Didier (Katharina), Romuald Joubé (Petruchio), Denis d'Inès, André Bacqué, Raymond Lyon, Trouhanova.
1913La bisbetica domata (La Revêche apprivoisée) (IT) d'Arrigo Frusta
Società Anonima Ambrosio, Torino, 604 m./22 min. - av. Eleuterio Rodolfi (Petruchio), Gigetta Morano (Katharina).
1915The Taming of the Shrew (GB) d'Arthur Backner
British & Colonial Kinematograph Company Ltd.-Voxograph, 610 m. - av. Arthur Backner (Petruchio), Constance Backner (Katharina). - Filmé aux studios de Hoe Street à Walthamstow (London).
1923The Taming of the Shrew (GB) d'Edwin J. Collins
British & Colonial Kinematograph Co. Ltd., 616 m./40 min. - av. Lauderdale Maitland (Petruchio), Dacia Deane (Katharina), Cynthia Murtagh (Bianca), M. Gray Murray, Somers Bellamy. - Filmé aux studios de Hoe Street à Walthamstow (London).
Douglas Fairbanks et Mary Pickford s’attaquent à Shakespeare (1929).
1929* The Taming of the Shrew (La Mégère apprivoisée) (US) de Sam Taylor
The Pickford Corporation (Mary Pickford)-The Elton Corporation (Douglas Fairbanks)-United Artists, 1891 m./73 min. - av. Mary Pickford (Katharina), Douglas Fairbanks (Petruchio), Edwin Maxwell (Baptista Minola), Joseph Cawthorn (Gremio), Geoffrey Wardwell (Hortensio), Clyde Cook (Grumio), Dorothy Jordan (Bianca).
Douglas Fairbanks et Mary Pickford, idoles des foules formant le couple le plus populaire d'Hollywood des années 1920, co-fondateurs et co-propriétaires de United Artists, ne sont jamais apparus ensemble à l'écran. Doug cultive le film d'aventures trépidant, de D'Artagnan à Zorro, de Robin des Bois au voleur de Bagdad, tandis que Mary, surnommée " America's Sweetheart ", triomphe dans les rôles d'ingénue aux boucles blondes. Alors que le cinéma sonore s'impose, la comédie du Barde est présentée au théâtre à Los Angeles en janvier 1929 par une troupe de Stratford-Upon-Avon, ce qui incite les stars à produire ensemble le premier Shakespeare du cinéma " parlant ", chacun y trouvant de quoi se mettre en valeur (budget : 504'000 $). Pourtant, la matière est périlleuse, car le mariage Fairbanks-Pickford bat de l'aile ; lui ne tient pas en place, exubérant, farceur, acrobate, aventurier qui ne rêve que de voyages lointains, tandis que son épouse, femme d'affaires avisée, casanière, économe et autoritaire, tient son rang dans les mondanités de la " mecque du cinéma " et meuble leur manoir commun, " Pickfair ". Elle choisit un metteur en scène docile et incolore, Sam Taylor (il vient de la diriger dans son premier film parlant, Coquette) ; c'est un spécialiste du burlesque qui a travaillé pour Harold Lloyd et plus tard pour Laurel et Hardy, ce qui, hélas, se remarque : les gags avec le valet Grumio sont du slapstick gratuit, et les culbutes dans les escaliers relèvent du même esprit. Précisons d'emblée à ce propos que la mention au générique de " dialogues additionnels de Sam Taylor ", carton qui aurait fait ricaner une génération de spectateurs, est un ragot diffusé jadis par des persifleurs hostiles au cinéma parlant ; toutes les copies indiquent simplement " adaptation et réalisation de Sam Taylor ". Son scénario ne reprend que 500 vers de la pièce, augmentés à la fin de quelques lignes tirées de Catharine and Petruchio, l'adaptation très populaire de David Garrick en 1754, jouée pendant plus de deux siècles. La conclusion de ce rajout exigé par Mary Pickford tente de répondre à l'ambiguïté de la pièce quant à savoir qui, de Katharina ou de Petruchio, a vraiment été " apprivoisé " par l'autre. Tout en faisant un clin d'œil à sa sœur Bianca, fort amusée, Katharina feint de se soumettre et laisse croire à son époux qu'il a remporté la partie. Auparavant, elle l'a surpris en secret en train d'expliquer à son chien (!) comment il allait " dresser " sa femme, passage totalement apocryphe mais qui permet de rassurer les ligues féministes américaines outrées par le machisme élisabéthain. La subtilité n'est pas au rendez-vous : Shakespeare n'est ici qu'un prétexte pour mettre en valeur le couple vedette, et tous les autres personnages de la pièce (Bianca, ses prétendands, leurs pères) sont négligés, sinon éliminés. Si Fairbanks s'en donne à cœur joie et remporte la sympathie du spectateur avec force gesticulations, Mary Pickford, qui surjoue parfois, le fouet à la main, se montre plus résistante que l'héroïne shakespearienne et ne s'avoue à aucun moment défaite. Pourtant, la star se plaindra par la suite d'avoir été contrainte par Sam Taylor de mimer un chat sauvage plutôt qu'une tigresse.
On tourne en deux versions (muette et sonore) du 24 juin au 5 août 1929 aux studios de la United Artists sur Santa Monica Boulevard, Hollywood, dans de vastes décors fort peu italiens conçus par William Cameron Menzies, et en extérieurs à Iverson Ranch à Chatsworth (L. A.) ; à la photo, on trouve le grand Karl Struss (Sunrise/L'Aurore de Murnau, 1927) et la musique au clavecin de Domenico Scarlatti souligne l'ironie du propos. La production renonce toutefois au Technicolor après quelques tests peu convaincants. Très vite, le climat de travail dégénère, les aléas de la pièce révèlent des divergences irréconciliables entre les deux vedettes, étalant ressentiments et frustrations. Fairbanks ne peut encaisser le réalisateur et lit son dialogue sur pancartes, les contacts sur le plateau se font bientôt par assistant (Bruce Humberstone) interposé. Rétrospectivement, Mary Pickford parlera d'un " désastre " qui précipita leur divorce. La première du film - " All Talking ! All Laughing ! " - a lieu le 26 octobre, mais le moment tombe mal, car le krach boursier du 24 à Wall Street, qui marque le début de la Grande Dépression, occupe tous les esprits et Shakespeare (ou ce qui l'en reste) ainsi que les furies feintes de Mme Pickford laissent les foules indifférentes. Ayant engrangé 1,1 million de $, le film recouvre ses frais mais n'est pas du tout le succès escompté. Variety ironise à propos d'un " vastly extravagant burlesque of Bill Shakespeare " (4.12.29), alors que le New York Times place généreusement cette " joyeuse farce " parmi les dix meilleurs films de l'année. De gustibus... - En 1966, à l'occasion de la sortie du film de Franco Zeffirelli (cf. infra), Mary Pickford financera un nouveau montage raccourci de 7 minutes, avec une autre bande son. - DE : Der Widerspenstigen Zähmung, IT : La bisbetica domata, ES : La fierecilla domada.
1939(tv-th) Katharine and Petruchio (GB) de Dallas Bower
" Scenes from Shakespeare ", BBC Television Service (BBC 12.4.39). - av. Margaretta Scott (Katharina), Austin Trevor (Petruchio), Alan Wheatley (Hortensio), Ivor Barnard (Gremio), Ben Webster (Baptista Minola), Vera Lindsay (Bianca). - En fait, une adaptation de Catharine and Petruchio de David Garrick (1754) enregistrée en direct dans les premiers studios de la BBC à Alexandra Palace, North London.
1942[La bisbetica domata (IT) de Ferdinando M. Poggioli ; Excelsa Film, 85 min. - av. Amaedeo Nazzari (Petruchio), Lilia Silvi (Katharina), Lauro Gazzolo, Rossana Montesi, Paolo Stoppa. - Version transposée au XXe siècle.]
1950[(tv-th) The Taming of the Shrew (US) de Paul Nickell ; Westinghouse Studio One (CBS 5.6.50), 60 min. - av. Charlton Heston (Petruchio), Lisa Kirk (Katharina), Don Murray (Biondello), Sally Chamberlin (Bianca), Henry Barnard (Lucentio), Ernest Graves (Tranio), Louis Edmonds (Grumio), Arthur O'Connell (Curtis). - Transposition au XXe siècle, avec Charlton Heston à ses débuts.]
1952(tv-th) The Taming of the Shrew (GB) de Desmond Davis
" BBC Sunday Night Theatre " (BBC 20.4.52). - av. Margaret Johnson (Katharina), Stanley Baker (Petruchio), Sheila Shand Gibbs (Bianca), Ernest Jay (Baptista Minola), Dennis Bowen (Hortensio), Charles Heslop (Gremio). - Avec le Gallois Stanley Baker en Petrucchio, qui deviendra à partir de 1959 le comédien-fétiche de Joseph Losey (Blind Date, The Criminal, Eva et Accident).
1953* [Kiss Me Kate (Embrasse-moi, chérie) (US) de George Sidney ; MGM, 109 min. - av. Kathryn Grayson (Lilli Vanessi/Katharina), Howard Keel (Fred Graham/Petruchio), Ann Miller (Lois Lane/Bianca), Keenan Wynn (Lippy), Bob Fosse (Hortensio). - Superbe musical de Cole Porter (1948) dont l'action est transposée dans le monde de Broadway où une troupe de théâtre joue la pièce de Shakespeare, en Technicolor et 3D. Mise en scène joyeusement animée par le réalisateur de Scaramouche (1952).]
1956La fierecilla domada / La Mégère apprivoisée (ES/FR) d'Antonio Román
Miguel Tudela, Manuel Castedo/Producciones Benito Perojo (Madrid)-Vascos Films (Paris), 95 min. - av. Carmen Sevilla (Catalina de Martos y Ribera [Katharina]), Alberto Closas (Don Beltrán de Lara [Petruchio]), Raymond Cordy (Don Bautista de Martos y Ribera [Baptista Minola]), Claudine Dupuis (Blanca de Martos [Bianca]), Manuel Gómez Bur (Don Mario de Acevedo), Jacques Dynam (Florindo), Luis Sánchez Polack (Octavio), Joaquín Portillo Top (Marco), Carlos Mendy (Jerónimo), Raoul Billerey (Truhán), Manuel Guitián (Escribero), Gianni Musy (Lisardo de Ayala), Manuel Requena (le prêtre de Gandia).
Une version très, très libre de la comédie, fabriquée par Antonio Román, homme à tout faire du cinéma franquiste, avec des moyens importants provenant de Madrid (70%) et de Paris (30%). L'action est déplacée en Espagne, à Gandia (province de Valence), mais les sychronisations française, italienne et allemande rétablissent les patronymes et les lieux fixés par Shakespeare. La production sert surtout de vitrine à la turbulente idole du cinéma hispanique Carmen Sevilla qui cavalcade avec des sombreros fort peu Renaissance, manie l'épée, enchaîne son amoureux (l'Argentin Alberto Closas) à un pilier et chante Amor, dónde estás, amor ?. On eut souhaité que ces piques sado-maso venant de la clinquante et froufroutante Méditerranéenne soient exploitées par un Luis Buñuel, mais hélàs, Román est loin d'en avoir le talent et son film, projeté hors concours au Festival de Cannes 1956, sera vite oublié, malgré d'excellentes recettes et une cascade de prix à Madrid (Circulo de Escritores Cinematográficos et Sindícato Nacional de Espectáculo pour la star). Tournage en août-octobre 1955 en Gevacolor-Agfacolor aux Studios C.E.A. Ciudad Lineal à Madrid, en extérieurs à Cáceres (Ciudad Vieja), Madrid (Casa de Campo) et au château de Manzanares el Real. Au lendemain du tournage, le producteur Benito Perojo placera Carmen Sevilla dans Don Juan, autre coproduction hispano-française (signée par l'exilé John Berry), avec ... Fernandel en Sganarelle. - DE : Der Widerspenstigen Zähmung, IT : La vergine ribelle.
1956(tv-th) The Taming of the Shrew (US) de George Schaefer
Maurice Evans/Hallmark Hall of Fame Productions-National Broadcasting Company (NBC) (NBC 18.3.56), 90 min. - av. Lilli Palmer (Katharina), Maurice Evans (Petruchio), Diane Cilento (Bianca), Philip Bourneuf (Baptista Minola), John Colicos (Lucentio), Jerome Killy (Grumio), Robinson Stone (Vincentio), Douglass Watson (Hortensio). - Enregistré l'année du divorce de l'Allemande Lilli Palmer, star du cinéma d'après-guerre, avec Rex Harrison, épousé en 1943.
1958(tv-th) La bisbetica domata (IT) de Daniele D'Anza
Cycle " Le grandi produzioni di prosa ", Radiotelevisione Italiana (RAI 3.4.58), 140 min. - av. Gabriele Ferzetti (Petruchio), Lea Padovani (Katharina), Ilaria Occhini (Bianca), Augusto Mastrantoni (Baptista Minola), Aroldo Tieri (Tranio), Marcello Moretti (Grumio), Franco Volpi (Gremio).
1958(tv-th) Der Widerspenstigen Zähmung (DE) de Ludwig Berger
Sender Freies Berlin (SFB) (ARD 23.1.58), 81 min. - av. Hans Putz (Petruchio), Ursula Lingen (Katharina), Renate Danz (Bianca), Joachim Hansen (Lucentio), Hans Putz (Tranio), Wolfgang Gruner (Grumio), Arnold Marquis (Hortensio), Rudolf Platte (Baptista Minola), Hugo Schrader (Gremio).
Prestigieux cinéaste d'avant-guerre, musicologue, homme de théâtre cultivé et raffiné, enfin traducteur de plusieurs pièces de Shakespeare (dont celle-ci), l'Allemand Ludwig Berger, de retour d'Hollywood, tourne son dernier film de cinéma en 1950, puis s'adonne exclusivement à la transposition de grands classiques pour la télévision.
1961Ukrochtcheniye Stroptivoï (SU) de Sergej Kolossov
Mosfilm (Moscou), 92 min. - av. Andrej Popov (Petruchio), Ludmilla Kassatkina (Katharina), Vladimir Blagobrasov (Baptista Minola), Olga Krasina (Bianca), Vladimir Zeldin (Lucentio), Antoni Khodurski (Gremio), Mark Pertsovskij (Hortensio), Vladimir Soshalsky (Tranio).
1962(tv-th) Der Widerspenstigen Zähmung (DE) de Heinz Hilpert
Bayerischer Rundfunk (BR)-Residenztheater München (ARD 2.8.62), 106 min. - av. Hans Dieter Zeidler (Petruchio), Elfriede Kuzmany (Katharina), Lis Verhoeven (Bianca), Hans Baur (Baptista Minola), Sigfrit Steiner (Gremio), Harry Hertzsch (Vincentio), Harald Leipnitz (Lucentio), Max Mairich (Grumio).
1963(tv-th) La bisbetica domata (IT) de Franco Enriquez
Radiotelevisione Italiana (RAI Due 26.8.63), 162 min. - av. Glauco Mauri (Petruchio), Valeria Moriconi (Katharina), Laura Panti (Bianca), Pier Antonio Barbieri (Baprista Minola), Carlo Enrici (Grumio), Michele Riccardini (Gremio), Nevio Genovesi (Beppino), Enrico d'Amato (Tranio).
1964(tv-th) La Mégère apprivoisée (FR) de Pierre Badel
RTF (1e Ch. 27.12.64), 110 min. - av. Rosy Varte (Katharina), Bernard Noël (Petruchio), Lucien Baroux (Baptista Minola), Caroline Cellier (Bianca), Henri Virlojeux (Hortensio), Jean-Paul Roussillon (Beppo), Christian Marin (Gremio), Michel Courronneau (Grumio), Rosy Varte, Marius Balbinot, Claude Carliez, Rico Lopez, François Nadal, Gaëtan Noël.
Pierre Badel opte pour une fin originale dans laquelle Katharina ne se soumet pas mais partage les tâches domestiques avec son mari (adaptation d'Albert Vidalie).
Richard Burton et Elizabeth Taylor sous la direction de Zeffirelli (1967).
1966/67*** The Taming of the Shrew / La bisbetica domata (La Mégère apprivoisée) (US/IT) de Franco Zeffirelli
Richard Burton, Elizabeth Taylor, Franco Zeffirelli, Richard McWhorter/Burton-Zeffirelli Productions-Royal Films International Inc. (New York)-F.A.I. Films Artistici Internazionali S.r.l. (Roma)-Columbia Pictures (Hollywood), 126 min. - av. Richard Burton (Petruchio), Elizabeth Taylor (Katharina), Cyril Cusak (Grumio), Michael York (Lucentio), Michael Hordern (Baptista Minola), Natasha Pyne (Bianca), Alfred Lynch (Tranio), Alan Webb (Gremio), Victor Spinetti (Hortensio), Roy Holder (Biondello), Marc Dignam (Vincentio), Giancarlo Cobelli (le prêtre), Vernon Dobtcheff (le pédant), Ken Parry (le couturier), Anthony Gardner (Haberdasher), Bice Valori (la veuve riche de Hortensio), Alberto Bonucci (Nathaniel), Roberto Antonelli (Philip), Lino Capolicchio (Gregory).
Dans les années 1960, trois noms prestigieux illuminent le théâtre italien : Giorgio Strehler, Luchino Visconti et son disciple florentin Franco Zeffirelli, ce dernier en particulier pour l'opéra. Zeffirelli a déjà tâté du cinéma en 1958 avec Camping, une insipide comédie touristique, puis a préféré diriger Maria Callas au Royal Opera House de Covent Garden et se faire un nom de maître scénographe à l'Old Vic Theatre à Londres en mettant en scène Romeo and Juliet, Othello et Much Ado About Nothing. Lorsqu'il envisage de porter à l'écran La bisbetica domata en été 1964, c'est avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni en tête, mais il se ravise en apprenant qu'Elizabeth Taylor et son mari Richard Burton rêvent de coproduire une version parlée anglais de la pièce avec des capitaux américains à Rome. Rescapé du tournage dramatique de Cleopatra (J. L. Mankiewicz) à Cinecittà, le couple Taylor-Burton, féru de littérature, est à présent avide de sujets exigeants et artistiquement ambitieux ; Burton a une solide expérience de théâtre (où il a campé Roméo, Henry V, Hamlet et Iago) et le turbulent tandem vient de s'entre-déchirer dans les éprouvantes scènes de ménage alcoolisées de Who's Afraid of Virginia Wolf ? de Mike Nichols, en quelque sorte une répétition générale pour The Taming of the Shrew, projet dans lequel chacun décide d'investir personnellement un million de dollars en plus de leurs salaires contre un pourcentage des recettes. " C'est notre seconde coproduction, la première était notre mariage ! ", proclame Burton. Déterminé à faire simultanément revivre les fastes de la Renaissance italienne comme on ne les a jamais vus à l'écran, Zeffirelli réunit ainsi un budget de 4 millions et engage des collaborateurs de tout premier ordre, notamment Nino Rota à la musique et le fabuleux chef-opérateur de John Huston, Oswald Morris (Moulin Rouge, Moby Dick, Heaven Knows Mr. Allyson). Le tournage en Technicolor et Panavision 70 mm a lieu du 21 mars au 6 août 1966 à Dinocittà, les nouveaux studios Dino De Laurentiis Cinematografica aux portes de Rome (alors les plus grands d'Europe), dans de superbes décors de Renzo Mongiardino ne mobilisant pas moins de quatre plateaux pour faire revivre les quartiers et places de Padoue avec des centaines de figurants ; Zeffirelli a déjà engagé Mongiardino - architecte d'intérieur de la jet set internationale - deux ans plus tôt pour La Tosca avec la Callas. Quant aux costumes d'Elizabeth Taylor, ils sont spécialement conçus par Irene Sharaff (The King and I, Cleopatra, West Side Story). Tous les soirs, Burton briefe son épouse, enfant d'Hollywood d'origine britannique qui n'a jamais pratiqué la langue de Shakespeare, séances de travail accompagnées de rasades de whisky dont les séquelles se font plus d'une fois sentir le lendemain ; mais comme ils sont producteurs, ça ne porte pas à conséquence. Alors que Pickford-Fairbanks en 1929 se servaient de la pièce pour relancer leur carrière, Taylor-Burton se placent d'emblée au service du Barde - que le générique du film remercie avec une touche d'ironie, car " sans lui, les scénaristes auraient été en manque de dialogues " ! (L'adaptation s'est faite en collaboration avec Suso Cecchi d'Amico, la scénariste de tous les films de Visconti.)
Le script, d'une grande habileté, épouse assez fidèlement les aléas de la pièce, en allégeant toutefois la partie concernant les efforts des prétendants de Bianca - scènes dont la paternité littéraire reste douteuse - et qui se concentrent ici essentiellement sur les manœuvres comiques de Lucentio (Michael York dans son premier rôle) et de son valet Tranio. Zeffirelli illustre la résistance rageuse de Katharina à son ravisseur crasseux non seulement par le saccage spectaculaire de ses appartements, mais par une longue et acrobatique poursuite, une trépidante chasse dans les couloirs, sur les toits et dans le grenier à foin de l'immense Villa Minola où les " fiancés " s'empoignent comme des chiffonniers au milieu des sacs de laine éventrés. La voix de ténor richement timbrée de Petruchio (ivrogne à la diction parfaite) contraste fortement avec les cris stridents de la mégère aux décolletés débordants, diversité sonore qui donne couleur et dynamisme aux tirades. En route pour Vérone, sous une pluie battante, la mariée monte une mule récalcitrante qui la précipite sans cérémonie dans une mare de boue. Liz Taylor, chatte sauvage cachant un tempérament de feu sous son masque de beauté, laisse progressivement pointer un plaisir secret à défier son bravache bruyant. Tout en écrasant l'orgueil de sa Xanthippe en fureur par l'humiliation extrême, celui-ci découvre une compagne de taille. Katharina s'en sort par une pirouette ultime, lorsque, après avoir démontré publiquement sa soumission, avoir fait la leçon aux épouses désobéissantes de Lucentio et d'Hortensio et être récompensée par un baiser (" Kiss me Kate ! "), elle disparaît de la salle de banquet à l'insu de son mari, le laissant seul face à la risée de la société locale. Et la forte présence de l'actrice confère à son personnage plus de place et de poids que Katharina n'en a dans la pièce. Tant pour le machisme.
Zeffirelli a retenu ses leçons chez Visconti (il fut notamment son assistant sur Senso), sa mise en scène ludique offre un mélange très réussi de dynamisme explosif et d'élégance formelle, bravant la surcharge du décor par le plaisir visuel d'une fête continuelle, que ce soit en espace ouvert (la route pour Vérone), sur le marché bariolé ou dans ces vignettes cocasses de la vie quotidienne à Padoue, images jamais gratuites et qui permettent de comprendre le sujet en profondeur et non seulement de l'illustrer, mais aussi d'exprimer cinématographiquement sa jovialité. En ouvrant son récit sur un service religieux solennel dans la cathédrale que l'annonce du carnaval médiéval avec ses masques grotesques, Zeffirelli le transforme soudainement en parodie blasphématoire à l'image des Saturnales de l'Antiquité romaine ; il introduit un sous-texte de subversion, un jeu de cache-cache au cœur d'une société foncièrement marchande, formaliste, où l'apparence trompe, ce que souligne le comportement outrageux de Petruchio au cours du mariage (il bouscule des clercs, dépeints comme des crétins peureux, et boit le vin de la communion). Le cinéaste est idéalement soutenu par le prodigieux couple Taylor-Burton dont Freddy Buache, pourtant peu porté sur le cinéma anglo-américain, écrira : " En plus d'un talent considérable, ils savent l'un et l'autre allier à leur honnêteté professionnelle l'intelligence et le courage. Sous la direction de Zeffirelli, toutes leurs qualités crépitent dans ce film qui va faire de Shakespeare, avec bonheur, un auteur populaire. Chapeau ! " (Tribune de Lausanne, 31.12.67). Sorti le 27 février 1967 - lors de la Royal Film Performance à Londres en présence de la princesse Margaret -, le film est un immense succès international (12 millions $ de bénéfices) et décroche deux nominations à l'Oscar (décors et costumes) et aux Golden Globe Awards (film et Burton), trois prix David di Donatello (film, Burton, Taylor), etc. Comme de bien entendu, quelques puristes font la moue, mais rétrospectivement, il s'agit bien du meilleur film de Zeffirelli (de très loin), mais aussi d'une des quatre ou cinq transpositions les plus réussies de Shakespeare à l'écran. - DE: Der Widerspenstigen Zähmung, ES: La mujer indomable.
1971(tv-th) Der Widerspenstigen Zähmung (DE) de John Cranko
Würtembergisches Staatstheater Stuttgart-Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF 10.6.71). 85 min. - av. Marcia Haydée (Katharina), Richard Cragun (Petrucchio), Birgit Kell (Bianca), Gerd Praast (Baptista Minola), Jan Stripling (Lucentio), Egon Madsen (Gremio).
1974(tv-th) Der Widerspenstigen Zähmung (DE) d'Otto Schenk
Bayrischer Rundfunk (BR 21.9.74), 108 min. - av. Klaus Maria Brandauer (Petruchio), Christine Ostermayer (Katharina), Heinz-Leo Fischer (Baptista Minola), Erwin Faber (Vincentio), Wolfgang Hübsch (Lucentio), Ilse Neubauer (Bianca), Otto Bolesch (Gremio). - Le comédien, metteur en scène et réalisateur autrichien Brandauer en Petruchio, qui percera sur les écrans internationaux dès 1981 avec Méphisto d'István Szabó et en 1985 avec Out of Africa de Sydney Pollack.
1975(tv-th) De getemde feeks (BE) de Robert Lussac et Senne Rouffaer
Belgische Radio en Televisie (BRT)-Koninklijk Vlaamsse Schouwburg (KVS) (BRT 9.11.75). - av. Rik Andries (Petruchio), Chris Lomme (Katharina), Gerda Marchand, Jan Pauwels, Robert Lussac, Waler Moeremans, Marc Bober, Bert Brauns, Paula Sleyp, Jan Reussens.
1976(tv-th) The Taming of the Shrew (US) de William Ball (th) et Kirk Browning (tv)
Ken Campbell, Charlene Harrington, Jac Venza/American Conservatory Theatre-San Francisco Repertory Theater-Public Broadcasting Service (PBS) (PBS 10.11.76), 102 min. - av. Marc Singer (Petruchio), Fredi Olster (Katharina), Sandra Shotwell (Bianca), Ray Birk (Gremio), Ron Boussom (Grumio), William Paterson (Baptista Minola), Stephen Schnetzer (Lucentio).
1979[(tv-th) Kiss Me, Petruchio (US) de Christopher Dixon ; Joseph Papp/The New York Shakespeare Festival (PBS 7.1.81), 58 min. - av. Meryl Streep (Katharina), Raul Julia (Petruchio), Deborah Rush (Bianca), Max Gulak (Baptista Minola), Joel Brooks (Grumio), Larry Pine (Hortensio), John Bottoms (Gremio). - Documentaire sur la préparation de la mise en scène de Wilford Leach au Central Park à Manhattan (" Shakespeare in the Park Festival ") avec Meryl Streep et Raul Julia, en été 1979.].
1979(tv-th) La fierecilla domada (ES) de Francisco Abad
" Estudio 1 " (TVE 21.3.79), 98 min. - av. Carlos Ballesteros (Petruchio), Teresa Rabal (Katharina), Agustín González (Baptista Minola), Verónica Forqué (Bianca), Alberto Bové (Vincenzio), Victor Fuentes (Gremio), José Manuel Cervino (Lucencio), Victor Fuentes (Gremio), Estanis González (Lord Pembroke), Fernando Chinarro (Grumio).
John Cleese (au centre) fait un surprenant Petruchio à la télévision (1980).
1980(tv-th) The Taming of the Shrew (La Mégère apprivoisée) (GB) de Jonathan Miller
" The Shakespeare Plays ", Jonathan Miller/BBCtv-Time Life (BBC 23.10.80), 126 min. - av. John Cleese (Petruchio), Sarah Badel (Katherine), Susan Penhaligon (Bianca), Simon Chandler (Lucentio), John Franklyn-Robbins (Baptista Minola), Frank Thornton (Gremio), John Bird (Pédant). - Une curiosité : la star et co-fondateur des Monty Python, John Cleese, en un surprenant Petruchio, calme, conscient de ses contradictions et qui s'entend finalement avec sa femme, chacun ayant appris à respecter l'autre.
1982(tv-th) The Taming of the Shrew (CA) de Peter Dews (th) et Norman Campbell (tv)
Stratford Shakespeare Festival, Ontario (CBC), 153 min. - av. Sharry Flett (Katharina), Len Carlou (Petruchio), Lynne Griffin (Bianca), Barney O'Sullivan (Baptista Minola), Rod Beattie (Gremio), Lewis Gordon (Grumio), Desmond Ellis (Christopher Sly).
1982(tv-th) La bisbetica domata (IT) de Marco Parodi
Radiotelevisione Italiana (RAI 30.11.82), 109 min. - av. Lia Tanzi (Caterina), Giuseppe Pambieri (Petruchio), Vittorio Duse (Baptista Minola), Marina Giordana (Bianca), Aldo Amoroso (Grumio), Renzo Rinaldi (Gremio), Francesco Vairano (Ortensio), Fabrizio Temperini (Lucenzio), Gianluigi Pizzetti (Vincenzo).
1983(vd-th) The Taming of the Shrew (US) de John Allison
Bard Productions-Century Home Video (6.2.83), 175 min. - av. Franklin Seales (Petruchio), Karen Austin (Katharina), Larry Drake (Baptisa Minola), Jeremy Lawrence (Grumio), Bruce Davison (Tranio), Kay E. Kuter (Gremio).
1988(vd-th) The Taming of the Shrew (CA) de Richard Monette et Norman Campbell
Colleen Blake, Norman Campbell/Canadian Broadcasting Corporation (CBC)-Stratford Shakespeare Festival, Ontario. - av. Colm Feore (Petruchio), Goldie Semple (Katharina), Kim Horsman (Bianca), Ron Hastings (Baptista Minola), Maurice Good (Vincentio), Brian Tree (Gremio), Keith Dinicol (Grumio), Henry Czerny (Lucentio), Geraint Wyn Davies (Hortensio).
1991(tv-th) De getemde feeks (NL/BE) de Berend Boudevijn, Dirk Tanghe
Belgische Radio en Televisie (BRT)-Katholieke Radio Omroep (KRO)-Theater Malpertuis (BRT 6.6.91). - av. Wim Danckaeert (Petruchio), Gert Portael (Katharina), Peter van den Begin (Gremio), Karin Tanghe (Bianca), André Roels (Baptista Minola).
2016(vd-th) The Taming of the Shrew (La Mégère apprivoisée) (CA) de Barry Avrich
Barry Avrich, Anita Gaffney, Susan Edwards/Melbar Entertainment Group-Stratford Festival Theatre, Ontario, 156 min. - av. Deborah Hay (Katharina), Ben Carlson (Petruchio), Sarah Afful (Bianca), Peter Hutt (Baptista Minola), Robert King (Vincentio), Michael Spencer-Davis (Gremio), Brian Tree (Grumio).