IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

1. L’HISPANIE MULTIETHNIQUE ET MULTICULTURELLE

1.3. La légende du Cid Campeador (XIe siècle)

Don Rodrigo Ruy Díaz de Vivar/Bivar (v. 1043-1099), petit noble de la région de Burgos devenu mercenaire des souverains chrétiens et musulmans, bientôt immortalisé, mythifié et magnifié sous le nom arabe de El Cid (al-sayyid, seigneur) Campeador (al-kanbiyatûr, le batailleur) que lui auraient donné ses soldats maures. Vassal des rois Sancho II et Alfonso VI de Castille et León, il s’empare de la Valence almoravide en 1094 et sera célébré par la suite fort abusivement comme un pilier fondamental de la « Reconquista ». Ses exploits authentiques ou légendaires sont relatés notamment dans Cantar de mio Cid, épopée anonyme (v. 1140), Mocedades del Cid, drame de Guillén de Castro y Belvis (1618), Le Cid, tragi-comédie en cinq actes de Pierre Corneille (1636), inspiré par le drame de Castro, enfin Le Cid, opéra français de Jules Massenet (livret d’Adolphe d’Ennery, Louis Gallet et Édouard Blau d’après la pièce de Corneille) (1885). – Pour les détails de sa carrière, cf. le commentaire à propos du film d’Anthony Mann en 1961.

1900Le Cid (FR)
Marguerite Chenu, Paul Decauville/Marguerite Chenu’s Phono-Cinéma-Théâtre S.A. (Paris). – av. Mlle Zambelli, M. Vasquez. - Une curiosité pour les visiteurs de l’Exposition Universelle à Paris (Rue de Paris, porte 43 – Pont des Invalides) : « Pas de la Castillane », ballet du Cid dansé par deux artistes de l’Opéra sur la musique de Jules Massenet (acte II, tableau IV). Le procédé de « cinéma sonore » développé par Henri Lioret et Clément-Maurice Gratioulet consiste à synchroniser les voix des acteurs (enregistrées sur un photographe à cylindre) aux images projetées. Parmi les autres vedettes de ces brefs spectacles sonores on trouve Sarah Bernhardt, Coquelin et Cléo de Mérode.
1910Il Cid (Le Cid) (IT) de Mario Caserini
Società Italiana Cines (Roma), 289 m. - av. Amleto Novelli (Rodrigue / Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Maria Gasparini (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Enna Saredo.
Sous le règne de Fernando Ier de Castille et León dit « le Grand » (1016-1065). Don Diègue de Bivar et Don Gomès, comte de Gormaz, projettent d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène, qui s’aiment. Mais le comte, jaloux de se voir préférer le vieux Don Diègue pour le poste de précepteur du prince, offense ce dernier en le giflant. Don Diègue, trop vieux pour se venger par lui-même, somme son fils de laver son honneur. Rodrigue, qui est déchiré entre son amour et son devoir filial, finit par écouter la voix du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène essaie vainement de renier son amour et le cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais l’attaque du royaume par les Maures almoravides donne à Rodrigue l’occasion de prouver sa valeur et d’obtenir le pardon du roi. Plus que jamais amoureuse de Rodrigue – devenu à présent un héros national et que l’infante Doña Urraque de Zamora, fille du roi, aime également -, Chimène reste néanmoins sur sa position et obtient du souverain de Castille un duel entre Don Sancho, qui l’aime aussi, et Rodrigue. Elle promet d’épouser le vainqueur. Rodrigue victorieux (il laisse la vie à son adversaire) reçoit du roi la main de Chimène, qui demande toutefois un délai d’une année pour le mariage, année qui permettra à Rodrigue de combattre les Maures sur leur propre territoire.
Le scénario suit fidèlement la trame de la tragédie de Pierre Corneille (1636), filmée sur les terrains des studios Cines de la Via Appia Nuova avec 300 figurants pour la bataille contre les musulmans. La mise en chantier de cette matière ouvertement islamophobe fait écho aux visées expansionnistes de l’Italie sur la Tripolitaine, la Cines étant propriété partielle de la Banco di Roma qui pousse à l’invasion de la future Libye italienne dès mars 1911 (peu après la sortie de la superproduction historique La Gerusalemme liberata/La Jérusalem délivrée d’Enrico Guazzoni, d’égale tendance idéologique). - GB : The Triumphant Hero.
1910Le Cid (FR)
Société des Établissements Louis Gaumont S.A. (Paris), 168 m./10 min. – Travesti comique de la pièce de Corneille.
1961*** El Cid (Le Cid) (US/ES/IT) d’Anthony Mann
Samuel Bronston, Philip Yordan, Jaime Prades, Michael Waszynski, Roberto Haggiag/Samuel Bronston Productions (Madrid-Hollywood)-Dear Film Produzioni (Roma)-Allied Artists Pictures, 184 min. - av. Charlton Heston (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Sophia Loren (Doña Jimena Díaz de Gormaz [Chimène]), Andrew Cruickshank (le comte Gormaz, seigneur d’Oviedo, son père), Raf Vallone (le comte García Ordóñez), Geneviève Page (Doña Urraca/Urraque de Zamora, infante de Castille), John Fraser (le prince Alfonso de León>Alfonso VI de Castille), Gary Raymond (le prince Sancho de Castille, son frère), Herbert Lom (l’émir almoravide Yûsuf ibn Tâshfîn), Ralph Truman (Fernando Ier , roi de Castille, de León et des Asturies), Gérard Tichy (le roi Ramiro Ier d'Aragon), Frank Thring (Abû al-Abbas al-Qâdir, émir de Valence), Michael Hordern (Don Diego Laínez, père du Cid), Massimo Serato (Alvar Fáñez Minaya), Hurd Hatfield (le comte Arias), Douglas Wilmer (Al-Mutamin Billah, roi de Saragosse et allié du Cid), Christopher Rhodes (Don Martín, champion d’Aragon), Fausto Tozzi (Dolfos), Carlo Giustini (Bermúdez), Tullio Carminati (le prêtre), Barbara Everest (la Mère Supérieure), Paul Muller (le médecin arabe).
Synopsis : Appelé à l’aide par les souverains maures d’Al-Andalûs qui peinent à contenir l’avancée chrétienne après la chute de Tolède et de Saragosse, le puissant émir almoravide Yûsuf bin Tâshfin, maître de l’Afrique du Nord et intégriste fanatique, les tance pour avoir encouragé la coexistence pacifique avec les « mécréants », de n’être que des poètes et des savants, et prépare l’invasion massive de la Péninsule ibérique : « Le royaume d’Allah s’étendra à toute l’Espagne, puis au monde entier ! » Sur la route de Bivar, alors qu’il rentre pour se marier avec Chimène, Don Rodrigo Diaz libère - contre la promesse de ne plus combattre le royaume de Castille – deux émirs maures, Al-Mutamin et Al-Qâdir, qu’il a capturés au cours d’une campagne militaire où ils avaient incendié un village. Sa magnanimité lui vaut à la fois le surnom de « El Cid », l’incompréhension de ses compatriotes et la haine du comte Ordóñez, représentant du roi, qui souhaitait la mort des prisonniers. Sur ces entrefaites, le comte Gormaz, père de Chimène, accuse le Cid d’être un traître et se voit traité de menteur par Don Diego Laínez, le vieux père du Cid. Gormaz le gifle. Pour venger l’honneur de son géniteur, Rodrigue affronte en duel Don Gormas, champion du roi, et le tue. Quoiqu’amoureuse du Cid, Chimène doit venger son père. Elle promet au comte Ordóñez de l’épouser s’il tue à son tour Rodrigue. Ordóñez prépare donc une embuscade contre Rodrigue, mais Al-Mutamin intervient à temps et le Cid, toujours généreux, pardonne à son ennemi. Afin d’éviter une bataille sanglante entre l’armée du roi Fernando Ier de Castille et celle du roi Ramiro Ier d’Aragon, les deux souverains réclamant la ville de Callahora, deux champions sont désignés pour s’affronter en ordalie (duel judiciaire). Rodrigue s’oppose à Don Martín qu’il parvient à terrasser en combat singulier. Devenu ainsi le nouveau champion du roi de Castille, Rodrigue obtient l’autorisation d’épouser Chimène ; celle-ci lui tourne le dos et se retire dans un couvent. À la mort du roi, ses deux fils Sancho et Alfonso se disputent la couronne. Le Cid refuse de prendre parti dans la lutte que se livrent les deux princes et leur sœur, l’intrigante Doña Urraca, qui aime Rodrigue. Urraca fait assassiner Sancho, son frère aîné, et Alfonso VI monte sur le trône de Castille, de León et des Asturies. Mais le Cid, soupçonneux à juste titre, lui demande publiquement à la cathédrale de Burgos de jurer sur les Saintes Écritures qu’il n’est pour rien dans la mort de son frère. Fou de colère, le roi le bannit à vie du royaume et confisque tous ses biens. Impressionnée par le courage de son mari, Chimène le rejoint dans l’exil. Mais leur bonheur est de courte durée, car l’émir Yûsuf et son armée nord-africaine ont débarqué à Algésiras et écrasent les Castillans à Zallâqa en 1086. Le souverain rejette sur le Cid la responsabilité de cette défaite puisqu’il n’était pas à ses côtés et en représailles, il fait emprisonner Chimène et les deux filles qu’elle a mises au monde. Le Cid marche sur Burgos avec ses mercenaires, mais le comte Ordóñez libère Chimène à temps pour la ramener à son mari dont il prend le parti. Les forces réunies du Cid et d’Al-Mutamin prennent la ville stratégique de Valence, décimée par la faim, des mains d’Al-Qâdir, un féal corrompu de l’envahisseur que la population précipite dans le vide. Rodrigue refuse toutefois de porter la couronne et fait donner cette dernière au roi Alfonso en signe d’allégeance. Valence est le rempart ultime des royaumes chrétiens. Ordóñez est capturé par Yûsuf et meurt sous la torture. La ville est bientôt assiégée par l’immense armée berbère. En 1099, mortellement blessé par une flèche près du cœur lors d’une sortie pourtant victorieuse, le Cid ordonne que son cadavre soit attaché à son cheval par un carcan sous sa cape afin de mener ses troupes au combat le lendemain, encadré par le roi Alfonso et le fidèle Al-Mutamin. Ainsi, le Cid franchit la porte de l’Histoire pour entrer dans la légende : épouvantés par cette « résurrection » alors qu’ils le croyaient mort, les Berbères sont pris de panique, se dispersent en frayeur et s’enfuient tandis que l’émir Yûsuf périt écrasé par les chevaux des Castillans. Agenouillé, le roi remercie le Ciel d’avoir sauvé l’Espagne...
Cette superproduction que Martin Scorsese (responsable de sa restauration avec Miramax Films en 1993), qualifiera de « l’un des plus grands films épiques jamais réalisés », voit le jour grâce au producteur mégalomane Samuel Bronston, un Texan d’origine roumano-moldave expatrié à Madrid. Bronston y a créé ses propres studios à Las Rozas et se lance dans plusieurs projets ruineux grâce à des fonds gelés en Espagne, réalisés avec un casting international par deux as de Hollywood alors en disgrâce en Californie, Nicholas Ray et Anthony Mann. Ce dernier, auteur des plus beaux westerns des années 1950 (cinq avec James Stewart, Man of the West avec Gary Cooper), vient de quitter le tournage de Spartacus suite à un violent désaccord avec le producteur et vedette Kirk Douglas. Mann se dit séduit par la séquence finale imaginée par les scénaristes (un cadavre remporte la victoire), les splendides paysages espagnols et le charisme de Charlton Heston, célèbre pour ses rôles « plus grands que nature » (Moïse dans The Ten Commandments et Ben-Hur qui lui a valu l’Oscar) ; pour jouer Chimène, Mann a proposé sa propre épouse, l’Espagnole Sara Montiel, mais la très populaire vedette chantante lui conseille d’offrir plutôt le rôle à Sofia Loren, après le retrait de Liselotte Pulver, d’Ava Gardner et de Jeanne Moreau qui ne sont pas libres ou estiment que le rôle n’est pas assez important. L’effroyable émir Yûsuf bin Tâshfin est joué par le Tchèque Herbert Lom (Napoléon dans War and Peace de King Vidor, 1956), Orson Welles s’étant désisté.
Le Cid (Charlton Heston) et son ami maure Al-Mutamin (Douglas Wilmer, à dr.) assiègent Valence.
 En optant pour ce sujet, Bronston cherche d’emblée à séduire Franco et à obtenir ainsi toutes les facilités pour installer son Hollywood personnel à Madrid. (En 1964, il envisagera encore une *Isabelle la Catholique avec Glenda Jackson, projet inabouti faute de capitaux.) Son initiative à la fois opportuniste et ambitieuse est saluée d’autant plus chaleureusement qu’un projet similaire, d’origine hispano-italienne (Aspa Films Madrid et Athena Film Rome) annoncé en avril 1956, est resté dans les tiroirs : *El Cid Campeador en scope et Eastmancolor, avec Francisco Rabal dans le rôle-titre ; aux commandes, Rafael Gil, le cinéaste-fétiche du régime, assisté du producteur-scénariste Vicente Escrivá, jadis chef de la Propagande franquiste à Valence. Le naufrage de cette initiative nationale a été ressenti comme une humiliation. Enchanté de voir enfin se concrétiser un vieux rêve, le gouvernement espagnol donne toutes les autorisations de tournage dans les lieux patrimoniaux du pays et met à disposition de Bronston 1700 soldats et 500 cavaliers de la garde d’honneur municipale de Madrid, une armée encadrée de 8 tours d’assaut, de 50 catapultes et d’une quarantaine de bateaux de pêche transformés en flotte d’invasion (Yakuma Canutt, qui a filmé la course de chars de Ben-Hur, est de service pour les scènes d’action, mais Mann tient à diriger lui-même les batailles devant Valence, ce qui crée des tensions). On compte 30'000 costumes, dont les plus beaux sont fabriqués à Florence. Le tournage en Technicolor et 70 mm Super Technirama s’étire du 14 novembre 1960 à avril 1961 aux studios madrilènes de Chamartín (rachetés par Bronston en 1962), de Sevilla Films et de la C.E.A. Ciudad Lineal, ainsi qu’aux studios Titanus Appia à Rome. Tous les extérieurs sont bien sûr réalisés sur place (cf. plus bas).
Le Cid du film est présenté comme le seul libérateur et unificateur de l’« Espagne » dans le cadre de la « reconquista » (dénominations et concepts pourtant anachroniques, encore inexistants au XIe siècle) face à la menace des armées étrangères, ici islamiques. Le script reprend, de manière certes moins excessive, le schéma binaire inauguré par S. M. Eisenstein avec Alexandre Newski (1938), autre héros médiéval stylisé en patriote nationaliste moderne qui défend le pays contre le sinistre envahisseur germanique, également importateur d’une autre religion. Pour les historiens locaux (notamment le philologue Ramón Menéndez Pidal, conseiller imposé du film), le Cid est un Garibaldi ibérique, ce qui n’est pas pour déplaire au caudillo à Madrid : le dictateur Franco s’est plus d’une fois identifié au Campeador, lui qui dut s’exiler aux Canaries, puis au Maroc en 1936 avant d’entamer sa propre « reconquista » pour chasser ces Maures du XXe siècle que sont à ses yeux les républicains et les communistes, et réunifier le pays sous sa botte. En 1937, en pleine guerre civile, paraît à Burgos le journal patriotique Mio Cid, et Franco, comme Hitler, se fera portraiturer en armure médiévale. Le gouvernement déclare donc le film « d’intérêt national » (30.1.61) et la censure franquiste souligne (sans rire) que le portrait du Cid est le parangon de la droiture espagnole. Il est représenté comme un serviteur idéal du pouvoir en place, inconditionnellement fidèle à l’État malgré toutes les injustices subies, car l’Espagne demeure le rempart de l’Europe face à la barbarie. Or l’authentique Cid conquit Valence pour lui-même et non pour Alfonso VI, contrairement à ce qu’on voit dans le film ! Les cinéastes ne sont pas dupes de ces travestissements de circonstance, mais placent leurs priorités ailleurs. Il est du reste cocasse de constater que les deux scénaristes du film, Ben Barzman et Bernard Gordon (exilés en Europe), figuraient sur la « liste noire » anti-communiste du maccarthysme et que Barzman, membre éminent du Joint Anti-Fascist Refugee Committee, finança les loyalistes durant la guerre civile espagnole ! (Philip Yordan, le scénariste officiel au générique, n’a pas écrit une ligne.) Anthony Mann ne peut être taxé de réactionnaire non plus : ses débuts dans le « film noir » social (Border Incident), ses westerns antiracistes et révisionnistes (Devil’s Doorway/La Porte du Diable, The Last Frontier) ou sa violente dénonciation de la guerre (Men in War/Cote 465) parlent pour lui. Quant à Charlton Heston, quoique proche de l’ultra-réactionnaire Cecil B. DeMille (auquel il doit sa percée au cinéma) et futur président de la National Rifle Association (dès 1998), il est alors engagé politiquement contre le racisme et lutte activement pour le Mouvement des droits civiques aux côtés de Martin Luther King.
Une science du cadrage et de la dynamisation spatiale peu courante (« El Cid » d’Anthony Mann).
 À l’écran, toutes les considérations géopolitiques de l’époque sont ignorées au profit d’un antagonisme simplet entre deux monothéismes rivaux qui, dans les cinq décennies à venir, vont évoquer furieusement les dérives criminelles des djihadistes de Daech. Les Berbères portent la djellaba noire, avancent sous un drapeau noir, leur chef prône l’extermination des « infidèles », alors que le film se garde bien de montrer l’intégrisme peu amène, l’amour des bûchers et l’obscurantisme de leurs adversaires chrétiens hispaniques, sans parler du national-catholicisme virulent du régime franquiste au moment du tournage. Si l’on fait abstraction de l’intrigue cornélienne du début (Chimène amoureuse du meurtrier de son père), invention développée par le grand dramaturge français de Louis XIII, la majorité des événements évoqués dans le film ont été magnifiés au cours des siècles par la tradition chevaleresque tout en étant – très partiellement – fondés sur des faits authentiques.
Dans les écrits arabo-andalous de l’époque (Ibn Bassâm, Ibn ‘Alqâmâ) ou dans l’Historia Roderici du XIIe siècle, le Cid est dépeint comme un condottiere opportuniste, agissant de son propre chef et dans son propre intérêt : un mercenaire sans états d’âme, un professionnel marchandant ses services et mettant également à feu et à sang des provinces chrétiennes comme Rioja, que gouvernait son ennemi personnel Ordóñez ; la majorité de ses hommes étaient d’ailleurs des musulmans, notamment ceux de son ami et employeur Abengalbón, émir de Molina. Il combattit comme alferez (chef d’armée) pour Sancho II lorsque celui-ci vola au secours d’Al-Muqtadir, émir de Saragosse qui payait tribut à la Castille, contre Ramirez d’Aragon. C’est Alfonso VI qui donna à Rodrigue pour épouse en 1074 une parente, Doña Ximena (v. 1046-1116), fort laide mais très fortunée. Il bannit son chevalier une première fois de Castille en 1081 parce qu’il avait offensé un allié, Al-Qadir, l’émir de Tolède, et que la couronne se méfiait de son ambition (le fait que le Cid ait accusé Alfonso d’avoir participé à l’assassinat de son propre frère a sans doute aussi joué un rôle) ; il se réfugia dans le royaume musulman de Saragosse où il entra au service d’Al-Mutamin pour faire la guerre au comte chrétien de Barcelone, Ramon Berenguer II, puis s’octroya le statut de protecteur de Valence, où régnait à présent Al-Qadir, l’ancien émir de Tolède. Le roi l’éloigna une deuxième fois en 1088, pour des raisons tant politiques que privées : le Cid refusa de le suivre dans ses raids incessants contre les villes andalouses qui mettaient en péril les taïfas (petits royaumes maures) de Murcie, de Grenade et de Séville et allaient les inciter à appeler au secours les redoutables Berbères almoravides d’Afrique du Nord ; les raisons privées semblent liées au fait que le roi prit une maîtresse maure, Zaïda, veuve de l’émir de Cordoue qui lui donna un héritier mâle. Rodrigue mit alors son armée au service de l’émir de Saragosse, lequel lui conféra le titre de « El Cid ». En 1094, il s’empara effectivement du taïfa de Valence, ville où il repoussa une attaque berbère, puis, se comportant durant cinq ans comme un petit souverain indépendant qui ne reconnait d’autre autorité que la sienne, il mourut de maladie en 1099, après avoir converti la grande mosquée en cathédrale et conclu pour ses deux filles des mariages de très haut niveau (dans la famille royale de Navarre et avec le comte de Barcelone). Sa prise de Valence déclencha une réaction des Almoravides auxquels Alfonso VI opposa une résistance farouche, avant d’être à nouveau sévèrement battu en 1097 à Consuegra. En 1102, Chimène, qui gouvernait la ville héritée de son mari avec une maigre garnison et pratiquement sans aide du roi ni du comte de Barcelone, dut évacuer Valence et abandonner toutes les conquêtes du Cid, dont elle emporta les restes en Castille. Une légende rapportée à la fin du XIIIe siècle par les moines de l’abbaye de San Pedro de Cardeña (Burgos) veut que Chimène aurait fait tenir le cadavre du Cid - trois ans après son décès ! - sur son cheval pour encourager les soldats. Valence redevint musulmane et ne fut reprise par les chrétiens que 136 ans plus tard. Quant au redoutable émir almoravide Yûsuf bin Tâshfin, maître du Sahara et fondateur de Marrakech (où se trouve son mausolée), il mourut dans son lit en 1106. Tant pour l’Histoire.
Ces critiques ou réserves purement historiques sont toutefois balayées ici par le souffle de l’épopée et la somptuosité de l’imagerie (qu’appuye avec bonheur la partition épique de Miklos Rozsa). Au premier abord, avec le Cid, Mann semble retrouver un de ses héros de l’Ouest américain perdus, seuls dans la nature, dotés d’un courage indomptable sinon violent, mais sociopathes déchirés, en proie au doute, aux obsessions autodestructrices, voire à un passé traumatisant ; le jeune comte de Bivar ne sait en effet pas pourquoi il a épargné les deux princes captifs maures, source de tous ses malheurs à venir, sinon l’obéissance à une voix intérieure qu’il ne peut comprendre. Mais l’évolution identitaire de Rodrigue, foin de toute psychologie, mène des valeurs guerrières à l’héroïsme de légende, au concept même de l’idéal chevaleresque, aux antipodes des rodomontades nationalistes. Il incarne, dit-on, le seul noble du pays « capable d’humilier un roi et de donner à boire à un lépreux », et Charlton Heston, basculant entre virilisme et fragilité extrêmes, sait magnifiquement donner à son personnage cette dimension sacrificielle, quasi christique qui se concrétise au dénouement, quand il s’agit de choisir entre retirer la flèche avec une chance de survie, ou la garder, mourir et permettre aux siens de remporter une victoire décisive le lendemain. D’où aussi le parti-pris qu’au fil de ses exploits, le Cid apparaît ridé et balafré, tandis que Chimène garde jusqu’à la fin la beauté de sa jeunesse. L’homme westernien au secret devient ici l’homme à la destinée, et le cinéaste choisit de montrer cette transformation visuellement plutôt que de la raconter, au risque de sacrifier les subtilités de certains personnages secondaires (la reine névrosée et probablement incestueuse Urraca jouée par Geneviève Page, par ex.). En analysant l’approche du cinéaste et sa dramaturgie purement visuelle, J. C. Missiaen résume : « L’art épique est un art où le geste, le regard, l’objet, le cadre sont autant d’idées motrices que n’exprimeront jamais les naïvetés nécessaires d’un dialogue. L’acte explique le personnage et le décor confère à l’acte sa signification » (Anthony Mann, Presses Universitaires, Paris, 1964, p. 128). Aidé par le chef-opérateur Robert Krasker (The Third Man), Mann brasse l’espace avec une grandiose aisance, usant de très longs travellings pour cerner les armées en marche, jouant sur les profondeurs pour souligner l’ampleur des enjeux ou enveloppant ses personnages, remarquablement dirigés, dans des intérieurs découpés d’arches, de colonnades et tapissés le plus souvent d’un rouge flamboyant. On retrouve ici le phénoménal sens du paysage et de l’organisation spatiale qui feront aussi l’attrait si fascinant de The Fall of the Roman Empire, mégapéplum bancal qui entraînera la faillite de Bronston en 1964. « Un film de grand seigneur », s’exclament à raison les Cahiers du Cinéma (février 1962) en découvrant El Cid, propos qui se recoupent avec le jugement de Missiaen quand il parle d’« une dignité d’expression quasi unique dans le film-spectacle (...) : après le film d’Anthony Mann, nous n’avons plus envie de relire Corneille, tant ici tout semble définitif, authentique » (p. 122). Le public ne s’y trompe pas et prend les salles d’assaut. Produit avec un budget initial de 12 millions de $, le film rapportera 50 millions sur trois ans.
Rappel : les extérieurs, tous en Espagne, sont réalisés devant et dans Peñiscola (en lieu et place de Valence), une ville fortifiée dressée sur une péninsule rocheuse située à 100 km au nord des lieux authentiques ; le grand tournoi est filmé aux pieds du château gothique de Belmonte (La Manche), l’exil du Cid dans les montagnes de Guadarrama, le reste au monastère de Ripoll (Gerona), à l’hermitage de Colmenar Viejo (Madrid), à Manzanares el Real, Zamora, León, Tolède, Calahorra (Rioja), Sierra de la Pedriza, aux châteaux d’Ampudia (Palencia) et de Torrelobatón (Valladolid). En revanche, la cathédrale romane de Burgos est entièrement reconstruite, intérieur et extérieurs, en studio à Chamartín, l’actuel édifice étant du gothique du XVIe siècle ; le décorateur-costumier Veniero Colasanti, ancien scénographe de Luchino Visconti au théâtre et à l’opéra, y travaille pendant 90 jours. El Cid récolte trois nominations à l’Oscar (direction artistique, musique et chanson de Rozsa), trois aux Golden Globe (film, réalisation, musique), une de la Directors Guild of America (A. Mann) et le prix de la British Society of Cinematography pour Krasker.
1961* (tv-df) El Campeador / Le Cid Campéador (FR) de Jean Kerchbron
Série « L’Histoire dépasse la fiction », Henri Noguères/ORTF (1e Ch. 16.5.61), 84 min - av. Pierre Tabard et la voix de Gérard Philipe (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Denise Bosc (Chimène /Doña Ximena de Gormaz), Gabriel Jabbour, Gamil Ratib, Jacques Ciron, Bernard Woringer, Edmond Chemi, Michel Duplaix, Abder Isker, Jean-Jacques Steen.
Une série présentée par Pierre Sabbagh qui offre des fictions sur d’authentiques personnages du passé dont les vies, riches en péripéties dramatiques, prouvent que la réalité historique peut parfois largement mettre au défi l’imagination des romanciers ou des dramaturges.... Rodrigue, guerrier orgueilleux, ambitieux et cruel, avait sa propre armée qui lui était totalement dévouée et proposait ses services au plus offrant, qu’il soit chrétien ou musulman. Son courage était peu ordinaire et tout lui était prétexte de combat, au point où les rois de Castille n’osaient l’affronter (il fut banni par Alfonso VI de Castille). Rodrigue connut et prit pour femme une parente du roi Alfonso, Doña Ximena, qui était en réalité fort laide, mais très, très fortunée ! Une douche froide, modérée par des extraits de la pièce de Pierre Corneille que récite Gérard Philipe (TNP). Le docu-fiction est diffusé à la télévision sept mois avant la sortie en salle du film d’Anthony Mann à Paris.
1962(tv-th) Le Cid (FR) de Roger Iglesis
RTF (1e Ch. 24.2.62). - av. Robert Etcheverry (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Simone Rieutor (Chimène), René Arrien (Don Gomès, comte de Gormaz), François Maistre (le roi Fernando Ier de Castille), Geneviève Casile (Doña Urraca de Zamora, infante de Castille), Michel Etcheverry (Don Diego de Bivar), Roland Roder (Don Sanche), Robert Moncade (Don Arias), Pierre Negre (Don Alonzo), Christiane Capentier (Elvira), Maria Tamar (Leonora). – Captation du drame de Pierre Corneille, synopsis cf. le film italien de 1910.
1962Las hijas del Cid / La spada del Cid (L'Épée du Cid) (ES/IT) de Miguel Iglesias
Virgilio De Blasi/Alexandra Produzioni Cinematografiche (Roma)-Cintora Films S. L. (Madrid)-Victor M. Tarruella P.C. (Barcelona), 86 min. - av. Chantal Deberg (Doña María Sol Rodriguez de Vivar, fille du Cid), Daniela Bianchi (Doña Elvira Rodriguez de Vivar, fille du Cid), José Luis Pellicena (Felix Muñoz, leur cousin),Sandro Moretti (Ramón de Moncada), Eliana Grimaldi (Bianca), Andrea Fantasia (Don Enrique de Moncada), Luis Induni (Don Gonzalez, son écuyer), Andrés Mejuto (Don Ramón Berenger II, comte-usurpateur de Barcelone), Roland Carey (Bernardo, son neveu), Fernando Cebrián (l’émir Abengalbón, ami du Cid), Daniel Martin (Diego, comte de Carrión), Félix de Pomés (Fernando, comte de Carrión), Frank Oliveras, Andrea Fantasia, Ramón Centenero Joaquín Ferré, Pedro Gil, Nino Milano, Juan Monfort.
Castille en 1096/97. La fortune du Cid a incité les comtes de Carrión, Don Fernando et Don Diego, à demander au roi Alfonso VI de Castille l’autorisation d’épouser Maria Sol et Elvira, les deux filles du fameux Campeador (qui, lui, reste invisible dans le film). Ce sont des unions sans amour, par cupidité ou obéissance. Trois ans plus tard, dans la forêt au lendemain d’un séjour festif chez Abengalbón, l’ami arabe du Cid, les deux frères se vengent de cette mésalliance auto-imposée en flagellant férocement leurs malheureuses épouses qui les méprisent pour leur lâcheté. Retrouvées dénudées et à moitié mortes au Robledal de Corpes par leur cousin Felix Muñoz, neveu du Cid, Maria Sol et Elvira sont mises à l’abri au monastère de San Estebán. Lorsqu’il apprend cela, le roi de Castille force les deux comtes de Carrión ainsi qu’un troisième frère, l’aîné Assur, à affronter en combat singulier trois champions choisis par le Cid – dont Felix Muñoz -, à lui payer trois milles mares d’argent ainsi qu’à lui rendre les précieuses épées Tizona et Colada, des cadeaux de mariage. Aidés par Berenguer II, comte de Barcelone, un ancien ennemi du Cid, les trois frères félons organisent une embuscade pour éliminer Felix Muñoz avant la joute, mais celui-ci est sauvé grâce à l’intervention de trois chevaliers, le jeune Ramón de Moncada, le comte Enrique de Moncada et son écuyer Don Gonzalo. Lors du tournoi, Ramón prend la place de Felix, blessé dans le guet-apens de la veille et soigné dans le couvent où il s’éprend de Doña Elvira. Deux frères Carrión, Diego et Assur, périssent en combat singulier tandis que le troisième, Fernando, doit la vie sauve à la clémence de Ramon - auquel Maria Sol reproche ensuite sa générosité. Fernando s’enfuit en Catalogne et trouve refuge auprès du tyrannique Berenguer, usurpateur du trône après avoir assassiné son propre frère José. Ramon, Gonzalez et le comte de Moncada se rendent en Catalogne avec une petite armée castillane. Blessé à mort dans un guet-apens, Moncada révèle à Ramón que celui-ci est le neveu de l’usurpateur, donc l’héritier légitime du comté de Barcelone. Ramón est capturé par son oncle qui, en proie aux remords, se refuse à l’assassiner mais le garde prisonnier dans son château de Rocabruna. Le jeune homme est libéré grâce à l’attaque organisée par Felix Muñoz qui regroupe de loyaux Catalans, les Castillans et les Maures d’Abengalbón. Arrivés à Barcelone, au palais de Tinell, les alliés trouvent l’oncle fratricide sur le point de perdre la raison. L’évêque l’envoie expier ses crimes en Terre Sainte tandis que Ramón monte sur le trône – à présent Ramón Berenguer III, comte de Barcelone et roi de Catalogne (1082-1131) - puis épouse María Sol.
Ce scénario particulièrement – et inutilement - touffu a épuisé dix scénaristes, Ferdinando Baldi en tête (un prolifique réalisateur italien de péplums et d’aventures costumées, dont Sfida al re di Castiglia / Pedro el Cruel en 1963). Il s’appuie en majorité sur le poème La Chanson du Cid / Cantar del Mio Cid, texte anonyme du XIIe s. hautement imaginaire et qui a beaucoup fait fantasmer le XIXe siècle : la flagellation des deux filles, attachées nues à deux arbres, a hanté la peinture pompière des Salons artistiques de la bourgeoisie madrilène et barcelonaise (Dióscoro Puebla, Ignacio Pinazo, Marceliano Santamaría), spectacle érotique qui aurait ravi Freud (cf. infra aussi la captation de la pièce d’Eduardo Marquina écrite en 1908 et diffusée à la télévision RTV en 1972). Selon ces « sources », les filles du Cid une fois vengées auraient épousé les princes de Navarre et d’Aragon, une liberté poétique. Comme le montre la fin du film, la première épouse de Ramón Berenguer III était effectivement María Rodríguez de Bivar, seconde fille du Cid et de Ximena/Chimène, décédée v. 1105. La première fille du couple légendaire s’appelait Cristina Rodríguez de Bivar et elle épousa l’infant Ramiro II de Monzón... De toute évidence, cette production italo-espagnole est mise sur pied pour profiter du succès mondial de la fresque américaine. Elle est filmée sans génie en Eastmancolor et Supercinescope aux studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome, au château de Belmonte près de Cuenca (où Anthony Mann a aussi tourné son Cid), à Sant Joan de les Abadesses et au monastère de Ripoli (Gérone). Mais les acteurs sont quasi inconnus – on apercevra Daniela Bianchi, Miss Universe 1960, dans les bras de James Bond (From Russia with Love) l’année suivante, puis chez Claude Chabrol (Le Tigre aime la chair fraîche) - et le public, pas dupe, fait la moue. – DE : Das Schwert des Cid, PT : A espada de El Cid, GB/US : The Sword of El Cid.
1966(tv-th) Las mocedades del Cid [La Jeunesse du Cid] (ES) de Juan Guerrero Zamora
« Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 18.9.66), 94 min. - av. Miguel Palenzuela (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Nuria Torray (Doña Jimena), Ramón Durán (le roi Fernando Ier de Castille), Angela María Torres (Doña Urraqua de Zamora), Victorico Fuentes (Arias Gonzalo), Vicente Vega (Paransules), Manuel Torremocha (le comte Lozano), José María Escuer (Diego Laínez), Antonio B. Berni (Hernán Díaz), Federico Contreras (Bermudo), Raffael Guerrero (le prince Sancho), María Dolores Díaz (Elvira), Fernando Sànchez Polack (le roi maure), Antonio Acebal, Guillermo Carmona, Sancho Gracia.
Admiré par l’infante Urraqua et Doña Jimena (Chimène), Rodrigo est fait chevalier avec tous les honneurs par le roi Fernando Ier de Castille. Peu de temps après, le père âgé de Rodrigo, Don Diego Laínez, subit l’affront déshonorant d’une gifle de l’arrogant comte Lozano, père de Jimena. Rodrigo est forcé de le tuer en duel, ce qui annihile les projets de mariage avec Jimena. Le chevalier la supplie de le tuer à son tour, mais Jimena en est incapable. Le roi le chasse et Rodrigo part chercher fortune en remporant des batailles contre quatre rois maures qui lui confèrent le titre honorifique de « mio Cid », « mon seigneur ». Un des émirs musulmans chante ses exploits à la cour du roi Fernando qui adopte le titre de « Cid » et la chanson de geste assimilant Rodrigo à un faucon et Jimena à une colombe. Entre-temps, Rodrigo a entrepris un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle où un lépreux le met à l’épreuve : c’est saint Lazare de Béthanie en personne (jadis ressuscité par le Christ), qui lui insuffle son souffle divin et lui prédit un avenir glorieux, puis lui ordonne de retourner à la cour de Castille. Pour défendre en combat singulier sa place forte de Calahorra, le roi d’Aragon a envoyé son champion, Martín González. Le vainqueur du tournoi obtiendra la main et la dot de Jimena. Le Cid remporte la victoire. – Mise en scène du drame de Guillén de Castro y Bellvis, rédigé entre 1605 et 1615 et qui fut une des sources littéraires de Corneille. L’auteur y exalte le grand guerrier, le bon vassal, le chrétien parfait, enfin l’amant et le fils exemplaire, selon les critères du « Siècle d’Or » espagnol. Enregistré aux studios madrilènes de la RTVE au Prado del Rey.
1966(tv-th) Sid (YU) d’Aleksandar Djordjevic
Programme « tv teatar », Televizija Beograd (TVB 22.8.66), 105 min. – av. Bogoljub Dinic (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Dusanka Mitrovic (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Ljuba Kovecevir (Don Diego de Bivar), Mila Stojadinovic (l’infante Doña Urraqua de Zamora), Nemanja Severinski (le roi Ferdando Ier de Castille), Buda Jeremic (Don Gomez, comte de Gormaz), Rade Mihailovic (Don Sancho), Miodrag Maric (Don Arias), Branislav Andrejevic (Don Alonzo), Aca Miladinovic (Don Ramiro), Mileva Vukotic (Eleonora), Milka Radosevic (Elvira). – Captation du drame de Pierre Corneille, synopsis cf. le film italien de 1910.
1971(tv) Retablo de la Mocedad del Cid (ES) de Claudio Guerín
« Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 3.12.71), 87 min. – av. Juan Diego (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Ana Belén (Doña Jimena), Jaime Segura, José Luis Coll, Carmen Sainz de la Maza, Valentin Conde, Miguel Angel, Estanis González, Alberto Fernandez, José Vivó, Modesto Blanch, Alvaro de Luna, Blanca Sendino, Jaime Segura, José Carabias, Fernando Chinarro, Antonio Acebal, Salvador Orjas, Fernando Bacza. – Un scénario de Claudio Guerin et Romualdo Molina inspiré par la pièce de Guillén de Castro y Belvis (cf. dramatique de 1966), les chroniques anciennes, la chanson de geste (El Cantar del Mio Cid) et la pièce de Corneille. Le résultat compare les diverses sources littéraires, leurs contradictions ou inventions pour tenter une approche critique de la légende. Enregistré aux studios de la Sevilla Films à Madrid-Alcampo.
1972(tv-th) Las hijas del Cid (ES)
« Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 11.8.72). – av. María Luisa Merlo (Doña Elvira Diaz de Bivar), Ana María Vidal (Doña Sol Diaz de Bivar), Juan Diego (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Esperanza Alonso, José Caride, Andrà Mejuto, Olga Peiró, Fernando Sànchez Polack.
Dramatique d’après la « légende tragique » en cinq actes de l’auteur catalan Eduardo Marquina (1908), pièce en rimes qui s’inspire vaguement du Poème du Cid (El Cantar de mio Cid), la plus vieille chanson de geste de la littérature espagnole (XIIe siècle), récit anonyme mis par écrit vers 1207 par un certain Per Abad. Il s’agit des dernières années du Cid et des vexations et humiliations que doivent subir ses deux filles, Elvira et Sol, de la part de leurs époux respectifs, Fernando et Diego, comtes de Carriòn, qui se vengent ainsi du mépris que leur témoigne leur beau-père en raison de leur lâcheté et leur refus de combattre les musulmans de Valence ; ils préfèrent participer en cachette aux orgies nocturnes des femmes maures. Sol, douce, obéissante, presque enfantine, cherche la protection paternelle, tandis qu’Elvira, audiacieuse et fière, n’hésite pas à endosser une armure et tue son mari Fernando en combat singulier, puis décède, elle aussi, de ses blessures. L’amour que Sol porte à son cousin Téllez Muñoz est mis à l’épreuve lorsque le roi de Navarre demande sa main. Le Cid, qui a toujours ambitionné une union avec la famille royale, est éprouvé par les hésitations de sa fille, mais celle-ci finit par renoncer à son cousin pour permettre à son noble géniteur de mourir heureux. Enregistré aux studios madrilènes de la RTVE au Prado del Rey.
1973(tv-th) Cid (CS) de Pavol Haspra
Ceskoslovenská Televizia, Bratislava (CST), 89 min. – av. Jozef Adamovic (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Sona Valentová (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Viliam Záborsky (Don Diego de Bivar), Karol Machata (Don Gomez, comte de Gormaz), Ladislav Chudik (Fernando Ier, roi de Castille), Zdena Gruberová (l’infante Doña Urraque de Zamora), Eva Kristínová (Leonora), Mária Královicová), Dusan Jamrich (Don Sancho), Vladimir Durdík (Don Arias), Anton Korenci (Don Alonso). – Captation du drame de Pierre Corneille, synopsis cf. le film italien de 1910.
1978(tv-th) Le Cid (FR) de Michel Hermant
France 3 Lille (FR3 10.10.78). - av. Olivier Rodier (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Catherine Privat (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Jean Davy (le roi Fernando Ier de Castille), Jacques Hardey (Don Gomez, comte de Gormaz), Anne-Marie Philipe (Doña Urraqua de Zamora, infante de Castille), Jean-Philippe Kempf (Don Sanche), Guy Kerner (Don Diego), Odile Mallet (Leonora), Michel Paulin (Don Arias), Gilbert Robin (Dob Alonso), Frédérique Villedent (Elvira), Arnaud Dumont (le page). – Captation de la tragédie de Pierre Corneille dans sa mise en scène au Théâtre Mémorial Pierre-Corneille à Petit-Couronne (Normandie) ; synopsis cf. le film italien de 1910.
1980[Animation : (tv) Ruy, el pequeño Cid / Ritoru eru Shido no bôken (Rody le petit Cid) (ES/JP) de Fumio Kurokawa ; Televisión Española (Madrid)-TV Tokyo (TVE 10.9.80 / TVT 6.2.-12.3.84), 26 x 26 min. – Transposition pour enfants de Las mocedades del Cid de Guillén de Castro. En France, la chanson du générique est interprétée par Thierry Le Luron.]
1981(tv) Cid (HU) de Károly Kazimir
Magyar Televízió (Budapest) (MTV 18.10.81), 96 min. – av. András Kozák (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Anna Kubik (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), László Inke (Don Diego), Tibor Bitskey (Don Gomez, comte de Gormaz), Szilvia Sunyovszy (l’infante Doña Urraca de Zamora), Sándor Szabó (le roi Fernando Ier de Castille), István Bubik (Don Sancho), Antal Konrád (Don Arias), József S. Tóth (Don Alonso), Zsuzsa Zolnay (Leonora), Ilona Kassai (Elvira) József Incze (Aprod). - Captation du drame de Pierre Corneille, synopsis cf. le film italien de 1910.
1983El Cid cabreador (ES) d’Angelino Fons
José Frade Producciones Cinematográficas S.A. (Madrid)-Constan Films S.A., 87 min. - av. Angel Cristo (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Carmen Maura (Chimène), Manuel Gómez Bur (l’émir de Saragosse), Paquita Rico (l’infante Doña Urraca de Zamora), Pepe da Rosa (Ben Yusuf IV), Luis Varela (Alfonso VI de Castille), Luis Escobar (Fernando de Castille), Adriana Vega (Paquita), Rafaela Aparicio (la mère de Rodrigue), Alfredo Mayo (le père de Rodrigue), Francisco Cecilio (Sancho), Angel de Andrés (le cardinal), Roberto Camardiel (le comte d’Oviedo), José Luis López Vázquez (le comte García Ordóñez).
Parodie assez débile de la légende, avec un héros victime de la malédiction de feu son beau-père, qui devient efféminé et pleutre en épousant Chimène, puis retrouve sa vigueur sexuelle, ses ambitions et son agressivité guerrière quand il tombe sous la coupe de l’infante Urraca, qui le séquestre pour son plaisir personnel... Le tout servi avec anachronismes, numéros musicaux et slap-stick. Le film fait partie d’une série de satires acidulées produites par José Frade et écrites par le scénariste-comédien Juan José Alonso Millán dans laquelle l’Histoire nationale espagnole, héritage d’un demi-siècle de franquisme, est systématiquement malmenée avec force allusions aux hommes politiques du moment (Manuel Fraga, Adolfo Suárez, Felipe Gónzales), comme Cristóbal Colón, de officio ... descubridor (1982) ou Juana la Loca... de vez en cuando (1983). Tourné à Alicante, à Guadamur (Tolède) et à Madrid, le film fait un tabac en salle, mais reste inédit à l’étranger. N’est pas Monty Python qui veut.
1993(vd-mus) Rodrigue et Chimène (FR) de Richard Langham-Smith (reconstitution) et Edison Denisov (orchestration)
Opéra de Lyon, 109 min. – av. Laurence Dale (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Donna Brown (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), José van Dam (Don Diègue / Diego de Bivar), Hélène Jossoud (Inez), Jules Bastin (Don Gomez, comte de Gormaz), Vincent Le Texier (le roi Fernando Ier de Castille), Gilles Ragon (Don Hernàn), Jean-Paul Fouchécourt (Don Bermudo). - Captation de la première mondiale de l’opéra inachevé en trois actes de Claude Debussy (1892), sur un livret de Catulle Mendès.
1997(tv-df) El Cid, le mercenaire (FR/GB) de Ludi Boeken
Série « Les Chevaliers », Planète-Raphaël Film-R&B Pictures-BBC-CNC, 50 min. – av. Pete Valente (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Michelle Cassidy (Chimène), Martin Garfield (Alfonso VI de Castille), Peter Roberts (comte Garcia Ordoñez), Jake Sharkey (don Ramon, comte de Barcelone), Nicholas Amer. - La légende sans fioritures : docu-fiction avec reconstitutions.
2001(tv-mus) Le Cid (US/ES) de Hugo de Ana (th) et Brian Large (tv)
Michael Bronson/Washington Opera-Teatro de la Maestranza, Sevilla (PBS 19.8.01), 135 min. – av. Plácido Domingo (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Elisabète Matos (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Angela Turner Wilson (Doña Urraqua de Zamora, infante d’Espagne), Kimm Julian (le roi Alphonse IV de Castille), Hao Jiang Tian (Don Diego de Vivar), William Parcher (le comte de Gormaz).
Captation de l’opéra de Jules Massenet, écrit en 1885 (livret d’Édouard Blau, Adolphe d’Ennery et Louis Gallet, basé sur le drame de Corneille), opéra jadis très populaire, puis oublié, enfin redécouvert et mis en scène au Kennedy Center (Washington Opera) et enregistré en novembre 1999, date à laquelle la captation de Brian Large s’est faite.
2002[Animation : El Cid – La leyenda (La Légende du Cid) (ES) de Josep Pozo ; Julio Fernández-Castelao Producciones-Filmax Animation, 80 min. – Dessin animé av. les voix de Manuel Fuentes, Natalia Verbeke, Loles León, Sancho Gracia.]
2011(tv-mus) Le Cid (FR) de Charles Roubaud (th) et Denis Caïozzi (tv)
Opéra de Marseille-Telmondis-Mezzo-France Télévisions (FR2 20.6.11), 132 min. – av. Roberto Alagna (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador » Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Béatrice Uria-Monzon (Chimène), Kimy McLaren (Doña Urraque de Zamora, infante d’Espagne), Francesco Ellero d’Artegna (Don Diego de Vivar), Franco Pomponi (le roi Alfonso IV de Castille), Jean-Marie Frémeau (Don Gomez, comte de Gormaz), Paul Rosner (Don Arias), Bernard Imbert (St. Jacques de Compostelle / l’émissaire maure), Frédéric Leroy (Don Alonso). – L’opéra de Jules Massenet (1885) mis en scène à Marseille, d’après Corneille ; cf. 2001.
2012(vd-th) Le Cid (FR) de Paul Burési
D.F.Q.M. Productions-Sita Productions (Paris), 96 min. – av. Renaud Heine (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador » Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Valérie Roumanoff (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Renaud de Manoël (le roi Fernando Ier de Castille), Jean-Louis Laurent (Don Diego de Bivar), Valériane de Villeneuve (Elvira), Serge Catanese (Don Gomez, comte de Gormaz), Christophe Hurelle (Don Arias), Anne Dorothée Lebard (Eleonora), Carina Montag (l’infante Doña Urraque de Zamora), David Thenard (Don Sancho). - Captation du drame de Pierre Corneille dans une mise en scène du Théâtre Fontaine à Paris, synopsis cf. le film italien de 1910.
2016(tv) Tiempo de leyenda (ES) de Marc Vigil
Série « El ministerio del tiempo » (épis. 9), Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 15.2.16), 70 min. – av. Antonio Velázquez (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), Savitri Ceballos (Chimène / Doña Ximena de Gormaz), Sergio Peris-Mencheta (Rogelio / le faux Cid), Richard Sahagún (Ortigosa), Abdelatif Hwidar (Yussuf Hwidar). - Série de science-fiction illustrant des tentatives de modifier l’histoire de l’Espagne en voyageant dans le temps : le « Ministère du Temps » découvre que l’ADN trouvé dans la tombe du Cid en 1099 ne correspond pas à celui relevé de son vivant sur le héros castillan en l’an 1053.
2020/21* (tv) El Cid – heroe, traidor, leyenda (Le Cid) (ES) télésérie de Marco A. Castillo (2,4,10), Adolfo Martínez Pérez (1,9), Miguel Alcantud (1,3,7), Arantxa Echevarría (5), Alberto Ruiz Rojo (6) et Manuel Carballo (8)
José Velasco, Luis Arranz, Adolfo Velasco/Zebra Producciones (Madrid)-Amazon Studios-Verité Entertainment (Amazon Prime Video 18.12.20 / 15.7.21), 10 x 60 min. (deux saisons). – av. Jaime Lorente (Don Rodrigo Diaz de Bivar, dit « El Cid Campeador »), José Luis García Pérez (Fernando Ier de León), Elia Galera (la reine Sancha de León, son épouse), Francisco Ortiz (Sancho II de Castille), Alicia Sanz (l’infante Urraca de Zamora), Carlos Bardem (le comte Flaín de León), Lucía Guerrero (Chimène/ Doña Ximena de Gormaz), Lucía Díez (l’infante Elvira de Toro), Nicolás Illoro (le roi García II de Galice), Juan Echanove (l’évêque Don Bernardo), Pablo Alvarez (Orduño Flaínez), Olias (la roi Alfonso VI de León), Adrán Salzedo (Alvar), Daniel Albaladejo (Maître Orotz), Krim (Ahmed Ier al-Muqtadir), Ginés García Millán (le roi Ramiro Ier d’Aragon), Samy Khalil (Yusuf al-Mutaman), Adrián Salzedo (Alvar), David Castillo (Lisardo), Alvaro Rico (Nuño), Rodrigo Poisón (Velarde), Sara Vidorreta (Ermesinda), Juan Fernández (Rodrigo), Zohar Liba (Abu Bakr), Emilio Buale (Sábada), Alfons Nieto (Vellido), Ignacio Herráez (Tritón), Adi Koukouh (Mundir), Sarah Perles (Amina), Daniel Tatay (Beltrán).
Une série créée par José Velasco qui cherche à se distancer de l’imagerie mythique du film d’Anthony Mann en présentant un casting cent pour cent hispanique, des personnages « de chair et de sang » et diverses variations de la légende (les origines assez modestes du héros). À première vue, on s’y vautre dans les habituelles turpitudes, trahisons et conjurations entre roitelets hispaniques, un produit-type avec ses délires scénaristiques (l’infante Urraca/Urraque de Zamora aurait assassiné sa propre mère, Sancha de León ?), son lot de coucheries, son féminisme anachronique et de grandes batailles infographiées où les giclures de sang tiennent lieu de réalisme. Mais la télésérie compense ces tares par diverses observations peu courantes. Au XXe siècle, le récit « national » du Cid a d’abord été mobilisé par les républicains espagnols, une icône de la gauche confisquée ensuite par le franquisme, les deux bords l’ayant fleuri en fonction de leurs idéologies et au mépris des faits. Si, du point de vue historiographique, la documentation sur les personnages impliqués est plus que fragmentaire, voire contradictoire, en revanche la situation sociopolitique générale est mieux connue et mérite quelque éclairage. Au début, Rodrigo Díaz n’est que le rejeton mal dégrossi d’un petit noble lésé par Ferdinando, le comte de Castille. Il est élevé à la campagne jusqu’à ce que son grand-père le présente à la cour du même Ferdinando, devenu entretemps roi de León : en l’espace de quelques années, ce dernier a augmenté son pouvoir et ses territoires grâce à la mort de son gendre Bermude II de León et de son frère aîné Bermude III, tués aux batailles de Tamarón (1037) et d’Atapuerca (1054). Habile politicien – il sera appelé « le Grand » et va conquérir Coimbra et Viseo – le roi nomme Rodrigo écuyer de son fils, le prince Sancho, futur Alphonse VI, vainqueur de Tolède. Le jeune homme attire l’attention de la princesse-infante Urraca (qui exerce un grand ascendant sur Sancho, on parle même d’inceste). Alors que la noblesse de León aux ordres du comte Flaín conspire pour s’emparer du trône, la loyauté du futur Cid envers un souverain qu’il méprise pour sa cruauté est mise à rude épreuve. Mais Rodrigue reçoit une formation élitaire aux armes, apprend à braver la mort et se développe ainsi en redoutable seigneur de guerre, expert en particulier dans le combat individuel. Il refuse toutefois le diktat des rois comme de l’Église - le sous-titre de la série le présente comme « un héros, un traître et une légende » - et développe sa propre armée, ce qui fait de lui un personnage aux résonnances très modernes. Rodrigue refuse aussi d’être couronné roi de Valence après la prise de la cité, et restera marié avec Chimène pendant 35 ans. En outre, les téléastes tiennent à cœur de montrer un Al-Andalûs de coexistence, où les musulmans, défiant Bagdad, boivent ouvertement du vin (quitte à enjoliver les invasions des Berbères intégristes qui suivront). Ils sont montrés très supérieurs en connaissances scientifiques (obnubilé, le Cid utilise l’astrolabe et adopte leurs tactiques guerrières) mais pauvres en ressources militaires. Les émirs taïfa, impliqués dans des combats contre d’autres taïfas, avaient en effet besoin de rois, de seigneurs et de chevaliers chrétiens pour leur propre survie, même s’il leur en coûtait un tribut annuel afin de payer leurs « protecteurs ». L’Église ne voyait pas ces relations d’un mauvais œil car elles faisaient couler l’or andalou et dynamisait les conquêtes territoriales aux dépens des musulmans. La série suggère que la réforme grégorienne (Ferdinando s’allie avec la nouvelle abbaye de Cluny) et le renforcement de la papauté à Rome entraînent des relations plus hostiles avec les Maures d’Al-Andalûs.
Les deux saisons de la série sont filmées à partir d’octobre 2019 en extérieurs (70%) dans la province de Soria (le château d’Almenar de Soria, San Miguel de Almazán, Calatañazor, Duruela de la Sierra, les monts d’Ucero, le parc naturel du Cañón del Rio Lobos), dans la province de Burgos (Frías, Monte Santiago, à Saragosse (palais d’Aljafería), à Albarracín (Terruel), Madrid (Colegiata de San Isidro), San Martín de Valdeiglesias, Guadamur et La Adrada ; les intérieurs sont enregistrés dans un studio à Navalcarnero (communauté de Madrid). Compte tenu du succès de la production, une troisième saison est annoncée.
Épisodes : 1. « La conjura (La Conspiration) » - 2. « Ordalia (D’homme à homme) » - 3. « Baraka » - 4. « Campeador (Champion) » - 5. « Expiación (Rédemption) » - 6. « Promesas y tentaciones (Promesses et tentations) » – 7. « La carga del deber (Le Poids du devoir) » – 8. « Viento de guerra (Le Souffle de la guerre) » – 9. « Emboscada (Embuscade) » – 10. « El camino del odio (Les Sentiers de la haine) ».