IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

4. PHILIPPE II, PRINCE DE LA CONTRE-RÉFORME

4.4. « Don Juan Tenorio » de José Zorrilla y Moral

Contrairement à Molière ou à Mozart, les Espagnols situent leur « Don Juan » dans un cadre historique précis, à l’âge d’or du XVIe siècle. Ainsi, le Don Juan Tenorio de José Zorrilla (1844) - la pièce la plus jouée de l’histoire de la littérature ibérique - se déroule à Séville pendant le carnaval de 1545, soit pendant les dernières années du règne de Charles Quint. Dans cette version, Doña Inés intercède avec succès auprès du Ciel pour sauver son séducteur. El Burlador de Sevilla y convidado de piedra de Tirso de Molina (1626), première œuvre littéraire créant le mythe de Don Juan, situe son action à Naples, puis à Séville au XIVe siècle, sous le règne du roi Alphonse XI.
Pour quelques autres versions (incluses dans la liste ci-dessous), le légendaire séducteur sévit à la fin de règne de Philippe II, lorsque l’Empire et ses mœurs rigides se délitent, voire même sous Philippe III « le Pieux » (1598/1621) et son épouse Marguerite d’Autriche. – Rappel : le Don Giovanni de Mozart et le Dom Juan de Molière se déroulent au XVIIe siècle, tandis que les fameux Don Juan cinématographiques campés par John Barrymore (1926) et Douglas Fairbanks (1934) se passent l’un à la cour des Borgia à Rome vers 1500, l’autre à Séville en 1650.
Nota bene : la liste des captations télévisuelles n’est pas exhaustive. Pour toutes les autres versions du mythe de Don Juan à l’écran, voir volume 3 – « L’ABSOLUTISME » / partie V. « L’Espagne » / chap. 8.1. « Don Juan (Don Giovanni), séducteur mythique ».
1898Don Juan Tenorio (MX) de Salvador Toscano
Salvador Toscano Producciones (Ciudad de México), 7 min. – av. Salvador Toscano (Don Juan).
1908Don Juan Tenorio (ES) de Ricardo de Baños et Alberto Marro
Ricardo de Baños, Alberto Marro/Hispano Filmes (Barcelona), 15 min. (7 tableaux). – av. Cecilio Rodríguez de la Vega (Don Juan). – Le pionnier barcelonais Ricardo de Baños s’attaque pour la première fois au drame de José Zorrilla, mais avec des moyens insuffisants, ce qui l’incitera à réessayer 13 ans plus tard. – Tableaux : 1. « Libertinaja y escándalo » - 2. « Destreza » - 3. « Profanación » - 4. « El diablo a las puertas del cielo » - 5. « La sombra de Doña Inés » - 6. « La estatua de Don Gonzalo » - 7. « Misericordia de Dios y apoteosis de amor ».
1921/22* Don Juan Tenorio (El castigador castigado) (ES) de Ricardo de Baños 
Ramón et Ricardo de Baños/Royal Films (Barcelona), 8 bob./[54 min.] – av. Fortunio Bonanova (Don Juan), Inocencia Alcubierre (Doña Inés de Ulloa), Jaime Planas (Don Luis Mejía), Ramón Bañeras (Don Gonzalo de Ulloa), Antonia Ramos (Brigida), Ramón Quadreny (Ciutti), Ricardo Fusté (cpt. Centellas), Pablo Prou de Vendrell (Don Rafael de Avellaneda), Conchita Huerta (Doña Ana de Pantoja), Julio López de Castilla (Don Diego Tenorio), Copérnico Oliver (Buttarelli), Conchita Ramos (une pêcheuse napolitaine), Pepita Berenguer (Lucía).
D’après la pièce de José Zorrilla, située à Séville en 1545 : Don Juan retrouve son ennemi Luis Mejía pour régler un pari au sujet du nombre de leurs aventures amoureuses respectives. Se retrouvant à égalité, ils se lancent un nouveau défi dont l’objet est la conquête de Doña Inés de Ulloa qui est sur le point de rentrer au couvent. Don Juan en tombe amoureux et change de vie. – Un des deux films les plus importants du cinéma muet espagnol avec La vida de Cristóbal Colón (1916), produit par les frères Ramón et Ricardo (de) Baños, le premier étant ici directeur artistique et chef opérateur. Une production catalane ambitieuse, tournée d’octobre 1921 à mars 1922 aux ateliers Galeria de Studio Films à Barcelone, sortie à Barcelone et à Madrid en octobre 1924, sonorisée en 1936 avec des dialogues de Ramón Caralt et redistribuée sous le titre de El castigador castigado.
1927El señor Don Juan Tenorio (ES) de Juan Andréu Moragas
M. de Miguel (Valencia). – av. José Benitez (Don Juan), Carmen Navarro (Doña Inés de Ulloa). – Parodie de la pièce de José Zorrilla.
1937Don Juan Tenorio (MX) de René Cardona 
Virgilio Calderón, Juan Pezet/Cinematografica Excelsior (Ciudad de México), 74 min./66 min. – av. René Cardona (Don Juan), Gloria Morel (Doña Inés de Ulloa), Alberto Marti (Don Luis Mejia), Jesús Graña (Ciutti), Consuelo Segarra (Brigida), Miguel Arenas (Don Gonzalo de Ulloa), Paco Martínez (Don Diego Tenorio), Rafael Icardo (cpt. Centellas), Mary Carrillo (Tornera), Aurora Walker (l’abbesse), Lina Santamaría (Lucia), Carlos Aganza (Don Rafael de Avellaneda), Ina Rico (Doña Ana de Pantoja), Jesús Melgarejo (Butarelli). – Une adaptation soignée jouée et mise en scène par un des piliers du cinéma mexicain (dont c’est le premier film sonore). L’action est située à Séville, d’après José Zorrilla. Tourné en juin 1937 aux studios México Films.
Don Juan (Errol Flynn) et la reine Marguerite d’Autriche (Viveca Lindfors) à la cour d’Espagne (1949).
1948/49** Adventures of Don Juan (Les Aventures de Don Juan) (US) de Vincent Sherman 
Jerry Wald/Warner Bros., 110 min – av. Errol Flynn (Don Juan de Maraña), Alan Hale (Leporello), Viveca Lindfors (la reine Marguerite d’Autriche-Styrie), Romney Brent (Philippe III), Robert Douglas (le duc de Lorca [=duc de Lerma]), Pedro de Cordoba (Francisco Pacheco, peintre de la Cour), Ann Rutherford (Doña Elena), Robert Warwick (Don José, comte de Polan), Jerry Austin (Don Sebastian), Douglas Kennedy (Don Rodrigo), Jean Shepherd (Doña Carlotta), Mary Stuart (Catherine), Helen Westcott (Lady Diana), Fortunio Bonanova (Don Serafino Lopez), Aubrey Mather (Lord Chalmers), Una O’Connor (la duègne), Raymond Burr (le capitaine Alvarez), Leon Belasco (Don de Cordoba), David Bruce (le comte d’Orsini), Monte Blue (Turnkey), Nora Eddington (la dame dans le carrosse), Barbara Baites (la fille de l’aubergiste). Kate Drain Lawson (la femme de l’aubergiste).
Au cours d’un séjour en Angleterre, Don Juan est jeté en prison après un duel contre un mari trompé. L’ambassadeur d’Espagne à la cour d’Elizabeth Ire obtient sa libération sous condition qu’il regagne Madrid et entre au service de la reine Marguerite d’Autriche, épouse du nouveau roi, Philippe III, au titre de maître d’armes du palais. Il se heurte bientôt à l’inimitié du duc de Lorca, Premier ministre du royaume et partisan d’une reprise de la guerre contre l’Angleterre. Lorca domine le roi évanescent, cherche à museler son épouse et prépare un coup d’État pour s’emparer du trône. Don Juan déjoue le complot, en avertit la reine et, au dernier moment, investit le palais avec l’aide de ses élèves de l’Académie royale des armes. Il tue l’usurpateur en duel. La reine tombe sous son charme, amoureuse, mais Don Juan – qui voit en la souveraine la femme « intouchable » de sa vie - se retire galamment et choisit la voie de la sagesse en quittant la capitale et ses souverains. Il va désormais se consacrer à l’étude à l’université de Lisbonne, dit-il, mais en cours de route, il croise le carrosse d’une belle voyageuse et repart pour de nouvelles aventures...
Mis en chantier dès 1943, le film est commencé en noir et blanc par Robert Florey en octobre 1944 (scénario de Florey et Herbert Dalmas), réalisateur remplacé ensuite par Raoul Walsh (et Jean Negulesco ?). Walsh doit interrompre un début de tournage deux mois plus tard suite à une grève générale des studios. Le projet est repris deux ans plus tard, cette fois en Technicolor et sous la férule de Vincent Sherman (à la demande de Flynn), aux pieds d’une reine aussi royale que d’une troublante vulnérabilité incarnée par la Suédoise Viveca Lindfors, récemment débarquée de Stockholm et sur le point d’épouser Don Siegel. Malgré des dépassements de budgets considérables, la dépression suicidaire latente et l’alcoolisme encore maîtrisé de Flynn, malgré des mesures d’économie (on renonce à la grande scène du bal) et divers rapiéçages, le résultat surprend très agréablement. C’est une réussite savoureuse, racée, rythmée, avec 113 décors et des costumes somptueux, et le dernier grand rôle d’Errol Flynn, 39 ans, incorrigible séducteur devant et derrière l’écran, d’une agilité et d’une habileté à la rapière sans pareil. Son âge lui permet d’interpréter un homme ayant mûri et pris ses distances avec l’hédonisme de sa jeunesse, mais cette étiquette facile qui lui colle à la peau ne fait que renforcer l’autodétestation de la star captive de son image publique et du studio qui l’exploite sans vergogne. Un superbe duel (réglé par Fred Cavens, jadis le maître de Douglas Fairbanks) sur les escaliers géants du palais clôt le récit. Le scénario astucieux et intelligent de Harry Kurnitz – auquel aurait collaboré William Faulkner - s’offre quelques égratignures historiques comme la description du souverain espagnol (fils de Philippe II, 1598/1621) appelé « le Pieux (El Piadoso) », et s'inspire pour son intrigue d'une situation particulière: le roi était un homme pâle, effacé, apathique, flegmatique et dévot. N'ayant ni la capacité, ni l'énergie pour gouverner, il se tourna vers son favori Francisco Gómez de Sandoval y Rojas, duc de Lerma, pour gouverner à sa place comme ministre pendant vingt ans. La reine s'opposa ouvertement à ce favori intriguant et corrompu, qui fut destitué en 1618 et parvint à se faire nommer cardinal par le pape Paul V pour avoir la vie sauve! Le duc de Lorca du film s'inspire clairement du duc de Lerma. Quant à la reine, elle mourut en couches en 1611 à l'âge de 27 ans, après avoir mis au monde son huitième enfant... Le portrait le plus connu de Philippe III est effectivement signé par Francisco Pacheco (1564-1654), peintre qui apparaît ici à l'écran. L’ouverture du film, quand Flynn-Don Juan parodie ses rôles et sa réputation de bourreau des cœurs est particulièrement jouissive. Le tournage a lieu d’octobre 1947 à avril 1948 aux studios Warner de Burbank, en extérieurs au Warner Ranch de Calabasas, dans les parages de Los Angeles (Lasky Mesa, Providencia Ranch) et à Balboa Park, San Diego, avec réutilisation des décors du château de Windsor érigés pour The Private Life of Elisabeth and Essex de Michael Curtiz (1939) et ses images de foule pour l’entrée à Londres et une scène de cavalcade-poursuite issue de The Adventures of Robin Hood (1938) de Curtiz et William Keighley pour la première séquence ; le tout a été budgété à 2 millions de $, un gros investissement pour l’époque, et David Butler dirige quelques plans en l’absence de Sherman. Alan Hale est pour la douzième et dernière fois le complice de Flynn à l’écran, il décédera l’année suivante. La dame du carrosse à la fin est Mme Errol Flynn au civil. Pour la musique, Max Steiner remplace avec beaucoup de panache Erich Wolfgang Korngold, prévu en 1945 mais qui vient de prendre sa retraite à Vienne. Don Juan récolte l’Oscar 1949 des meilleurs costumes (15 robes pour Viveca Lindfors créés par Leah Rhodes et Travilla, le costumier de Marilyn Monroe), et une nomination méritée pour les meilleurs décors de l’année. Le succès est mitigé au box-office américain, mais ce film trépidant séduit les foules en Europe, avec près de quatre millions de spectateurs en France et une exploitation simultanée dans cinq salles à Madrid. Aujourd’hui un classique incontournable des films de cape et d’épée qui n'a pas pris une ride. – ES : El burlador de Castilla, IT : Le avventure di Don Giovanni, DE : Die Liebesabenteuer des Don Juan, PT : As aventuras de D. Juan, GB : The New Adventures of Don Juan.
1949Don Juan Tenorio (AR) de Luis César Amadori
Argentina Sonor Film S.A.C.I. (Buenos Aires), 106 min. – av. Luis Sandrini (Don Juan), Tita Merello, Jorge Salcedo, Virginia Luque, Ricardo Galache, Andrés Mejuto, Alberto Contreras, Federico Mansilla, Berta Ortegosa, Alberto de Mendoza, Ricardo Canales, Mercedes Díaz, Arsenio Perdiguero, Manuel Alcón, Antonio Martelo, Pedro Hurtado. – Parodie de la pièce de José Zorrilla.
Enrique Guitart et António Vilar dans « Don Juan » (1950) de J. L. Saénz de Heredia.
1950* Don Juan (Le Plus Bel Amour de Don Juan) (ES) de José Luis Saénz de Heredia 
Eduardo de la Fuente/Chápalo Films S.A. (Madrid), 124 min. – av. António Vilar (Don Juan), Annabella (Doña Ontiveiros), Maria Rosa Salgado (Doña Inés de Ulloa), Enrique Guitart (Don Luis Mejía), Santiago Rivero (Don Gonzalo de Ulloa), Mary Lamar (la comtesse de Guadix), Maruja Asquerino (Claudina), Mario Berriatúa (Hernando), Fernando Fernández de Córdoba (Don Félix Calderón), Manolo Morán (Arturo), Carlos Agosti (le gitan), Mercedes Castellanos (Isabella), Jacinto San Emeterio (Octavio), Juan Vázquez (Butarelli), Francisco Pierrá (Don Diego Tenorio).
En 1553, à la fin du règne de Charles Quint, le vieux Don Diego Tenorio, père du séducteur, apprend par son ami Don Gonzalo que Don Juan a déserté l’armée espagnole et s’est réfugié à Venise. Lorsque son père décède, il retourne à Séville mais il ne peut jouir de l’héritage que s’il épouse auparvant Doña Inés... Tournage en extérieurs à Madrid, à l’Escurial, à Séville et aux studios Ballesteros (Madrid) avec de splendides décors signés Georges Wakhévitch. Le scénario se base sur les pièces de José Zorrilla et (pour certains passages) de Tirso de Molina. Peut-être la meilleure version espagnole du mythe, fort bien campé par le Portugais Antonio Vilar et une ravissante Annabella, de retour de Hollywood. Acclamé au Festival de Venise 1950. – IT : Don Juan : La spada di Siviglia.
1952/53* Don Juan Tenorio (ES) d’Alejandro Perla
José Mallen, Emilio Perez Hernandez/Producciones Miguel Mezquíriz-Tália Films Asociados, 110 min. – av. Enrique A. Diosdado (Don Juan Tenorio), Mari Carmen Díaz de Mendoza (Doña Inés de Ulloa), Carmen Seco (Brígida), José María Rodero (Don Luis Mejía), Gaspar Campos (Don Diego Tenorio), Pablo Alvarez Rubio (Don Gonzalo de Ulloa), Adolfo Marsillach (cpt. Centellas), Amelia de la Torre (Lucía), Rafael Alonzo (Ciutti), Berta Riaza (la tornera), Pépita C. Velazquez (Doña Ana), Miguel Angel Gil (Don Rafael de Avellaneda).
La pièce de José Zorrilla tournée aux studios de Chamartín à Madrid, avec des décors et des costumes créés par le peintre surréaliste Salvador Dali. Ce dernier est déjà responsable de l’affiche « Cartel de Don Juan Tenorio », des costumes et des décors de la pièce pour une représentation théâtrale en novembre 1949, mise en scène par Luis Escobar et Huberto Perez pour La Compania del Teatro Nacional María Guerrero. Alejandro Perla transpose le tout à l’écran. Une curiosité.
Sgnarelle/Don Juan (Fernandel) et les femmes de Tolède dans la pochade de John Berry (1956).
1955/56Don Juan / El amor de Don Juan / Il grande seduttore (FR/ES/IT) de John Berry 
Benito Perojo, Adry de Carbuccia, Roland Girard/Les Films du Cyclope (Paris)-Producciones Benito Perojo (Madrid)-Da.Ma. Cinematografica (Roma), 93 min./84 min. – av. Fernandel (Sganarelle), Carmen Sevilla (Serranilla), Erno Crisa (Don Juan Tenorio), Fernando Rey (Don Iñigo, chef de la police), Roland Armontel (le gouverneur de Tolède), Simone Paris (Doña Maria), Christine Carère (Doña Inès), Micheline Dax (Doña Elvira), José Sepúlveda (Don Ramon), Manuel Gómez-Bur (le bourreau), Robert Lombard (Don Altaquerque), Luis S. Torrecilla (Don Gonzalo Sigüenza), Pedro Valdivieso (Angel), Lorenzo Robledo (Don Felipe Sandoval), Juan Olaguivel (El Escudero), Mercedès Rueda (Lola), Angel Calero (Luis), Hebe Donay (Juanita).
Situé en Castille au XVIe siècle, lointainement inspiré par José Zorrilla. - Discret, dévoué, fidèle, Leporello-Sganarelle veille dans l’ombre sur les amours de son maître, Don Juan Tenorio, suborneur de toutes les femmes de la région - mais qui voudrait tant être aimé pour lui-même et non pour sa réputation. Cette fois, Don Juan entend conquérir Doña Inès, la fille du gouverneur de Tolède qui, pour conserver son titre convoité par le chef de la police Don Iñigo, a arrangé un mariage de raison avec le duc d’Altaquerque. Iñigo complote pour convaincre le duc que sa promise le trompe, fait arrêter Don Juan – dont il détient un billet d’amour adressé à Inès – et le traîne devant le gouverneur. Se faisant passer pour son maître, Sganarelle apporte la preuve qu’Iñigo s’est trompé. Reçu et fêté à Tolède avec les honneurs dus à son rang, il doit se comporter en Don Juan plausible, tandis que le vrai Don Juan, valet à son tour, peut courtiser Inès sans susciter trop de méfiance. Sganarelle n’a cependant d’yeux que pour Serranilla, une belle saltimbanque qui le prend pour le légendaire séducteur. Rongé par la haine, Iñigo croit tenir le moyen de confondre les deux imposteurs grâce à Doña Elvira, mais cette ancienne maîtresse est à présent trop myope pour distinguer le vrai du faux. Alors qu’il songe à disparaître, Sganarelle est contraint de ferrailler contre dix-neuf adversaires jaloux, des maris trompés qui finissent par s’entre-tuer. Il se rend à Iñigo qui tient Serranilla en otage, et, mobilisant l’Inquisition, ce dernier le fait condamner au bûcher sur la place publique. Le jour de l’exécution, des centaines de femmes alertées par Serranilla et scandalisées qu’on « brûle l’amour » délivrent le brave laquais qui, son identité retrouvée, s’enfuit avec sa bien-aimée tandis que Don Juan, une fois Iñigo tué en duel, repart pour de nouvelles aventures.
Une comédie fabriquée sur mesure pour Fernandel, certes, mais aussi pour Carmen Sevilla, la turbulente idole du cinéma hispanique alors sous contrat avec le producteur-réalisateur madrilène Benito Perojo, qui vient de lui faire tourner La Mégère apprivoisée, autre fabrication franco-espagnole où explose son tempérament. Parmi les scénaristes, on trouve Juan-Antonio Bardem, cinéaste prometteur en rupture radicale avec le franquisme (Muerte de un ciclista, Calle Mayor), et l’écrivain Maurice Clavel qui aurait livré l’idée de départ (« le nom et le costume font le séducteur »). Henri Decoin, le réalisateur initialement pressenti, est remplacé par l’Américain exilé John Berry, victime communiste du maccarthysme. Après avoir réalisé un documentaire courageux sur les « Dix d’Hollywood » condamnés par McCarthy (1950), Berry survit professionnellement en France grâce à deux polars d’Eddie Constantine et cette pochade en costumes dont il est aussi coscénariste et qui offre un contre-emploi au comique numéro un du cinéma hexagonal. Car Don Juan n’a pas besoin d’être beau, puisque sa réputation suffit à le rendre irrésistible, et s’il fait rire ses victimes, il les désarme en même temps ! Cette constellation hybride sur le plan du récit explique la présence de quelques dissonances, d’une certaine fronde « gauloise » qui aurait, dit-on, déplu aux caciques du régime espagnol, décontenancés par la rébellion libertaire des femmes contre les représentants (masculins) de l’ordre et de la morale officielle, par la ridiculisation des liens du mariage en terre ultra-catholique, enfin par le fait que le héros s’en sorte après avoir trucidé le premier policier de la cité, aussi canaille fût-il. Hélas, trop de cuisiniers ont touillé le potage, la comédie ne tient pas toutes ses promesses et s’essouffle rapidement malgré quelques excellents moments de pastiche du film de cape et d’épée hollywoodien. Elle a été tournée en Technicolor d’octobre à décembre 1955, les extérieurs à Feucherolles v. Poissy (Yvelines), à Tolède, à Ségovie (l’Alcazar) et sous les murailles d’Avila, les intérieurs aux studios de la C.E.A. Ciudad Lineal à Madrid et à Billancourt avec de jolis décors signés Georges Wakhévitch. C’est néanmoins un gros succès populaire attirant 3,4 millions de spectateurs en France (après une première mondiale en marge du Festival de Cannes, le 6 mai 1956), ce qui permettra à John Berry de réaliser l’année suivante Tamango d’après Mérimée, sujet autrement plus osé sur le trafic d’esclaves au XIXe siècle. – DE : Der grosse Verführer, US : The Great Lover.
1958(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de Juan Guerrero Zamora
Série « Fila Cero », Radiotelevisión Española. – av. Valeriano Andrés (Don Juan Tenorio), Maruchi Fresno (Doña Inés de Ulloa), José Vivó, Conchita Velasco. – La pièce de José Zorrilla.
1963(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de Gustavo Pérez Puig
Série « Gran Teatro », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 27.10.63), 90 min. – av. Javier Armet (Don Juan), Mara Cruz (Doña Inés de Ulloa), Manuel Alexandre (Ciutti), Ramón Durán (Don Gonzalo), Antonio Acebal (Pascual), Sancho Gracia, Irene Daina, Maruchi Fresno. Maite Blasco. – La pièce de José Zorrilla.
1966(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de Gustavo Pérez Puig
Série « Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 2.11.66), 140 min. – av. Francisco Rabal (Don Juan), Concha Velasco (Doña Inés), Fernando Guillén (Don Luis Mejía), José María Escuer (Don Gonzalo Ulloa), Tota Alba (Brigida), Antonio Almorós (cpt. Centellas), Ana María Vidal (Doña Ana de Pantoja), Antonio Almorós, Irene Daina, Manuel de Blas, Francisco Dumont, Maruchi Fresno, Julio Goróstegui, Carmen Luján. – La pièce de José Zorrilla.
1968(tv-th) El Burlador (ES) de Juan Guerrero Zamora
Série « Novela », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 11.11.68), 50 min. – av. José Luis Lespe (Don Juan), Antonio Queipo (Don Diego), Maruchi Fresno (la mère), Elisa Ramirez (Jeronima), Tomás Blanco (Cuellar), Pilar Muñoz (Francisca), Charo Soriano (Isabella), Rafael Guerrero (Alfonso), Manuel Gallardo (Miguel), José María Escuer (Ochoa), Ignacio de Paúl (Gonzalo). – La pièce El burlador de Sevilla de Tirso de Molina (1680).
1968(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de Pedro Amalio López 
Série « Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 5.11.68), 140 min. – av. Juan Diego (Don Juan), María José Goyanes (Doña Inés), Ramón Ballesteros (Don Luis Mejía), Luis Peña (Don Gonzalo de Ulloa), Pilar Muñoz (Brigida), Pedro Sempson (Don Diego Tenorio), Verónica Luján (Doña Ana de Pantoja). – La pièce de José Zorrilla.
1970(tv) A hódítás iskolája, avagy Don Juan bünhödése [L’école de la conquête ou la punition de Don Juan] (HU) de László Nemere
Magyar Televízió Zrt. (MTV), 90 min. – av. László Sinkó (Don Juan), Judit Halász (Miranda), Gyula Benkö (Don Gonzalo), Zsuzsa Zolnay (Doña Elvira), Ilona Béres (Doña Anna), István Egri (Don Basilio), János Körmendi (Sganarelle), András Márton (Leporello), Endre Harkányi (Catalinan), János Horkay (Alcaser), Erzsi Máthé (Celestina), Ildikó Pécsi (Tisbée), Mária Goór Nagy (Linda).
Le script de Tamás Békés s’inspire de Tirso de Molina, avec des emprunts à Max Frisch (Don Juan oder Die Liebe zur Geometrie, 1973), Molière (Dom Juan ou le Festin de Pierre, 1665), Alexandre Pouchkine (L’Invité de pierre, 1830) et Henry de Montherlant (La Mort qui fait le trottoir, 1956).
1970(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de Luis Escobar 
Série « Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 13.11.70), 140 min. – av. Carlos Larrañaga (Don Juan), Emma Cohen (Doña Inés), Ismael Merlo (Don Gonzalo de Ulloa), Pedro Osinaga (Don Luis Mejía), Mari Carmen Prendes (Brigida). – La pièce de José Zorrilla.
1971Le calde notti di Don Giovanni / Los amores de Don Juan (La Vie sexuelle de Don Juan) (IT/ES) d’Al Bradley [=Alfonso Brescia]
Arturo Marcos, Luigi Mondello/Fénix Cooperativa Cinematográfica (Madrid)-Luis Film (Roma), 105 min. - av. Robert Hoffman (Don Juan Tenorio), Barbara Bouchet (Esmeralda Vargas), Ira de Fürstenberg (Isabella Gonzales), Annabella Incontrera (Maddalena), Lucretia Love (la reine de Ciprio), Edwige Fenech (Aïcha), José Calvo (le sultan Selim), Adriano Micantoni (l’émir Omar), Pietro Torrisi (Alil), Franco Fantasia (Mahid), Emma Baron (la Mère supérieure). – Contraint de fuir l’Espagne par des maris cocus, Don Juan s’exile au Moyen-Orient. Comédie érotique filmée en Cinescope et Eastmancolor à Cinecittà à Rome, à Tolède et à Marrakech. - DE : Liebe und Abenteuer des Don Juan (vd), Sein Schlachtfeld war das Bett, US : Nights and Loves of Don Juan.
1973(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de José Antonio Páramo
Série « Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 2.11.73), 140 min. – av. Fernando Guillén (Don Juan), Maria José Goyanes (Doña Inés), José Martin (Don Luis Mejía), Julia Caba Alba (Brigida), Belinda Corel (Doña Ana de Pantoja), Carlos Lemos (Don Gonzalo Ulloa). – La pièce de José Zorrilla.
1974(tv) Don Juan (ES) d’Antonio Mercero 
Francisco Romero/Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 1.6.74), 34 min./27 min. – av. Antonio Medina, Pepe Martín, Pedro Osinaga et José Vilar (Don Juan), Maria Garralón, Agata Lys et Carmen Maura (Doña Inés de Ulloa), José Martin, Andrés Mejuto, Paco Cecilio, Pedro Osinaga, Agata Lys, José Vidal, Luis Ciges, Ketty de la Cámara. – Parodie chantée et dansée : un téléaste débutant prépare le casting de la pièce de José Zorrilla sur un plateau de la TVE.
1976(tv-th) El burlador de Sevilla (ES) de Gustavo Pérez Puig
Série « Teatro estudio », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 28.11.76), 120 min. – av. Javier Escrivá (Don Juan), Inma de Santis (Doña Ana), María Luisa Merlo, Ana María Vidal, José Calvo, José María Escuer, Pedro Osinaga, Paco Valladares, Jaime Blanch, Armando Calvo, Alejandro Ulloa, Silvia Tortosa. – La pièce de Tirso de Molina.
1977Viva/muera, Don Juan Tenorio (ES) de Tomás Aznar
Oscar Guarido, Alfredo Casado/Cinevisión-Alborada P.C., 99 min. – av. Llorenç/Lorenzo Santamaría (Don Juan), Angela Molina (Doña Inés de Ulloa), Carmen Carrión (Doña Beatriz), Juan Simone (Don Luis), Jesús Fernández (Catalinón), Manuel Pereiro (Don Gonzalo), Massiel (Melisa), Paquita Rico, Raquel Rodriguo, María Elena Flores.
Comédie parodique en Eastmancolor, deux ans après la mort du dictateur Franco : l’incorrigible séducteur ne combat pas seulement les maris trompés, mais aussi la tyrannie de l’Inquisition et la corruption de l’administration royale sous Philippe II.
1978(tv) Don Juan és a kövendég [Don Juan et l’invité] (HU) d’András Rajnai
Magyar Televízió Zrt., Budapest (MTV 1.12.78), 6 min. – av. Jácint Juhász (Don Juan), Marianna Moór (Isabel), Edit Szalay (Tisbea), Judit Miklósy (Doña Ana), Zsuzsa Balogh (Aminta), Gyula Bodrogi (Catalinon), György Bárdy (Don Gonzalo), István Bozóky (Don Pedro), István Prókai (le roi). – Un scénario inspiré par Tirso de Molina et Charles Baudelaire : en Enfer, Don Juan est confronté à ses 1003 femmes séduites.
1980(tv-th) Le Fourbe de Séville (FR) d’Édouard Logereau (tv) et Jacques Rosny (th)
ORTF (TF1 3.7.80). – av. Jean-Pierre Bouvier (Don Juan), Jean Leuvrais (Don Pedro / Don Diègue), Daniel Dhubert (Ripio), Monique Nevers (Isabelle), Yves Pignot (Cathalinon), Paul-Émile Deiber (le commandeur), Serge Maillat (le marquis de la Mota), Jacques Rosny (Batricio), Jean-Claude Islert (le roi de Naples), Jean-Pierre Bacri (Octavio), Marcelline Collard (Thisbée), Christian Varini (Amphryse), Sam Karmann (Alphonse XI, roi de Castille), Agnès Gattegno (Belise / Doña Ana). - Tirso de Molina adapté par Marcelle Auclair et Alain Prévost, captation du Festival de Sarlat.
1983(tv-th) Don Juan Tenorio (ES) de Miguel Narros
Série « Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 1.11.83), 140 min. – av. Fermí Reixach (Don Juan), Nuria Gallardo (Doña Inés), Manuel de Blas (Don Gonzalo de Ulloa), Helio Pedregal (Don Luis Mejía), Isabel Mestres (Doña Ana de Pantoja). – La pièce de José Zorrilla.
1991* Don Juan en los infiernos (ES) de Gonzalo Suárez 
José María Albendi, Ignacio Martínez/Rocabruno S.A. (Madrid)- Radiotelevisión Española, Madrid, 98 min. – av. Fernando Guillén (Don Juan), Mario Pardo (Sganarelle), Charo López (Doña Elvira), Héctor Alterio (père de Don Juan), Ana Alvarez (Chiquilla India), Iñaki Aierra (le roi Philippe II), Oleg Fedorov (un mari).
« Tandis qu’agonisent les derniers vestiges de l’Empire espagnol et que le roi Philippe II se meurt, un homme, à l’ombre de cette splendeur perdue, défie les desseins de Dieu et la justice des hommes et fait de ses passions le destin et de sa volonté une loi. Sa réputation n’a d’égal que son orgueil. Son châtiment sera éternel. » Le scénario original de Gonzalo Suárez s’inspire de Zorrillo et de Molière. Tourné en Eastmancolor et écran panoramique à Madrid, Ségovie, l’Escurial, Tolède, Sanabria, Guadalajara et El Cañavate (Cuenca). Sept nominations aux Goyas 1991 (Fernando Guillén primé), Prix de la mise en scène à Gonzalo Suárez.
1997(tv-th) Don Juan Tenorio (Don Juan, séducteur d’une nuit) (ES) de José-Luis García-Berlanga 
José María Albendi, Eduardo Esquide, Juan Gona, Josetxo San Mateo/Radiotelevisión Española, Madrid (RTVE)-Galanber-Gonafilm (TVE 29+30.10.97), 2 x 90 min. – av. José Coronado (Don Juan Tenorio), Andrea Occhipinti (Don Luis Mejia), Silvia Abascal (Doña Iñes de Ulloa), Carlos Tristancho (Ciutti), Francisco Casares (Don Alonso), José Manuel Cervino (Don Gonzalo de Ulloa). – La pièce de José Zorrilla tournée en extérieurs à La Granjilla, l’Escurial, Talamanca de Jarama, Aranjuez (Madrid), Tolède et Peñiscola (Valence).
2001Amar y morir en Sevilla (Don Juan Tenorio) (ES) de Víctor Barrera Rodríguez
Víctor Barrera/Gamiani Enterprises S.L., 90 min. – av. Antonio Doblas (Don Juan Tenorio), Ana Ruiz (Doña Iñes de Ulloa), José Luis Garcia Perez (Don Luis Mejia), Cuca Esribano (Doña Ana de Pantoja), Paco León (Ciutti). Alfonso Rosso. – Adaptation libre de la pièce de José Zorrilla par Aitor Aguirre, tournée à Séville.