IV - ESPAGNE ET PORTUGAL

8. FLANDRES, BRABANT ET PAYS-BAS SOUS OCCUPATION FRANCO-ESPAGNOLE

8.2. La domination espagnole, la « Révolte des Gueux » et la guerre de Quatre-Vingts Ans

Apparu en Allemagne en 1517, le protestantisme a rapidement touché les Pays-Bas, notamment Anvers. Charles Quint estime que les Pays-Bas, comme l’Espagne, doivent rester catholiques et les tribunaux de l’Inquisition, établis dès 1522 y font exécuter quelques 1300 personnes. Mais la paix d’Augsbourg (1555) établit pour l’Empire le principe de liberté religieuse des princes, appliquée à leurs sujets. Grandi exclusivement en Espagne, ne parlant ni le français ni le néerlandais, absolutiste convaincu et fanatisé par la Contre-Réforme, son fils Philippe II qui succède à Charles Quint en 1556 est d’emblée hostile aux conceptions néerlandaises d’autonomie locale. Sa demi-sœur Marguerite/Margaret de Parme, qui parle les langues du pays, est instaurée régente. La noblesse des Pays-Bas, menée par le prince Guillaume Ier d’Orange-Nassau dit « le Taciturne » (Willem van Oranje, 1533-1584) et Lamoral, comte d’Egmont (1522-1568, cf. infra, chap. 8.3), refuse de nouveaux impôts, exige le départ des troupes espagnoles stationnées dans le pays pour combattre l’Angleterre et la France, puis, consciente du progrès du calvinisme, exhorte le roi à assouplir sa politique religieuse et à cesser les persécutions afin d’éviter des troubles. En 1566, les nobles néerlandais, appuyés par la bourgeoisie des villes, sont reçus à Bruxelles où l’entourage de Marguerite de Parme les traite de « gueux (geuzen) », terme injurieux qui est repris par les intéressés pour s’en glorifier. Philippe II refuse toute demande de suspension de l’Inquisition, suite à quoi des calvinistes radicaux suscitent dans le pays des émeutes iconoclastes qui ravagent les églises et édifices religieux et déclenchent une première insurrection dite la « révolte des Gueux » (1566 à 1568). Les déprédations divisent la noblesse - Orange et Egmont y sont opposés – mais les princes sont désormais incapables de la réfréner.
Ayant perdu le contrôle du pays, Philippe II nomme Fernando Alvaro de Tolède, duc d’Albe (1507-1582) gouverneur général des Pays-Bas, un « ange exterminateur » soutenu par une armée de 10'000 hommes. Chargé d’établir l’absolue autorité du roi d’Espagne et la seule religion catholique, le duc d’Albe crée un tribunal d’exception, le Conseil des troubles (bientôt surnommé « Conseil de sang »), qui sème la terreur. Quoique catholiques et toujours restés fidèles au roi, Egmont et le comte de Hornes sont exécutés sur la Grand-Place de Bruxelles en 1568, d’Albe considérant que leur tolérance envers le protestantisme constitue une trahison caractérisée. Leur mort, due à un Espagnol, déchaîne la xénophobie à travers les Pays-Bas. Guillaume d’Orange, qui a prudemment gagné la Saxe, pays de son épouse, se voit déchu de ses titres et fonctions. Ayant levé une armée, il marche vers les Pays-Bas dans le but de renverser Albe. Ainsi commence la guerre de Quatre-Vingts Ans (Tachtigjarige Oorlog) qui va durer de 1568 à 1648. Un conflit financé partiellement, du côté espagnol, par l’or et l’argent des Amériques, une suite d’affrontements dramatiques et aux aléas multiples (le prince d’Orange périra assassiné par un fanatique au service du duc d’Albe qui, lui, quittera le pays au bout de sept ans, laissant une réputation de grand capitaine mais d’homme impitoyable). Un conflit qui prend aussi la forme d’une guerre civile entre les sept provinces du Nord (actuels Pays-Bas), où la Réforme est bien ancrée, et les Pays-Bas méridionaux (Belgique, Luxembourg, Nord-Pas-de-Calais) restés catholiques et loyalistes. Ainsi, la « Sainte Inquisition » espagnole achève ce que la Réforme a commencé : la désunion des provinces. En 1579, celles du Nord, soutenues par l’Angleterre d’Elizabeth Ière, proclament l’indépendance et la déchéance du roi d’Espagne. La Hollande (République des Provinces-Unies) devient une nation protestante qui va s’adonner à la conquête des mers et aux ambitions impérialistes. Quant à la Flandre, elle demeurera comme la Wallonie dans l’orbite catholico-espagnole (avant de devenir autrichienne par le Traité d’Utrecht en 1713).
1910Il duca d'Alba (Episodio drammatico della rivoluzione delle Fiandre) (IT)
Pasquali e C., Torino, 235 m. – En 1567, les Flandres sont en révolte contre le duc d’Albe, homme sans pitié. Lorsque sa fille Raffaella est agressée par la population dans la rue, le chevalier Karloo van der Noot, un des chefs rebelles, prend toutefois sa défense et la sauve. Plus tard, il se déguise en soldat espagnol pour tuer le tyran, mais il est démasqué et condamné à mort. La nuit venue, Raffaella, qui a supplié en vain son père de l’épargner, organise secrètement sa fuite. Le duc l’apprend par ses espions et prépare un guet-apens, puis constate horrifié que ses soldats ont abattu sa propre fille aux côtés du rebelle. - ES : El duque d’Alba, GB : The Duke of Alba.
1912De Strijd der Geuzen / La Révolte des Gueux / De Geuzen en Spanjaarden (NL/BE/FR) d’Alfred Machin
Alfred Machin/Hollandsche Film-Pathé Consortium Cinéa-Pathé Frères, 285 m. – av. Jacques Vandenne (Hugo Smulders), Germaine Lécuyer (Konie), Germaine Dury.
En 1572, des paysans de Volendam rejoignent les insurgés et, afin de venger l’assassinat d’un vieillard sans défense par la soldatesque espagnole, ils attachent les quatre coupables aux quatre ailes d’un moulin à vent et allument des brasiers en dessous d’eux. - US : The Revolt of the Peasants / The Beggars and the Spaniards.
1912De verlatene Pleegt Verraad / La Trahison de l'abandonnée / The Interloper (NL/BE/FR) d’Alfred Machin
Hollandsche Film-Pathé Consortium Cinéa-Pathé Frères, 280 m. - av. Jos Georges Mertens (Piet Schoonejans). – En 1556, une épouse jalouse dénonce son mari infidèle, un Gueux qui fait de la contrebande, aux Espagnols.
Margaret de Parme traite Berlaymont de « gueux » (« Nederland en Oranje », 1913)
1913[épisode :] Nederland en Oranje [La Maison d’Orange et la Hollande] (NL) de Louis H. Chrispijn Sr.
N. V. Maatschappij voor Wetenschappelijke en Artistieke Cinematografie-Filmfabriek Hollandia (Haarlem), 1000 m./3 bob./33 min. - av. Christine Chrispijn-van Meeteren (la régente Marguerite de Parme), Jan van Dommelen (Guillaume d'Orange dit Willem le Silencieux), Theo Frenkel Jr. (Balthasar Gérard), Eugenie Krix (Juliana van Stolberg & Louise de Coligny), Louis von Dommelen (Hugo de Groot & William III d’Angleterre), Marinus Wolzak (Ian Steen), Charles Gilhuys (prince Maurice de Nassau, fils de Guillaume d’Orange), Annie Bos (Maria Tesselschade), Mientje Kling (la femme d’Hugo Grotius), Willem Roemer (Frederick Henry, prince d’Orange).
Une suite de 19 « tableaux vivants » illustrant les grands moments de l’histoire des Pays-Bas sur quatre siècles en s’inspirant de la peinture académico-patriotique, corpus d’images enregistré à l’occasion du centenaire de la maison royale d’Orange-Nassau, la dynastie régnante depuis 1813. – Synopsis : Guillaume d’Orange, surnommé Willem le Silencieux, et les Van Brederode demandent la liberté de religion pour les citoyens néerlandais que réprime Marguerite de Parme, fille illégitime de Charles Quint et de Johanna Maria van der Gheynst, nommée régente des Pays-Bas de 1559 à 1567, puis de 1578 à 1582. Marguerite traite les rebelles de « gueux » et Charles de Berlaymont, autre opposant au diktat espagnol, adopte ce terme méprisant comme un titre honorifique. La révolte éclate. En 1584, Balthasar Gérard, admirateur de Philippe II, abat Guillaume d’Orange d’un coup de pistolet. Le prince d’Orange Maurice de Nassau, son fils, prend à son tour les armes et le conflit se généralise. Pieter Corneliszoon Hooft (1581-1647), historien, poète et dramaturge œuvre pour la postérité dans son château de Muider. Pendant le terrible siège de Haarlem par les Espagnols (1572/73), la marchande de bois Kenau Simonsdochter Hasselaer résiste héroïquement, mais l’ennemi affame la population et massacre la garnison qui s’est rendue. Dernier grand fait d’armes de la guerre des 80 ans : en 1590, les Néerlandais et les Anglais commandés par Maurice de Nassau assiègent Breda en Brabant, une ville fortifiée tenue par les Espagnols dont ils s’emparent par la ruse. (La galerie historique se poursuit sans l’Espagne jusqu’au XIXe siècle.) Une curiosité au générique : le pionnier Theo Frenkel, réalisateur de plus de 180 films entre 1908 et 1925, interprète Gérard, l’assassin de Guillaume d’Orange.
1914 [sortie: 1917]Patrie (FR) d’Albert Capellani
Société cinématographique des auteurs et gens de lettres (SCAGL)-Optima-Pathé Frères S.A. (Paris), 1885 m. - av. Henry Krauss (le comte de Rysoor), Paul Capellani (Karloo van der Noot), Véra Sergine (Dolorès, comtesse de Rysoor), Maxime Desjardins (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe), Léon Bernard (Jonas le carillonneur), Henri-Amédée Charpentier (le docteur), Yvonne Sergyl (Raphaëlle), Claude Bénédict, Pierre Larquey, Maximilien Charlier.
Synopsis : À Bruxelles en 1568, le duc d’Albe envoie une foule de malheureux à la potence ou au bûcher, les bourreaux sont suroccupés. Un noble flamand, le comte de Rysoor, est appréhendé aux portes de la ville et accusé de s’être absenté sans explication. Il est sauvé par la déposition d’un capitaine espagnol logé dans sa maison. Rentrant la nuit précédente, cet officier a heurté le comte, qui sortait de la chambre à coucher de la comtesse et dans une courte rixe qui s’en est suivie, son adversaire s’est blessé lui-même à la main. Or la nuit précédente, Rysoor était bien absent de Bruxelles, s’étant rendu quatre jours auprès de Guillaume d’Orange pour planifier le soulèvement général : la vengeance des Flandres est prête à éclater. Il ne peut donc douter de la trahison de sa femme, l’Espagnole catholique Dolorès. L’amant de celle-ci est le jeune lieutenant Karloo van der Noot que Rysoor aime comme un fils et qui est lui-même, à l’insu de sa maîtresse, un des principaux conjurés. Une explication tragique a lieu entre les deux époux ; elle, encore jeune, égoïste, jalouse de l’amour du comte pour un pays ennemi du sien, a cédé à l’attrait d’un amant de son âge. Rysoor déclare qu’il saura bien reconnaître le coupable à sa main blessée et qu’il en fera justice. Mais Dolorès a surpris le secret des conjurés et pour sauver l’amant, elle dénonce le mari auprès du duc d’Albe contre deux sauf-conduits, sans se douter qu’elle livre aussi Karloo. Rysoor reconnaît dans le jeune frère d’armes son rival en amour mais, surmontant son orgueil blessé, il lui pardonne et ne pensant qu’à sa patrie, il l’incite à prendre le commandement de la révolte à sa place. Le duc d’Albe fait arrêter le comte avec tous ses complices, mais, alerté à temps, Guillaume d’Orange évite le piège que lui ont tendu les Espagnols. Les conjurés sont condamnés à être brûlés vifs tandis que Karloo, gracié inexplicablement, jure de les venger en châtiant le traître qui les a livrés. Dolorès lui ayant avoué son acte, il la poignarde, puis, refusant un salut dû à la trahison, court rejoindre ses amis sur le bûcher.
En 1914, Albert Capellani, directeur artistique de la Société cinématographique des auteurs et gens de lettres (SCAGL), est au sommet de sa carrière : c’est un des premiers metteurs en scène français à entreprendre des longs métrages après avoir réalisé quelque 80 films de 1 à 3 bobines. Passionné de littérature, il vient de porter à l’écran avec talent plusieurs romans d’Hugo (dont Les Misérables), de Zola (Germinal), Dumas, Daudet. Patrie est l’adaptation d’un drame historique en 5 actes de Victorien Sardou sorti au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris en 1869. L’accueil public fut triomphal, au point où il incita Émile Paladilhe à en faire un opéra qui sortit à l’Académie Nationale de Musique en 1886 (sur un livret de Sardou et Louis Gallet). Capellani tourne ce gros mélo historique aux studios Pathé à Vincennes à la veille de la déclaration de guerre en 1914, mais son film ne sortira à Paris qu’en novembre 1917, le conflit en Europe ayant chamboulé toute la production nationale. Entretemps, réformé et démobilisé, Capellani s’en va poursuivre sa carrière aux États-Unis, où son film est déjà sorti le 26 juillet 1915 sous le titre de Pro Patria. Avec le temps, la matière du soulèvement de la Flandre devient l’incarnation de tous les combats contre la tyrannie et l’occupation étrangère, ce qui explique aussi le remake de Louis Daquin en 1945 (cf. infra).
1916Der Tod des Erasmus [La Mort d’Érasme] (DE) d’Otto Rippert
Erich Pommer/Decla-Film-Gesellschaft Holz & Co. (Berlin). - av. Hella Moja, Leo Connard, Josef Danegger, Albert Paul.
Le philosophe humaniste Érasme de Rotterdam (v. 1469-1536), chanoine et théologien catholique, défenseur d’une conception humaniste du christianisme, refuse le titre de cardinal que lui offre le pape Paul III et décède en exil à Bâle où la réforme s’est imposée sept ans plus tôt (réforme qu’il a refusé d’adopter). En 1543, ses livres sont brûlés publiquement à Milan, en même temps que ceux de Martin Luther. Sa pensée, qui met l’homme au centre des préoccupations, est rapidement suivie dans l’Europe entière grâce à l’imprimerie, dorénavant libre dans son pays d’origine.
1922/23Die drei Marien und der Herr von Marana / Don Juan (DE/AT) de Reinhold Schünzel
Reinhold Schünzel, Victor Micheluzzi/Lichtbild-Fabrikation Schünzel-Film (Berlin)-Vereinigte Filmindustrie Micheluzzi & Co. (Wien), 2546 m./83 min. - av. Reinhold Schünzel (Don Juan, duc de la Marana), Lya de Putti (Mariquita), Werner Schott (le duc d’Arzac, le Régent), Anita Berber (la duchesse d’Arzac, son épouse), Heinrich Eisenbach, Olga Belajeff, Hans Sieber, Paul Kronegg, Armin Springer, Lisl Stillmark.
Comédie : La Flandre occupée souffre de la corruption et de la rapacité de la duchesse d’Arzac, épouse du Régent, une marionnette. Elle veut s’emparer du trône qui revient de droit au jeune duc de la Marana, grand coureur de jupons qui hésite entre trois femmes. – GB : The three Marys.
Une aristocrate espagnole (Raquel Meller) éprise d’un rebelle flamand dans « Les Opprimés » (1923).
1923* Les Opprimés. Les Flandres sous Philippe II / De verdrukten. Vlaanderen onder de regering van Filips II (FR/BE/US) d’Henry Roussell
Henry Roussell, William Elliott/Productions Henry Roussell-Société Paramount Française-Paramount Famous Lasky Corporation, 3100 m./115 min. - av. Raquel Meller (Doña Concepción de la Playa Serra), André Roanne (le duc Philippe de Hornes), Marcel Vibert (le comte Don Luis de Zúñiga y Requesens), Albert Bras (Don Ruys de la Playa SerraI), Maurice Schutz (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d'Albe), André Marnay (le baron de Hornebecke), Marie-Louise Vois (Pepita, nourrice de Concepción), Pierre Delmonde.
Synopsis : En 1573, le peuple flamand gémit sous la tyrannie du duc d’Albe et c’est en vain que le vieux comte de Scillia, Grand Prévôt du Conseil des Troubles (surnommée « Conseil de Sang »), tente de ralentir le rythme des décapitations sur la Grand-Place de Bruxelles. Arrivée d’Andalousie, Concepción, la fille de ce dernier, est le témoin horrifié d’une exécution puis tombe sous le charme d’un jeune gentilhomme bruxellois, le duc Philippe de Hornes, auquel elle cache ses origines. Ayant appris au Palais Ducal que Philippe va être livré au bourreau, elle l’aide à s’échapper puis, déguisée en fille du peuple, elle porte secours aux plus nécessiteux des opprimés. Les Bruxellois se soulèvent contre le tyran, le Grand Prévôt et sa fille tombent aux mains des révoltés. Philippe reconnaît stupéfait Concepción en costume de cour et, bravant ses compatriotes, il la sauve ainsi que son géniteur, à la pointe de son épée. Elle le cache dans le palais paternel et panse ses blessures, mais Philippe s’en va, cherchant la mort au service de son pays. Concepción est persécutée par un Grand d’Espagne amoureux, le comte Don Luis de Zúñiga y Requesens (1503-1576), général et envoyé extraordinaire de Philippe II. Dans les sombres couloirs de la Prévôté, elle fait arrêter un étranger chargé de tuer son père, puis reconnaît en lui Philippe. Ayant juré d’épouser Requesens, elle obtient de lui un laisser-passer pour revoir son amoureux et, si possible, prendre sa place. Comme Requesens l’en empêche, elle supplie son père à genoux, lui avouant son amour secret pour ce Flamand qui se serait introduit dans la palais que pour la revoir, elle. Le comte, miséricordieux et bon, emmène sa fille au Conseil des Troubles et, malgré l’indignation de l’auditoire, il oblige le Tribunal à abandonner ses poursuites. Mais, caché dans l’ombre, le duc d’Albe a tout entendu, confirme la condamnation de Philippe et ordonne au Grand Prévôt ainsi qu’à sa fille de rentrer en Espagne. Au matin, un courrier royal interrompt l’exécution : Requesens remplace le duc d’Albe aux Pays-Bas, et celui-ci laisse filer les amoureux, gage d’une réconciliation future entre leurs deux pays.
Roussell, réalisateur adroit, à la production abondante et diverse, s’est surtout fait remarquer pour avoir révélé la beauté aragonaise Raquel Meller dans quatre films (dont celui-ci, puis Violettes impériales version muette 1923 et parlante 1932, enfin La Terre promise, 1925), transformant l’ancienne chanteuse de couplets en star internationale. À l’aise dans le grand spectacle, Roussell signe ensuite une fresque sur le jeune Bonaparte en Italie fort admirée par Abel Gance, Destinées (1925), tandis que Raquel Meller sera choisie par Jacques Feyder pour interpréter une mémorable Carmen (1926). Les Opprimés, imaginé, écrit et produit par Roussell, est le fruit d’une collaboration franco-belge soutenue indirectement par des cofinanciers américains de la Paramount. Il est tourné en Belgique, à Furnes, à Gand et en studio à Mechelen/Malines et l’on relève à ce propos l’utilisation innovatrice des matte paintings (peintures sur verre à placer devant l’objectif de la caméra), trucages mis au point par l’Anglais Walter Percy Day pour recréer la partie supérieure des décors de l’ancienne Place des Vignerons et de la Maison du Roi à Bruxelles. La presse française salue à la fois l’exactitude de la reconstitution et l’influence positive du cinéma hollywoodien dans l’agencement de l’action et des foules. Un cinéma national, écrit-on, qui peut enfin se mesurer avec Rome ou Berlin. - PT: A Rosa de Flandres, GB/US: The Oppressed. Flanders under Philip II.
1928Two Lovers (Le Masque de cuir) (US) de Fred Niblo
Samuel Goldwyn/The Samuel Goldwyn Company, Inc.-United Artists, 9 bob./98 min. - av. Ronald Colman (Mark van Rycke, dit Leatherface/Masque de cuir), Vilma Banky (Doña Leonora de Vargas), Noah Beery (le duc d’Azar [d’Albe]), Virginia Bradford (Grete), Nigel de Brulier (Guillaume d'Orange), Helen Jerome Eddy (Iñez, la duègne), Eugenie Besserer (Mme van Rycke), Paul Lukas (Don Ramon de Linea), Fred Esmelton (Meinherr van Rycke, bailli de Gand), Harry Allen (Jean), Marcella Daly (Marda), Scotty Mattraw (Dandermonde, l’aubergiste), Lydia Yeamans Titus (son épouse), Helen Parrish (l’enfant), Lon Poff, Blackjack Ward.
Flandres en 1572. Le duc d’Azar (sic ! lisez: d'Albe), gouverneur général des Flandres, favorise le mariage de sa nièce Leonora de Vargas avec Mark van Rycke, fils du bailli de Gand, car cette union pourrait lui permettre de piéger l’oncle du jeune homme, le redoutable prince Guillaume d’Orange, adversaire mortel des Espagnols qui, battu militairement, se terre quelque part dans la ville, protégé par un mystérieux justicier au masque de cuir. Leonora aime pourtant un de ses compatriotes, le capitaine Don Ramon de Lima, auquel elle doit renoncer pour rétablir la paix dans le pays. Mark, lui aussi, épouse Leonora par devoir, sachant qu’il n’est pas aimé en retour. Cette même nuit, voulant violenter une servante d’auberge, Don Ramon est tué par le Masque de cuir dont il a auparavant percé le bras avec sa dague. Leonora découvre dans un souterrain du château une réunion secrète présidée par Guillaume d’Orange. Elle subtilise un document compromettant des rebelles et demande à son mari de l’autoriser à rejoindre son oncle à Bruxelles. En route, dans l’auberge de Termonde, Mark et Leonora s’avouent leur amour, mais lorsqu’elle découvre la blessure saignante au bras de son époux, elle comprend qu’il est le Masque de cuir, l’assassin haï de Don Ramon, et elle le livre au duc. Mark est flagellé en attendant d’être exécuté. Leonora apprend de la servante violentée le rôle que joua son mari, puis surprend épouvantée son oncle ordonnant à ses troupes de brûler la ville de Gand. Galopant à bride abattue, elle donne l’alarme, son mari est délivré, la ville est sauvée et le prince d’Orange bénit l’union des tourtereaux.
Ce récit peu original est tiré du roman Leatherface. A Tale of Old Flanders (Le Masque de cuir), une oeuvre de la baronne Emmuska Orczy (la prolifique auteure du Mouron Rouge/The Scarlet Pimpernel) publié en 1916. Le film est tourné de décembre 1927 à janvier 1928 aux DeMille Studios à Culver City, et pour les scènes plus spectaculaires aux Samuel Goldwyn Studios sur Santa Monica Bvd., West Hollywood, où Goldwyn réutilise pour la quatrième fois l’imposant décor de château érigé par Carl Oscar Borg, après In the Palace of the King d’Emmett J. Flynn (1923) – séjour de Philippe II -, Bardelys the Magnificent de King Vidor (1926) et The Night of Love de George Fitzmaurice (1927). Avec les salaires du Britannique Ronald Colman et de la Hongroise Vilma Bánky (4 films ensemble), alors au sommet de leurs carrières à Hollywood, le film coûte près d’un million de dollars, une fortune. Le cinéma sonore est à la porte, aussi Goldwyn opte-t-il pour une partition musicale et des effets sonores. Two Lovers n’a aucune prétention d’ordre historique, mais Ronald Colman devant se livrer aux acrobaties propres au genre « cape et épée », la réalisation en est confiée à Fred Niblo, un maître dans le régistre qui a dirigé avec succès Douglas Fairbanks dans Mark of Zorro (1920) et The Three Musketeers (1921), mais aussi Rudolph Valentino, Greta Garbo et le Ben-Hur muet (1925). Excusez du peu. Les foules accourent, mais le film est aujourd’hui bien oublié. - DE/AT : Die Verschwörer, BE : Het lederen maske, IT : Vigilia d’amore, PT : O Mascarado.
1934Willem van Oranje / Willem de Zwijger (NL) de G. Jan Teunissen
Jan Teunissen, Jan Feith, Jan Wils, Jan C. W. Polak/N.V. Europa-Film, 75 min. - av. Cor van der Lugt Melsert (Guillaume d’Orange), Cor Hermus (Charles Quint), Cruys Voorbergh (Philippe II), Eduard Palmers (Henri II de France), Hélène Berthé (la régente Marguerite de Parme), Louis van Gasteren (comte Lamoral d’Egmont), J. J. M. Liesting (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d'Albe), Louise Kooiman (Juliana van Stolberg, mère de Guillaume), Willy Haak (Louise de Coligny, son épouse), Daan van Olleffen Jr. (Philibert de Bruxelles), Vincent Berghegge (le cardinal Antoine Perrenot de Granvelle), Lau Ezerman (l’évêque d’Ypres), Richard Flink (Adolphe d’Orange, frère de Guillaume), Peter Hansen (Lodewijk van Oranje, frère de Guillaume), Jeanne Koek (la comtesse de Swartsenberg, sœur de Guillaume), G. J. van der Lugt Melsert (le prince Maurice de Nassau, fils de Guillaume d’Orange), Johan Boezer (Hoorne), Ferd Sterneberg (Charles de Berlaymont), Coos van Duyn (Julian de Romera), Ludzer Eringa (Van Hoogstraten), Willem Huysmans (le maire de Den Briel), Gérard Arbous (François Guyon), J. P. Sprinkhuysen (Van der Werff, maire de Leyden), Corry Korevaar (Minerva), Cor van der Lugt Melsert M.A.zn. (Guillaume enfant).
La carrière de Guillaume Ier d’Orange-Nassau, initiateur et chef de la révolte des Pays-Bas espagnols sous Philippe II, contée en une suite de brefs épisodes, de ses débuts en tant que prince d’Orange à la cour de Charles Quint en 1544, de son rôle durant la guerre de Quatre-Vingts Ans contre l’Espagne à son assassinat en juillet 1584 par Balthasar Gérard/Gerards (qui curieusement n’apparaît pas au générique). Cette fresque historique, produite à l’occasion du 400e anniversaire du héros national et sortie avec tambour et trompettes le 4 janvier 1934 en présence du prince Hendrik van Mecklenburg-Schwerin et du Premier ministre Henrikus Colijn, est aussi le tout premier film parlant néerlandais – et évidemment aussi le plus cher de l’époque. Premier long métrage du réalisateur Jan Teunissen, il a été tourné aux Philips Studios - baptisés « Philiwood » - à Eindhoven (Brabant septentrional) en utilisant le système sonore Philips-Miller/Philisonor. Les vedettes de la scène néerlandaise ont joué les rôles principaux tandis que les chômeurs d’Eindhoven se déguisaient en Espagnols et en Gueux. Hélas, le résultat est assez pédestre (mise en scène sans imagination, interminables défilés de troupes au tambour, etc.) et n’attire pas les foules, alors plus inquiètes à cause des rodomontades menaçantes des nazis à Berlin que par les vieux casques en coque hispaniques. Willem van Oranje restera l’unique film réalisé à « Philiwood ». En 1984, la série télévisée Willem van Oranje de Walter van der Kamp, coproduite avec la Belgique, sera nettement plus élaborée (cf. infra).
Les horreurs de l’occupation espagnole dans « La Kermesse héroïque » (1935) de Jacques Feyder.
1935[*** La Kermesse héroïque / Die klugen Frauen (FR/DE) de Jacques Feyder. - Tobis Film (Paris-Berlin), 110 min. – av. Françoise Rosay (Cornelia de Witte, Madame la Bourgmestre), André Alerme / Will Dohm (Korbus de Witte, le Bourgmestre de Boom), Jean Murat / Paul Hartmann (Don Pedro de Guzman, duc d’Olivarès et de San Lucar), Louis Jouvet (le chapelain), Bernard Lancret (Julien Breughel, le peintre), Micheline Cheirel (Siska de Witte, sa bien-aimée), etc. – Boom, une paisible petite ville flamande qui se prépare à fêter sa kermesse, est prise de panique en apprenant que le duc d’Olivarès, ambassadeur de Sa Majesté Philippe III d’Espagne, compte passer la nuit sur place avec son train, sa suite et son escorte militaire. Le bourgmestre se voit déjà mis à la torture et décide de contrefaire le mort, mais les femmes du lieu, plus courageuses et parées de leurs plus beaux atours, vont au-devant des soldats, les reçoivent magnifiquement et passent une nuit mémorable. Le lendemain, les Espagnols quittent la ville après l’avoir exemptée d’impôts pour l’année tandis que le bourgmestre est acclamé... Quoique situé en Flandre catholique en 1616, alors enfin en paix, le scénario (signé Charles Spaak) de ce chef-d’œuvre de la comédie à la fois truculente, satirique et amère, où la lâcheté est le principal ressort comique (Grand Prix du Cinéma Français 1936), repose largement sur les réflexes de la population traumatisée par les exactions et cruautés de l’occupant espagnol aux temps du duc d’Albe, horreurs qui sont évoquées visuellement : le sac d’Anvers, connu comme la « Furie Espagnole » aux Pays-Bas, en Belgique et en Angleterre, fut la conséquence de la mutinerie d’une partie des soldats espagnols de l’armée des Flandres entre le 4 et le 7 novembre 1576. Au cours de cet épisode, plusieurs milliers d’habitants périrent et ce drame fut l’élément déclencheur du soulèvement des provinces des Pays-Bas espagnols qui restaient encore loyales à Philippe II. – Pour plus de détails, cf. Absolutisme, partie III (Les Pays-Bas), chap. 1.]
1945/46* Patrie (FR) de Louis Daquin
Pierre O’Connel, Arys Nissotti/Filmsonor (Paris), 100 min. - av. Pierre Blanchar (le comte de Rysoor), Maria Mauban (Elisabeth de Rysoor), Julien Bertheau (Guillaume d'Orange), Jean Desailly (Karloo Van der Noot), Pierre Asso (le moine Pablo), Pierre Dux (Jonas, le carillonneur), Mireille Perrey (Catherine Jonas), Louis Seigner (Vargas), Lucien Nat (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe), Marie Leduc (Doña Rafaela), Marcel Lupovici (Del Rio), Nathalie Nattier (la camériste de Karloo), Mireille Perrey (Catherine), Jean Négroni (un officier espagnol), Jacqueline Duc (la mariée), Jean-Marie Boyer (l’apprenti), Guy Decomble et Léon Larive (des échevins), Max Elloy (invité à la noce), Maurice Schutz (le père du marié), Jacques Emmanuel, Louis Florencie, Pierre Lecoq, Marcel Magnat, Palmyre Levasseur, Fernand René, Annie Ducaux.
Bruxelles occupé par les Espagnols en 1568. Ennemi du duc d’Albe, le comte de Rysoor est trahi par son épouse adultérine et périt sur le bûcher... Il s’agit du remake du film muet d’Albert Capellani datant de 1914 (cf. supra) dont le sujet provient d’une pièce à succès, opus oublié, aux grosses ficelles mélodramatiques, fabriqué en 1869 par Victorien Sardou. Pour cette version « parlante », le scénario est adapté, c’est-à-dire dépoussiéré par le réalisateur et Charles Spaak, avec des dialogues signés Pierre Bost (l’épouse du comte n’est ici plus une Espagnole mais une esclave de sa passion, satisfaite du régime en place). Le metteur en scène Louis Daquin, engagé durant l’Occupation dans la Résistance pour le Parti communiste français, devient en 1944 secrétaire général du Comité de libération du cinéma, et de 1945 à 1962, secrétaire général du Syndicat des techniciens de la production cinématographique CGT. C’est dire qu’en portant à l’écran Patrie dans une version actualisée afin de célébrer la défaite de l’Allemagne nazie, l’ancien assistant de Duvivier, Gance et Grémillon fait un choix clairement idéologique : la transposition, avec ses nombreuses allusions à l’occupation récente de la France, coule de source. Alors que sous l’Occupation, le recours au passé à l’écran permettait de contourner les interdits de la censure vichyssoise, cette nécessité n’est à présent plus fondée. L’équipe technique rassemble la plupart des résistants du Front national du cinéma.
Daquin tourne à grands frais en octobre-novembre 1945 dans les studios Eclair à Epinay-sur-Seine (avec grand’ place, Hôtel de Ville, beffroi, canal longeant les remparts, pont-levis) et son film est présenté en sélection officielle de compétition au Festival de Cannes en septembre 1946 (sortie en salle à Paris un mois plus tard). Georges Sadoul salue « une œuvre originale, vigoureuse et saine », et surtout un scénario qui a su débarrasser la pièce « du bric-à-brac de la vieille dramaturgie » (devoir versus passion) pour « donner toute leur humanité aux héros devenus, par les circonstances de l’histoire récente, des héros modernes (...). Nous avons connu aussi ce duc d’Albe, maître féroce et froid d’un pays occupé, qui préfère l’ordre à la liberté. Le chant des insurgés, qui est le leitmotiv du film, est de Jean Wiener et mérite de devenir populaire » (L’Écran français, 23.10.46). Mais prisonnier de son académisme, Daquin ne parvient pas à éviter le pathos un peu ridicule du dénouement. Détail cocasse, en octobre 1944, le cinéaste a été dénoncé au CLCF (Comité de libération du cinéma français) par le résistant gaulliste Henri Ullman, coupable selon lui de collaboration durant les premiers temps de l’Occupation avec les officines cinématographiques franco-allemandes. D’inspiration vichyssoise, son film Premier de cordée (1944) fut largement amputé par la censure militaire. En janvier 1947, la commission d’épuration finit par relaxer Daquin « pour services rendus à la Résistance », notamment pour cette fresque en hommage à la résistance populaire, qui, aux yeux de la droite, l’aiderait à racheter sa « conduite passée ». Malgré quelques films remarqués, Daquin rencontrera des difficultés croissantes à partir des années 1950 pour financer ses projets dans l’Hexagone, son communisme corseté et son syndicalisme militant lui valant d’être progressivement marginalisé (il tournera en Autriche, en Roumanie et en RDA). – IT : Una donna ha tradito, US : Homeland.
1953Prince of Pirates (Le Roi pirate) (US) de Sidney Salkow
Sam Katzman/Esskay Pictures Co.-Columbia Pictures, 78 min. - av. John Derek (le prince Roland van Haagen/Roland de La Haye), Barbara Rush (la comtesse Nita Orde), Carla Balenda (princesse Marie d’Espagne), Whitfield Connor (le roi Stéphane, frère de Roland), Edgar Barrier (le comte Blanco), Harry Lauter (Jan), Robert Shayne (Treeg, Premier Ministre), Don C. Harvey (Koepke), Joe McGuinn (le général DuBois), Edward Colmans (l’amiral espagnol).
Dans les Pyrénées vers 1550, des corsaires hollandais aident les Français à repousser une invasion de l’armée espagnole. Le chef de ces « Gueux de mer » protestants est le prince flamand Roland van Haagen, secondé par une comtesse Nita dont le père a été tué par les Espagnols. Roland retourne au royaume de Haagen où son frère Stéphane a usurpé le trône après le décès de leur père et s’est allié secrètement aux Espagnols en demandant la main de la princesse Marie. Les Pays-Bas deviennent une base d’opérations pour envahir le reste de l’Europe. Soutenu par le feu des troupes huguenotes de Paris, Roland parvient à incendier l’armada espagnole dans le Zuiderzee en mettant le feu à son propre navire ; son frère périt dans la bataille. – Un nanar ultra-fauché de la production Sam Katzman (en Technicolor) dont les scénaristes affichent des notions d’histoire et de géographie carrément surréalistes (un royaume de Haagen aux Pays-Bas ?) ; bâclé en deux semaines (février 1952), certaines scènes de combat étant reprises du Jeanne d’Arc de Victor Fleming (1948) – c’est tout dire ! – DE, AT : Piraten an Bord, IT : Navi senza ritorno, ES : El principe de los piratas.
1960(tv-th) En Flandes se ha puesto el sol (ES)
Série « Gran Teatro », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 10.1.60), 90 min. – av. Luisa Sala (Magdalena Godart). . Captation de la pièce d’Eduardo Marquina (1909), cf. infra téléfilm de 1981.
1962Die schwarze Galeere (DE-RDA) de Martin Hellberg
KAG « Solidarität », Deutsche Film AG (DEFA-Studio für Spielfilme), Potsdam-Babelsberg, 99 min. - av. Dietrich Körner (Jan Norris), Hans Joachim Büttner (son père), Beate Hanspach (Myga van Bergen), Hans-Peter Minetti (Antonio Valani), Gerry Wolff (Geronimo), Gerhard Rachold (Leone della Rota), Raimund Schelcher (Philippe II d’Espagne), Johannes Arpe (Père Michael van Bergen), Sepp Klose (le prince Alessandro Farnese), Ursula Genhorn (la princesse), Fred Kötteritzsch (l’amiral Spinola), Else Woltz (Marthe), Peter Kiwitt (le gouverneur Liefkenshoef), Ingeborg Bogner (la chanteuse), Almuth Dorowa (la danseuse), Fredy Barten (le moine), Paul Bohse (le pêcheur), Gerd de Lavalle (le capitaine), Helga Böhm (une jeune fille), Otto Busse (un matelot), Ursula Birr, Carl Balhaus, Ralph Boettner.
Synopsis: En 1585, alors que Jan et Myga ont dix ans, la ville protestante d’Anvers est ravagée par la soldatesque espagnole. Tandis que le père opportuniste de la petite Myga se convertit au catholicisme, Jan Norris et son père quittent le pays. Quatorze ans plus tard, Jan rejoint l’armée des Gueux et devient barreur de la « Galère Noire », bientôt le meilleur et le plus redoutable navire de guerre des révoltés. Plusieurs batailles navales plus tard, étant retourné secrètement à Anvers pour y espionner l’ennemi, Jan surprend une conversation entre Leone della Rota et Antonio Valani, barreur du galion espagnol « Andrea Doria ». Antonio s’est épris de Myga et Leone lui conseille de la prendre de force. Jan est découvert, chassé à travers la ville et se réfugie chez Myga où il terrasse Antonio d’un coup d’épée alors que la brute tente de violer la jeune femme. Jan et Myga sont capturés et amenés à bord de l’« Andrea Doria », mais le jeune homme parvient à s’échapper. Il gagne la « Galère noire », rassemble son équipage et s’attaque au navire espagnol dont il tue le capitaine, Leone, et libère sa bien-aimée. Peu de temps après, les Espagnols reconnaissent l’indépendance des Pays-Bas. – Une adaptation de la nouvelle éponyme de Wilhelm Raabe (1861), un peu bavarde, naïve et alourdie par le pathos, filmée avec des navires miniatures dans les studios de Neubabelsberg (Allemagne de l’Est) et sur les rives de la mer Baltique. Une curiosité, même si on est loin d’Errol Flynn.
1967(tv-th) En Flandes se ha puesto el sol (ES)
Série « Estudio 1 », Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 19.7.67). – av. Fernando Guillén (Don Diego Acuña de Carvajal), Carlos Lemos, Maria Luisa Merlo, Carmen Rossi, Pastor Serrador. - Captation de la pièce d’Eduardo Marquina (1909), cf. infra téléfilm de 1981.
1969De Vier jaargetijden van Pieter Brueghel / Les Quatre Saisons de Pieter Brueghel (BE) de Kris Betz et Edward Deleu
Belgische Radio en Televisie (BRT 5.12.69). - av. Marcel Hendrickx (Pieter Breughel l'Ancien), Helene van Herck (Katelijne), Gabriël Van Landeghem (le marchand allemand Hans Franckert/Franckaert), Gust Ven (le roi [Philippe II]), Gerard Vermeersch (l'évêque), Mieke Verheyden (Maaike), John Mertens, Herman Wooumans.
Une dramatique flamande d'après Brueghel contre les Pouvoirs, pièce de Jean Francis (1969) dans laquelle l’auteur belge francophone extrapole la biographie extrêmement lacunaire du peintre (v. 1525-1569) pour développer les rapports de l’artiste avec les autorités politiques et religieuses. – À ce propos, cf. infra le film Mlyn i krzyz / The Mill and the Cross (Bruegel, le moulin et la croix) (PL/SE) de Lech Majewski (2010).
Un militaire espagnol blessé recueilli par les Flamands (« En Flandes se ha puesto el sol », 1981).
1981(tv-th) En Flandes se ha puesto el sol [En Flandre, le soleil s’est couché] (ES) de Manuel Ripoll
Série « Estudio 1 », Angel Monís/Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 10.4.81), 110 min. – av. Manuel Gallardo (Don Diego Acuña de Carvajal), Angel Picazo (le peintre Juan Pablo Godart), Concha Cuetos (Magdalena Godart, sa fille), Carmen Rossi (Paula Godart, son autre fille), Luis Adolfo Gancedo (Albertino Acuña, fils de Magdalena et Diego), José Caride (cdt. Valdés), Maruchi Fresno (María), Antonio Iranzo (Mander), María Garralón (Isabel Clara), José Luís San Juan (Gaytan), Ricardo Alpuente (Martin), José Albert (Montigny), José María Alvarez (Bracamonte), Ana María Méndez (Berta), Valentin Gascón (Potter), Miguel Angel (Hans), Manuel Garcedo (Pregonero), Antonio Iranzo.
Blessé au combat contre les gueux, l’aristocrate Don Diego Acuña de Carvajal, capitaine des régiments espagnols en Flandres, est accueilli et soigné par la famille du peintre flamand Juan Pablo Godart dont il épouse une des deux filles, Magdalena, qui se sent attirée par l’esprit et la fierté de sa race. Un fils, Albertino, naît. La petite famille vit à l’abri des bouleversements sanglants, dans une modeste villa campagnarde. Mais pour protéger son beau-père qui est accusé de rébellion contre la Couronne, Don Diego déchire l’ordre d’arrestation et se constitue lui-même prisonnier. Après la déroute définitive des Espagnols, il rentre chez lui désespéré et découragé. Magdalena parvient à le consoler en lui expliquant le sens profond de son geste si noble envers son père tandis que leur fils Albertino allume un feu de joie dans le jardin, signe d’un avenir de paix et de conciliation. - Captation de la pièce en 4 actes du poète et dramaturge barcelonais Eduardo Marquina y Angulo (1909), son œuvre la plus populaire, écrite, disait-il, à la mémoire de ses nombreux compatriotes morts seuls et oubliés à l’étranger. Un texte mélancolique chantant la puissance disparue de cet empire hispanique « où le soleil ne se couchait jamais » et la fierté, l’orgueil et le courage de ses héros, mais qui expose également la rivalité entre deux conceptions de la « patrie », celle de ses ancêtres et celle qu’on hérite par le mariage. Un spectacle empreint de nostalgie, enregistré aux studios de la Sevilla Films à Madrid-Alcampo, et l’apogée d’un théâtre nationaliste particulièrement apprécié sous Franco (cf. aussi captations de 1960 et 1967)
1984(tv) Willem van Oranje / Guillaume d’Orange (NL/BE) télésérie de Walter van der Kamp
Wim Leuwenkamp/Algemene Vereniging Radio Omroep (AVRO)-Veronica Omroep Oganisatie (VOO)-NOS-Belgische Radio en Televisie (BRT) (VOO/AVRO/BRT 12.1.-8.3.84), 10 x 45 min./7h18 – av. Jeroen Krabbé (Guillaume d’Orange), Paul Cammermans (Charles Quint), Linda von Dyck (Anne de Saxe), Ramsès Shaffy (Lamoral, comte d’Egmont), Dora van der Groen (la régente Marguerite de Parme), Willem Nijholt (Philippe II), Alfred van den Heuvel (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe), Hein Boele (Don Juan d’Autriche), Ludo Busschots (Matthias d’Autriche), Jules Croiset (Alessandro Farnese, duc de Parme), Derek de Lint (Henri II de France), Machteld Ramoudt (Louise de Coligny), Emmy Leemans (la régente Marie de Hongrie), Hans Dagelet (Ludwig von Nassau-Dillenburg), Jules Hamel (Jan von Nassau-Dillenburg), Huub Stapel (François-Hercule de Valois et d’Anjou), Siem Vroom (le cardinal Antoine Perrenot de Granvelle), Valentin Ouwens (Don Carlos d’Espagne), Liz Snoijink (Anna van Buren/van Egmont), Jasper Krabbé (Guillaume enfant), Jules Hamelo (Jan VI van Nassau-Dillenburg, frère d’Orange), Cees Heyne (Hendrik van Nassau), Ferd Hugas (gén. Julian Romero), François Koppers (Hendrik van Brederode, chef des Gueux), Martijn Krabbé (Philippe Guillaume d’Orange, fils d’Orange), Lou André (le gouverneur Luis de Zúñiga y Requesens), Jacky Morel (Philippe de Montmorency, comte de Hoorne), Henk Rigters (Paulus Buys, avocat), Han Romer (Jan Pieterszoon Koppelstock), Lou Steenbergen (Ruy Gómez de Silva, prince d’Eboli), Jean Teulings (l’Électeur Auguste de Saxe), Henk van Ulsen (le prêtre Cornelis Musius), Nele Vandendriessche (Charlotte de Bourbon), Oswald Versip (Charles de Berlaymont), Louis Vervoort (le bouffon), Karel Vingerhoets (Jean Jaureguy, assassin), Bram van der Vlugt (Philip van Marnix van Sint-Aldegonde), Ellen Vogel (Juliana van Stolberg, mère d’Orange), Alex Wilquet (Philippe III de Croy, duc d’Aarschot), Hans van der Woude (Saint-Luc).
Cette série de plus de 7 heures (raccourcie en dvd) commence par la fin, à savoir l’assassinat de Guillaume d’Orange à Delft en 1584, attentat commis par un homme de main richement rétribué par Philippe II d’Espagne, le royaliste catholique Balthasar Gerards. Elle retrace ensuite fidèlement, à la manière d’un manuel d’Histoire, la carrière du « fondateur de la civilisation néerlandaise » (Jan Romein), honoré du titre de « père de la patrie ». On reconstitue ainsi la chronique de la noblesse hollandaise au milieu du XVIe siècle dont le notable « taciturne » Guillaume d’Orange devient rapidement le principal meneur, d’abord en tant que proche des Habsbourg catholiques à la cour de Charles Quint à Bruxelles, puis à celle de sa fille, la régente Marguerite de Parme, comme conseiller, diplomate et colonel. Mais avec Philippe II sur le trône et l’arrivée du duc d’Albe, la persécution des protestants se durcit. Le pouvoir de la noblesse s’affaiblit, forcée de revoir sa politique face à l’intolérance et le fanatisme du nouveau régime ; en 1559, les représentants des États demandent le départ des troupes « étrangères » espagnoles (non payées, elles vivent du pillage). Quoique catholique, Guillaume ne tolère pas la torture et les assassinats de réformés. Parallèlement, Orange, quatre fois veuf et seize fois père, se débat avec sa vie privée agitée : sa relation scandaleuse avec la roturière Eva Elincx (qui lui donne un fils, Justinus van Nassau), ses mariages peu harmonieux avec Anna van Egmont de Buren, Anna de Saxe (luthérienne, présentant des signes de folie, divorce), Charlotte de Montpensier et Louise de Coligny. Ces unions souffrent en particulier des nombreuses absences d’Orange engagé sur le front politique, puis à partir de 1568 en guerre contre l’Espagnol.
La série est tournée aux Pays-Bas (AVRO Studios à Hilversum, Amsterdam, Delft, Delfzijl, Middelburg, Vlissingen) et en Belgique (Bruxelles) à l’occasion du 400ème anniversaire de la mort de Guillaume d’Orange. Elle réunit la crème des comédiens néerlandais et belges ; on notera que Walter van der Kamp, téléaste chevronné, s’amuse en confiant le rôle-titre à Jeroen Krabbé - qui campa le duc d’Albe, l’ennemi mortel d’Orange, dans sa série Uilenspiegel réalisée onze ans plus tôt, en 1973 (cf. infra, chap. 8.4). Krabbé doit porter sept perruques différentes pour représenter le politicien jeune et âgé, de 18 à 51 ans. Quoiqu’assez coûteuse (3000 costumes), la production ne peut s’offrir des séquences de bataille terrestres ou maritimes et doit se contenter d’une imagerie relativement statique. Sa sortie suscite toutefois quelques récriminations puériles venant des partisans de la Maison d’Orange, outrés par le portrait trop « léger » du héros national, notamment en illustrant son goût pour les fêtes durant sa jeunesse. Réaction bien protestante... un comble pour le défenseur des réformés !
Zénon (Gian Maria Volonté), le médecin traqué par l’Inquisition (« L’Oeuvre au noir », 1988).
1988** L'Œuvre au noir / De terugkeer naar Brugge (FR/BE) d’André Delvaux
Jean-Claude Batz, Philippe Dussart/Philippe Dussart sarl (Neuilly)-La Sept Cinéma-Films A2 (Paris)-La Nouvelle Imagerie SA (Bruxelles), 110 min. - av. Gian Maria Volonté (Zénon Ligre), Sami Frey (le prieur des Cordeliers), Anna Karina (Catherine), Jean Bouise (le chanoine Bartholomé Campanus), Jacques Lippe (Jean Myers, chirurgien-barbier), Philipe Léotard (le cousin Henri-Maximilien), Marie-Christine Barrault (Hilzonde, mère de Zénon), Marie-France Pisier (Martha, belle-soeur de Zénon), Mathieu Carrière (Pierre de Hamaere), Pierre Dherte (le moine Cyprien), Johan Leysen (G. Rombaut), Dora van der Groen (Greete), Senne Roufaer (le procureur Le Cocq), Geert Desmet (Han), Michel Poncelet (Josse), Harry Cleven et Roger Van Hool (les officiers), Jules-Henri Marchand (l’évêque), Christian Maillet (le banquier Philibert Ligre), Lucienne De Nutte (la femme brûlée) Herbert Flack (Pouvoir), Paule Herreman (La Citrouille), Davi Larok Moerenhout (Zénon enfant), Pascale Salkin (Benedicte), Nadine Uwampa (La Moricaude), Serge-Henri Valcke (le capitaine du bateau), Philippe Van den Berg (Florian), Guy van Malleghem (Frère Luc), Bernard Barbaix et Alexandre von Sivers (les théologiens de l’Université de Louvain), Gaëtan Wenders (un moine).
Synopsis : Médecin et chirurgien flamand, Zénon Ligre étudie le corps humain et les moyens de le protéger de la douleur et de la mort, une recherche prônant le savoir contre l’ignorance et condamnée par l’Église catholique qui estime qu’elle remet en question une volonté divine dont elle se prétend l’unique dépositaire sur terre. Elle tient donc le médecin – un sceptique qui affirme que son époque est « un temps de sottise et de cruauté » - pour hérétique, fait brûler ses écrits « subversifs » et le contraint à errer en Europe en se cachant sous une identité d’emprunt, Sébastien Théus. Trente ans après l’avoir quittée, Ligre-Théus revient clandestinement dans sa ville natale de Bruges occupée par les Espagnols. Beaucoup le reconnaissent, comme son ami qu’il ne peut guérir d’un mal mystérieux, le prieur des Cordeliers, couvent transformé en dispensaire pour nécessiteux. Ayant porté secours à un blessé dont il apprend par la suite qu’il est traqué par la police, il est bientôt accusé d’accueillir dans le cloître des insoumis hostiles à l’Église et d’y organiser des orgies. Trahi par un jeune moine, démasqué, Zénon est accusé par le tribunal de l’Inquisition d’avoir introduit les germes du mal dans le corps social et religieux. On lui reproche sa bâtardise, ses recherches d’alchimiste, des autopsies interdites qu’il fit en France, sa bisexualité, des écrits subversifs. Malgré de puissants protecteurs, il est condamné au bûcher s’il ne se rétracte. En février 1569, pour toute réponse, Zénon s’ouvre les veines dans sa geôle, mourant ainsi en homme libre.
Le chef-d’œuvre de Marguerite Yourcenar (Prix Femina 1968) adapté et porté à l’écran par le plus grand cinéaste belge de sa génération (Un soir, un train en 1968, Rendez-vous à Bray en 1971). Delvaux, fils du peintre Paul Delvaux et ancien professeur de lettres doué pour transcrire visuellement toute littérature se nourrissant d’une réalité perçue comme mystérieuse et irrationnelle (Johan Daisne, Julien Gracq, Suzanne Lilar), travaille au scénario depuis 1982 ; il décide – avec l’assentiment de la romancière – de n’utiliser pour trame que la seconde partie du livre (« le retour »). Au gré des rencontres et hasards se reconstitue dans la mémoire des autres le puzzle de l’existence du résistant et de ses idées. Le cinéaste affirme rejeter toute option de film à grand spectacle (pas de paysages pittoresques, pas de scènes de tortures ni de bûchers dont il est question dans le livre), car il voit en priorité dans la matière un testament philosophique contre l’obscurantisme, contre le totalitarisme, le rejet de l’autre, les dogmatismes en tous genres : « Zénon est un homme d’aujourd’hui, c’est nous. » Il affronte les tabous de son époque, se retrouve tiraillé entre calvinistes, anabaptistes et catholiques. Or que peut faire un savant ou un intellectuel face à l’intolérance d’une société, à son conformisme ? Le réquisitoire du procureur à la fin serait d’ailleurs une traduction mot à mot des paroles de l’ayatollah Khomeiny en Iran. Le choix de Gian Maria Volonté s’impose d’emblée : voilà un comédien qui en tant que « homme contre » n’accepte que des rôles s’inscrivant dans une perspective critique de l’actualité, dans des films certes engagés mais accessibles au grand public ; le roman fait d’ailleurs de Zénon un homme d’origine italienne, austère et assombri. Fanny Ardant, pas libre, doit être remplacée au dernier moment par Marie-France Pisier. Le tournage dure de septembre à début décembre 1987 dans l’ancien château-fort de Laarne près de Gand, à Bruges (au dispensaire de l’ancien hôpital Saint-Jean) et au château de Berseel ; pas de studio, car le budget est quinze fois inférieur à celui du Nom de la Rose, l’adaptation d’Umberto Eco montée deux ans plus tôt par Jean-Jacques Annaud, bien que Delvaux admette que le succès mondial de ce blockbuster médiéval ait été déterminant pour réunir le financement de son propre travail. Sans négliger les qualités plastiques de sa reconstitution, fût-elle minimale, le cinéaste a effacé de la couleur tout ce qui est criard, éliminant le brillant et le contraste. Il se rattrape avec les costumes d’une rare justesse signés Jacqueline Moreau, (qui débuta sur le Cléopâtre de Mankiewicz, puis devint une fidèle collaboratrice de Jacques Démy, Alain Resnais et Bertrand Tavernier). Delvaux a entretenu une correspondance avec la romancière durant six ans avant de se lancer dans l’aventure, mais hélas, Marguerite Yourcenar meurt huit jours après la fin des prises de vues, sans avoir eu le temps de visionner un premier montage. La première a lieu au Festival de Cannes en mai 1988. Le Prix André-Cavens de l’Union de la critique de cinéma (UCC) récompense le meilleur film belge de l’année ; en Italie : Gian Maria Volonté décroche le Nastro d’argento 1988 pour sa remarquable prestation (il a tourné en italien, mais s’est doublé lui-même en français). La presse n’est toutefois pas unanime, certains affirmant qu’on aurait dénaturé « un texte qu’ils sont tellement certains d’avoir compris » ; d’autres auraient souhaité que l’on « restitue plus précisément le contexte politique et philosophique du XVIe siècle », sans parler de ceux qui ne supportent tout simplement pas « qu’un texte suscite des images » (J. Savigneau, Le Monde, 3.2.91). Or l’étrange atmosphère de l’œuvre naît de l’économie des moyens, d’un mélange périlleux de finesse et de rigueur qui n’a rien d’austère, d’académique ou de sage et pénètre par sa sécheresse Zénon lui-même, jusqu’au suicide. - IT : L’opera al nero, PT : A obra ao negro.
1992(vd-mus) Il Duca d’Alba (IT) de Luchino Visconti (th), Filippo Sanjust (th) et Tonino del Colle (vd)
Alessandro Bernardi/Festival di Spoleto al Teatro Nuovo-Premiere Opera-RAI (RAIdue), 162 min. – av. Alan Titus (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe), Michaela Sburlati (Amelia/Hélène d’Egmont), Cesar Hernandez (Marcello/Henri de Bruges), Marco Pauluzzo (cpt. Sandraval), Robert Milne (Daniele), Dennis Petersen (Carlo).
L’opéra en 4 actes de Gaetano Donizetti (1839/1882), sur un livret d’Eugène Scribe et Charles Duveyrier. À Bruxelles en été 1568, Amelia et son amoureux Marcello de Bruges sont des patriotes qui dirigent la révolte contre l’occupation espagnole des Flandres. Mais lorsque ce dernier découvre qu’il est le fils illégitime du duc d’Albe, il empêche Amelia d’assassiner le tyran et se sacrifie à sa place. - La décapitation d’Egmont (cf. infra, la tragédie de Goethe) intervient juste avant le commencement de l’opéra. Captation de la mise en scène au XXXVe Festival dei due Mondi dal Teatro Nuovo à Spoleto. L’œuvre de Donizetti a été mise en scène trois autres fois par Luchino Visconti, en 1959 (Spoleto), en 1979 (Bruxelles) et en 1992 (Charleston, USA). Visconti et Sanjust signent également les splendides décors.
1995De vliegende Hollander / Le Hollandais volant / Der fliegende Holländer / L’Olandese volante / The Flying Dutchman (NL/BE/DE/IT) de Jos Stelling
Christoph Hahnheiser [C. Meyer-Wiel), Alain Keytsman, Jos Stelling/Black Forest Films-Christoph Meyer-Wiel-De Vliegende Hollander BV (Utrecht)-Alan Keysman Production BVBA (Bruxelles)-Nederlandse Programma Stichting (NPS Hilversum)-Black Forest Films GmbH (Berlin)-Die Hauskunst Filmproduktion GmbH (Düsseldorf)-Mikado Film (Roma), 136 min./128 min. - av. René Groothoff (le Hollandais volant), Gene Bervoets (Zoon van Netelneck), Veerle Dobbelaere (Lotte), Ingrid de Voos (la mère du Hollandais), Nino Manfredi (Campanelli), Daniel Emilfork (Ketterjager), Willy Vandermeulen (Netelneck), Gene Bervoets (son fils), Gerard Thoolen (le geôlier de la prison), René van ‘t Hof (le nain), Pedro Romero (l’Espagnol), Bert André (Cackpot), Josse de Pauw (le chapelier), Senne Rouffaer (Hennetaster), Jan Steen (Pisser), Eric Roberts (Sean).
Synopsis : En 1568, pendant la révolte des Gueux, un jeune orphelin hollandais, bâtard des amours d’un pilleur d’églises protestant en fuite et d’une paysanne flamande, grandit en tant que serf dans la ferme cossue de Zoon van Netelneck. Campanelli, un musicien italien fantasque, le manipule et lui fait croire que son iconoclaste de père est toujours vivant et qu’il sillonne les mers du monde entier sous le nom de « Hollandais volant », condamné à naviguer pour l’éternité. Sept ans plus tard, devenu adulte, le jeune Hollandais quitte la ferme avec sa bien-aimée Lotte et un calice d’or volé jadis par son père dans une curie catholique. Se dirigeant vers la mer, il part à la recherche de son légendaire géniteur, mais il est séparé de Lotte après un combat contre un rival en amours qui a tenté de le tuer. Indemne, il échoue dans un marais où il découvre une épave de navire habitée par un nain bossu, avide et mentalement retardé. Serait-ce le navire de son père, et dans ce cas-là, peut-il voler ? Il tente de remettre l’épave à flot avec une bande de gueux quand surgissent des soldats espagnols commandés par le fils Netelneck qui les capturent et les emprisonnent en Hollande après avoir mis le feu aux restes du bateau. Des années plus tard, Lotte, à présent la femme de Netelneck, le retrouve dans un asile de fous et lui révèle qu’ils ont un fils. Le Hollandais raconte à cet enfant qu’il est devenu celui qu’il cherchait : le Hollandais volant.
Un projet délirant signé par l’extravagant Jos Stelling, cinéaste en quête d’une sorte de « réalisme magique », qui s’amuse à créer des tableaux à la Breughel plongés dans la boue et les excréments, avec une galerie de personnages grimaçants, grotesques et hirsutes, bref un récit sans aucun rapport avec l’authentique légende du « Hollandais volant » ou l’opéra de Wagner (1841). Stelling a mis huit ans et dix millions de florins pour réaliser son film (planifié dès 1986), avec un tournage compliqué à Zuid Limburg, à Eisjden et dans la région de Reijmerstok, sur les rives de la Rour à Sittard, à Maurik, dans les dunes de Kwade Hoek, au château de Loewenstein et de Bouillon et dans les studios allemands de Wildenrath. Hélas, n’est pas Terry Gilliam qui veut : son scénario n’a ni queue ni tête, la narration traîne sans fin, ses personnages n’ont ni substance ni émotions et on y rechercherait en vain le talent de Stelling pour l’humour absurde, de sorte que son « plaidoyer pour l’imagination » fait un naufrage spectaculaire.
2010** Mlyn i krzyz / The Mill and the Cross (Bruegel, le moulin et la croix) (PL/SE) de Lech Majewski
Lech Majewski/Telewizja Polska (TVP)-Bokomotiv Freddy Olsson Filmproduktion-Odeon Film Studio-Arkana Film-Silesia Film-24 Media-Supra Film-Piramida Film, 92 min. – av. Rutger Hauer (Pieter Bruegel), Charlotte Rampling (la Vierge Marie), Michael York (Nicolaes Jonghelinck), Marian Makula (le meunier), Joanna Litwin (Marijken Bruegel), Dorota Lis (Saskia Jonghelinck), Mateusz Machnik (Wheelfied), Bartosz Capowicz (le crucifié), Sylwia Szczerba (Netje), Wojciech Mierkulow (Jan), Ruta Kubas (Esther), Jan Wartak (Simon), Lucjan Czerny (Bram), Aneta Kiszczak (Mayken), Sebastian Cichonski (le colporteur), Adam Kwiatkowski (le traître), Pawel Kramarz (Pedro de Erazu), Tadeusz Kwak (Rogier de Marke), Andrzej Jastrzab (Scharmouille), Katarzyna Sobanska (l’hérétique), Jan Walkowiak (le bourreau), Tatiana Juszniewska (Magdali).
Synopsis : En 1564, alors que les Flandres subissent l’occupation brutale des Espagnols, Pieter Bruegel l’Ancien (v. 1525-1569) achève son chef-d’œuvre, « Le portement de croix », où derrière la Passion du Christ on peut lire la chronique tourmentée d’un pays en plein chaos. Partant sur les traces de l’artiste, le film plonge le spectateur dans le tableau et suit le parcours d’une douzaine de personnages au temps des guerres de religions. Leurs histoires s’entrelacent dans de vastes paysages peuplés de villageois et de cavaliers rouges, parmi eux Bruegel lui-même, son ami le collectionneur Nicolaes Jonghelinck et la Vierge Marie… En haut d’un pic montagneux surmonté d’un moulin, un vieux meunier – allégorie de Dieu - ordonne à son fils de gravir un immense escalier afin d’actionner les ailes de la Création terrestre, tandis que dans la plaine, un moine s’agenouille et prie, un veau naît, des soudards de l’Inquisition surprennent un couple d’amoureux au déjeuner, torturent le jeune homme, un protestant, et l’attachent à une roue où les corbeaux lui crèvent les yeux ; sa femme est enterrée vivante. Parallèlement, Bruegel, en dialogue avec son mécène Jonghelinck, fait revivre des scènes dramatiques qui tournent autour de la crucifixion du Christ, exécutée non par les Romains mais par l’occupant espagnol ; l’un d’eux, tel Judas, se pendra.
Ce voyage déroutant au cœur d’un tableau qui devient vivant se base sur l’ouvrage The Mill and the Cross. Peter Bruegel’s Way to Calvary (1996) de l’historien de l’art américain Michael Francis Gibson (né à Bruxelles et également coscénariste avec Majewski). Les vignettes de ce film-rêve aussi osé qu’inédit, orchestré avec subtilité par le cinéaste américano-polonais Majewski (exilé en 1980 aux États-Unis), reprennent les teintes caractéristiques et les paysages rustiques du Portement de croix pour en dévoiler l’architecture et recréer les mystères de la composition tant filmique que picturale, fût-ce au risque d’être guetté par l’ennui. Un film peu loquace, d’une rare beauté plastique, tourné en 2010 en Pologne (Wieliczka, Jura Krakowsko-Czestochowska, Tarnów, Olsztyn, Debno, Katowice), à Vienne (Kunsthistorisches Museum) et en Nouvelle-Zélande, avec l’aide d’un arsenal d’images de synthèse. Sélection officielle aux festivals de Sundance (première mondiale), de Rotterdam, de San Francisco, de Berlin, de Tokyo et de Göteborg 2011. - IT : I colori della passione, ES : El molino y la cruz, PT : O Moinho e a Cruz.
2011Nova Zembla / Conquest (NL) de Reinout Oerlemans
Hans de Weers, Reinout Oerlemans, Sim van Veen/Eyeworks Film & TV Drama-Investment Fund Nova Zembla, Inspire Pictures, 108 min. – av. Robert De Hoog (Gerrit de Veer), Derek de Lint (Willem Barentsz) Doutzen Kroes (Catharina Plancius), Teun Kullboer (Pieter Vos), Jan Decleir (Petrus Plancius), Semmy Schilt (Claes), Victor Reinier (Jacob van Heemskerck), Herman Egberts (Harmen),Bas Keijzer (Kok), Mads Wittermans (le chirurgien), Angie Andradóttir (Puffin), Arjan Duine (Oene), Joachum van der Woude (Jan Fransz).
En 1585, la République des Provinces-Unies (Pays-Bas du Nord) ayant proclamé la déchéance de Philippe II, devient une nation protestante indépendante et, soutenue par Elisabeth Ière d’Angleterre, se livre à son tour à la conquête des mers. Onze ans plus tard, partant d’Amsterdam, l’explorateur Willem Barentsz (ou Barents, 1550-1597) et Jacob van Heemskerk gagnent l’Océan Arctique à bord du « De Windhond » pour trouver le mythique Passage du Nord, une route maritime supposée mener vers les Indes et la Chine tout en évitant la flotte espagnole. Ils ignorent que cette expédition va se transformer en débâcle où ne comptera plus qu’une seule règle : revenir vivant. Emprisonné dans les glaces après avoir apeçu le Spitzberg et longé le nord de la Nouvelle-Zemble, le vaisseau de Barentsz doit être partiellement démonté par l’équipage pour pouvoir hiverner. Au printemps suivant, les conditions météorologiques ne s’améliorant pas, Barentsz décide de quitter les lieux à pied avec ses matelots mais, trop affaibli, il finit par mourir. - Le tournage se fait en 3D (c’est le premier film hollandais à utiliser ce procédé) à Almere (Flevoland), à Bruges, Amsterdam, Bergen aan Zee, Enkhuizen, Schiedam, Ijmuiden, Velzen Noord et en Islande avec une réplique du navire russe « Shtandart » (XVIe s.) En réalité, l’expédition commença avec deux navires, mais à mi-chemin le premier, commandé par Jan Cornelisz Rijp, fit demi-tour. L’année suivante, Rijp visita la Russie arctique et tomba sur des survivants du « Windhond » qu’il put ramener dans leur patrie. Cet épisode n’apparaît pas à l’écran. En revanche, le réalisateur insère de bien inutiles flash-backs avec Doutzen Kroes, célèbre modèle hollandais dans le rôle de la fiancée de Gerrit de Veer, l’auteur du journal de bord publié en 1598 qui sert lointainement de référence. Le film, comme le navire « Windhond », manque cruellement de capitaine, l’utilisation de la 3D n’apporte rien (sinon gonfler le budget à 12,5 millions d’euros) et le scénario semble rater toutes les opportunités pour transformer ce récit authentique en aventure captivante. - DE: Nova Zembla – Unbekanntes Land.
2012Goltzius & the Pelican Company (Goltzius et la Compagnie du Pélican) (NL/FR/GB/CR) de Peter Greenaway
Kees Kasander, Catherine Dussart, Mike Downey, Sam Taylor, Igor Nola/Cinatura-Head Gear Films-Metrol Technology-Film and Music Entertainment (F&ME)-MP Film Productions-Catherine Dussart Productions (CDP), 128 min. – av. Ramsey Nasr (Hendrick Goltzius), F. Murray Abraham (le Margrave d’Alsace), Goran Bogdan (Gottlieb), Truus de Boer (Sophie), Nada Abrus (Marie), Enes Vejzovic et Vedran Komericki (les clercs), Vedran Zivolic (Joachim), Giulio Berruti (Thomas Boethius), Kate Moran (Adaela), Anne Louise Hassing (Susannah), Hendrik Aerts (Strachey), Halina Reijn (Portia), Lars Eldinger (Quadfrey), Pippo Delbono (Samuel van Gouda), Maalke Neuville (Isadora), Lisette Malidor (Ebola Goyal), Vincent Riotta (Ricardo del Monte), Francesco De Vito (le rabbin Moab), Stefano Scherini (Johannes Cleaver), Dusko Valentic, Samir Vujcic, Tvrtko Junic et Milan Piestina (les prêtres).
Ce film réalisé en Croatie est basé sur la vie d’Hendrick Goltzius (1558-1617), peintre maniériste, imprimeur et graveur d’estampes érotiques hollandais établi à Haarlem. Goltzius convainc le margrave d’Alsace, gouverneur militaire, de payer une imprimerie pour fabriquer et publier des livres illustrés, puis lui promet un ouvrage extraordinaire d’images sur des histoires bibliques de l’Ancien Testament, des scènes érotiques relatant la tentation d’Adam et d’Eve, de Lot et ses filles, de David et Bethsabée, de Joseph et la femme de Potiphar, de Samson et Dalila, enfin de Jean Baptiste et Salomé. Pour tenter encore davantage le généreux bailleur de fonds, Goltzius et son imprimerie proposent de réaliser avec l’aide de la Compagnie du Pélican des dramatisations de ces histoires « salaces » pour sa cour... C’est le second film de la série « Dutch Masters », le premier étant consacré à Rembrandt, le troisième (non encore tourné) à Bosch. Comme toujours chez l’Anglais Peter Greenaway (The Draughtsman's Contract/Meurtre dans un jardin anglais, 1982), le résultat est fantasque, flamboyant, érudit, insolite, provocant, grotesque, excessif et beaucoup trop long. Lauréat du FICE Award (Federazione Italiana Cinema d’Essai) en 2014. Pour amateurs.
Kenau et ses guerrières piègent les Espagnols qui se sont introduits dans Haarlem (« Kenau », 2014).
2014* Kenau (NL/BE/HU) de Maarten Treurniet
San Fu Maltha, Els Rientjes/Fu Works Production-NCRV-I’m FILM Kft.-Primetime-Mollywood-Terras CVBA, 113 min. – av. Monic Hendrickx (Kenau Simonsdochter Hasselaer), Lisa Smit (Gertruide Hasselaer), Sallie Harmsen (Kathelijne Hasselaer), Barry Atsma (Wigbolt baron Ripperda, gouverneur de Haarlem), Francisco Olmos (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe), Pau Cólera (Don Fadrique Alvarez de Toledo, fils du duc d’Albe), Attila Arpa (Don Diego), Matthijs van de Sande Bakhuyzen (Pieter Ripperda), Peter Van den Begin (Jacob van der Does), Jaap Spijkers (Cornelius Duyff, le traître), Sophie van Winden (Magdalena Duyff, sa femme), Anne-Marie Jung (Bertha), Antoin Cox (Teun), Han Kerckhoffs (l’évêque), Bert Luppes (le prêtre), Steven van Watermeulen (Marnix van Sint-Aldegonde), Thomas Ryckenwaert (Dominique), Gabriella Fon (Leida), Titania Valentin (Mathilde) Eva Bartels (Alda), Barna Illyés (l’Inquisiteur espagnol), Zsolt Zágoni (l’officier wallon), Zoltan Papp (le bourreau).
De décembre 1572 à juillet 1573, 18'000 soldats de Don Fadrique Alvarez de Toledo (fils du duc d’Albe) assiègent Haarlem, ville fortifiée défendue par quelque 8000 hommes, un ensemble de rebelles hollandais, d’Anglais, d’huguenots français et de protestants allemands. Toutes les tentatives de briser le siège par des renforts (bataille navale de Haarlemmermeer, combats à Leiden) ayant échoué, la cité affamée se rend après sept mois et sa garnison est massacrée sans pitié, comme ce fut déjà le cas l’année précédente à Zutphen et à Naarden. Durant le siège, la marchande de bois Kenau Simonsdochter Hasselaer (1526-1588), veuve d’un charpentier de marine et mère de quatre enfants, répare activement les fortifications de la cité ; dans les décennies voire les siècles qui suivent, son personnage va acquérir une dimension légendaire et devenir un véritable mythe populaire qui lui attribue le commandement d’une armée de 300 femmes et une participation héroïque à la défense de la cité, épée ou mousquet à la main (exploits imaginaires immortalisés en estampe au XVIIe siècle et dans le tableau romantique de Barend Wijnveld et J. H. Egenberger, 1854). Bien que les historiens aient depuis longtemps calmé les esprits et relativisé son action – Kenau ne fut nullement inquiétée après la chute de la ville et décéda 15 ans plus tard -, le film de Maarten Treurniet, bien dans l’air du temps, fait de la légende un brûlot féministe furieusement anachronique et sa sortie est accompagnée d’une série d’activités (expositions, jeux, opéra, promenades touristiques) et de publications bigarrées qui ont inspiré les scénaristes (Kenau de Tessa de Loo, Kathelijne van Kenau de Lydia Rood, Kenau en Magdalena d’Els Kloek).
Kenau devient une veuve d’âge mur, femme d’affaires autoritaire et coriace qui a hérité du chantier naval de son mari et dont une de ses deux filles, Gertruide, a été brûlée vive à Dordrecht sur ordre de l’Inquisition pour avoir participé avec son amoureux Pieter Ripperda au saccage de l’église Sint Bavo. Cette perte pousse Kenau à la révolte et elle démasque le municipal Duyff qui a vendu les plans de la ville à l’ennemi, ce qui lui coûte la tête. Afin d’alimenter psychologiquement l’action, la mère reproche à son autre fille, Kathelinje, de n’avoir rien fait pour sauver sa sœur (sinon lui épargner les flammes d’un coup de pistolet). Le gouverneur de Haarlem, le baron Wigbolt Ripperda, représentant machiste de Guillaume d’Orange, doit réviser son image de la femme lorsque Kenau, évidemment plus intelligente et plus rusée au combat, remporte une victoire stratégique : des révélations faites par la concubine humiliée de Don Fadrique à Kenau permettent de piéger dans un enfer de feu une partie de l’armée qui s’est introduite derrière les murailles. Des dizaines de femmes nues sur les remparts détournent l’attention des assiégeants, tandis que d’autres font sauter leur dépôt de munitions. À un autre moment, Kenau et une quarantaine de dames vêtues de blanc patinent sur la Spaarne gelée, se cachent dans les buissons enneigés et s’emparent d’un convoi militaire, etc. Mais l’hiver, la faim et le dynamitage des fortifications ont raison de la résistance. Kathelinje peut s’enfuir à Alkmaar avec son mercenaire, tandis que le minable rejeton d’Albe condamne Ripperda à la décapitation et la « diablesse » Kenau à être noyée. Comme sa biographie est plus que fragmentaire, qu’elle n’est jamais mentionnée dans les journaux du Haarlem assiégé et que sa réputation est surtout basée sur des témoignages oculaires de mercenaires allemands (qui parlaient d’une « femme virile » qui aurait été très occupée à faire bouillir de la poix, à brûler de la paille et des pierres sur les remparts de la ville), on lui invente tout et n’importe quoi. Mais qu’importe : tourné en scope aux Pays-Bas, en Belgique et majoritairement en Hongrie (Mafilm Studios à Fót), le film ne se veut rien d’autre qu’une illustration dynamique et soignée de la légende, et à ce titre, il se laisse voir sans déplaisir. Projeté au Festival du Film Historique de Waterloo en 2014 et au Pantalla Pinamar Festival (Argentine) en 2015. - DE : Kenau – 300 gegen die Armee Spaniens / 1572 - die Schlacht um Holland, US : Battle of Haarlem / 1572 : The Battle of Harlem, AR: Las mujeres guerreras de Haarlem.
2017Storm : Letters van Vuur / Falko : Letter of Fire (Storm et la lettre de feu) (NL/BE/LX) de Dennis Bots
Harro van Staverden, Petra Goedings/Phanta Vision Film International-Bulletproof Cupid-Iris Productions-NTR, 100 min. - av. Davy Gomez (Storm Voeten), Yorick van Wageningen (l’imprimeur Klaas Voeten, son père), Angela Schijf (Cecilia, sa mère), Juna de Leeuw (Marieke), Maarten Heijmans (Alwin), Peter Van den Begin (Frans van der Hulst), Luc Feit (Herman), Rivka de Leon (Fokka), Golda de Leon (Gerlinde), Fred Goessens (Gillis), Laura Verlinden (Claar), Sem van Butselaar (Duco), Tibo Vandenborre (le bailli), Egbert-Jan Weeber (Jacob Proost), Gabriel Boisante (Martin Luther), Germain Wagner (Schmidt), Tom Jansen (un prêtre), Just Meier (Gilles, le bourreau), Loek Peters (le boulanger), Dimitri Merkoulov (le peintre).
En 1512, tandis qu’Anvers est mis à feu et à sang sous le joug de l'oppresseur espagnol, l’imprimeur protestant Klaas Voeten presse en secret un pamphlet de Martin Luther visant à pousser la population à l’insurrection. Il est trahi, arrêté et promis au bûcher, son employé tué sur place. Son fils adolescent Storm, qui a réussi à s'enfuir avec la lettre originale et sa forme d’impression, est déclaré hors-la-loi et subit une impitoyable chasse à l'homme organisée par le nouvel Inquisiteur. Aidé par Marieke, une orpheline qui vit dans les égouts de la ville, il parvient de justesse à sauver son père en imprimant à nouveau l’écrit et en le distribuant : la population chasse le bailli, les curés et la soldatesque. À Württemberg, un an plus tard, Voeten poursuit son travail d’imprimeur au service de Luther. - Film pour la jeunesse réalisé en 2016 dans des décors médiévaux érigés près d’Anvers et présenté au 35e International Fantastic Film Festival de Bruxelles. - DE : Storm und der verbotene Brief, IT : La lettera di fuoco, ES : Storm y la carta prohibida de Lutero.
2022(tv-df) Het Verhaal van Nederland – 6. Geuzen en papen [Les Gueux et les papistes] (NL) de Nicole van Kilsdonk
Emiel Neervoort, Remco van der Kruk, Sander van Meurs, Taco Zimmerman/Tuvalu Media-Pupkin Film-NTR (NTR 9.3.22), 56 min. – av. Reinier Demeijer (Guillaume d’Orange), Arian Foppen (le comte Lamoral d’Egmont), Arjan Gebraad (le comte van Horne), Martin van der Starre (Don Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe), Peter Hendriks (un prêtre), Jaap Hogendoorn (Jan Pieterszoon Koppestok), Tarik Moree (Lumey), Jurriën Remkes (Henrik van Breederode), Ilke Turpijn (la régente Margerite de Palme), Gustavo Ruben Valenzuela (l’inquisiteur espagnol), Daan Schuurmans (narration).
Docu-fiction avec reconstitution : épisode d’une série de 10 épisodes illustrant l’histoire des Pays-Bas de l’Âge de bronze au XXe siècle. Les étapes du soulèvement des Pays-Bas contre les Espagnols – de 1550 à 1648 - sont filmées à Maastricht, Delft, Dordrecht, Breda, Dishoek, Brielle, Limburg, Horn et en Allemagne à Dillenburg (Hesse).