IX - PROCHE- ET MOYEN-ORIENT MUSULMAN

5. Contes et légendes d’Orient

Avertissement :Ce chapitre ne peut être exhaustif, sa rédaction s’étant heurtée à de sérieux obstacles tant linguistiques que de documentation et d’accessibilité. Le Proche- et Moyen-Orient, l’Inde et l’Asie n’ont procédé que très tardivement, et souvent de manière fort lacunaire, à l’inventorisation de leur production cinématographique (en général dans la langue vernaculaire). Faute d’intérêt des pouvoirs publics, il en va de même pour la conservation de la pellicule (sur les 1250 films muets indiens, par exemple, seuls une vingtaine ont survécu). Les informations écrites n’ont pas non plus été systématiquement collectées, et aujourd’hui, la trace de certains films ne subsiste qu’à travers de maigres annonces publicitaires dans les quotidiens d’époque, voire à quelques photos ou une affiche survivants. Quant à la production du petit écran en Inde, en Turquie ou dans les pays arabophones (téléséries du Ramadan), elle est à peine documentée, et ce malgré Internet. Nous remercions Luc Coupé, Mehregan Perrier, Markku Salmi, Eric LeRoy, Suresh Shabria, Asiye Korkmaz, Claude Aubert, Abdelhamid Bouzouzou et Leonhard H. Gmür de leur aide ponctuelle.

5.1. Le « Livre des Rois (Shâh-Nâmeh) » de Firdousi & autres légendes perses

Poème épique de la Perse sassanide, le Shâh-Nâmeh d’Abû-l-Qâsim Firdawsi (Firdousi, 940-1020) retrace l’histoire du Grand Iran depuis la création du monde jusqu’à l’arrivée des Arabes et de l’Islam, en plus 60 000 distiques. L’épopée des rois légendaires – Kay Kâvus, Kay Khosrô – en constitue la partie la plus longue, sur fond de guerre entre l’Iran mazdéen et ses voisins des steppes d’Asie centrale. C’est dans ce contexte que sont développés les cycles des grands héros mythiques comme l’invincible ROSTAM [Roustam], le champion des champions, protégé de l’oiseau sacré SIMURGH, et son fils, le prince SOHRÂB, qu’il n’a jamais vu et qu’il tuera tragiquement en combat singulier. Le récit des hostilités incessantes avec le souverain turc de Touran, l’empereur Afrassiyab, est entrecoupé d’histoires secondaires qui lui sont plus ou moins rattachées, telles que celles des amoureux irano-touranais BIZAN et MANICHA, de SIYÂVASH, le fils du shah qui épouse la fille d’Afrassiyab avant de se suicider pour éviter un bain de sang entre leurs peuples, ou du prince héritier ESFANDIYÂR, protecteur de Zarathoustra/Zoroastre qui finit terrassé par Rostam, etc.

Les amours malheureuses de KHOSRO et SHÎRÎN forment un cas à part. Dans son Livre des Rois, Firdousi relate l’union du roi sassanide Khosrô/Chosroês [Khosrau, Khusraw. Khosrow] II Parviz (592-628) avec une de ses favorites chrétiennes, la princesse arménienne Shîrîn Al-Tha’âlibi (nestorienne, elle a rejoint l’église monophysite d’Antioche) qui décède la même année que son royal époux. En 1175, dans son Khamzeh, le poète soufi persan Nizâmî Gandjavi reprend et développe avec lyrisme les légendes qui se sont formées très tôt après leur mort. Dans ce qui va devenir une sorte d’épopée nationale iranienne, Nizâmî brode sur le combat de Khosrô pour conquérir sa belle et la peur de cette dernière de se voir abandonnée après avoir répondu aux attentes du monarque – tout en relevant que Shîrîn représente pour Khosrô l’esprit pur, tandis que ses autres épouses symbolisent la matière ou le monde des formes. Au début, chacun ne connaît de l’autre que l’image transmise par un tiers, une description qui suffit à faire naître de part et d’autre un éblouissement incandescent. Encore prince, Khosrô a aperçu Shîrîn alors qu’elle se baignait, mais en ignorant son identité ; déguisé en paysan, contraint de fuir la cour de son père Hormidz IV à Tisfûn où sa vie est en danger, il est lui-même méconnaissable et fond en larmes lorsque Shîrîn lui échappe sur son destrier. S’ensuit un chassé-croisé entre le harem de Tisfûn, où Shîrîn se sait attendue par le prince persan dont elle n’a jamais vu le visage, et l’Arménie, où règne sa tante, Mahin Bânû, et où Khosrô noie son chagrin dans le vin. Ayant appris que son père est décédé, Khosrô rentre au pays et monte sur le trône (en 591) ; les deux amoureux se rencontrent fortuitement dans un pavillon de chasse. Shîrîn refuse de se donner à lui hors mariage et exige, avant de l’épouser, qu’il reconquière d’abord son royaume envahi par l’armée rebelle du général Bahrâm, ennemi des Sassanides. Khosrô obtient l’assistance des troupes de l’empereur de Byzance et remporte la victoire, mais doit en contrepartie s’unir à sa fille Maryam et promettre de n’épouser personne d’autre tant que cette dernière sera en vie. Maryam tient Shîrîn à distance de son époux, mais celui-ci ne peut oublier la beauté qui s’est refusée à lui. Ayant été mis au courant de l’amour intense que Farhâd, un tailleur de pierre très réputé, porte à Shîrîn, il cherche à se débarrasser de ce concurrent en lui offrant de l’or, puis en lui confiant des travaux qui l’éloignent de son adulée. Il oblige Farhâd à creuser une route dans la montagne de Bisetûn pour permettre le passage des caravanes de commerce. Shîrîn lui apporte de temps à autre un bol de lait afin de lui redonner des forces. Lorsque Farhâd est sur le point d’achever son ouvrage titanesque, Khosrô lui fait croire que Shîrîn a été emportée par la maladie, et le sculpteur désespéré se suicide. Devenu veuf (Maryam a été empoisonnée par sa rivale, selon Firdousi), Khosrô parvient finalement à se réconcilier avec Shîrîn et l’épouse, mais le bonheur est de courte durée : Shiroy, le fils du roi et de Maryam, s’éprend à son tour de Shîrîn et assassine son père pendant son sommeil. Désemparée, Shîrîn se suicide sur le cadavre de Khosrô – auprès de qui elle est inhumée.
Nizâmî ne mentionne qu’en passant, comme une simple parenthèse romantique, l’épisode du beau sculpteur FARHÂD. Celui-ci prend toutefois toute son ampleur en dehors de la Perse, notamment en Inde, en Azerbaïdjan, en terre kurde et plus tard sous les Ottomans, pour fournir la trame hautement populaire des « Roméo et Juliette de l’Orient » (Byron) tout en noircissant le personnage du monarque jaloux, Khosrô. Épouse délaissée, Shîrîn est ébranlée par l’adulation que lui porte Farhâd et rend l’âme sur la tombe de l’artiste qui s’est suicidé pour elle... Ainsi, chaque culture brode, ajoute ou enlève des éléments du récit originel en fonction de sa propre sensibilité, fournissant poèmes, romans, pièces de théâtre et, plus tard une douzaine de films. Signalons encore que Shîrîn et Khosrô apparaissent également dans Les Mille et Une Nuits, où l’on vante la grandeur d’âme, l’humour et la générosité du roi.
Quant à l’épopée du chevalier AMIR ARSALÂN (ou Arslân), qui s’éprend d’une princesse chrétienne, elle ne fait pas partie du Shâh-Nâmeh, mais de l’ancien folklore iranien dont les nombreuses péripéties ont été recueillies au XIXe siècle.À l’écran, l’évocation du Grand Iran préislamique suscite des réactions contrastées. En Iran, les shahs Pahlavi la saluent à titre de légitimation de leur dynastie impériale (d’origine roturière), tandis qu’après 1979, l’ayatollah Khomeiny et son clergé peinent à la tolérer pour des raisons de dogmatisme religieux et font plus d’une fois intervenir la censure. En ex-URSS, dans les Républiques socialistes d’Asie centrale qui partagent le même héritage culturel et linguistique, ces reconstitutions sont soupçonnées à raison de nourrir un courant identitaire discrètement hostile à l’hégémonie soviétique et sont bannies lors de la guerre en Afghanistan.
1926Shirin Farhad / At the Altar of Love [=Shîrîn et Farhâd/Sur l’autel de l’amour] (IN) de Homi Master
Dwarkadas Narendas Sampat/Kohinoor Film Co. (Bombay), 3125 m. – av. Gohar Mamajiwala (Shîrîn), Khalil, Daji, Jamuna, Hira, Noor Mohammed.
1929Shirin Khushru / Shirin and Khusru [=Shîrîn et le shah Khosro] (IN) de Rama Shankar Choudhury
Khan Bahadur Ardeshir M. Irani, Bhagwati Prasad Mishra/Imperial Film Co.-New Excelsior Film-Seth Vazir Haii (Bombay), 2844 m. (muet). – av. Madanrai Vakil (le shah Khosro II Parviz), Johar Jr., Mehboob Khan, Jamshedji.
1931Shirin Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (IN) de Jeejeebhoy Jamshedji Madan
Jamshedji Framji Madan/Madan Theatres Ltd., Calcutta (parlé hindi), 120 min. – av. Master Nissar (Farhâd), Jahanara Kajjan (Shîrîn), Mohammed Hussain, Abdul Rehman Kabuli, Mohan, Miss Sharifa.
Musical historique à gros budget, cette troisième version des amours tragiques de Shîrîn et Farhâd devient un des plus gros succès du jeune cinéma sonore indien, en raison de la popularité de ses 18 chansons. Le scénario original – qui sera repris dans le remake de 1956 (cf. infra) -, mais aussi les dialogues et les lyrics ont été rédigés par l’auteur dramatique et poète Aghar Hashar Kashmiri, récemment engagé par Madan Theatres. Décédé en 1935, Kashmiri est surtout célèbre pour avoir traduit Shakespeare en urdu et introduit le barde sur les tréteaux du subcontinent indien ; c’est une autorité du théâtre parsi, également auteur de la pièce Rustom O Sohrab (1929), tirée du Livre des Rois.
Shirin va Farhad (1933/34) d’A. Sepanta.
1933/34Shirin va Farhad / Shirin and Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (IR/IN) d’Abdolhossein Sepanta
Khan Bahadur Ardeshir M. Irani/Imperial Film Co. (Bombay), 120 min. – av. Abdolhossein Sepanta (Farhâd, l’architecte du palais), Fakhre Jabare-Vaziri (Shîrîn), Jabbar Vaziri (le roi Khosro II Parviz), Iran Daftari Ruhangiz, Farza, Rouhangiz Sami-Nejad, Iran Daftari, Nosratollah Mohtashem.
Version tournée avec très peu de moyens en Inde par un pionnier du cinéma iranien, grand érudit de Firdousi et de la littérature préislamique, à l’occasion des festivités du millénaire de la naissance du poète ; le film, parlé en farsi, est destiné en priorité au public iranien de Bombay.
Cette même année, dans le cadre des mêmes festivités et pour la même Imperial Film, Sepanta réalise également une biographie filmée de l’auteur, Ferdowsi / Ferdausi, dans laquelle il tient le rôle-titre, aux côtés de Nosratollah Mohtashem (qui joue le sultan Mahmoud de Ghazna, commanditaire ingrat du Shâh-Nâmeh et son adversaire politique). En Iran, Reza Shah Pahlavi père, monarque laïc, réformiste, nationaliste et sympathisant d’Hitler – les Alliés le contraindront à l’exil en 1939 – exige la suppression de plusieurs scènes, le remontage intégral et le retournage d’une partie du film. Un second biopic du poète persan suivra en 1953 en Inde, signé V. Joglekar et H. Ahluwala.
1937[sortie : 1944] *Layla bint as-Saharâ (Leïlah, fille du désert) / (rééd. :) Layla al-Badawiya (Leïlah la Bédouine) (EG) de Bahiga Hafez
Bahiga Hafez, Mahmoud Hamdi/Fanar Films Co. (Le Caire), 125 min./105 min. – av. Bahiga [Bahidja] Hafez (Leïlah), Zaki Rostom (Khosrô Anouchiravân, roi de Perse), Hussein Riad (Kisra), Abbas Farès (Amr), Gamil Hussein, Raqiya Ibrahim, Janet Habib, Zaki Roustom, Tewfik El-Mardanli, Nada Nassim, Ahmed Kamel, Mohamed Bayoumi, Mohamed Sobeih, Abdel Madjid Choukri, Ibrahim Hamouda, Ibrahim Sabri, Abdelkader Ahmed, Madan Magdi, Mohamed Hayat.
Synopsis : Au VIe siècle, la poétesse arabe préislamique Layla al-Afifa (« la chaste ») est enlevée par le shah de Perse, Kosrô Ier Anouchiravân (496-579) – le célèbre souverain sassanide chanté par Firdousi et Nizâmi dans leurs récits sur Shîrîn et Farhâd – qui est subjugué par sa beauté et sa réputation. Prisonnière à la cour impériale à Ctésiphon, elle repousse ses avances et l’humilie, refusant même de l’épouser et de partager avec lui le trône de Perse. Elle exige de retourner dans le désert pour épouser son cousin et fiancé Al-Biraq, ce qui suscite la fureur du shah. Soumise à divers supplices, elle compose son célèbre poème qui commence par « Ah, si Al-Biraq pouvait voir ce que j’endure comme tortures ! » Alerté, ce dernier rassemble les cavaliers de sa tribu et la délivre.
L’œuvre d’une pionnière surprenante du cinéma égyptien, âgée de 29 ans : fille et petite-fille d’un pacha, issue de l’aristocratie alexandrine, Bahiga [Bahidja] Hafez est une femme cultivée, polyglotte, musicienne diplomée à Paris. Élégante, fière et belle, la jeune femme fait ses débuts d’actrice en 1928 – au grand dam de sa famille – dans un film muet pour lequel elle compose la musique. En 1932, elle fonde avec Mahmoud Hamdi, son époux, la société de production Fanar Films où elle fonctionne tour à tour comme réalisatrice, scénariste, décoratrice, monteuse et créatrice de costumes. L’installation des Studios Misr au Caire, le premier studio techniquement équipé d’Égypte, l’incite à y produire cette coûteuse fresque historique, promise à un grand succès, qui tire son sujet de la pièce Laila El Afifa de Hamdi et engloûtit une partie de sa fortune personnelle. Malgré la sélection du film (dont les décors naturels sont magnifiques) pour participer au Festival de Venise 1938, la censure égyptienne l’interdit de projection nationale et internationale sur protestation du Ministère des Affaires étrangères iranien. Le motif en est le mariage imminent de la princesse Fawzia, sœur du roi Farouk d’Égypte, et du prince héritier d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, le film ayant pour contexte le conflit arabo-persan et brossant un portrait peu flatteur du tortionnaire sassanide. Les autorités égyptiennes offrent en compensation à Bahiga Hafez, qui se défend bec et ongles, une somme de 3403 livres, très inférieure aux pertes de la production. Le film sera projeté sept ans plus tard (après le divorce de la princesse), sous le titre de Laïla la Bédouine, et restera six ans à l’affiche après avoir subi plusieurs modifications. Bahiga Hafez double elle-même son rôle en français. – Titre internat. : Laila the Bedu Girl.
1945Shirin Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (IN) de Prahlad Dutt
Pancholi Pictures (parlé hindi). – av. Ragini, Jayant, Gulam Mohammed, Gyani, Zahur Shah, Ata.
1954/55Amir Arsalân-e nâmdâr / Amir Arsalân [=Le légendaire prince Arsalân] (IR) de Shapur Yasami
Dr. Esmail Koushan/Pars Film Studios Ltd. (Téhéran), 120 min. – av. Iloosh Khoshabe (le prince Amir Arsalân), Rufia (la princesse Farrokh Lagha), Hossein Amir-Fazli, Soheyla Sokhansanj, Kurosh Kushan, Hossein Mohseni, Faramarz Moattar, Ebrahim Kushan.
Synopsis : Bien qu’enceinte, Banu Malekshah, la reine veuve de Roum (Istanbul) doit fuir la cité lorsque le général européen Sâm Khan la conquiert et tue son époux. En route pour l’Égypte, elle met au monde Amir Arsalân, qui est adopté par le chef des marchands du Caire, Khâdja Nomân. Devenu adulte et parlant neuf langues, Arsalân attire l’attention du khédive qui l’engage comme traducteur lors de la visite de l’ambassadeur du puissant despote Petros Shâh-e Faranghi (Petros [Patras] l’Européen), responsable de l’assassinat de son père. Petros exige le renvoi du jeune prince et de sa mère à Istanbul où les attend une mort certaine, sinon Le Caire sera rasé. Arsalân découvre ainsi ses origines royales. Pour épargner sa mère et son père adoptif, mais aussi pour ne pas embarrasser les autorités égyptiennes, il feint de se livrer, puis tue le diplomate occidental au cours d’un combat singulier, reprend Istanbul à la tête d’une petite armée, trucide Sâm Khan et monte sur le trône de son père. Dans une église chrétienne, il aperçoit le portrait de Farrokh Lagha, la fille de Petros, et en tombe amoureux. Sa tête est mise à prix. Petros a fait peindre le portrait d’Arsalân pour faciliter sa capture et lorsque Farrokh Lagha le découvre, elle tombe à son tour amoureuse du séduisant jeune homme. Arsalân se rend clandestinement à Petrosiya [Patrasia], capitale d’Occident, et y travaille dans une taverne ; ses traits retiennent bientôt l’attention de la princesse chrétienne, ils s’avouent leur amour. Ensemble, ils font échouer les noces de Farrokh Lagha avec le prince Hushang, auquel elle a été promise. Lorsque Farrokh Lagha est assassinée, le magicien Chams lui redonne vie ; elle est alors enlevée dans les airs par Fulad-zereh, un hideux et invulnérable démon cornu. Arsalân suit sa trace dans un pays lointain, où il échappe de justesse à la pendaison et parvient à tuer le démon ainsi que sa sorcière de mère grâce à une épée magique sertie d’émeraudes qui appartint jadis au roi Salomon. Finalement, Petros lui accorde son pardon et bénit son mariage avec sa fille, qui devient reine d’Istanbul aux côtés d’Arsalân.
Trésor de la tradition orale iranienne, les péripéties de l’épopée médiévale d’Amir Arsalân [ou Arslân] ont été fixées en 1887 par Mîrzâ Mohammad ‘Alî Naqîb al-Mamâlik, conteur royal à la cour de Nasereddin Shâh. La propre fille du shah les a sauvées sur papier (elles seront publiées en 1961 dans une version définitive due à Mohammad Dja’far Mahdjoub). Le film qu’en tire Shahpur Yasami pour la modeste Pars Film (société spécialisée dans le cinéma d’aventures en costumes) est un succès fulgurant au box-office. À l’écran, Arsalân est interprété par Iloosh [Aylush] Khooshabe, un culturiste et lutteur immensément populaire (12 fois champion national de lutte libre) et dont c’est le premier rôle devant la caméra – rôle obtenu, dit-on, à l’instigation du shah Reza Pahlavi lui-même. Ayant retenu l’attention des producteurs italiens, Iloosh apparaîtra par la suite dans divers péplums (Vulcano, figlio di Giove et Le sette fatiche di Ali Baba en 1962, Ercole sfida Sansone en 1963, Gli invincibili fratelli Maciste en 1964) sous les pseudonymes de Richard Lloyd, Rod Flash ou Ilush.
1956Ghezel Arsalân (IR) de Shapur Yasami
Dr. Esmail Koushan/Pars Film Studios Ltd. (Téhéran), 100 min. – av. Iloosh Khoshabe (Amir Arsalân), Nasser Enghetah (Ghezel Arsalân), Shahnaz, Hossein Mohseni, Abbas Mossadegh.
Ghezel, le fils d’Amir Arsalân, est tombé amoureux du portrait d’une envoûtante jeune femme. Il part à la recherche de cette belle inconnue et finit par découvrir qu’elle est la princesse Maghlagha, la fille du shah Pappas, le pire ennemi de son propre père. Naïf, le jeunot se laisse piéger par le vizir du shah, le magicien Soheil, qui le désarme grâce à ses pouvoirs magiques et le livre à un ogre. Mais papa Arzalân, montagne de muscles, accourt à la rescousse… Suite du précédent : du cinéma-bis pour public du samedi soir.
1956Shirin Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (IN) d’Aspi Irani
Aspi Irani/Super Pictures, Bombay (parlé hindi et urdu), 130 min. – av. Madhubala (Shîrîn), Pradeep Kumar (Farhâd), Ameeta (Shama), P. Kailash (le roi Khosrô II Parviz), Ram Avtar (Shakroo), Uma Dutt (le père de Farhâd), Ashabai (Kalima), Leela (Shîrîn enfant), Bela Bose (la shabbanu Maryam/Miriam), Kamal, Shakuntala, H. Prakash, Nagpal, Jagdish Kamal, Deepak, Dalpoo, Ashok, Bilquis, Lily, Kumari Asha.
Dans cette version tournée en Gevacolor dans les studios Basant à Chembur, Shîrîn est l’amie d’enfance de Farhâd, ils jouent ensemble dans le palais royal d’Arménie. Â l’âge de 16 ans, elle a l’interdiction de le revoir, car le roi Khosrô (qui doit son royaume à sa femme, Miriam/Maryam) souhaite l’épouser. Comme ils continuent à se voir en secret, le père de Shîrîn fait arrêter Farhâd et menace de le faire décapiter. Shîrîn accepte de se marier à Khosrô pour lui sauver la vie. Farhâd suit la princesse en Perse où Khosrô exige de son encombrant rival et sculpteur-architecte qu’il fasse jaillir une rivière de lait d’une montagne rocheuse, en creusant avec ses propres mains… La fin du film est assez délirante : de son palais, Shîrîn entend le chant douloureux de Farhâd, répond et court à travers les jardins jusqu’à y découvrir la tombe de son bien-aimé. Sa lamentation (en musique) est si intense qu’elle déclenche des éclairs dans le ciel, des arbres se scindent en deux, la tombe s’ouvre par miracle et Shîrîn s’y laisse enfouir sous les yeux effarés de Khosrô qui surgit trop tard. Enveloppés de lumière, les amants montent au Paradis et s’étreignent dans les nuages. La trame est identique à celle du film de 1931, pour lequel le grand écrivain urdu Aghar Hashar Kashmiri rédigea le scénario (cf. supra). L’interprète de Shîrîn, Madhubala (alias Mumtaz Jehan Dehlavi), surnommée la « Marilyn Monroe de Bollywood » (elle ressemble plutôt à Ava Gardner), allie beauté et sens de la tragédie, et Frank Capra a vainement tenté de l’attirer à Hollywood. Elle sera inoubliable en Anarkali, l’esclave emmurée vivante sur ordre du Grand Moghol Akbar dans Mughal-e-Azam (1960).
1956/57*Legenda o lásce / Legenda za lyubovta [=La Légende de l’Amour] (CZ/BG) de Václav Krška
Filmové studio Barrandov (Prague)-Studija za igralni filmi Sofija (Boyana Film Studios, Sofia), 92 min./88 min. – av. Jana Rybárová (Shîrîn), Apostol Karamitev (Farhâd), Vlasta Fialová (la reine Mehmene Banu, sœur de Shîrîn), Andrey Chaprazov (Vezirat), Frantisek Smolik (Nepoznatiyat), Otylie Benisková (Doykata), Frantisek Kovárik (Behzad), Stefan Petrov (le maître), Milos Kopecky (le marchand de tapis), Premysi Koci (le vizir), Josef Kotapis (le médecin), Gustav Nezvat (l’astrologue), Frantisek Smolik, Václav Voska, Zheni Bozhinova, Emilia Radeva, Libuse Zemková.
Un scénario tiré de la pièce Ferhad ile Sirin yahut Bir seuda masali (Farhâd et Shîrîn ou La Légende de l’Amour) (1955) du plus célèbre poète turc contemporain, Nâzim Hikmet, dont l’œuvre empreinte de critique sociale a été traduite dans près de cinquante langues. Né à Salonique, naturalisé polonais et décédé à Moscou en 1963, Hikmet a été exilé par Kemal Atatürk après quinze années de pénitencier pour avoir été membre du parti communiste turc. Sa pièce a été écrite en prison. Rien d’étonnant donc si c’est le cinéma de l’Europe de l’Est qui lui rend hommage, l’année même où Hikmet obtient à Moscou le Prix international de la Paix aux côtés de Pablo Picasso, de Pablo Neruda, de l’acteur noir Paul Robeson et de la réalisatrice Wanda Jakubowska. Václav Krška, cinéaste tchécoslovaque toujours attentif à la beauté de la nature et à la délicatesse des sentiments (il vient d’achever le tournage du mélodrame médiéval Dalibor, d’après l’opéra de Smetana), filme cette légende en couleurs aux studios Barrandov à Prague et en extérieurs dans les paysages bucoliques et le Désert de Pierre (Pobiti Kamani) de Bulgarie. Il en signe également le scénario avec Hikmet, qui a remplacé le roi persan Khosrô par une sœur aînée de Shîrîn ; le thème du film est l’amour, celui des amants, de la sœur, de son prochain, affirme-t-il. Cela donne des images un peu trop léchées, composées avec style, mais un jeu parfois déclamatoire qu’enveloppe une musique ultraromantique de Vesselin Stoyanov et Jarmil Burghauser. En 1963, Arif Melikov transformera la pièce en ballet.
Synopsis : Mehmene Banu, la très envoûtante souveraine du royaume oriental d’Arzen, promet une récompense considérable à celui qui pourra guérir sa sœur cadette Shîrîn, qui est mourante. Survient un sage mystérieux qui se propose de la sauver à deux conditions : que Mehmene se fasse construire un palais en or et en marbre, et qu’elle renonce à l’extraordinaire beauté de son visage. Mehmene accepte, cache désormais ses traits envoûtants derrière un voile épais, interdit à ses sujets de la regarder – et Shîrîn est sauvée. Farhâd, un artiste réputé, est mandaté pour décorer le nouveau palais ; il enfreint la loi et surprend les visages des deux sœurs. Celles-ci s’éprennent de lui, mais seule Shîrîn retient l’attention de l’architecte, à la fureur de la souveraine. Les amoureux fuguent, ils sont capturés. Mehmene promet à Farhâd la main de sa sœur s’il parvient à libérer, seul, un courant d’eau miraculeux retenu par les rochers d’une montagne de cuivre et sauver ainsi ses sujets assoiffés. Farhâd peine à sa tâche solitaire et surhumaine pendant dix ans et sort victorieux de l’épreuve, porté qu’il est par l’amour de Shîrîn et son souci de servir la collectivité ; lorsque surgit l’eau, et avec elle la vie pour Arzen, il s’éloigne dans le désert avec Shîrîn ; tous deux sont chancelants, proches de la mort. – DE : Legende von der Liebe, Eine Legende über die Liebe.
1957Rostam va Sohrab [=Rostam et son fils Sohrâb] (IR) de Mehdi Raïs-Firuz, Shahrokh Rafi
Diana Film, 120 min. – av. Hossein Moattar (Rostam), Rufia, Tahmineh, Parviz Taghavi, Khajavi, Delbar, Akbar Khadjavi. – Rostam, l’invincible chevalier de Perse, affronte sans le savoir son propre fils sur le champ de bataille (synopsis cf. infra, le film indien de 1963). Une tentative onéreuse de lancer un « cycle Firdousi » au cinéma – initiative saluée par le pouvoir des Pahlavi à Téhéran – mais qui s’avère maladroite et ne convainc ni les critiques ni le public.
1958Bizhan va Manizheh (=Bizan et Manicha) (IR) de Siamak Yassemi
Dr. Esmail Koushan/Pars Film Studios Ltd. (Téhéran), 120 min. – av. Iloosh Khoshabe (Bizan), Joleh (Manicha), Tadjelmoluk Ahmadi, Abbas Mossadegh, Habibollah Murad, Hossein Mohseni.
Un récit d’amour tiré du Shâh-Nâmeh (Le Livre des Rois) de Firdousi. – Synopsis : Les Arméniens se plaignent auprès du roi d’Iran, Kay Khosrô, au sujet des sangliers qui envahissent leurs champs. Le shah charge Bizan [Bizhan], fils du célèbre chevalier iranien Giv, de repousser les animaux sauvages dans leurs tanières. Lors de son séjour à la frontière de l’empire, Bizan entend parler de la beauté des jardins d’Afrassiyab, le cruel souverain de Touran (située sur la rive nord de la Mer caspienne) et l’ennemi le plus implacable de l’Iran. Il s’y rend en secret et y aperçoit Manicha (Manijeh), la ravissante fille du roi ; c’est le coup de foudre mutuel. Appréhendant la réaction de son père s’il les surprenait, Manicha endort Bizan avec un somnifère et le cache dans ses appartements, où il demeure plusieurs jours, jusqu’à ce qu’Afrassiyab le découvre. Il chasse le couple dans le désert, où ils tentent de survivre. Après bien des souffrances, Bizan parvient à envoyer un message à Rostam, le preux chevalier qui protège l’Iran d’Afrassiyab. Rostam et ses compagnons pénètrent dans Touran déguisés en marchands et récupèrent le couple durement éprouvé. Les amoureux sont fêtés par la population. S’estimant trahi par sa propre fille, Afrassiyab déclare la guerre à l’Iran et traverse la frontière ; les armées s’affrontent, Afrassiyab est écrasé, contraint de rentrer chez lui sans sa fille, dans la honte.
Le thème des jeunes amoureux irano-touranais condamnés par leurs parents est fréquent chez Firdousi et atteint son apogée dans l’épopée de Siyâvash. L’épisode de chasse initial renvoie à l’Antiquité : le sanglier est un symbole des légions romaines qui pénétrèrent en Arménie sous les ordres de Marc-Antoine. Le royaume de Touran se réfère aux peuples turcs d’Asie centrale (des nomades farsi) qui furent longtemps une menace pour l’Iran.
Kaveh Ahangar, l’héroïque forgeron de « Zemlja kuzejchtcha » (1961).
1961Zemlja kuzejchtcha / Znamja kuzneca / Kaveh Ahangar [=La Bannière du forgeron] (SU) de Boris Kimyagarov
Tadjikfilm Studio, Stalinabad (Douchanbé), 98 min. – av. Mukhamedzhan Kassymov (Kaveh [Kova] Ahangar), G. Niyazov (Bachrom), Mahmoud Takhiri (Kubod), Dilbar Kassymova (Nuchafarine), Bahtali Sabzaliyev (Farruch), Khodjakuli Rakhmatullaev (le général Ruchom), Marat Aripov, Gurmindzh Zavkibekov, N. Rakhmatova.
Synopsis : Comme le constate le vaillant forgeron Kaveh Ahangar, la cité fleurissante de Chouramzamine subit un sort étrange, tous les oiseaux l’ont quittée. Alors qu’il vient de bénir l’union de son second fils, Farruch, avec Nuchafarine, la fille de son vieil ami, le général Ruchom, Kaveh Ahangar découvre le cadavre de son aîné Bachrom, tué par l’armée conquérante du roi voisin, Zahhak [ou Sachok]. Ce dernier a été saisi par une forme de démence et Figlar, son Grand Vizir, propage le récit effroyable selon lequel le monarque, proie de puissances maléfiques, aurait comme excroissance un serpent sur chaque épaule qui se nourrirait exclusivement de la cervelle de jeunes hommes. Travesti en jongleur ambulant, Figlar pénètre dans la cité et ouvre les portes aux hordes ennemies qui sèment la mort, détruisent vergers et champs fertiles. Les édiles de la cité plient l’échine, le général Ruchom et ses soldats déposent les armes, le petit peuple grogne. Zahhak impose le culte de la déesse des serpents, une prêtresse dansante désignant d’un baiser final les victimes du jour dont le cerveau est destiné à nourrir les reptiles ; Faruch est menacé. Patriote épris de liberté, Kaveh Ahangar refuse de se laisser intimider et tue son ami Ruchom, devenu un collaborateur du nouveau pouvoir, dans l’échauffourée qui s’ensuit. Nuchafarine s’évade de prison et rejoint les rangs de Kaveh Ahangar après avoir reconnu la trahison de son père. Fervent patriote, Kaveh Ahangar transforme son tablier de forgeron en bannière, rassemble la population insurgée, exécute le terrible « Zahhak aux épaules de serpent » et libère la cité de sa monstrueuse tyrannie.
 Avec cet épisode tiré du Shâh-Nâmeh (Le Livre des Rois) et filmé en Sovcolor et Sovscope, le cinéaste ouzbèke Boris Kimyagarov met en scène le mythique Kaveh Ahangar, ennemi farouche du roi Zahhak-é Tâzi, dont la légende dit qu’il aurait tué son propre père, Mardas, le souverain arabe d’Iran, pour accéder au trône et qu’il s’adonnait au satanisme après avoir embrassé le diable Ahriman. Zahhak, traduction en pahlavi de l’Avesta, personnifie le serpent Azhi Dahaka, le mal incarné sévissant jadis à Babylone. Il est représenté par un homme avec deux têtes de serpent lui poussant sur les épaules où il a été embrassé par Ahriman ; pour garder le contrôle sur ses reptiles, il doit les nourrir avec de la cervelle humaine. Ce que le film ne dit pas, c’est que, selon le Livre des Rois, Kaveh a perdu dix-sept fils, tués pour satisfaire l’appétit des serpents, et que l’insurrection à laquelle il participe a été rendue possible grâce au prince iranien Fereydoun, dont l’armée chasse le tyran du trône. Zahhak ne pouvant être tué, il est attaché au Mont Damavand, où il restera captif jusqu’à la fin du monde. Mais en URSS, seul le peuple a la force de se soulever, et les pouvoirs diaboliques ne sont que supercherie ; les princes (étrangers de surcroit) comme les éléments fantastiques (magie, serpents monstrueux) sont donc éradiqués. Chez Firdousi, où le mythe se transforme en histoire, Zahak représente la dynastie assyrienne, dont le symbole était le dragon. Enfin, le cinéaste, lui, voit dans ce thème une métaphore du Tadjikistan soumis à l’occupation soviétique, mais la censure élimine forcément toute allusion trop directe. Les images, notamment toutes les scènes de foules en formation quasi géometriques, rappellent celles d’« Alexandre Newski », ce qui ne peut être un hasard : le réalisateur a été formé par Eisenstein, auquel il voue une admiration sans limites. Encouragé par l’accueil populaire particulièrement enthousiaste de sa production dans son pays natal, Kimyagarov décide de porter à l’écran les récits les plus fameux du Shâh-Nâmeh. Ses efforts aboutiront au cours des quinze années à venir avec la grande trilogie tadjike sur Rostam, Sohrâb et Siyâvash (cf. infra, 1971-1972). - DE : Mit den Schlangen kam der Tod. Titre internat. : Kaveh Ahangar or The Banner of the Blacksmith.
1963Rustam-e-Sohrab / Rustom Sohrab [=Rostam et Sohrâb] (IN) de Vishram Bedekar
F. U. Ramsay/Tulsi Ramsay Productions (Bombay) (parlé hindi et urdu), 143 min. – av. Prithviraj Kapoor (Rostam), Suraiya Jamaal Sheikh (Shehzadi Tahmina, son épouse), Premnath (Sohrâb, leur fils), Mumtaz (Shehroo), Murad (Mazadan), Lillian (Homa), Sajjan, Shah Agha, Marilyn, Azad, Hirlal, P. Kallash.
Synopsis : Alors qu’il parcourt le royaume voisin de Samangan à la recherche de son destrier, Rostam, un chevalier réputé dans tout le Proche-Orient, maîtrise les chevaux emballés du chariot de la princesse Tahmina. Celle-ci est impressionnée par sa force surhumaine, ils tombent amoureux et se marient en grande pompe. Mais Rostam est brusquement rappelé en Perse pour y défendre son roi, Kay Kâvus, que ses ennemis Dev—e-Safeed, Arzung et l’homme-montagne Kalahour ont fait disparaître dans les donjons de Mazanderan. Il rate ainsi de quelques semaines la naissance de son fils, auquel il fait transmettre un bracelet portant les insignes de son clan. Entre-temps, des conspirateurs renversent le père de Tahmina. La princesse parvient à s’enfuir et met au monde le petit Sohrâb. L’enfant ayant échappé de justesse au sabre d’Afrassiyab, roi de Touran et l’adversaire sempiternel de l’Iran, Tahmina doit s’engager à ne jamais lui révéler l’identité de son géniteur si elle veut le garder en vie. Tandis que Rostam, obsédé par la captivité de son roi, guerroie sans trêve en Perse, Sohrâb grandit et devient un guerrier aussi puissant et redoutable que son père. Ses ennemis ont tôt fait de deviner leur filiation et complotent pour faire s’affronter les deux lions en un combat singulier à la vie ou à la mort. Afrassiyab, qui a juré la perte de Rostam, arrange le piège. Pendant trois jours successifs, Rostam et Sohrâb se livrent un combat herculéen et sans merci, la terre tremble de peur, le ciel est déchiré par les éclairs. Rostam déracine des arbres et les utilise comme des javelots. Lorsque Rostam perce le cœur de Sohrâb, il reconnaît sur le bras de son jeune adversaire agonisant l’insigne de sa propre famille et réalise en pleurs qu’il vient de tuer son fils. De désespoir, il s’arrache cheveux et barbe…
La saga centrale du Shâh-Nâmeh est un classique du théâtre parsi fréquemment joué en Inde. Après une première et modeste incursion cinématographique fabriquée en Iran (cf. 1957), le héros le plus populaire de la mythologie persane reçoit un traitement « royal » à Bollywood dans l’épisode tragique de Sohrâb (en noir et blanc), porté pour la deuxième fois à l’écran. Le rôle-titre en est confié à l’acteur punjabi Prithviraj Kapoor, qui a déjà campé Alexandre le Grand (Sikandar, 1941) et l’empereur moghol Akbar (Mughal-e-Azam, 1960). Quant à Suraiya, c’est une chanteuse et actrice célèbre de Bombay, ici dans son ultime rôle.
Nota bene : Les exploits héroïques de Rostam deviennent si populaires en Inde qu’ils sont vampirisés par la production hindi en quête d’un Maciste local ; ainsi, le superhéros perse, à présent au service des empereurs moghols, métamorphosé en lutteur invincible et interprété par une idole du subcontinent, le catcheur et futur politicien Dara Singh, est délégué pour gérer à coups de gnons des conflits en tous genres à Bagdad (Rustom-e-Baghdad de B. J. Patel, 1965), à Rome (Rustom-e-Rome / Champion of Rome de Radhikanant, 1964) puis en Inde même (Rustom-e-Hind / Champion of India de Kedar Kapoor, 1965).
1965Siavash dar Takht-e Jamshid [=Siavouche à Persépolis] (IR) de Fereydoun Rahnema
Ashna Film-Djame Djam-Iran Film-Rahnema-Telfilm (Téhéran), 100 min./96 min. – av. Minou Farjad (le prince Siavouche), Ashgar Zolfaghari (Rostam), Abbas Moayeri (le shah Kay Kâvus), Marva Nabili (son épouse Soudabeh), Amir Farid (Afrassiyab, roi de Touran), Nader Kouklani (Garsivaz, son frère).
Récit tiré du Shâh-Nâmeh (Le Livre des Rois) de Firdousi. – Synopsis : Le prince Siavouche/Siyâvash (litt. « l’homme au cheval noir »), fils du shah Kay Kâvus et pupille du fameux Rostam, est aimé par Soudabeh, la première épouse de son père, mais il refuse ses avances sexuelles pour ne pas trahir son géniteur. Furieuse, Soudabeh raconte à son époux que Siavouche est son amant et qu’elle a eu des enfants de lui qui ont été tués. Comme le prince nie tout, le Conseil des prêtres ordonne de le soumettre à l’épreuve du feu ; il traverse indemne les flammes et, après avoir pardonné à Soudabeh à l’insistance de son fils, le shah confie au jeune prince la direction des opérations militaires contre le royaume voisin de Touran, où règne le roi Afrassiyab. Ce dernier a vu en songe la ruine de son pays s’il prenait les armes et, impatient de faire la paix, il consent de livrer à Siavouche cent otages. Méfiant, le shah ordonne d’éliminer les malheureux. Invoquant son honneur. Le prince s’y refuse. Il est banni, mais obtient libre passage à travers le royaume d’Afrassiyab, dont il épouse la fille, Farangis, et s’établit avec elle dans une nouvelle cité qu’il vient de fonder, Siyâvashgird au Khotan ; de leur union naît le futur shah Kay Khosrô. Désapprouvant l’union de son pays avec l’Iran, Garsivaz, le frère d’Afrassiyab, élabore une intrigue compliquée contre Siavouche. Soudabeh l’aide à calomnier Siavouche auprès d’Afrassiyab, et celui-ci ordonne l’exécution de son gendre pour haute trahison. Réalisant que sa mort entraînera un nouveau conflit entre l’Iran et le Touran, Siavouche se suicide pour empêcher le massacre. Selon la légende, son sang donne naissance à une herbe aux vertus mirifiques appelée « sang de Siavouche ». (Plus tard, Kay Khosrô, son fils, le vengera.)
Le cinéaste et poète iranien Fereydoun Rahnema, formé à Paris et connu préalablement pour son court métrage documentaire Takht-e Jamshid (Persépolis) en 1960, finance ce film, son premier long métrage, avec des fonds privés et le tourne en majorité sur le site même de Persépolis ; il mélange ses reconstitutions avec des images contemporaines de touristes visitant les ruines de la cité ancienne. Son travail, qui se veut fusion entre le passé et le présent, reste pour ainsi dire inédit en salle, mais il influencera fortement la « nouvelle vague » iranienne (Kiarostami, Makhmalbaf) et récoltera les louanges enthousiastes d’Henri Langlois à la Cinémathèque Française. – GB : Siavash at Persepolis.
1966Ferhat ile Sirin [=Farhâd et Shîrîn] (TR) de Nuri Akinci
Nuri Akinci/Ömür Film (Istanbul). – av. Tunç Oral (Farhâd), Nuran Aksoy (Shîrîn), Selma Volkan, Selma Akçin, Nevzat Kugu.
1965/66Shahname akharesh khosheh (IR) de Mushegh Sarvari
Farahvashi Iraj, Mushegh Sarvari/Khavare Mianeh Studio-Sorouri Film. – av. Rogheyeh Chehreh-Azad, Rufia, Ezzatollah Vosoogh.
Amir Arsalân le légendaire (1966/67) d’Esmail Kouchan.
1966/67Amir Arsalân-e nâmdâr [=Amir Arsalân le légendaire] (IR) d’Esmaïl Kouchan
Dr. Esmaïl Kouchan/Pars Film Studios Ltd. (Téhéran), 115 min. – av. Mohammad Ali Fardin (le roi Arsalân), Farzaneh (la princesse Farrokh Lagha), Manuchehr Nowzari (le roi Petros, son père), Hossein Mohseni (le vizir Ghamar), Jamshid Mehrdad (le prince Hushang, fiancé de Farrokh Lagha), Ebrahim Kouchan (le vizir Shams), Saber Atashin (Khaje Tavoos), Mashinchian (Almas Khan Darughe), Reza Arefan (le shah Kay Kâvous), Ali Atarodi (Fulad Zereh), Hossein Amirfazli, Parisa, Mohammad Taghi Khanemoui, Koorosh Kushan.
Synopsis, cf. supra, le film iranien de 1954/55. – Ce remake en couleurs et en musique est dû au producteur-réalisateur Esmail Kushan, champion du cinéma-bis iranien en vogue après le coup d’État de 1953 soutenu par la CIA et le SIS britannique, la chute de Mossadegh et l’avènement du régime autocratique du shah Reza Pahlavi. Les produits de divertissement de sa société, Pars Film, détournent l’attention des foules qui en oublient (passagèrement) la corruption du pouvoir. Surnommé « Roi de cœur », l’ex-lutteur Mohammad Ali Fardin, spécialisé dans les rôles de pauvre garçon au cœur d’or, campe le héros iranien avec force chansons doucereuses en farsi (ses films seront bannis sous Khomeiny, il ouvrira une boulangerie, mais en 2000, plus de vingt mille personnes assisteront à ses funérailles). Ses nombreuses cascades, cavalcades et duels en font le Douglas Fairbanks du pauvre, toujours souriant et victorieux. Budget oblige, Kouchan résume la première partie des aventures d’Arsalân (la fuite de sa mère, son enfance au Caire, son retour à Istanbul) par des pancartes et commence son récit par la découverte du portrait de la princesse Farrokh Lagha. Arsalân se déguise en domestique puis en justicier masqué pour approcher sa bien-aimée. La suite le présente en proie aux puissances surnaturelles (un démon géant, un nain hirsute, un chien parlant, une ville aux habitants pétrifiés, une sorcière dans un puits, un dragon et diverses entités volantes, le tout bricolé avec des effets spéciaux plutôt élémentaires). Le conte est manifestement situé au IIIème siècle, sous les Sassanides, tout en contenant des allusions anachroniques à l’Islam (les acolytes crypto-musulmans en pays chrétien de Petrosiya).
1966/67 Poema dvukh serdets (Le Poème des deux cœurs / Pour l’amour de Medina) (SU) de Kamil Yarmatov
Uzbekfilm Studio (Tachkent), 101 min./98 min. – av. Zhanna Smelianskaïa (la Shâhbanu Madina), Bimbulat Vataïev (Murad Ali), Gani Agzamov (Karashchakh), Baba Annanov (Roustam), Kudrat Khodzhaev (Nakshebi), Rakhim Pirmukhamedov (le shah), Tugan Rejimetov (Lokhari).
Synopsis : Arrivé à la cour du shah, le chanteur Murad Ali reconnaît en l’une des épouses du souverain la danseuse Madina, qu’il aime à la folie depuis qu’il a vu un portrait d’elle, il y a longtemps, et qu’il a recherchée partout. Ils se voient en cachette. Lorsque le shâh furieux apprend la liaison, il convoque les coupables et leur donne à choisir entre le renoncement à l’autre ou le bûcher pour les deux. Les amants choisissent la mort. - Depuis 1957, Yarmatov dirige l’Uzbek Film Studio depuis 1957 et a grandement contribué à développer le cinéma tadjik et ouzbek. Son film reçoit le « Golden Apsara », le prix pour la meilleure musique (Ikram Akbarov, Mutal Burhanov) au Festival international du Film de Phnom Penh 1969.
1968(tv) Amir Arsalân (IR) de Parviz Sayyad et Parviz Kardan
National Iranian Radio & Television (NIRT), Téhéran (Kayhân International 18.6.68), 32 épisodes. – av. Parviz Sayyad (Amir Arsalân), Raoufi, Roufia. – L’amour du roi Arsalân pour une princesse chrétienne (synopsis, cf. film de 1954/55).
1969[Mardan Sahar / Magic Man (Six hommes / L’Homme magique) (IR) de Ismaïl Nouri Ala ; Ahmad Ghadakchian Prod. – av. Reza Beyk Imanverdi, Ahmad Ghadakchian, Ibrahim Naderi, Hossein Mohseni, Abbas Farahani. – Cinéaste de la « nouvelle vague » iranienne, critique, poète et activiste politique, Nouri Ala (Nuryala) transpose l’histoire de Rostam et Esfandiyâr dans un quartier populaire du Téhéran moderne.]
« Ferhat ile Sirin » (1966) de Nuri Akinci. – Centre
1970Ferhat ile Sirin / Shirin va Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (TR/IR) d’Esmail Kushan
Esmail Kushan, Türker Inanoglu/Erler Film (Istanbul)-Pars Film Studio (Téhéran), 112 min. – av. Cüneyt Arkin (Farhâd), Nilufar (Shîrîn), Fakhreddin, Daryush Talayi, Morteza Ahmadi, Fatma Güler, Osman Kavur, Zhale Olov, Hassan Rezai, Sema Sözen, Ali Yildirim.
Dans cette version turco-iranienne, les princesses arméniennes Shîrîn et Maryam sont sœurs. Toutes deux aiment Farhâd, mais la seconde veut assurer son avenir en épousant un monarque persan, Khosrô. Celui-ci sauve Shîrîn, assaillie par des soldats grecs, mais se fait lui-même blesser par la population locale qui le prend pour un espion, et Farhâd le soigne. Khosro s’éprend de Shîrîn, et Farhâd sacrifie son amour pour le bien de la princesse, mais ne parvient pas à l’oublier. Apprenant que la capitale du royaume a besoin d’eau, il se porte volontaire pour construire un canal à partir d’une source cachée dans la montagne. Jalouse, Maryam lui fait dire que Shîrîn est morte, et Ferhäd se laisse ensevelir par la montagne. Shîrîn retrouve son corps et meurt de chagrin, le couple est réuni au Ciel.
Bimboulat Bataiev en Rostam dans « La Légende de Rostam » (1971) de Boris Kimyagarov.
1971*Skazanie o Rustame / Skaz pro Rustam [=La Légende de Rostam] (SU) de Boris Kimyagarov
Tadjikfilm Studio (Douchanbé)-Televidenje Sovjetskovo Sojusa, 147 min. – av. Bimboulat Bataiev (Rostam), Svetlana Norbayeva (la princesse Tahmina), Mahmudzhan Vakhidov (Div Tulad, le mauvais génie), Otar Koberidze (le shah Kay Kâvus), Khashim Gadoyev (Sohrâb, fils de Tahmina et Rostam), Alim Khodzhayev (le poète), Mukhamejan Kasymov (Zal), Nozukmo Shomansurova (Roudabeh), Givi Tokhadzé (Tus), Tariyel Qasimov (Give), Givi Jajanidze (Gudarz), German Nurkhanov (Tuviad), Giya Kobakhidze (Gurgin), N. Sanakoev (Barham), Khodzhakuli Rakhmatullaev (Khalaf).
Synopsis, cf. le film indien « Rostam i Sohrab » de 1963. Ce premier volet (exploité en deux parties) narre les exploits héroïques de Rostam au service du shah Kay Kâvus, ses combats contre sorciers et envahisseurs de tout acabit, enfin sa rencontre avec la princesse Tahmina à Samangan – en respectant la légende à la lettre (et en défiant par-là la censure moderne) : alors qu’il suit les traces de son cheval perdu, le légendaire et indomptable Rakhch, il rencontre Tahmina qui l’admire depuis toujours et l’introduit à la cour de son père. Cette même nuit, elle se glisse dans sa chambre et lui propose un marché insolite : un enfant de lui contre son cheval. Le lendemain, Rostam retrouve son destrier ; en quittant Tahmina enceinte, il lui laisse un gage pour l’enfant à venir : une broche dans les cheveux si c’est une fille, un bracelet au bras si c’est un garçon. Neuf mois plus tard naît Sohrâb...
À priori, la relation entre Firdousi et l’URSS peut surprendre. C’est oublier que plusieurs Républiques socialistes de souche musulmane appartiennent à la famille des peuples iraniens, colonisés par la Russie dès 1868. Les empires de l’Iran oriental sassanide, samanide et ghaznévide, avec notamment Boukhara (Ouzbékistan) comme capitale, s’étendaient du Khorasan (Iran) aux limites orientales du Tadjikistan et de l’Afghanistan. Malgré tous leurs efforts, ni le régime tsariste ni les Soviétiques ne sont parvenus à éradiquer l’identification historico-culturelle profonde de ces peuples avec leurs racines perses et l’idiome farsi. Le cinéaste ouzbèke Boris [Bension] Kimyagarov, né à Samarcande d’une famille juive établie à Boukhara, est considéré comme un des fondateurs du cinéma tadjik et son représentant le plus combatif face à l’emprise russo-soviétique. Passionné de poésie iranienne et en particulier de l’œuvre de Firdousi, Kimyagarov a été formé à l’école de cinéma à Moscou où il est devenu un élève d’Eisenstein, dont il partage la fascination pour les sujets historiques et l’épopée. Celle-ci lui permet d’aborder le réveil de la conscience nationale tadjike, suscitant d’emblée la méfiance du politburo qui décourage toute interprétation de l’Histoire ou glorification du passé autre que soviétique. En 1959, Sudba pojeta / Le Destin du poète célèbre Rudaki, poète tadjiko-persan du Xe siècle. En 1961, Kimyagarov présente le film précurseur de sa trilogie firdousienne avec Zemlja kuzejchtcha / Kaveh Ahangar (La Bannière du forgeron) (cf. supra). En 1966, son film Hasan-Arbakesh / Khasani-arobakash (Un temps pour la paix), qui illustre la destruction insidieuse de la culture traditionnelle tadjike par les tracteurs, le Komsomol et les kolkhozes, est jugé subversif et interdit d’exportation. Mais en sa qualité de Premier secrétaire de l’Union tadjike des réalisateurs, Kimyagarov parvient à monter quatre ans plus tard les trois volets de sa trilogie tirée du Shâh-Nâmeh, volets consacrés respectivement à Rostam, à Sohrâb et à Siavouche.
Rostam hurle sa douleur en constatant qu’il a tué son propre fils.
 L’entreprise est très ambitieuse et les capitaux investis, peu courants dans la région, sont dignes d’un blockbuster hollywoodien (chaque partie engloutit quatre millions de roubles). Kimyagarov a confié l’adaptation de sa superproduction au scénariste ukrainien Grigori Koltunov. Collaborateur très côté de Mikhail Kalatozov (Quand passent les cigognes, 1957), Koltunov rechigne d’abord à travailler pour un petit studio de province puis accepte après s’être fait lire plusieurs passages de l’épopée de Firdousi en farsi (langue qu’il ne comprend pas) afin de s’imprégner de sa musicalité – et ses dialogues restituent effectivement le lyrisme du texte persan. L’affiche réunit des acteurs tadjiks, ouzbeks, géorgiens et russes. Le comédien ossète Bimboulat (Bibo) Bataiev, du Théâtre national, prête son imposante silhouette et sa présence majestueuse au personnage central de Rostam ; à ses côtés, Sayram Issaïev fait une guerrière sauvage (l’amazone Gurdofârîd), refusant de se laisser doubler pour ses nombreuses cascades, et, dans le rôle du séduisant prince Sohrâb, Khashim Gadoyev devient en une nuit l’idole du public en URSS. Le maquillage est réduit au minimum. Les deux premiers épisodes sont tournés à la suite, en format panoramique Sovscope et Sovcolor dans les studios de Tadjikfilm à Douchanbé, puis en extérieurs autour de l’ancienne cité d’Isfara (bosquets verdoyants, abricotiers sauvages, désert rouge), vers Kanibadam (au loin, le piémont du Pamir) et au parc naturel de Childuhtaron Muminabad (région de Khatlon) pour l’affrontement fatal entre père et fils ; les scènes de bataille sont enregistrées pendant quinze jours avec des centaines de figurants provenant d’Isfara et des soldats de l’Armée rouge du district militaire de Ferghana (dont un régiment de cavalerie). Des forgerons de cuivre géorgiens fabriquent couronnes, bijoux, armures, épées et casques, provoquant de sérieux dépassement de coûts. Le résultat – qui obtient un immense succès populaire en URSS sera primé aux festivals de Tbilissi en 1972 et de Riga en 1977 – est spectaculaire. Le premier épisode comptabilise à lui seul 20 millions de spectateurs en douze mois, il est vendu dans plus de 60 pays.
La mise en scène est un peu lourde et hiératique, souffre de lenteurs voulues (« de lentes méditations », selon Kimyagarov), mais ses compositions témoignent d’un indéniable sens du tableau, son utilisation de la profondeur de champs et des paysages, ainsi que ses vastes mouvements d’appareil ne manquent pas de panache. La simplicité recherchée de la narration est fallacieuse : aux yeux de Moscou, elle classe ces bandes dans la catégorie apolitique « contes pour la jeunesse », alors qu’il s’agit d’une ode patriotique et nostalgique célébrant le passé glorieux de toute une ethnie brimée par les tsars et Lénine. En sous-texte, on peut y déceler des propos désabusés sur la relation entre les peuples, les poètes et les autorités, et l’absurde tuerie qu’elle perpétue à travers les siècles. Pour Kimyagarov, persuadé que « tout ce qui est vraiment grand est toujours contemporain », le thème fondamental de sa trilogie est « la soif de la paix et la dénonciation de la guerre ». En Afghanistan, dit-il en se défendant des reproches de « passéisme » venues de Moscou, « j’ai vu des personnes illettrées qui savaient par cœur des centaines de vers de Firdousi, nomment du Livre des Rois. C’est bien cela que j’appelle moi, actualité du classique » (Le Film soviétique 1977/no. 3-4). En 1979, la trilogie est brusquement retirée de tous les circuits d’exploitation, sous prétexte qu’il est impossible de montrer des films condamnant la guerre alors que l’URSS est engluée dans le pays voisin d’Afghanistan – là-même où combattit jadis Rostam... Kimyagarov, ébranlé, meurt cette même année, à l’âge de 58 ans. Aujourd’hui, sa transposition cinématographique du Shâh-Nâmeh est considérée un peu comme Le Seigneur des Anneaux des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. – DE-RDA : Die Rustam-Legende : 1. Der Überfall auf Masandaran - 2. Auf der Suche nach Tachmina, titre international : The Legend of Rostam.
1971*Rustam va Sukhrab / Dastan-e Rustam-ou Suhrab [Rostam et Sohrâb) (SU) de Boris Kimyagarov
Tadjikfilm Studio (Douchanbé), 139 min./97 min. – av. Bimboulat Bataiev (Rostam), Svetlana Norbayeva (la princesse Tahmina), Sairam Issaïev (Sohrâb, leur fils), Otar Koberidze (le shah Kay Kâvus), Sayaram Issayeva (la guerrière Gurdâfarîd), Makhmudzhan Vakhidov (Div Tulad), Gurminch Zavkibekov (Zhandarazm), Alim Hogaev (le poète), Abdusalom Rakhimov (Gozhdehem), Mohammed Rafikov (Hadjir), Razzaq Khamrayev (Houman), Givi Tohadzé, Dilbar Umarov.
Synopsis (suite du film précédent) : Afrosiyab, le cruel roi de Touran, attaque l’Iran. Il a placé à la tête de ses armées le jeune Sohrâb, héros invincible dont il est un des rares à savoir que c’est le fils secret de Rostam, le commandant en chef des troupes iraniennes, rappelé d’exil. Sohrâb ignore tout de ses origines. Ainsi, Afrosiyab cherche à se débarrasser du père comme du fils, les deux guerriers les plus puissants de leur temps. Sohrâb attaque une forteresse frontalière défendue par Hadjir, qui est capturé. Furieuse de voir son frère humilié et afin de retarder l’avancée ennemie, la belle amazone Gurdâfarîd affronte à son tour Sohrâb en combat singulier ; elle est battue, mais parvient à s’échapper par la ruse – et entre eux naît l’amour. Craignant pour la vie de Rostam comme pour celle de leur fils, Tahmina se rend dans le camp de Sohrâb et lui révèle le secret de sa naissance. Il promet de ne pas se mesurer à son glorieux géniteur, mais les adversaires ne se connaissent pas, et le seul qui serait capable de les identifier périt assassiné. Gurdafârîd tente d’intervenir au péril de sa vie, mais en vain. L’issue fatale est inévitable, il est trop tard lorsque Rostam découvre sur le bras du mourant l’anneau qu’il avait légué à son fils. Fou de douleur, il conjure les deux armées qui se font face dans une vaste plaine de tulipes blanches de faire la paix.
 Ce deuxième épisode de la trilogie tadjike du Shâh-Nâmeh (dernier volet du récit de Rostam) confectionnée en Sovscope 70 et Sovcolor dans les studios de Douchanbé, présente de petites libertés quant au texte de Firdousi (l’intervention de Tahmina avant le combat, Rostam tue son fils avec un poignard empoisonné à son insu). Pour les détails de production, cf. supra, Skazanie o Rustame (1971). Le troisième épisode de la trilogie, consacré à Siavouche, verra le jour en 1977 (cf. infra). – DE-RDA : Die Rustam-Legende (Rustam und Suchrab) : 3. Die Schlacht im Tal der weissen Tulpen.
Le Simurgh se transforme en fée pour venir à l’aide du berger captif par les forces du mal (Semurg, 1972).
1972Semurg [Le Simurgh, l'oiseau sacré] (SU) de Habibullah Faiziev
Uzbekfilm Studio (Tachkent), 84 min./73 min. – av. Habibullah Karimov (Bunjad), Tamara Shakirova (la princesse Subeyda), Tamara Kokova (le Simurgh), Shukrat Yergachev (le prince Sherzod), Nariman Rachimov (le khan), Gusal Khamrajeva (la princesse Parisad), Khikmat Latypov (Hadji Baba, le grand-père), Lola Badalova (Fatima), Artyk Dshalliyev (le sorcier géant Jalmagys).
Synopsis : Dans les montagnes de l’Ouzbékistan, Bunjad, un jeune berger parti à la chasse au tigre, tombe sur une inconnue d’une beauté troublante dont il sauve la vie. Peu après lui apparaît le Simurgh (sous forme humaine). L’oiseau mirifique lui offre son amitié et son soutien dans sa lutte pour la justice et le bien sur terre. Bunjad s’en va découvrir le monde et, arrivé dans la capitale, reconnaît en la princesse Subeyda, fille du khan, l’inconnue qu’il n’a pu oublier. Or, la belle éconduit tous ses prétendants, plusieurs ont péri lors des épreuves qu’elle leur a infligées. Sur un coup de tête, elle décide que n’importe lequel de ses sujets peut demander sa main et devenir le beau-fils du khan, quelle que soit ses origines sociales ou sa fortune. De Bunjad, elle exige la tâche la plus périlleuse : terrasser l’invincible démon géant Jalmagys, l’ennemi du Simurgh et de toute l’humanité, qui menace d’anéantir le pays. Bunjad y parvient grâce à l’aide du Simurgh et du prince Sherzod (qui lui doit la vie). Son bonheur est à portée de main, mais l’oiseau sacré lui ouvre les yeux : le berger renonce à la princesse sans cœur, se tourne vers ses véritables amis parmi le peuple (ceux qui ont forgé son cimeterre) et fête sa victoire aux côtés de la modeste bergère Subeyda qui l’aime depuis toujours.
Une banalisation du mythe de Simurgh (ou Rukh, l’oiseau Rokh en terre arabophone). Présent également dans le Shah-Nâmeh/Le Livre des Rois de Firdousi (le récit du prince albinos Zal, père de Rostam, et la naissance de ce dernier), l’oiseau fabuleux de la mythologie perse serait si vieux qu’il aurait vu trois fois la destruction du monde et posséderait le savoir de tous les âges. Selon les Sassanides, le volatile, qui niche dans l’Arbre de Vie, scellerait l’union de la terre et du ciel. Le soufi persan Farîd ud-Dîn ‘Attar (XIIIe s.) en fait le détenteur de la Sagesse suprême dans son Langage des oiseaux (Mantic uttaïr), créature grâce à laquelle ses disciples découvrent leur moi profond. Mais revu par les tenants de l’Ouzbékistan soviétique (et inspiré de motifs d’un poème de Hamid Audshan), Simurgh n’est ici plus qu’un gentil défenseur de la morale socialiste, prenant la forme d’une bonne fée, l’amie des gens honnêtes et droits. « Seul est heureux celui qui œuvre pour le bonheur des autres », prêche-t-elle au berger. Un conte pour enfants tourné en couleurs aux studios de Tachkent et dans les montagnes ouzbèkes ; le budget ne suffit pas à financer l’apparition magique de l’oiseau en titre (qui, selon la tradition, pouvait transporter un éléphant). – DE-RDA : Der Wundervogel Semurg.
1973Farhad Shirin [=Shîrîn et Farhâd] (PK) de Malik Diwan
S. R. Malik Prod. (Lahore) – av. Yasmin Khan, Qayyum Khan, Khalida.
1975Shirin Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (PK) de Sharif Nayyar
Nayyar-Dilawer Pictures (Lahore). – av. Zeba, Mohammed Ali, Nimmo, Saqi, Talish, K. Irani.
1975Pessar-é Iran az madarash bi-khabar ast [=Le fils d’Iran est sans nouvelles de sa mère] (IR) de Shahpur Yasemi
Dr. Esmail Koushan/Pars Film Studios Ltd. (Téhéran). – av. Sadeq Moqqadasi, Ahu Kheradmand, Shahnaz Haji.
1976/77*Legenda o Siavushe / Skazaniye o Siavushe (La Légende de Siavouche – 1. L'Amour et la Vengeance de Sodoba, reine de l'Orient – 2. Sous le drapeau de la justice) (SU) de Boris Kimyagarov
Tadjikfilm Studio (Douchanbé) (2 parties), 91 min.+98 min./176 min. – av. Farkhad Yussufov (le prince Siavouche, fils du shah Kay Kâvus), Bimboulat Bataiev (Rostam), Otar Koberidze (le shah Kay Kâvus), Svetlana Orlova (Soudabeh, son épouse), Faime Jurna (la princesse Farangis, fille d’Afrassiyab), Habibullah Abdurazakov (Bahram), Dilorom Kambarova (Farida), Turakhon Ahmadhanov (Tus), Talgat Nigmatulin (Tula), Asliddin Burhanov (Mobed), Gurminch Zavkibekov (Garsivaz), Almas Askerov (la reine), Shamsi Kiyamov (le poète), Imomberdy Mingbaev (Demur), Kartlosi Maradishvili (Guv), Mahamadali Mahmadiev (Guruy), Valeria Syrovatko (Layla).
Le shah Kâvus, son épouse Soudabeh, le prince Siavouche et la princesse Farangis.
 Synopsis : cf. supra, le film iranien Siavah dar Takht-e Jamshid (1965). – Pour la troisième et dernière partie de sa trilogie tadjike inspirée du Shâh-Nâmeh, toujours en Sovscope et Sovcolor, Boris Kimyagarov illustre l’intrigue tragique du prince Siyâvach [ou Siavouche], fils du shah Kay Kâvus et pupille de Rostam – deux personnages interprétés à nouveau par les mêmes comédiens, Bataiev et Koberidze, avec le massif du Pamir à l’horizon. La production, sortie en deux parties, se distingue des fresques précédentes sur Rostam par son action et ses rebondissements abondants. Pour les détails de tournage de la trilogie, cf. supra, Skazanie o Rustame (1971).
 Le film débute par une scène de chasse du shah Kâvus, suivi de ses noces avec une femme qui meurt en couches en mettant au monde Siavouche. Broyé de douleur, le shah se détourne du nouveau-né et le place chez Rostam qui devient son mentor. Seize ans plus tard, Kâvus épouse sa concubine Soudabeh, dont la beauté, la force de caractère l’obsèdent. Il en devient le jouet. Pendant le festin nuptial, Siavouche est présenté à la cour. Éblouie par la beauté du jeune homme, la reine en tombe amoureuse. Il repousse ses avances, mais la belle-mère brûle de passion pour son fils adoptif – qui fuit la cour. Soucieux de faire passer son message conciliant et intemporel, le cinéaste insiste sur l’aspiration ardente et passionnée du preux Siavouche. Une fois à la tête des armées du shah Kâvus, il aurait dû se précipiter au feu, mais le jeune homme tient à faire don de la paix aux hommes. Dans son désir de réaliser l’égalité universelle il abdique la couronne et construit dans les steppes du Khotan un blanc et beau Siyâvashgird, cité où sciences, métier et poésie prospèrent et les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais cet âge d’or ne dure qu’un temps : Siyâvashgird subit l’invasion des hordes ennemies et Siavouche succombe aux intrigues des courtisans. Il finit par se donner la mort pour rétablir la paix. – DE-RDA : Die Tragödie von Siawusch, IT : La leggenda di Sijavus.
1979Lyubov moya, pechal moya / Ferhat ile Sirin – Bir ask masali [Mon amour, ma tristesse] (SU/TR) d’Ajdar Ibrahimov [Azhdar Ibragimov]
Mosfilm (Moscou)-Tughra-Film (Istanbul), 94 min. – av. Türkan Soray (Mehmene Banu), Alla Sigalova (Shîrîn), Faruk Peker (Farhâd), Yilmas Duru (le vizir), Armen Djigarchanjan (le sage inconnu), Vladimir Samoylov (le médecin), Anatoly Papanov (l’astrologue), Vsevolod Sanaev (le père de Farhâd), Irina Miroshnichenko (Servinaz), Archil Gomiashvili (Ashraf), Adil Iskenderov.
La légende de Shîrîn et Farhâd revue par le célèbre auteur dramatique turc Nâzim Hikmet, remake du film de 1957 (cf. supra). Mort en exil à Moscou après avoir été déchu de sa nationalité turque en 1951, Hikmet demeure un écrivain controversé dans son pays d’origine. Il se trouve néanmoins une société de production turque pour cofinancer cette nouvelle mouture avec l’URSS (La nationalité turque lui sera rendue à titre posthume en 2009). C’est Ajdar Ibrahimov, un cinéaste d’Azerbaïdjan, qui s’en charge ; il a déjà l’adaptation cinématographique de quatre autres œuvres de Hikmet à son actif. - DE-RDA : Meine Liebe – meine Trauer.
1977-1980(tv) Crossroads of Civilization : The Story of Iran – 3. Guardians of the Sacred Flame (GB/IR) d’Anthony Mayer
David Frost, Anthony Mayer, Mehrdad Azarmi/David Paradine Films-NIRT-BBCtv, 58 min. – av. David Frost (narration). – Docu-fiction avec reconstitutions et acteurs anonymes : l’histoire et le passé légendaire des Sassanides selon le Shâh-Nâmeh/Le Livre des Rois de Firdousi. Série de 7 épisodes (le 8e épisode, consacré au règne des Pahlavi au XXe siècle n’a pas été diffusé, probablement ni même tourné, en raison de la chute du shah).
1980Shirin Farhad / Legend of Love [=Shîrîn et Farhâd] (BD) d’Abdus Samad
Bangladesh Prod. (Dacca) (parlé bengali). – av. Shabana (Shîrîn), Wasim (Farhâd), Rosy Samad, Nutan, Anowar Hossain.
« La Mort de Yazdgard » (1983) de Bahram Beyzaï.
1983*(tv) Marg Yazdgerd [=La Mort de Yazdgard] (IR) de Bahram Beyzaï
Bahram Beyzaï/Lissar Film Group-IRIB (Téhéran) (IRIB Canal 1), 112 min. – av. Susan Taslimi (la femme du meunier), Mehdi Hashemi (le meunier/Yazdgard), Yasmin Arami (leur fille), Amin Tarokh (le commandant), Mahmoud Behrouzian (le mage mazdéen), Karim Akbari (le serviteur), Ali Reza Khamseh (un soldat).
Synopsis : Devant l’avancée victorieuse des armées arabo-musulmanes en automne 651, le dernier souverain sassanide Yazdgard [Yezdegherd] III s’est enfui de Ctésiphon et réfugié dans un moulin en ruines près de Merv – où l’on retrouve son cadavre. Un mage mazdéen et le commandant des troupes impériales se rendent sur place pour y diriger le procès contre le meunier accusé du meurtre de l’empereur. Les témoignages du suspect, de son épouse et de sa fille sont divergents, voire contradictoires. L’un dit qu’il a tué l’intrus car il avait violé sa femme, l’autre que le corps n’est pas celui de Yazdgard mais d’un homme déguisé en souverain, que l’empereur lui-même a tué pour que le monde entier croie à sa mort ; le cadavre serait celui du meunier, dont le roi a pris la place (rares sont les sujets qui ont vu son visage) … À l’instant du verdict qui condamne le meunier, « puni pour sa misère », les Arabes font massivement irruption dans le moulin. La femme du meunier s’écrie que le jugement n’est pas terminé, car de vrais juges vont arriver avec leurs drapeaux noirs…
Une dramatique poétique (en couleurs) d’une belle densité, à la fois passionnée, sciemment théâtrale, archaïsante, brechtienne et oppressante, tournant autour de l’assassinat du Sassanide, décédé dans des circonstances jamais élucidées. C’était le petit-fils de Khosro/Chosroês et de Shîrîn, le couple chanté par Nizâmî et le Shâh-Nâmeh. Quoique diffusé sur le Canal 1 d’IRIB, le film est ensuite séquestré en Iran, sous le prétexte fallacieux qu’il ne répondrait pas aux exigences du nouveau code islamique en vigueur pour les œuvres cinématographiques (Susan Taslimi ne couvre pas ses cheveux). Son auteur, le prolifique Bahram Beyzaï (il a signé une cinquantaine de pièces de théâtre), également éditeur, costumier et réalisateur, n’en est pas à ses premiers déboires avec la clique ayatollesque : la plupart de ses longs métrages sont interdits de diffusion. Lui-même sera expulsé de l’Université de Téhéran (dont il dirigeait le département des arts dramatiques) pour sa critique du régime théocratique. Son interprète, la fascinante Susan Taslimi, actrice, réalisatrice et metteur en scène, a émigré en Suède en 1989.
1991[Animation : (vd) Arsuslân senki / The Heroic Legend of Arslan (Les Chroniques d’Arslân) (JP) de Mamoru Hamatsu et Michiro Yamaguchi ; 6 x 50 min. – av. les voix de Ben Fair/Kappei Yamaguchi (Arslân, le prince héritier de Perse), Kazuhiko Inoue Kaneto Shiozawa, Elisa Wain. – La légende perse d’Amir Arsalân revue librement par les Japonais (la majorité des patronymes en dehors du héros en titre sont modifiés, mais quoique représentant un pays imaginaire, les paysages et bâtisses sont bien ceux de l’ancien Iran). Au départ un roman-fleuve en quatorze volumes de Yoshiki Tanaka (Arusurân Senki/Les Chroniques d’Arslân, 1986 ss.), adapté par la suite en manga (bande dessinée) par Chisato Nakamura (Arslan Senki, 1991-1996, 13 volumes).]
1992Shirin va Farhad [=Shîrîn et Farhâd] (IR) de Rahim Rahimipoor
R. Rahimipoor Prod. – av. Fakhri Khorvash, Jahanbakhsh Soltani, Enayat Bakhshi, Jahangir Forouhar, Fariborz Samandarpur, Hushang Tavakoli, Nasser Blaze, Mohammed Hossam, Hussain Shihab, Behzad Rahim Khani, Abbas Mokhtari, Pervez Shafi’zadeh, Parviz Shafizodeh, Hamid Dishkyb, F. Taheri, Turan Qadri, Shain Parvez Yu, Mary Ovissi, Hamid Reza Tajdolati, Sodeq Behboudi, Mahmud Esmoni, Ali Naini, Hamid Farhanian Moghadam, Shahram Purasad, Parand Zahedi.
2002[Animation : (vd) Rostam o Esfandiar {Rostam and Esfandiar) (IR) d’Esfandiar Ahmadie ; Esmaeel Shar’i/Saba Film, 80 min.]
2003[Animation : (tv) Afsaneye Mardoush / The Legend of Mardoosh (IR) de Hossein Moradizadeh ; Saba Tahiyeh Konandeh (Saba Animation Center)-Soroush Media Corporation, 26 x 15 min. – Divers épisodes du Shâh-Nâmeh/Le Livre des Rois, notamment le récit du forgeron Kaveh Ahangar (nommé ici Fereydoun Kaveh) et sa lutte contre le tyran terrifiant « Zahhak aux épaules de serpent » (cf. supra, film de 1961.]
2005/06Shahzadeh-ye Parsi / Shahzadeh Irani / Persian Prince [=Le Prince de Perse] (IR) de Mohammed Nourizad
Mohammad Esmaeili/Farabi Cinema Foundation, 95 min. – av. Darius Arjmand, Yousef Moradian, Asghar Hemmat, Soraya Ghasemi, Parvaneh Masumi, Amir Yolnary.
Synopsis : Fils du roi kayanide Goshtâsp, le prince héritier Esfandiyâr est le protecteur du prophète Zarathoustra (ou Zartosht) et favorise sa religion dans le royaume. Ce dernier lui a remis une armure céleste qui le rend invincible, ainsi qu’une chaîne magique capable de lier même les démons ; quiconque versera le sang du prince est maudit et voué à l’enfer. Depuis longtemps Rostam s’est éloigné des centres de pouvoir et, à présent âgé, séjourne dans son pays du Zâbolestan. La sécurité d’Iran est assurée par Esfandiyâr, qui tient notamment en échec les armées ennemies de Touran. Aussi le jeune prince demande-t-il à son père de lui céder le trône. Gashtâsp lui impose sept travaux, couronnés d’une mission impossible : aller chercher l’arrogant Rostam et le traîner pieds et poings liés par des chaînes au palais. Gashtâsp connaît pourtant la prédiction selon laquelle son fils sera tué par Rostam. Ce dernier refuse l’humiliation des chaînes, en pleine connaissance des conséquences prédites pour lui et son adversaire. Dès lors deux grands héros, tous deux défenseurs d’Iran, ont à s’affronter en combat singulier. Blessé par le prince, Rostam demande l’aide de l’oiseau sacré Simurgh qui lui procure une flèche létale pour Esfandiyâr, celui-ci étant uniquement vulnérable entre les deux yeux. En mourant, le prince révèle à Rostam les raisons de leur duel et accuse son père de fourberie.
Un des plus longs récits du Shâh-Nâmeh, écrit et porté à l’écran par Mohammed Nourizad. Il s’agit de la première adaptation iranienne de Firdousi depuis la fuite du shah et l’avènement de la République islamique de Khomeiny en 1979, qui ne peut faire l’économie de la récupération du Livre des Rois, déjà amplement utilisé à des fins de propagande par les Pahlavis. Les séquences de ce film vont toutes être intégrées dans la vaste télésérie Chehel Sarbaz / Shahnameh que Nourizad réalise en 2007 (cf. infra).
2006[Animation : Rostam and Esfandiar (IR) de Dali Reza Kavian Rad ; Kanoon Parvaresh Iran (Téhéran), 12 min.]
2006[Animation : (vd) Tavalod dobareh Rostam / The Rebirth of Rostam (IR) de Sayed Ghahari ; Mehran Ghahari, Jandark Ghahari/Dreamor Film (Téhéran), 50 min. – av. les voix de Sayed Ghahari (Rostam/Firdousi), Reza Nasehi (Sohrâb), Salome Azizi (Tahmina), Mehran Ghahari (Gord Affarid), Ali Akbar Aboutorabi (shah Kâvus/Afrassiyab), Bijan Danesh (Hajir), Mahbod Riahi, Hamid Shariatmadari. – De l’ascension de Rostam à son combat tragique contre son fils Sohrâb. Computer Animation 3D en collaboration avec Paprikaas Studios à Bangalore. Primé « Best 3D Animation Movie (Golden Lioness Award) » 2006.]
2007*(tv) Chehel Sarbaz [=Quarante guerriers] / Shahnameh (IR) de Mohammad Nourizad
Mohammad Esmaeili/Martyr Avini (Institut d’art et culture) (IRIB Canal 2 3.6.-12.07), 28 x 50 min. – av. Dariush Arjmand, Yousef Moradian, Mohammad Ali Keshavarz, Ali Asgar Hemmat, Jafar Dehghan, Parvaneh Masumi, Soraya Ghasemi, Changis Vosoughi, Hamid Reza Tajdolati, Sara Sottani, Abbas Amiri, Reza Tavakoli, Sirus Saber, Ashad Khodaï, Reza Safaïpour, Valiolah Momeni, Zendebad Reza Saeedi, Ahmad Jahafi, Anoushiravan, F. Sadiq Sharif, Ali Rahmati, Feb Roozbahani, Mohsen Gazi Moradi, B. Rhymkhany, T. Faramarzian, Farshad Ramezani, S. Asharioun, M. Yarytbar, M. Rezakhani, Amir Hussein Asgari, Hossein Saharkhiz, Mohammed Ghasem Poorsattar, Reza Khandas.
Un des projets les plus ambitieux de la jeune télévision de la République iranienne (IRIB), conçu, écrit et réalisé par le cinéaste, peintre et journaliste Mohammad Nourizad, qui y travaille depuis 1982. Cette télésérie à grand spectacle ayant nécessité cinq ans de tournage (pour 23 heures d’antenne) est concrètement mise en chantier dès 2003, sous la présidence de Mohammad Khatami. Elle se divise en quatre parties dont chacune se déroule à une époque différente. La première (et la plus longue) conte l’affrontement entre Rostam et le prince Esfandiyâr, épisode tiré du Shâh-Nâmeh que Nourizad a déjà exploité en salle en 2006 (Shahzadeh-ye Parsi / Persian Prince, cf. supra). La deuxième est consacrée à l’histoire sainte, la fuite du Prophète à Médine et la vaillance de son gendre, l’Imam Ali. La troisième évoque Firdousi, la longue rédaction de son épopée, son affection pour Ali et ses démêlés avec le sultan Mahmoud de Ghazna. Les épisodes 24 à 28 se jouent dans le présent et expliquent que l’Iran d’aujourd’hui est la résultante de son passé tant légendaire qu’historique. En faisant appel à quatre perspectives pour illustrer le développement de la culture nationale à travers les siècles, Nourizad tente de relier l’identité islamo-shiite de l’Iran à sa mythologie et au zoroastrisme, ce qui est particulièrement manifeste dans une des scènes finales, lorsque l’Imam Ali traverse seul le désert et qu’une voix en off se demande qui pourra bien lui porter secours en temps de péril ; soudainement, les quarante paladins du Shâh-Nâmeh répondent à l’unisson à travers la brume et se mettent à cavalcader à ses côtés. Dans une vision d’avenir, ils repoussent les Américains qui viennent d’envahir une île (fictive) du Golfe Persique...
Il s’agit en quelque sorte d’une traduction visuelle des propos tenus par Khatami aux Nations Unies en septembre 1998, lorsqu’il évoqua le dialogue entre civilisations, les valeurs mythiques du texte de Firdousi et l’esprit de ses compatriotes. En Iran, la télésérie divise les spectateurs, subissant les attaques de puristes à droite comme à gauche de l’échiquier politique. En 2009, Nourizad récidive avec la série Parchamha-ye ghaleye Kaveh (Les drapeaux de la forteresse de Kaveh), qui suit la trace d’un exemplaire du Coran, de l’an 800 à travers la domination mongole au XIIIème siècle jusqu’aux temps modernes (primé au Noor Iranian Film Festival de Los Angeles). Cette même année, le cinéaste, un conservateur devenu activiste politique dissident, est condamné à trois ans et demi de prison pour avoir écrit à l’ayatollah Ali Khamenei, le rendant responsable du bain de sang lors du soulèvement postélectoral iranien de juin 2009 et exigeant des excuses publiques. Sa télésérie de 2007 est diffusée en dvd et sur YouTube depuis 2012, rebaptisée Shahnameh et raccourcie à 25 épisodes.
2008Naghi-e-Gordâfarîd [=L’Histoire de Gordâfarid] (IR) de Hâdi Afarideh
H. Afarideh/Documentary & Experimental Film Center (Téhéran), 33 min. – av. Fatemehr Habibizad (Gordâfarîd), Morshed Vallolâh Torâbi (le conteur), Mohammad Maddahi, Gholamali Pooratei, Mohammadmorad Abbaspour, Fariborz Abbasour, Reza Emaminejad. – Performance filmée de « naqali » (narration musicale), genre scénique traditionnel iranien effectué en solo. Un documentaire sur l’art des conteurs iraniens à partir d’un passage du Shâh-Nâmeh.
2008[Shirin (IR) d’Abbas Kiarostami, 92 min. – av. Juliette Binoche, Taraneh Alidoosti, Darya Ashoori, Homayoun Ershadi, Golshifteh Farahani, Leila Hatami, Behnaz Jafari, Mahtab Keramati, Roya Nonahali. – Cent quatorze actrices iraniennes de cinéma et de théâtre, ainsi qu’une star française (J. Binoche), assistent à une représentation théâtrale de Khosrô et Shîrîn mise en scène par Kiarostami. L’action n’est jamais montrée, seuls les visages des spectatrices la reflètent.]
2009[Sohrâb and Gordâfarîd (FR/CA) d’Abbas Hojatpanah ; Shahrokh Moshkin Ghalam/Nakissa Dance Company, Paris-Toronto, 8 min. – av. Shahrokh Moshkin Ghalam (Sohrâb), Karine Gonzalez (Gordâfarîd), Sahar Dehghan Hojat. – Ballet filmé dans la série « Mythological Dances », sur une musique de Keykhosrow Pournazeri ; la même troupe a également crée le ballet « Khosro and Shirin ».]
Prince of Persia : The Sands of Time de Mike Newell (2010).
2010[*Prince of Persia : The Sands of Time (Prince of Persia : Les Sables du temps) (US) de Mike Newell ; Jerry Bruckheimer/Walt Disney Pictures-Jerry Bruckheimer Films, 116 min. – av. Jake Gyllenhaal (le prince Dastan), Gemma Arterton (Tamina, princesse d’Alamut), Ronald Pickup (Sharaman, roi de Perse), Alfred Molina (cheik Amar), Ben Kingsley (Nizâm), Richard Coyle (Tus), Toby Kebbell (Garsiv). – Dans la Perse du VIe siècle, le roi Saraman recueille Dastan, un enfant de la rue promis à une destinée exceptionnelle, et l’élève comme son propre fils. Mais une fois adulte, son père adoptif est assassiné et le prince Dastan accusé à tort de son meurtre. Forcé de fuir, il s’associe à Tamina, une princesse aussi jolie qu’insoumise, pour mettre la main sur une dague magique avant le perfide vizir Nizâm, l’objet ayant le pouvoir de remonter le temps et de modifier les événements à la guise de celui qui le détient… Adaptation d’un jeu vidéo à succès, ce blockbuster tourné au Maroc (Ouarzazate, Marrakech, Erfoud, Aît Benhaddou) et aux studios britanniques de Pinewood à partir de l’été 2008 est une féerie plutôt bien enlevée, malgré le parrainage encombrant du prolifique Bruckheimer et des usines Disney. L’action, trépidante, est entièrement inventée, mais certaines péripéties du récit, comme le patronyme de Tamina (on pense à Tahmina, princesse de Samangan, l’épouse de Rostam et la mère de Sohrâb, voire à la guerrière Gordâfarîd), constituent un renvoi voulu au Shâh-Nâmeh. – IT : Le sabbie del tempo, ES : Las arenas del tiempo, DE : Der Sand der Zeit.]
2012[(tv) Bir Ferhat ile Sirin hikayesi [=L’Histoire de Farhâd et Shîrîn] (TR) de Mehmet Cagatay Tosun ; Ata Türkoglu/Koliba Film, 5 x 90 min. – av. Sedef Avci (Shîrîn), Yigit Özsener (Farhâd), Firat Dogruloglu (Mehmet), Nail Kirmizigül (Orhan), Ruhi Sari (Ibrahim). – Télésérie située au XXIe s.]
2012[Shirin Farhad Ki Toh Nikal Padi (IN) de Bela Bhansali Sehgal. – av. Farah Khan (Shîrîn), Boman Irani (Farhâd), Kurush Deboo (Sorab), Daisy Irani, Kavin, Shammi. – Comédie parodique moderne. ]
2015-16[Animation : (vd) Arslan senki : Fuujin Ranbu / The Heroic Legend of Arslân (JP) de Noriyuki Abe ; Dentsu-FUNimation Entertainment-Kondansha, 25 épisodes (2 saisons). – av. les voix de Aaron Dismuke (Arsalân, le prince héritier de Perse), Jason C. Kane, Vic Mignogna, Morgan Berry. – Remake de la vidéosérie animée de 1991 (cf. supra), inspiré par le nouveau manga dû à Hiromu Arakawa, 2013/14.]