IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

2. L’ESPAGNE UNIFIÉE SOUS LES « ROIS CATHOLIQUES »

2.2. La tragédie de Jeanne la Folle (1504 à 1506)

Jeanne Ière de Castille dite Jeanne la Folle (Juana la Loca) (1479-1555), reine de Castille et d’Aragon. Elle est le troisième enfant des Rois Catholiques et la mère de Charles Quint (Carlos I), futur roi d’Espagne et empereur tout-puissant du Saint-Empire. En 1496, à 18 ans, elle épouse Philippe de Habsbourg dit Philippe le Beau (Felipe el Hermoso), fils de l’empereur Maximilien Ier et de la duchesse Marie de Bourgogne. Juana monte sur le trône à la mort de sa mère en 1504. Le couple a six enfants, mais la reine supporte de moins en moins les constantes infidélités de son époux qu’elle adore, passion excessive qui lui fait oublier ses devoirs dynastiques et la rend imprévisible. Après la mort subite de Philippe le Beau en 1506 (qui a fait destituer son épouse cette même année), elle présente un déséquilibre mental progressif. Son père Ferdinand d’Aragon la fait enfermer au couvent de Santa Clara à Tordesillas, mais elle refuse d’abdiquer et reste nominalement reine d’Espagne jusqu’à sa mort en 1555, à l’âge de 76 ans (dont 46 en réclusion). Son père, puis son fils Carlos Ier et le vieux cardinal Francisco Jiménez de Cisneros assument la régence.
Le drame de la fille d’Isabelle la Catholique a inspiré plusieurs dramaturges, dont Manuel Tamayo y Baus (La Locura de Amor, 1855), Alexandre Parodi (La Reine Juana, 1869), François Aman-Jean (Jeanne la Folle, 1949), Emmanuel Roblès (Un château en novembre, 1984). La reine apparaît aussi dans la pièce Le Cardinal d’Espagne d’Henry de Montherlant (1960).

1909Locura de amor (ES) de Ricardo de Baños et Alberto Marro
Ricardo de Baños, Alberto Marro/Hispano Films (Barcelona). - av. Cecilio Rodríguez de la Vega (Philippe le Beau), Elvira Fremont (la reine Juana de Castille dite Jeanne la Folle), José Argalagués, Joaquin Carrasco, Amelia de la Mata, José Durany.
Drame situé en 1508, tiré du drame Doña Juana la Loca de Manuel Tamayo y Baus (1855).
1910Giovanna la Pazza (Jeanne la Folle) (IT) de Mario Caserini
Società Italiana Cines (Roma), 438 m. - av. Maria Gasparini (la reine Juana de Castilla dite Jeanne la Folle), Maria Righelli. – GB : Johanna, the Mad Queen.
1948* Locura de amor (Poignard et trahison) (ES) de Juan de Orduña
Carlos Blanco, José María Pemán/CIFESA (Compañía Industrial Film Español S.A., Valencia), 112 min. - av. Aurora Bautista (Juana de Castilla dite Jeanne la Folle), Fernando Rey (Philippe le Beau / Don Felipe el Hermoso), Jorge Mistral (cpt. Don Alvaro de Estúñiga), Sarita Montiel (Aldara, princesse maure), Jesús Tordesillas (Don Filiberto/Philibert de Veyré, ambassadeur de Flandres), Juan Espantaleón (l’amiral de Castille), Manuel Luna (Don Juan Manuel), Eduardo Fajardo (le marquis de Villena), Ricardo Acero (Don Carlos), María Cañete (Doña Elvira), Manuel Arbó (Marliano), Félix Fernández (Mesonero), Arturo Marín (Guillaume de Croui, seigneur de Chièvres), Luis Peña Sánchez (un noble), Carmen de Lucio (l’amante de Don Felipe), Conrado San Martín (Hernán), Nicolás D.. Perchicot (peintre de la Cour), Mercedes Serrano (Doña Leonor).
En 1517, le jeune Carlos Ier (futur Charles Quint) arrive des Flandres en Espagne et rend visite à sa mère, la « reine folle » Juana, enfermée en raison de son déséquilibre mental. Don Alvaro de Estuñiga, capitaine de la garde et depuis toujours secrètement amoureux de la souveraine, lui raconte ce qui s’est passé (le récit s’articule autour de quatre flash-backs) : À la mort d’Isabelle la Catholique en 1504, sa fille, l’infante Juana, devenue reine de Castille, et son époux, le beau Felipe, archiduc d’Autriche et roi-consort, quittent les Flandres pour assumer leurs nouvelles fonctions en Espagne. Mais Juana supporte très mal les infidélités chroniques de Felipe qu’elle aime profondément, incartades qui se répercutent finalement sur sa santé mentale. Le capitaine Alvaro la protège et partage ses chagrins, la princesse maure Aldara, sa propre compagne, étant devenue une des maîtresses de Felipe. Les crises violentes de jalousie de la reine sont exploitées par ses ennemis à la Cour pour l’éloigner des affaires d’État en faveur de l’archiduc volage, mais secrètement aussi pour reconquérir l’indépendance dont la haute noblesse jouissait avant la réunification imposée par les Rois Catholiques. Felipe convoque les Cortes à Burgos et se fait nommer Régent du royaume, ses partisans ayant manœuvré pour que Juana soit déclarée incapable de gouverner. Mais Felipe meurt soudainement d’une fièvre typhoïde en 1506 ; Juana ne se remet pas du choc de cette disparition et refuse longtemps de se séparer de son cadavre dont elle accompagne le cercueil de village en village. Amoureuse folle d’un fantôme jusqu’à la fin de sa vie, 49 ans plus tard, elle est placée par son père en résidence surveillée au couvent de Tordesillas, tandis que Carlos devient le nouveau monarque. Juana aura vécu la plus belle des folies : celle de l’amour.
La reine « folle » Juana (Aurora Bautista) au chevet de son mari mort (1948).
 Adapté de la pièce éponyme en trois actes du dramaturge carliste Manuel Tamayo y Baus (1885), Locura de amor (littéralement : folie d’amour) est un monument du cinéma franquiste, financé par la société CIFESA (alignée sur Madrid) et le Sindicato Nacional del Espectáculo par un investissement alors colossal de 4 millions de pesetas et une débauche de figurants, de costumes et de décors pompeux, parmi lesquels l’intérieur de la cathédrale de Burgos. Il s’agit de contrebalancer les carences et les pénuries quotidiennes dont souffrent les Espagnols de l’après-guerre (isolée politiquement et financièrement, devant importer son blé d’Argentine) à travers la récupération idéologique d’un passé aux multiples splendeurs. Le tournage se fait d’octobre 1947 à février 1948 aux studios de la Sevilla Films à Madrid-Alcampo et en extérieurs à Arenas de San Pedro (Castille-et-León). Son réalisateur, Juan de Orduña, un aristocrate débauché par le théâtre, devient le grand artisan des fresques en costume du régime, épousant sa vision patriotico-nationaliste à travers plusieurs superspectacles grandiloquents de la CIFESA valencienne comme Agustina de Aragon en 1950 (résistance à Napoléon), en 1951 Alba de América (Christophe Colomb) et La leona de Castilla (sous Charles Quint) ou La Tirana en 1958 (à nouveau l’invasion napoléonienne). Si la façade ne manque pas d’allure, le jeu est facilement théâtral, les dialogues sont ampoulés et le résultat aboutit à un mélodrame passionnel nourri tantôt par l’autodestruction, tantôt par la manipulation, le tout noyé dans l’hypocrisie patriarcale, une architecture de machinations politiques dues aux ennemis de la Couronne ; parmi ceux-ci, Philibert de Veyré, l’ambassadeur sournois de Flandres qui conspire pour compromettre le couple royal et susciter une guerre civile, et Aldara, la princesse maure qui cherche à venger sa famille anéantie ainsi que son père dont Isabelle la Catholique avait jadis fait crever les yeux. Aldara finit par poignarder de Veyré pour sauver la vie du loyal capitaine Alvaro. Reflétant l’isolation du régime franquiste après la guerre, le film oppose la très chrétienne Espagne aux influences néfastes de l’étranger, aux Flandres libertines et proches des Valois, l’ennemi français. Quant au peuple, il fait de la figuration et les scénaristes se gardent bien de mentionner que Juana, encore archiduchesse, refusait de se rendre à la messe et de se confesser, raison pour laquelle Isabelle la Catholique envisagea de la déshériter ! Enfin, selon l’optique franquiste, la femme n’est pas faite pour gouverner, et encore moins dans un pays toujours menacé par les luttes internes ; l’immixtion de Felipe, puis du futur Charles Quint s’explique par la hantise d’une guerre civile, traumatisme encore bien présent en 1948. La disparition de la reine aplanit les polarisations sociales et réunit toutes les couches de la population autour d’une autorité incontestée. Notons qu’un film sur le même sujet fut annoncé en 1941 déjà, sous la direction de Benito Perrojo, avec Mary Carrillo et Julia Peña prévus en couple royal ; les décors avaient déjà été érigés dans les studios Orphea à Barcelone, mais le projet fut sabordé suite à une mésente entre le réalisateur et la production (Ufisa) ; Florián Rey tenta vainement d’en reprendre les rènes, la censure d’État estimant alors qu’une « reine d’Espagne ne pouvait être folle ».
La débutante Aurora Bautista, star du Teatro Español (où Orduña l’a découverte dans La Conjuration des Fiesco de Schiller), fait ses débuts à l’écran dans le rôle-titre, en victime pathétique dont les réactions inattendues désarçonnent, mais son jeu bascule plus d’une fois dans l’excessif, un comportement de « lionne » qu’elle revendique. Elle est entourée de plusieurs gloires du monde du spectacle hispanique tels que le jeune Fernando Rey, Jorge Mistral et la débutante Sara (Sarita) Montiel. Visuellement, le drame se réfère plus d’une fois à la peinture académique des Salons madrilènes du XIXe siècle, avec des renvois directs aux tableaux Juana la Loca de Francisco Pradilla (1877), El testamento de Isabel la Católica d’Eduardo Rosales (1864) ou Demencia de Doña Juana de Lorenzo Vallés (1866). Le scénographe allemand Siegfried/Sigfrido Burmann, ancien collaborateur de Federico García Lorca au théâtre, est en charge des décors somptueux, du jamais vu dans le cinéma espagnol (plâtre et peinture sur cache) ; on retrouvera son nom dans tous les films marquants de l’époque, jusqu’à Per un pugno di dollari de Sergio Leone (1964). Quant au chef-opérateur vétéran José F. Aguayo, il travaillera pour Luis Buñuel (Viridiana en 1961, Tristana, 1970). Unanimement applaudi, Locura de amor figure avec ses 19 semaines d’exclusivité à la première place du hit-parade du cinéma espagnol pour les années 1940-1952 et ouvre largement la porte à l’exportation de la production nationale en Europe comme aux Amériques. À Hollywood, Ben Hecht rédige une version anglaise du film pour Jean Simmons qui n’aboutira pas. Prix du Syndicat du Spectacle, Médaille du CEC pour le meilleur film, prix du Certamen cinematográfico Hispanoamericano pour le meilleur film, la réalisation, Aurora Bautista, Jesús Tordesillas, décors, musique. Aujourd’hui d’un intérêt strictement historique, quoique ... les films en costumes d’Orduña sont réalisés avec tant de conviction et de grandiloquence qu’on peut les reconsidérer à présent avec un plaisir pervers dans une optique camp. - IT : Giovanna la pazza, DE : Johanna von Kastilien, PT : Louca por amor, US : Madness of Love/Love Crazy/The Mad Queen.
1952/53Amor de locura (MX) de Rafael Baledón
Alfredo Ripstein Jr., Gregorio Walerstein/Cinematográfica Filmex S.A. (Ciudad de México), 100 min. - av. Nini Marshall Catita (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Oscar Pulido (Philippe le Beau / Don Felipe Hermosillo), Tony Aguilar (Alvaro de Estuñiga), Yolanda Montes Tongolele (la danseuse maure Aldara), Pedro de Aguillón (Don Filiberto), Lupe Carriles (Elvira), Alfonso Iglesias Padre (Don Fidencio), Rafael Banquells, Luz María Aguilar, Daniel Arroyo, Stephen Berne, Manuel Casanueva, Cecilia Leger. - Au XXe siècle au Mexique, un mari voudrait se débarrasser de sa riche femme pour pouvoir payer ses dettes de jeu. Un magicien lui fait voir dans une boule de cristal ce qu’il advint de Jeanne la Folle au XVIe siècle et comment Felipe le Bel, amoureux de la danseuse Aldara, parvint à ses fins. La séquence du flash-back historique est une parodie du film espagnol Locura de amor (cf. supra, 1958). Filmé en mai-juin 1952 aux studios San Angel à Ciudad de México.
1962(tv-th) De kardinaal van Spanje [Le Cardinal d’Espagne] (NL) de Joris Diels
Nederlandse Televisie Stichting (NTS)-De Haagsche Comedie (NTS 24.5.62), 100 min. – av. Albert van Dalsum (le cardinal-régent Francisco Jiménez Cisneros), Ida Wasserman (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Joris Diels (le baron Van Arpen), Piet Römer (le chapelain Ortéga), Frans Vorstman (le père Diego), Broes Hartman (Varacaldo), Wiebe Brandsma (le duc d’Estrada), Dolf de Vries (Don Diego de la Mota), Annie Leenders (Doña Inés Manrique), Cas Baas (Luis Cardona), Kees Coolen (un noble), Jules Croiset (le duc d’Estivel), Carl van der Plas (le comte d’Aralo). - Première dramatique télévisée de la pièce Le Cardinal d’Espagne d’Henry de Montherlant (cf. la dramatique ORTF de 1964).
1963(tv) Juana de Castilla (ES)
Série « Novela », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 21.10.63). – av. Luisa Sala (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), María José Alfonso, José María Escuer, Miguel Palenzuela, José María Prada.
La reine Juana (Louise Conte) affronte le cardinal Cisneros (Henri Rollan) (tv 1964).
1964* (tv-th) Le Cardinal d’Espagne (FR) de Jean Vernier
ORTF (1e Ch. 24.11.64), 131 min. - av. Henri Rollan (le cardinal-régent Francisco Jiménez Cisneros), Louise Conte (la reine Juana de Castille dite Jeanne la Folle), André Falcon (Luis Cardona, petit-neveu du cardinal), René Arrieu (le duc d’Estibel), Bernard Dheran (comte de Malo/Aralo), Jacques Larcey (le chapelain Ortega), Jean-Louis Jemme (Frère Diego), Marco Behar (Varacaldo), Louis Eymond (l’archevêque de Grenade), René Camoin (le baron Van Arpen), Denis Savignat (le duc d’Estrada), François Vibert (Felipe Uhagon), Andrée de Chauveron (Doña Inés Manrique), Paul-Emile Deiber (Don Diego de la Mota), François Régis (le docteur Campos), Simon Eine (le gentilhomme de la chambre), Gérard Douhéret (le majordome), Claude Jourdain (le valet du cardinal), Régine Blaess, Danièle Ajoret et Géraldine Valmont (des demoiselles d’honneur).
Dramatique télévisée (enregistrée aux studios des Buttes-Chaumont) de la pièce en 3 actes d’Henry de Montherlant qui reprend une partie de la distribution originale – Henri Rollan, André Falcon et Louise Conte - lors de sa création sur scène à la Comédie-Française, dans une mise en scène de Jean Mercure (18.12.1960). Francisco Jiménez de Cisneros (1436-1517), cardinal, réformateur religieux, Grand Inquisiteur, devient le confesseur d’Isabelle la Catholique en 1492 ; trois ans plus tard, le pape Alexandre VI Borgia le promeut archevêque de Tolède, chargé de l’évangélisation des Maures, et en 1507, Ferdinand le fit nommer cardinal et Grand-Inquisiteur d’Espagne (il aurait été responsable de la condamnation de 3570 personnes à être brûlées vives). Il ne put toutefois convaincre le roi de se lancer dans une conquête d’envergure en Afrique du Nord. La pièce de Montherlant relate fidèlement ses derniers jours. – Synopsis : Madrid en novembre 1517. Autoritaire, violent, politique, mystique, méprisant les hommes, ambitieux pour l’État et pour soi-même, Cisneros, despote de 82 ans, porte la bure de franciscain sous ses vêtements de cardinal. Il se vante qu’aucun affront ne peut le blesser. Il a fait la fortune de son petit-neveu, Cardona, dont il méprise le caractère mais envie la jeunesse. Ayant hérité la fonction de régent du trône d’Espagne pour palier la démence de la reine Juana, jeune veuve de 38 ans qu’il a fait cloîtrer douze ans plus tôt dans son château de Tordesillas, il demande audience à cette dernière pour la prier d’accueillir son fils adolescent Carlos/Charles d’Autriche (futur Charles Quint), nommé roi de Castille à 17 ans. En attendant l’arrivée imminente du jeune prince sur le trône (il a mis dix-huit mois à se résoudre à quitter les Flandres), le terrible vieillard affronte sa mère. Il réalise que si Juana est folle, cette folie s’accorde avec une sagesse profonde qui lui fait voir le néant de tout ce qu’il a entrepris. À voix mesurée, juste et nette, Juana ébranle sa volonté de puissance, lui reprochant d’avoir placé le temporel au-dessus du spirituel, d’avoir oublié Dieu pour César, d’avoir perdu son temps et son âme. Partagé entre le désir du détachement monacal et la passion du pouvoir, Cisneros est troublé par les paroles de la souveraine, mais en même temps, l’approche de sa fin lui fait durcir encore sa politique car il entend continuer à gouverner secrètement par personne interposée. C’est à ce moment qu’il reçoit un courrier du roi qui lui intime courtoisement de prendre sa retraite et le renvoie dans son diocèse. Le vieil homme qui n’a cessé de proclamer son invulnérabilité s’effondre, mort, incapable d’avoir su se dégager du temporel comme l’a réussi, à sa manière, la reine folle. – La pièce de Montherlant suscite beaucoup de bruit à sa sortie, notamment un colloque entre l’Académie, la Sorbonne et l’Institut catholique, et un chahut considérable à la Comédie-Française où des Normaliens de la rue d’Ulm hostiles à la littérature « hautaine » de l’auteur l’accueillent avec des boules puantes et des cris. La pièce fera néanmoins une centaine de représentations, un triomphe public.
1965(tv-th) El Cardenal de España (SP) de Pedro Amalio López
Série « Primera fila », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 23.6.65), 90 min. – av. Angel Picazo (le cardinal-régent Francisco Jiménez Cisneros), Irene Gutiérrez Caba (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Vicente Vega (le baron Van Arpen), Carlos Lucena (le duc Estrada), Ricardo Lucía (Luis Cardona), Lola Lemos (Doña Inés Manrique), Julio Fernández Mahuri (Don Diego de la Mota), Enrique Closas (Varacaldo), Félix Casas (Uhagon), Rafael Gil Marcos (le comte Aralo), Pascual Martín (Estirel), Enrique Navarro (le chapelain Ortega), Angel Picazo (le cardinal), Alberto Solá (l’archevêque de Grenade), Margarita Cembreros, Angeles Puchol (demoiselles d’honneur). - Le drame Le Cardinal d’Espagne d’Henry de Montherlant (cf. dramatique de 1964).
1965(tv-th) Der Kardinal von Spanien (DE) d’August Everding
TV-Union-Riva Studios-Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF 8.9.65), 101 min. – av. Paul Verhoeven (le cardinal-régent Francisco Jiménez Cisneros), Maria Becker (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Norbert Kappen (Luis Cardona), Herbert Fleischmann (le duc d’Estival), Alexander Hegarth (le comte Aralo), Edda Seippel (Doña Inés Manrique), Hanns Ernst Jäger (le chapelain Ortega). - Le drame Le Cardinal d’Espagne d’Henry de Montherlant (cf. dramatique de 1964) dans une mise en scène mémorable d’August Everding (Kammerspiele Munich) et avec des comédiens de grande classe, Paul Verhoeven et Maria Becker.
1967(tv) La reina Juana (ES)
Série « Novela », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 18.9.67), 30 min. – av. Luísa Sala (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), José Blanch, José Franco, Arturo López.
1977(tv) La reina loca de amor - Juana de Castilla (ES) de Cayetano Luca de Tena
Série « Mujeres insólitas », Adolfo Dufour/Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 15.3.77), 82 min. – av. Julia Gutiérrez Caba (Juana de Castille dite Jeanne la Folle), Manuel Tejada (Felipe el Hermoso), Luisa Sala (Isabelle la Catholique), Ramón Durán (Frère Matienzo), Rafael Navarro (le cardinal Francisco Jiménez Cisneros), Gabriel Ilopart (Louis XII de France), José Morales (le Grand Chambellan), Jesús Enguita (le maître des cérémonies), José Blanch (Don Juan de Fonseca), José Claride (Don Juan Manuel), José Crespo (l’amiral de Castille), Jaime Blanch (Francisco de Borja), Luis Varela (Pepe), Joaquín Molina, Lola Muñoz.
1979(vd-mus) Juana, la loca (US) de Tito Capobianco
San Diego Opera-Live Opera, 120 min. – av. Beverly Sills (Juana de Castille dite Jeanne la Folle), John Bröcheler (Felipe Ier, Fernando V / le prince Carlos, futur Charles Quint), Robert Hale (l’évêque Ximenes [Francisco Jiménez Cisneros]), Susanne Marsee (Doña Manuela), Jane Westbrook (Nurse), Joseph Evans (Miguel de Ferrara), Carlos Chausson (le marquis de Denia). – Malgré un mariage arrangé, Jeanne et Felipe s’aiment, mais les années passant, ce dernier lui est infidèle et elle en perd la raison. Il s’entend avec son beau-père Ferdinand pour l’exclure du gouvernement afin de régner à sa place, mais la fièvre l’emporte. Veuve, Juana refuse de signer l’acte d’abdication et garde le titre de reine. Son père la confine pendant 46 ans. - L’opéra en 3 actes de Gian Carlo Menotti (1979) commandité par le soprano américain Beverly Sills à l’occasion de ses 50 ans. Captation de la première mondiale, présentée au San Diego Opera le 3.6.1979.
1982(tv-mus) Juana, la loca (IT) de Carlo Menotti
Festival di Spoleto-RAI, 120 min. – av. Pamela Myers (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Bran Schexnayder (Felipe, Fernando, Carlos), Boris Martinovich (l’évêque Ximenes [Francisco Jiménez Cisneros]), Petra Malakova (Doña Manuela), Corinna Vozza (Nurse), Robert Lyon (Miguel de Ferrara), Angelo Nosotti (le marquis de Denia). - L’opéra de Gian Carlo Menotti (1979), cf. supra, captation de 1979.
1983Juana la loca ... de vez en cuando [Jeanne la folle … de temps à autre] (ES) de José Ramón Larraz
José Frade, Ricardo García Arrojo/Constan Films S.A. (Madrid)-José Frade Producciones Cinematográficas S.A., 87 min. - av. Lola Flores (Isabelle de Castille), Beatriz Elorrieta (l’infante Juana de Castille dite Jeanne la Folle), José Luis López Vázquez (Fernando II d’Aragon), Jaime Morey (Felipe el Hermoso / Philippe le Beau), Paloma Hurtado (l’infante Doña Isabel), Fernando Fernan Gomez (le pirate Henry Morgan), Quique Camoiras (l’Inquisiteur Tomás de Torquemada), Manuel Gómez Bur (le cardinal Francisco Jiménez Cisneros), Juanito Navarro (Christophe Colomb), Manolo Codeso (Pinto Gorgorao), Fernando Fernán Gómez (Sir Henry), Adriana Vega (la princesse maure Zoraïda), Angel de Andrés (le duc de Medina Sidonia), Guillermo Montesinos (l’infant Don Juan), Adrían Ortega (le comte de Cabra Nalgaloca), José Jaime Espinosa (Wilfredo el Roñoso), Antonio Ozores (Alonso V, roi du Portugal).
Les Rois catholiques sont inquiets : Torquemada veut faire comparaître toute l’Espagne devant le tribunal de l’Inquisition tandis que le cardinal Cisneros souffre d’amnésie sénile. L’infante Isabel, héritière du trône, a viré républicaine et terroriste, tandis que sa sœur Juana exige un mari au plus vite. Cette dernière accepte finalement de s’unir au beau mais très volage Felipe, qui est aussi un redoutable crooner et un champion de tennis. Juana devient reine après le décès d’Isabelle, mais elle passe son temps à courir après son époux qui cumule les aventures féminines, notamment avec une danseuse du ventre maure. Lorsqu’il rend l’âme à son tour, Juana, inconsolable et traitée de « folle », organise une grande tournée touristique à travers le royaume aux côtés du cadavre d’un conjoint qui lui appartient enfin à elle seule. - Une version satirique d’une finesse toute relative sur le passé et le présent de l’Espagne, avec anachronismes à gogo, numéros musicaux, slapstick, allusions politiques acidulées (notamment sur les conflits d’autonomie régionale et divers ministres à Madrid). À l’arrivée, un gros navet dans la lignée des autres productions de José Frade écrites par Juan José Alonso Millán comme Cristóbal Colón ... de oficio descubridor (1982) ou El Cid Cabreador (1983), réalisé cette fois en Eastmancolor et écran panoramique à Guadamur (Tolède) et à Madrid par José Larraz, un Catalan jusque-là cantonné dans le cinéma-bis érotique ou d’horreur.
1986® (tv) Le Printemps (FR) de Pierre Cavassilas (TF1 23.7.-13.8.86), 4 parties. – av. Elisabeth Macocco (Juana de Castille dite Jeanne la Folle), Denis Pascual (Philippe le Beau/Felipe el Hermoso). – Fresque couvrant l’Europe des années 1527 à 1541, d’après Denis Guénoun.
La reine Juana (Pilar López de Ayala) et son mari volage, Philippe le Beau (Daniele Lotti) (« Juana la loca », 2001).
2001** Juana la Loca / Giovanna la Pazza / Joana a Louca / Jeanne la Folle (ES/IT/PT/FR) de Vicente Aranda
Enrique Cerezo, Pedro Costa/ Enrique Cerezo Producciones Cinematográficas S.A. (Pozuelo de Alarcón)-Eurimages (Paris)-Canal+ España (Madrid)-Pedro Costa Producciones Cinematográficas-Production Group (Roma)-Sogepaq (Madrid)-Take 2000 (Lisbõa)-TeleMadrid, 117 min. – av. Pilar López de Ayala (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Daniele Liotti (Philippe I de Castille, dit le Beau), Manuela Arcuri (la danseuse Aïcha /Beatriz), Rosana Pastor (Elvira), Eloy Azorín (Alvaro de Estúñiga), Giuliano Gemma (l’ambassadeur Don Filiberto/Philibert de Veyré), Susi Sánchez (Isabelle la Catholique), Héctor Colomé (Fernando II d’Aragon le Catholique), Andrés Lima (Diego López de Pacheco, marquis de Villena), Guillermo Toledo (cpt. Corrales), Roberto Alvarez (l’amiral Henriquez), Carolina Bona (Inés de Brabant), Chema de Miguel (Don Juan Manuel), Cipriano Lodosa (Marliano), Jorge Monje (Hernán), Sol Abad (Mucama), Cristina Arranz (Ana), Carlos Martínez (Francisco de Borja).
La seconde adaptation officielle – mais assez libre - du drame La Locura de Amor de Manuel Tamayo y Baus (1855), après le film de Juan de Orduña en 1948 (cf. supra) ; Locura de amor en est d’ailleurs aussi le titre de travail. Vicente Aranda, réalisateur de talent du nouveau cinéma espagnol dont l’amour, l’érotisme et la cruauté sont les thèmes récurrents de sa filmographie, aborde souvent des sujets sociaux et politiques qui dénoncent une société espagnole conformiste, puritaine et machiste, vivotant à l’ombre de l’Armée et de l’Église (Amantes avec Victoria Abril, 1991) ou encore Libertarias (aussi avec Victoria Abril, 1996) qui illustre la guerre civile d’Espagne vécue par des femmes libertaires, militantes anarchistes qui se battent à la fois pour la révolution sociale et leur émancipation, ceci sans faire l’impasse sur les épisodes qui dérangent (exécutions de masse des factieux par les partisans de Moscou, etc.). En abordant le sujet de Jeanne la Folle, du mariage à Bruxelles à la réclusion de la reine-veuve, Aranda propose une relecture moderne, plus en accord avec les notions actuelles de la psychologie et qui cherche le point de vue de la femme-victime.
À Tordesillas, à la veille de sa mort, Juana apparaît oubliée et trahie par tous ceux avec lesquels elle avait un lien affectif. Sa cellule est austère, avec une fenêtre en treillis et le portrait de son mari décédé. Sereine, elle se souvient (flash-back) ... À Laredo, le 22 août 1496, une armada emmène l’infante à la cour de Bruxelles où, comme négocié par ses parents, elle doit s’unir avec Philippe le Beau, archiduc d’Autriche. Leur rencontre est fulgurante : à peine se sont-ils vus que naît entre eux un désir et une attraction incontrôlable, au point d’oublier toutes leurs obligations politiques. Mais Philipe ne peut résister à la vie facile comme aux plaisirs en Flandres et le destin a d’autres projets pour eux. Le décès de son frère et de sa sœur ainés puis celui de sa mère font de Juana la nouvelle reine la Castille. Ces événements conduisent à deux conflits, l’un politique entre la noblesse flamande et espagnole, l’autre intime lié au malheur, à la fureur puis au désespoir de la reine bafouée qui ne se sent plus désirée par son époux volage... Amoral, peu intelligent, influencé par ses compagnons de débauche, ce dernier cherche à échapper à la possessivité de Juana et à sa passion excessive qu’il considère comme un obstacle à sa liberté personnelle. Quant à la reine, elle place ses devoirs après sa vie sentimentale, sa seule raison de vivre. Afin de se libérer de cette emprise tout en s’emparant de la couronne, Philippe fait passer son épouse pour folle. Mais l’est-elle vraiment ? « Folie et amour sont un pléonasme », affirme Aranda qui refuse de trancher, ne prêtant pas trop de crédit aux historiens des siècles passés, peu fiables car partisans du pouvoir en place. Selon lui, la pièce de Tamayo y Baus concède à Juana, perdue dans une sorte d’« amour fou » surréaliste, une force émotionnelle hors du commun. Aujourd’hui, son comportement parfois erratique n’est plus perçu comme de la démence, alors que le XVIe siècle espagnol rejetait en bloc toute priorité émotionnelle ou sexuelle. L’enfermement de Juana n’est qu’un prétexte, le fruit d’une machination politique de son père et de son mari. Des images renversantes de la souffrance (Juana hurle sa douleur sous une pluie battante) animent cette fresque fluide, élégante, remarquablement recherchée sur le plan historique, mais un peu distante (inhabituel pour Aranda, la sensualité y est traitée chastement), le tout baigné dans une Espagne peu ensoleillée et sans joie. Formellement, c’est l’antidote au film de 1948 avec sa pompe, ses décors en carton-pâte et ses costumes de théâtre. Le cinéaste a tourné d’octobre 2000 à janvier 2001 au Portugal (Batalha, château de Guimarães) et en Espagne, dans les provinces de Castilla y León (Burgos, León), La Mancha (Sigüenza), Madrid (Talamanca del Jarama, El Paular, Barajas, Campo Real) et en Andalousie (Huelva). Son portrait saisissant d’une femme toujours au bord de la crise de nerfs vaut à Pilar López de Ayala un Goya de la meilleure interprétation féminine, la médaille du Círculo de Escritores Cinematográficos et la Coquille d’argent au festival de Saint-Sébastien. Costumes et maquillages remportent également un Goya (en plus de 9 nominations). - GB/US : Mad Love, Madness of Love.
2012-2014® (tv) Isabel (ES) série de Jordi Frades, etc. – av. Irene Escolar (Juana I de Castille dite Jeanne la Folle).
2015/16® (tv) Carlos, Rey Emperador (ES) série d’Oriol Ferrer, etc. – av. Laia Marull (la reine Juana I de Castille dite Jeanne la Folle).
Felipe el Hermoso et son épouse Juana de Castille, « Jeanne la Folle » (« La corona partida »).
2016(tv) La corona partida [La Couronne divisée] (ES) de Jordi Frades
Diagonal Televisión-Radiotelevisión Española (TVE 19.2.16), 113 min. - av. Irene Escolar (la reine Juana I de Castille dite Jeanne la Folle), Raúl Mérida (Felipe I el Hermoso de Castille dit Philippe le Beau), Rodolfo Sancho (Fernando II de Aragon), Eusebio Poncela (le cardinal Francisco Jiménez Cisneros), Michelle Jenner (Isabelle I de Castille), José Coronoda (Maximilien I de Habsbourg), Silvia Alonso (Germaine de Foix, reine-consort d’Aragon), Jacobo Dicenta (Juan, Señor de Belmonte), Ramon Madaula (Gonzalo Chacón y Martínez del Castillo), Fernando Guillén Cuervo (l’ambassadeur Gutierre Gómez de Fuensalida), Ursula Corberó (l’archiduchesse Margarita d’Autriche), Pedro Mari Sànchez (le duc de Nájera), Jordi Díaz (le trésorier Andrés Cabrera), Antonio Gil (le connétable de Castille), Fernando Cayo (l’ambassadeur Don Filiberto/Philibert de Veyré), Pedro Mari Sánchez (le duc de Nájera), Ramón Barea (le duc d’Albe), Jesús Noguero (le duc de Benavente), Ainhoa Santamaría (Beatriz de Bobadilla), Carolina Lapausa (Juana de Aragón), Arón Piper (Fernando de Habsbourg), Fernando Valdivielso (l’archiduc de Felipe).
Le téléfilm - qui couvre une période de trois ans - se veut la suite de la série Isabel (2011-14), dont Jordi Frades est également le réalisateur, et le « prequel » de la série Carlos, Rey Emperador (2015/16, cf. chapitre suivant). Le casting comprend une partie des acteurs de la première série. - Après le décès d’Isabelle la Catholique, les temps d’incertitude et les luttes pour le pouvoir se succèdent. Son époux veuf Fernando d’Aragon le Catholique, souverain versatile et fourbe, et son beau-fils tyrannique Felipe Ier el Hermoso, seigneur des Flandres, se disputent la couronne de Castille. Juana, l’héritière légitime du trône, fille de Fernando et épouse de Felipe, est victime de cette situation car tous cherchent à démontrer sa folie et son incapacité à gouverner. Fernando brigue l’aide du cardinal Cisneros, mais Felipe vise le trône d’Espagne et empêche père et fille de se voir. En se remariant juste après la mort d’Isabelle avec la princesse française Germaine de Foix, Fernando met en péril l’unité héréditaire des royaumes hispaniques... Sa mort accidentelle (un empoisonnement ?) en 1516 laissera un empire immense mais fragile. - Tournage au château de Guadamur à Tolède, à l’église de Santa María à Torrelaguna, au Palacio del Rincón (Madrid), à la cathédrale de Burgos et à la chartreuse Santa María de Miraflores à Burgos. – GB/ZS : The Broken Crown, The Divided Crown.