I - LE ROYAUME DE FRANCE

7 . LA GUERRE DE CENT ANS (1339 à 1453)

7 .6 . Épisodes divers situés pendant la guerre de Cent Ans

1909Le Chien de Montargis (FR) de Georges Monca
Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres (S.C.A.G.L.)-Pathé Frères S.A. (Paris) no. 2970, 235 m. – av. René Leprince (Richard de Macaire), Paul Capellani et le chien Dick.
Synopsis : En 1371, le sire Aubry de Montdidier, gentilhomme de la cour de Charles V, est assassiné près de Montargis par Richard de Macaire, un compagnon d’armes envieux. Le chien de la victime révèle l’endroit où est enterré son maître et agresse le meurtrier. Le roi ordonne un duel judiciaire en champ clos entre l’animal fidèle et Macaire, ce dernier est vaincu et condamné au gibet. – Fait divers « merveilleux » placé au XIVe siècle, mais probablement bien antérieur, car mentionné dans la Chronique d’Albéric de Trois-Fontaines, entreprise dès 1232.
1913King René’s Daughter (Iolanthe) (US) de W. Eugene Moore, Jr.
Thanhouser Film Corp. (New Rochelle, N.Y.), 3 bob./42 min. – av. Maude Fealy (Iolanthe, la princesse aveugle), Robert Broderick (le roi René Ier, duc d’Anjou), Harry Benham (Tristan, comte de Vaudémont), Mignon Anderson (Geoffroi d’Orange), Davis H. Thompson (Abu Yahia, le physicien arabe), William Russell (Pierre, capitaine de la garde), Leland Benham (Bertrand), Mrs. Lawrence Marston (Martha, sa femme).
Première adaptation de la pièce danoise Kong Renés Datter (La fille du roi René) de Henrik Hertz, un drame romantique en vers paru en 1845, immensément populaire au XIXe siècle, traduit dans de nombreuses langues et mis en musique par Tchaïkovski. Synopsis : Pour mettre fin à la querelle qui les sépare, le roi René, duc d’Anjou (1409-1480) promet sa fille Yolande, née récemment, au fils du comte de Vaudémont, Tristan, neuf ans. Peu après, son château est partiellement détruit par un incendie, et la petite Yolande perd la vue dans l’accident. Abu Yahia, un célèbre physicien de Cordoue, ordonne au roi de cacher son infirmité à sa fille jusqu’à l’âge de seize ans et de taire son identité, puis lui remet un talisman qui la maintient dans un long sommeil. René fait construire une enceinte où Yolande, ignorant qu’elle est une princesse, passe son enfance préservée du monde extérieur. Lorsqu’elle atteint l’âge de seize ans, Tristan de Vaudémont découvre par hasard sa cachette, réveille la belle inconnue par mégarde et lui révèle sa cécité. Jugeant le moment venu, Abu Yahia opère Yolande qui recouvre la vue et épouse Tristan. – Un film tourné dans les studios Thanhouser à Jacksonville (Floride), remarqué pour ses décors enchanteurs (le jardin secret) et les débuts à l’écran de Maude Fealy, une ancienne reine de beauté qui s’est imposée au théâtre à Denver. Le générique au début présentant, grâce à la double exposition, les acteurs en habit moderne et en costume médiéval fait sensation. Précisions historiques, cf. infra, « Yolanta » de Vladimir Gorikker (1963). Cf. aussi la transposition du drame à l’époque de Charlemagne (« Das Licht der Liebe » de Gunther Scholz, 1991).
Noël-Noël dans une pitrerie franchouillarde filmée à Carcassonne (« Adémai au Moyen Âge », 1935).
1935Adémai au Moyen Âge (FR) de Jean de Marguenat
Lutèce Films, 1h20 min. – av. Noël-Noël (Adémaï Joseph), Michel Simon (Lord Pickwickdam), Suzy Vernon (Tiennette), Maurice Maillot (Philippe de Beauregard), Tino Rossi (le troubadour), Jacques Grétillat (le connétable de Châteauneuf), Marguerite Pierry (Miss Crocks), Maurice de Canonge (un officier anglais), Maurice Schütz (le père Martin), Raymond Cordy, Daniel Mendaille.
Synopsis : Comédie bouffe située en 1429, vers la fin de la guerre de Cent Ans. Pauvre manant, Adémaï Joseph a épousé Tiennette, une jolie paysanne qui lui est enlevée le soir de ses noces par le seigneur anglais qui occupe le castel de Châteauneuf sur Loire, Lord Pickwickdam. Pendant la nuit, la forteresse est reprise par les Français et Tiennette passe aux mains du séduisant comte Philippe de Beauregard, puis à celles du connétable des lieux. Eternel cocu ballotté entre les armées ennemies, condamné à la pendaison par les Français, puis à la noyade par les Anglais, contraint de participer à un tournoi qu’il remporte malgré lui, Adémaï perd définitivement son épouse qui fugue avec Beauregard. En guise de consolation, il est enrôlé de force pour porter assistance à Jeanne d’Arc …
Noël-Noël, Michel Simon (parlant l’anglais avec accent français), Tino Rossi en troubadour dans son premier film (il entonne « Bergère » et « La Chanson du Troubadour », chansons écrites par Paul Colline), l’attaque au château et un tournoi sont les atouts d’une farce au rythme pédestre, tournée à Carcassonne (porte d’Aude, pont du Moulin de la Seigne), sur les rives du Fresquel ainsi qu’aux Studios G.F.F.A. de Nice (Victorine) sous la supervision de Maurice de Canonge. Le personnage d’Adémaï, petit paysan naïf et rusé, victime d’innombrables mésaventures, a été imaginé pour Noël-Noël (alias Lucien Noël) par le chansonnier et scénariste Paul Colline et ravit le public du samedi soir dans « Adémaï aviateur » (1934) de Jean Tarride et « Adémaï bandit d’honneur » (1943) de Gilles Grangier. Le livre Adémaï au Moyen Âge écrit par Colline, illustré par Moallic et dédié à tous les acteurs du film, paraîtra en 1947 (éd. GEF).
1963Yolanta / Iolantha (Yolande) (SU) de Vladimir Gorikker
Rigas Kinostudija, 1h22 min. – av. Natalia Rudnaya (Yolande d’Anjou), Fiodor Nikitin (René d’Anjou, comte de Provence, son père), Youri Perov (le comte Vaudémont), Aleksandr Beliavski (Robert, duc de Bourgogne), Piotr Glebov (Ibn Hakia), Valentina Ouchakova (Marthe), Valdis Sandberg (Bertrand), Valentina Charykina (Brigitta), Ya. Filipson (Almeric).
Synopsis : La princesse Yolande est aveugle de naissance, mais ignore son état ; son père, le roi René de Provence, interdit ses appartements à tout étranger sous peine de mort, tant il craint qu’elle n’apprenne la vérité. Il revient de voyage en ramenant un célèbre médecin maure, Ibn Hakia, qui déclare qu’une guérison de Yolande est possible, pour autant que celle-ci s’instruise de tout et désire voir cette lumière dont lui a parlé le comte Vaudémont, son amoureux. Afin d’exacerber chez sa fille ce désir, dont dépend le succès d’Ibn Hakia, le roi René condamne Vaudémont à mort si l’opération échoue. Yolande voit enfin, et son ancien fiancé, Robert de Bourgogne, cède sa place à son rival.
Spécialiste de l’opéra à l’écran, Gorikker transpose pour le cinéma une œuvre lyrique peu connue de Piotr Ilyitch et Modeste Tchaïkovski (1892), reprise jadis par le Bolchoï après le décès du compositeur et créée en Allemagne par Gustav Mahler. L’opéra est lui-même adapté d’une pièce danoise de Henrik Hertz, Kong Renés Datter (La fille du roi René), datant de 1845. Le film soviétique (tourné en Sovcolor dans les studios de Riga) purge toutefois le scénario de toute allusion religieuse, car le livret original s’achève sur un hymne à la gloire de l’Éternel. L’intrigue est fantaisiste, mais elle met en scène des personnages authentiques. Surnommé par ses sujets provençaux « le bon roi René », René Ier duc d’Anjou (1409-1480) – pair de France, roi de Naples, roi titulaire de Jérusalem et d’Aragon – a contribué à la relance de l’économie locale affectée par les séquelles de la peste et la Guerre de Cent Ans, renforçant les efforts de Charles VII (dont il a gagné l’amitié) contre les Anglais ; il côtoie Jeanne d’Arc à la bataille de Montépilloy. Mécène, écrivain, cultivé, il est passionné des sciences arabes et de l’Orient. Son épouse, la duchesse Isabelle de Lorraine, lui donne neuf enfants, dont cette Yolande (1428-1483), appelée également Yolande de Lorraine, Yolande de Bar ou Yolande d’Anjou et mariée à Ferry II, duc de Lorraine en 1473, auquel elle donnera à son tour six enfants. La sœur de Yolande, Marguerite d’Anjou, épouse Henry VI, roi d’Angleterre. Aucun écrit atteste que Yolande était aveugle dans sa jeunesse. La pièce Henrik Hertz a fait le sujet de deux autres films, « King René’s Daughter » de W. Eugene Moore, Jr. En 1913 (cf. supra) et « Das Licht der Liebe » de Gunther Scholz en 1991, dont l’action est transposée sous Charlemagne (cf. 2).
L’alchimiste Nicolas Flamel (Paul Crauchet) a-t-il découvert la formule pour fabriquer de l’or ?
1967(tv) Le Fabuleux Grimoire de Nicolas Flamel / Le Secret de Nicolas Flamel (FR) de Guy Lessertisseur
série « Le tribunal de l'impossible », ORTF (1e Ch. 25.11.67), 1h25 min. – av. Paul Crauchet (Nicolas Flamel), Arlette Gilbert (Dame Pernelle, son épouse), Roger Crouzet (Dubois, petit-neveu de Flamel), Lucien Nat (Balthazar), Maurice Bourbon (Anselme), Georges Riquier (le cardinal Richelieu), Jacques Lalande (Père Joseph).
Un scénario d’Alain Decaux : au XVIIe siècle, le cardinal Richelieu fait espionner un descendant de Nicolas Flamel (1330-1418) afin de découvrir le secret de la richesse acquise par le célèbre alchimiste. Serait-il en possession de la formule pour fabriquer de l’or ? Flash-back : en 1357, Flamel installe chez lui un laboratoire d’alchimie à partir d’un mystérieux grimoire et se plonge dans des recherches infructueuses qui vont durer plus de vingt ans. En 1379, il fait le pèlerinage de Compostelle et, comme il l’affirme dans son Livre des figures hiéroglyphiques, réussit sa première transmutation. Dès lors, son train de vie change …
1968(tv) Les Diables au village (FR) d’Yves Bernadou
ORTF (1e Ch. 16.7.-1.8.68), 14 x 26 min. – av. Pierre Maguelon (Bramaire), Charles Blavette (Maître Bonnefé), Gérard Dessalles (Claudius), Michel Charrel (Paco), Maxime Piolot (Romano), Madeleine Cervanne (Herminie), Héléna Manson (la mère Cassette), Edmond Ardisson (le pape Grégoire XI de Beaufort), Henri Gilabert (Yeso, le chef des gitans), René Roussel (Foulques, fils du comte de Passeron et compagnon de Du Guesclin), Julia Dancourt, Douchka.
La Provence en 1371, où l’arrivée d’une petite troupe de gitans dans le village de Rustrel sème l’émoi et la discorde. Ce feuilleton picaresque et régionaliste a l’originalité de ne pas mettre en scène des héros historiques ou de l’aristocratie, mais de simples villageois confrontés à une culture différente, celle des gitans. Tournage en Espagne, à Algimo de Alfara, près de Valence. Une tentative un peu marginale de renouveler le feuilleton historique, passée quasi inaperçue en raison de sa programmation malheureuse – juste après mai 1968…

Jacqueline de Bavière (Claire Wauthion) est prisonnière de son ambitieux cousin, Philippe le Bon, duc de Bourgogne (Roger Van Hool).
1972(tv) Jacqueline de Bavière / Jacqueline di Baviera (FR/BE/IT/CH/HU) d’André Soupart
série « Les grandes évasions historiques / Les Évasions célèbres » no. 6, RTB-ORTF-Pathé Cinéma-Hungarofilm-SSR-Difnei Cinematografica (1e Ch. 2.12.72), 55 min. – av. Claire Wauthion (Jacqueline de Bavière), Roger Van Hool (Philippe III le Bon, duc de Bourgogne), Marie-France Colin (Dame Isabelle), Jean Rovis (le gouverneur Franz van Dijck), Jules-Henri Marchant (Jean de Brabant), J.-M. Petiniot (Hubert de Chimay), Patrick Roegiers (Messire Brederode), Jacques Lippe (le mercier), Jean Pascal (Dom Blaise), Etienne Samson (d’Alckere), Jan Decleir (Humphrey de Gloucester), Marie-Luce Bonfanti (Mahaut), Olivier Monneret (le page Guido).
Synopsis : Profitant du fait que le royaume de France est affaibli (au lendemain d’Azincourt), les Bourguignons agrandissent leur territoire en unifiant les provinces belges et hollandaises. Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut (1401-1436), a épousé le duc Jean IV de Brabant sur ordre de son oncle et tuteur, Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Malheureuse à Bruxelles, négligée, Jacqueline s’éprend du frère de Henri V, le duc Humphrey de Gloucester, régent d’Angleterre, et elle fait annuler son mariage par le pape pour pouvoir l’épouser et récupérer ses domaines avec son soutien. Les comtés de Hainaut, de Hollande, de Zélande et de Frise sont l’enjeu de la guerre qui oppose Philippe III le Bon (1396-1419), nouveau duc de Bourgogne, à sa cousine Jacqueline. Mais en octobre 1424, les troupes bourguignonnes et brabançonnes défont l’armée anglaise de Gloucester et de Jacqueline. Tandis que Gloucester regagne Londres pour rassembler de nouvelles troupes, Jacqueline et sa suivante se mettent sous la protection du duc de Bourgogne à Gand – dans la gueule du loup. En fait, elles sont ses prisonnières, et le comté de Hainaut tombe entre les mains du Bourguignon. Le pape est revenu sur l’annulation, les messagers de Jacqueline sont assassinés, Gloucester traîne dans le lit d’une autre. Après de nombreuses tentatives avortées, Jacqueline cède aux avances de son cousin, feint la soumission, endort ses gardiens et, déguisée en page, parvient à gagner la Zélande avec la complicité des seigneurs de Middelburg. En 1428, après trois ans de guerre, elle devra néanmoins céder ses terres au Bourguignon, par le traité nommé « Baiser de Delft ». – Tournage en couleurs à Thy-le-Château (Walcourt) en Wallonie.
1976(tv) El papa Luna (ES) de Mario Camus
série « Paisaje con figuras » (TVE 24.1.77), 33 min. – Synopsis : Le Grand Schisme d’Occident (1378-1417), crise pontificale qui divise pendant quarante ans la chrétienté en deux, voire trois obédiences, survient en pleine guerre de Cent Ans, alors que l’Église a perdu le rôle culturel et social qui était le sien au début du Moyen Âge. Mario Camus, cinéaste d’origine cantabrique (Los santos innocentes, 1984), illustre pour la télévision espagnole la trajectoire d’un de ses acteurs les plus irréductibles, le cardinal aragonais Pedro Martinez de Luna, dit Pierre de Lune, élu pape d’Avignon sous le nom de Benoît XIII en 1394.
Successeur de l’antipape Clément VII (face à Boniface IX, son rival à Rome), il est soutenu par la France, la Castille, l’Aragon, le Portugal, l’Écosse, la Savoie et Chypre. Régent de France depuis la folie du roi Charles VI, Philippe le Hardi entend toutefois mettre fin au schisme, fût-ce par la force, et retire au pontife d’Avignon les taxes ecclésiastiques au profit du royaume. Benoît XIII est assiégé pendant plusieurs mois dans sa citadelle, puis se réfugie chez le comte de Provence, Louis d’Anjou. Pour résoudre la bicéphalie dont l’Église est victime, des cardinaux à Pise déposent les deux pontifes rivaux en 1409 et en élisent un troisième, Alexandre V, auquel succède l’antipape Jean XXIII. La chrétienté d’Occident est alors partagée en trois obédiences entre Rome, Avignon et Pise. En 1415, sur pression de l’empereur Sigismond, le Grand Schisme prend fin avec la nomination du seul pape Martin V, mais l’intraitable Benoît III, retiré à Peñiscola, au royaume d’Aragon qui lui est resté fidèle, refuse de s’incliner et meurt antipape en 1423. Il n’est pas reconnu par le Vatican. Cet ultime séjour du pontife ibérique d’Avignon a aussi été documenté dans le court métrage « Peñiscola, baluarte del Papa Luna » (1940) de Salvador Gijón, qu’interprètent Marianín Camino et Goyo Lebrero (11 min.), film imprégné du national-catholicisme de Franco.
1989Book of Days (FR/US) de Meredith Monk
Dominique Lasseur, Catherine Tage, Amy Schatz/Tatge-Lasseur Production Inc.-House Foundation for the Arts Inc.-La Sept-Alive From Off Center, 75 min. - av. Toby Newman (Eve), Lanny Harrison (la mère juive), Lucas Hoving (le médecin/physicien), Meredith Monk (la folle), Karen Levitas (une fille juive), Rob McBrien (la Mort dansante), Wayne Hankin (le contour), Robert Een (le soldat), Donna M. Fields (la villageoise).
Le pogrom contre les Juifs pendant la Grande Peste et la crainte de l'Apocalypse mis en parallèle avec la crainte du sida, le danger nucléaire et les tensions sociales et religieuses au XXe siècle. Vers 1350, Eva, une jeune fille juive d'un village français (elle porte l'habit noir et un cercle jaune sur la poitrine, signe d'infamie exigé des Juifs par le pape Innocent III au concile de Latran en 1215) a des prémonitions inquiétantes et des visions du futur qu'elle décrit à son grand-père physicien. Ensemble, ils rendent visite à une femme considérée comme folle qui prend la fillette sous sa protection, tandis que les rues du village se peuplent de paysans, de conteurs itinérants et de moines renégats qui accusent les Juifs d'avoir empoisonné les puits. - Film expérimental: une mise en scène aussi originale que fascinante de la musicienne, réalisatrice et chorégraphe américaine Meredith Monk, co-écrite avec Tone Blevins. Première au New York Film Festival (oct. 1989).
Une jeune avocat (Colin Firth, à dr.) confronté aux incongruités d’une juridiction rurale (« L’Heure du cochon », 1993).
1993*The Hour of the Pig / The Advocate / L’Heure du cochon / L’Avocat (GB/FR) de Leslie Megahey
David M. Thompson-CiBy 2000-British Screen Finance-BBC-Mayfair-ECF, 1h57 min. – av. Colin Firth (Richard Courtois), Ian Holm (l’abbé Albertus), Donald Pleasence (le procureur Pincheon), Nicol Williamson (Sire Jehan d’Auferre), Lysette Anthony (Filette d’Auferre, sa fille), Amina Annabi (Samira), Michael Gough (Maître Boniface), Justin Chadwick (Gérard d’Auferre), Harriet Walter (Jeannine Martin), Jim Carter (Mathieu), Sophie Dix (Marie), Vincent Grass (le bailli Labatier), Elizabeth Spriggs (Mme Langlois), Raoul Delfoss (Georges l’aveugle), Jean-Pierre Stewart (le shérif).
Synopsis : En 1452, Richard Courtois, un jeune avocat progressiste las du légalisme corrompu à Paris, s’établit dans le village d’Abbeville en Picardie pour se confronter à des cas plus pratiques et se rendre utile aux paysans. Il y découvre atterré une province campagnarde encore totalement dominée par la superstition, des pactes avec le diable, de la sorcellerie, un état d’ignorance et de crédulité maintenu par le seigneur local (d’Auferre et son laquais, le procureur Pincheon) et l’Église afin de mieux manipuler le badaud. En cour, Courtois se heurte aux incongruités d’une juridiction aberrante, grotesque qui traite les animaux comme des êtres humains, les condamne et les punit. Les rats peuvent « témoigner » au tribunal, mais pas les juifs et autres non-chrétiens. Or des gitans venus d’Afrique du Nord campent dans les parages. Leur cochon, unique moyen de subsistance, étant accusé d’avoir tué un jeune garçon, Samira, beauté exotique, implore Courtois de prendre la défense de l’animal en échange de ses faveurs. Pour sauver la belle et son cochon, Courtois doit découvrir le véritable assassin …
Leslie Megahey, téléaste irlandais dont c’est le premier film pour le grand écran, livre une comédie satirique à plusieurs facettes : à la fois un « murder mystery » rappelant « Le Nom de la rose » (la partie la plus faible), une histoire d’amour interculturelle et une étude sarcastique des conflits entre christianisme et paganisme. Courtois représente à ses yeux l’homme de la Renaissance face aux obtus de la mentalité médiévale. Parmi ceux-ci, le cynique d’Aufferre et sa fille débile (fruit de générations d’inceste) ou l’hilarant et truculent abbé Albertus qui fait passer son confort personnel avant les préceptes de la foi (il couche avec les femmes qui se confessent pour mieux les absoudre). Le tout est étoffé par un échantillon de cas cocasses (mais authentiques, semble-t-il) : au début, un paysan et une ânesse sont condamnés à la pendaison pour sodomie, mais à la dernière minute, l’ânesse est innocentée « car elle a été violée contre sa volonté » ! Les dialogues sont souvent intelligents et mordants, le scénario est imaginatif, mais la farce paillarde qui lorgne du côté du « Tom Jones » de Tony Richardson manque de finesse, trop de grotesque vire au vulgaire. N’est pas Breughel qui veut. Tournage en Rankcolor aux studios Ealing à Londres et à Pérouges. – US : Hour of Judgment.
1998(tv) Enguerrand le guerroyeur (FR) de Bernard Dumont
ORTF (FR3 28.6.-4.10.98), 13 x 25 min. – av. Claude Sesé (Enguerrand), Blandine Métayer (dame Blandine), Bruno Le Millin. – Cette « première série française burlesque médiévale » se déroule en 1367 en Aquitaine occupée par les Anglais, où une minuscule baronie, celle d’Enguerrand, échappe à l’envahisseur (selon le modèle d’Astérix). Sitcom à l’esprit potache, plus proche du mauvais café-théâtre que du comique de situation.
Faux chevalier, Ulrich von Lichtenstein (Heath Ledger) remporte les joutes les plus prestigieuses (« A Knight’s Tale », 2001).
2001A Knight’s Tale (Chevalier) (US) de Brian Helgeland
B. Helgeland/Black and Blu Entertainment-Columbia-Escape Artists-Finestkind, 2h24 min. – av. Heath Ledger (William Thatcher/Ulrich von Lichtenstein de Gelderland), Rufus Sewell (le comte Adhémar d’Anjou), Shannyn Sossamon (Lady Jocelyn), Paul Bettany (Geoffrey Chaucer), James Purefoy (Sir Thomas Calville, alias Edward, le Prince Noir), Laura Fraser (Kate, la forgeronne), Mark Addy (Roland), Alan Tudyk (Wat), Bérénice Bejo (Christiana), Scott Handy (Germaine), Leagh Conwell (William Thatcher jeune), Christopher Cazenove (John Thatcher), Nick Brimble (Sire Hector), Olivia Williams (Philippa Chaucer).
Synopsis : En France vers 1350. La joute est le divertissement en vogue, mais pour la pratiquer il faut être noble. Lorsque Sire Hector, son seigneur, meurt au cours d’un tournoi, William Thatcher, son écuyer, revêt son armure et triomphe à sa place. Au tournoi de Rouen, il rencontre Geoffrey Chaucer, un potache roux, poète errant et faussaire criblé de dettes qui lui fabrique de faux quartiers de noblesse, faisant de lui le chevalier Ulrich von Lichtenstein. Chaucer devient son héraut. Au fil des joutes et des succès, Ulrich/William se forge une solide réputation, bataillant ferme contre l’arrogant comte Adhémar d’Anjou (qui lui dispute les faveurs de la belle Jocelyn) et affrontant en lice à Lagny-sur-Marne même le redoutable Edward, dit le Prince Noir, dont il gagne l’amitié. Tandis qu’Ulrich est victorieux à Bordeaux, d’Anjou, guerroyant dans le sud de la France avec ses mercenaires, prépare sa revanche. Ulrich remporte un tournoi à Paris, puis gagne Londres, sa ville natale qu’il n’a pas revu depuis sa petite enfance, où il retrouve son vieux père aveugle. Revenu de la bataille de Poitiers (1356), d’Anjou fait suivre Ulrich et le dénonce publiquement comme roturier et usurpateur. Il est condamné au pilori, mais le Prince Noir le délivre et l’adoube. Ulrich se mesure en lice à d’Anjou (qui a tenté de le tuer) et lui fait définitivement mordre la poussière : le fils du peuple écrase l’aristocrate.
Brian Helgeland réussit une reconstitution fastueuse des tournois au XVe siècle (« A Knight’s Tale », 2001).
 Geoffrey Chaucer, héros malgré lui
Un film de joutes en armure sans prétention mais assez spectaculaire dans ses reconstitutions, historiquement inconsistant et manifestement calibré pour un public jeune. Scénariste-producteur, Brian Helgeland y introduit, en plus de son éclairage "démocratique" à l'américaine (l'homme du peuple surclasse la noblesse), nombre d’anachronismes intentionnels – coupes de cheveux, coiffures féminines, langage parlé – et notamment de la musique rock (Queen, Eric Clapton, David Bowie, AC/DC, etc.) qui rythme allégrement les tournois, à la joie du public. Chaque combat – réglé avec rythme et efficacité par Allan Graf – se présente comme un match de base-ball en costume médiéval, acclamé par une horde de supporters avinés ; l’entrée en lice des chevaliers n’est pas sans rappeler le début des courses de « Ben-Hur ». Le scénario aligne non sans ironie quelques noms connus, dont le Prince Noir, héritier de la couronne d’Angleterre, et surtout Geoffrey Chaucer (1343-1400), l’auteur, justement, de The Knight’s Tale, le premier des vingt-deux Contes de Canterbury (lui-même basé sur le conte Teseida delle nozze di Emilia de Boccace) ; mais le texte de Chaucer est sans rapport avec le sujet du film. Il en va de même quant à l’authentique Ulrich von Lichtenstein (1200-1278), un fameux chevalier-troubadour autrichien. Notons qu’en 1359, Chaucer fit partie de l’armée anglaise qui envahit la France et y fut capturé lors du siège de Reims ; après sa libération, il séjourna plusieurs années dans l’Hexagone. Quant au personnage principal, William Thatcher, il est clairement inspiré de Guillaume le Maréchal / William Marshal (v. 1146-1219), surnommé "le meilleur chevalier du monde": De petite extraction, il devint un tournoyeur réputé, fut annobli (premier comte de Pembroke), servit cinq rois anglais et devint Régent d'Angleterre en 1216 (cf. s. Henry II Plantagenêt).Tourné en République tchèque, dans les studios Barrandov à Prague où sont recrées des quartiers de Rouen et de Londres, « A Knight’s Tale » coûte 65 millions de $ et en rapporte près du double. Heath Ledger, la star australienne du film, décédera sept ans plus tard d’une overdose, à l’âge de 28 ans. – DE : Ritter aus Leidenschaft, IT : Il destino di un cavaliere, ES : Destino de caballero.

Des archéologues du XXIe siècle largués au cœur de la Dordogne, en pleine guerre de Cent Ans (« Timeline », 2003).
2003Timeline (Prisonniers du temps) (US) de Richard Donner
Donner-Artists Prod.-Paramount, 1h56 min. – av. Paul Walker (Chris Johnston [=Christopher S. Hugues/Christopher de Hewes]), Frances O’Connor (Kate Ericson), Gerard Butler (André Marek/Andrew d’Eltham), Billy Connolly (prof. Edward A. Johnston/Edwardus de Johnes), Anna Friel (Dame Claire [=Claire d’Eltham]), Lambert Wilson (sire Arnaut de Cervole, son frère), Michael Sheen (Lord Oliver de Vannes), Marton Csokas (Sir William De Kere/William Decker), David Thewlis (Robert Doniger).
Synopsis : Lors de la fouille du site médiéval de Castelgard, en Dordogne, un groupe de jeunes archéologues du XXIe siècle se retrouve propulsé avec leur professeur, Edward Johnston, dans la Dordogne de 1357 déchirée par la guerre de Cent Ans. Les excavations ont en effet été financées par la société ITC en Arizona qui travaille secrètement à un système pour se déplacer dans le temps, non sans risques. Johnston et ses jeunes étudiants participent malgré eux aux combats féroces entre Anglais et Français. Au cours de la prise du château de Castelgard, ils parviennent de justesse à regagner le présent. Passionné de chevalerie et de Moyen Âge, André Marek choisit en revanche de rester au XIVe siècle avec Lady Claire qu’il a sauvée de la pendaison, modifiant ainsi le cours de l’histoire. Ses anciens amis découvrent son gisant dans les ruines et apprennent qu’il a vécu une belle fin de vie.
André (Gerard Butler) et Lady Claire (Anna Friel) choisissent de finir leur vie ensemble au Moyen Âge (« Timeline », 2003).
 Adaptation simpliste mais pas déplaisante d’un roman de science-fiction uchronique de Michael Crichton (1999), filmée par le réalisateur de « Ladyhawke » (1988). Une fois de plus, Crichton confronte présent et fantasmes du passé (« Westworld/Mondwest », « Jurassic Park »). Le scénario du film, carré, prévisible, inverse la situation de départ : dans le roman, l’agresseur victorieux de Castelgard (lieu fictif) n’est pas l’ost français, mais une compagnie de deux mille brigands, chevaliers et hommes d’armes sous le commandement d’un défroqué, Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre (personnage éliminé du script), grand massacreur de moines et de manants. Crichton témoigne d’une connaissance du Moyen Âge et de ses complexités infiniment plus approfondie que les cinéastes et éclaire, sans jugements de valeur, la mentalité, les mœurs, les idiomes d’une époque souvent aux antipodes de la nôtre. Ses protagonistes passent d’un étonnement, d’une découverte à l’autre. Le film évacue toute réflexion dans ce sens, ne se concentrant que sur l’action pure. Celle-ci est menée avec une belle efficacité et un soin particulier dans les détails, mais l’ensemble ne possède ni la richesse informative ni la touche un brin mélancolique du texte, ce qui explique partiellement l’échec public et critique retentissant du film (qui aurait subi auparavant plusieurs remontages). Les séquences médiévales à Castelgard sont pourtant filmées à grands frais dans la province du Québec (Rawdon, Dorwin Falls) et la forteresse de La Roque est reconstruite à Terrebonne, dans la banlieue de Montréal, où les combattants déploient un éventail impressionnant de techniques de siège : nuées de flèches noires invisibles dans la nuit, trébuchets, feu grégeois, etc. Produit avec un budget faramineux de 80 millions de $, « Timeline » ne totalisera que 43 millions de recettes. – DE : Timeline – Bald wirst du Geschichte sein, IT : Timeline – Ai confini del tempo, ES : Rescate en el tiempo (dvd).
Une biographie insolite de Christine de Pizan (Amanda Sandrelli), prolifique femme de lettres au XIVe siècle.
2009Wounded (AU) de Chad Aston
Chad Aston Prod., 15 min. - av. Ben Maclaine (Orton), Ricky Price (Landan), Henry Richardson (Philip). Daniel Hall, Andrew Sadler, Trevor Bull, Hugh McDonald, Tor Laurens, Tim Ryall.
En 1428, deux chevaliers et un fantassin anglais, seuls survivants d'une armée de renforts envoyée à Orléans, sont piégés dans une forêt infestée par des mercenaires à la solde des Français. Aucun ne survit. Unique film "médiéval" tourné en Australie.
2009/10Christine Cristina (IT) de Stefania Sandrelli
Cinemaundici-Diva-Rai Cinema, 1h32 min. – av. Amanda Sandrelli (Christine de Pizan), Alessio Boni (Jean de Gerson), Alessandro Haber (Charleton, le ménestrel), Roberto Herlitzka (Sartorius, recteur de l’université de Paris), Paola Tiziana Cruciani (Thérèse), Ted Rusoff (frère Severino), Blas Roca-Rey (Carmaux), Antonella Attili (Nana), Sara Bertelé, Mattia Sbragia.
Synopsis : Quoique de naissance vénitienne, Christine (de son vrai nom Cristina di Benvenuto da Pizzano) arrive à Paris dans son enfance, son père, Thomas de Pizan, ayant été nommé astronome à la cour de Charles V en 1368. Lorsque le roi disparaît, Etienne de Castel, l’époux français de Christine, perd son poste de notaire à la cour. Il meurt ruiné, Christine est déchue de tous ses droits. Âgée de 26 ans, sans ressources, contrainte de vivre d’expédients parmi la lie de la société, avec deux fils à élever, elle se découvre un talent pour la poésie grâce à Charleton, un ménestrel qui parcourt les tavernes et qui héberge sa petite famille. Ses vers attirent l’attention de Jean de Gerson, un théologien progressiste qui la prend sous sa protection et l’introduit dans les milieux intellectuels. Accusée d’abord d’hérésie et d’outrage aux bonnes mœurs, Christine devient, à force de combattre les préjugés, l’une des seules voix féminines de la poésie de la fin du Moyen Âge et, dès 1399 une des premières mères de famille de langue française à vivre de sa plume.
Auteur très prolifique, Christine de Pizan (1365-v. 1432) composa des traités de politique et de philosophie, et des recueils de poésie ; on lui doit, entre autres, Cent ballades d’amant et de dame, La Cité des dames et un Ditié de Jeanne d’Arc rédigé au monastère de Poissy peu avant sa mort. Le gros de son travail a été accompli à Paris entre 1400 et 1418. Le film est né de la fascination pour ce combat « archaïque » en faveur des femmes et de leur représentation dans la littérature. C’est la première réalisation de la comédienne Stefania Sandrelli (découverte, à peine adolescente, dans « Divorzio all’italiano » de Pietro Germi en 1961, et depuis une habituée des films de Monicelli, Fellini, Scola et Bertolucci). Elle confie le rôle-titre à sa propre fille, Amanda, et tourne à Paris, puis dans des décors recyclés à Cinecittà. L’entreprise est sans conteste courageuse pour une première œuvre, et pavée de bonnes intentions. Pourtant, l’ennui s’installe, car cette féministe avant la lettre évolue dans une ambiance suave, hors du temps, bavarde et un peu théâtrale (les acteurs récitent leurs textes en rime). Les scènes fortes manquent, la cinéaste peinant à intégrer son héroïne à son époque particulièrement troublée, malgré quelques tueries et pillages sporadiques (la guerre civile sévit entre Bourguignons et Armagnacs). Tournage au château Caetani et dans le bourg médiéval de Sermoneta (Latium). Présenté hors compétition au Festival de Rome 2009.
Clément Sibony recherche l’or des Templiers dans la commanderie bourguignonne d’Assier (« La Commanderie »).
2010(tv) La Commanderie (FR) de Didier Le Pêcheur
Jean-François Boyer, Emmanuel Daucé/Tétra Média-A Plus Image-France Télévision (FR3 10-24.4.10), 8 x 45 min. – av. Clément Sibony (Thomas Cortemain), Louise Pasteau (Constance de Montet), Antoine Cholet (Géraud de Castenay), Antoine Basler (Hugues d’Avène), Carlo Brandt (le commandeur Roger de Neuville), Maher Kamoun (Maître Elias Sabet), Gérard Loussine (Frère Pons), Nathalie Blanc (Brune), Ophélia Kolb (Aygline), Magali Woch (Barbe), Pascal Elso (Geoffroy de Montet), Frank Manzoni (le Breton), Scali Delpeyrat (Louis Ier, duc d’Anjou), Olivier Claverie (Monseigneur Ravello), Sébastien Libessart (Quentin), Nicolas Gonzales (le sculpteur Laurent), Dominique Labourier (Mme de Saint-Cergue), Jacques Herlin (l’ermite du Combast), Maxime Lefrançois (Pierre Sicart), Morgane Kerhousse (Guillemette Marty), Jérôme Paquatte (Saleille), Nicolas Woirion (Chabert).
Synopsis : En 1375, sous le règne de Charles V, sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. La paisible commanderie bourguignonne d’Assier, une ancienne place forte des Templiers tenue par un petit groupe de moines hospitaliers, représente le dernier espoir d’une population victime de la guerre et de la peste. Un jour, Hugues d’Avène, dignitaire de l’ordre des Hospitaliers, vient inspecter les comptes. En réalité, il est chargé de retrouver le fameux trésor des Templiers, fortune qui permettrait de lancer une nouvelle croisade vers Jérusalem. Outre la chasse à l’or, caché dans la région, peut-être sous la forteresse elle-même, le quotidien de la commanderie se complique : l’abbé Géraud doit porter aide à une poignée de paysans qui se voient refuser l’accès d’un lieu de pèlerinage par la bande de brigands locale que dirige le Breton. Brune, la guérisseuse, pense, elle, avoir trouvé un excellent parti pour un mariage avantageux – avant de rencontrer la mère de l’élu. Constance de Montet et sa servante Barbe rivalisent d’imagination pour écarter l’échevelé capitaine Thomas Cortemain et le belliqueux d’Avène d’une course au trésor qui obsède bientôt tout le monde. Seigneur des lieux, Geoffroy de Montet se fait trucider par Barbe après l’avoir violée et violenté son épouse. Celle-ci se donne à Thomas, qu’elle aime, mais le cruel duc d’Anjou lui fait révéler sous la torture le souterrain où se trouveraient les richesses tant convoitées. Le caveau ne contient que des reconnaissances de dettes et un fragment de l’Évangile de Marie de Magdala en araméen, dans lequel le Christ promet l’enfer aux esclaves de l’or. Un ecclésiastique commente l’héritage des Templiers : « Nous avons pris Jérusalem par la volonté de Dieu, nous l’avons perdu pour les mêmes raisons. Dieu a donné la victoire aux ennemis de la foi. Nous ne retournerons plus jamais en Palestine. Voilà la vérité que les chevaliers du Temple ont ramenée de Terre sainte et que nul désirait entendre … » Fou furieux, d’Anjou ordonne la destruction des souterrains avec son contenu. Constance et Thomas choisissent d’y être ensevelis ensemble plutôt que de survivre séparés.
Les producteurs d’« Un village français » (2009-2018), série à succès sur la France profonde sous la botte nazie, s’affairent à recréer un quotidien médiéval fort crédible, la commanderie étant un microcosme qui concentre tous les enjeux de l’époque, économiques, médicaux, religieux. Le scénario de Ludovic Abgrall (idée) et Sébastien Mounier reprend les mêmes principes : forme chorale, souci de raconter les humbles, non les puissants, de décrire le quotidien et non les hauts faits historiques. Avec l’appui de l’historienne Paulette L’Hermite-Leclercq, il s’agit de donner un coup de pied dans l’imagerie d’Epinal et le faux parler propagés en particulier à la télévision française par « Les Rois maudits » (2005). Ce déboulonnage des clichés, loin du romantisme à la Walter Scott comme de la légende noire d’un Moyen Âge des ténèbres, est plus proche de la recherche sur les mœurs de la série « Rome » (2005) que du clinquant des « Tudors » (2009). Les rapports sexuels révèlent l’effarante domination masculine, le poids des superstitions, l’omniprésence de l’Église, mais aussi la licence et des aspirations libertaires qui n’ont pas attendu 1789 pour se manifester. Mais en plongeant au cœur d’un système de valeurs dont tant sont devenues étrangères, il a fallu insérer dans le récit divers enjeux contemporains : la guérisseuse rebelle (Brune), le petit paysan qui veut apprendre à lire (Niot), les émois homosexuels (Géraud de Castenay et le sculpteur Laurent, Barbe amoureuse de sa maîtresse), le discours féministe, etc. Le tournage a lieu en Bourgogne, au château de Pisy, dans les collines de l’Yonne et dans le Cher (Savigny-en-Sancerre, Boulleret). Décors et costumes sont impeccables, mais en dépit d’annotations très justes, l’intrigue principale piétine après quelques épisodes et les histoires parallèles ne suffisent pas toujours à maintenir l’intérêt. La série s’embourbe, alourdie par un jeu inégal, parfois théâtral et maniéré (l’ignoble duc d’Anjou), jusqu’aux rebondissements bienvenus du dernier acte.
Episodes : 1. « Jeux de dupes » – 2. « L’or des Templiers » – 3. « Volonté divine » – 4. « La procession » – 5. « L’arrivée du duc d’Anjou » – 6. « L’imposteur » – 7. « Trésor et tentations » – 8. « Rédemption ».
Un terrifiant complot du Vatican visant à discréditer l’antipape Clément VII d’Avignon en propageant la peste à Carpentras (« Inquisitio », tv 2012).
2012(tv) Inquisitio (FR) de Nicolas Cuche
Jean Nainchrik/Septembre Productions-France Télévisions (FR2 4.-25.7.12), 8 x 52 min. – av. Aurélien Wilk (Nicolas Tasteville / Samuel de Naples), Vladislav Galard (Guillaume Tasteville / Guillermo Barnal, le Grand Inquisiteur), Annelise Hesme (Madeleine, la sorcière), Hubert Saint-Macary (David de Naples, père de Samuel), Olivier Rabourdin (Raymond de Turennes, le Capitaine des Armes), Lula Cotton-Frapier (Aurore de Naples, fille de Samuel), Anne Brochet (Catherine de Sienne), Michaël Vander-Meiren (l’antipape Clément VII), Quentian Merabet (Silas), Philippe Duclos (le Grand Rabbin Jacob de Millaud), Yves Jacques (cardinal de Mirail), Philippe Laudenbach (Nathanaël Arnavi, le bayon), Christophe Fluder (Blaise Dutertre, le nain), Hubert Saint-Macary (David), Anne-Sophie Franck (Éléonore), Bastien Bouillon (Pierre de Luxembourg).
Synopsis : Le royaume de France en hiver 1378. Tandis que la Grande Peste fait des ravages à travers l’Europe et décime un tiers de la population française, l’Église catholique est déchirée par le Grand Schisme d’Occident et voit s’affronter deux papes, l’un à Rome, Urbain VI, l’autre en Avignon, Clément VII. À Carpentras, capitale du Comtat Venaissin qui accueille les Juifs depuis plus d’une siècle, Guillermo Barnal et Samuel de Naples s’affrontent. Tout les oppose, leur foi et leur convictions : l’un incarne la Sainte Inquisition, l’autre, médecin et fils de médecin, fait partie de la communauté juive, regroupée dans un même quartier et contrainte de porter la rouelle. Barnal est convaincu que la peste est une punition divine et qu’il faut avant tout rassurer la population, tandis que l’autre estime que la pandémie peut être combattue, qu’elle est propagée par les rats et n’a rien de surnaturel. Pour Barnal, « accroître le savoir des hommes, c’est réduire le territoire de Dieu ». Samuel, lui, croit en la science et au progrès. Barnal est en vérité le premier fils du seigneur Tasteville ; à la suite de la peste noire et de la tentative de noyade sur son petit frère, il a fait vœu devant Dieu de servir l’Église et pour racheter ses péchés, il s’est crevé un œil. Vingt-cinq ans plus tard, le voilà devenu Grand Inquisiteur au service du pape d’Avignon, chargé d’enquêter à Carpentras sur le meurtre mystérieux d’un abbé crucifié devant son église. La nuit, Samuel et son père David sont appelés en cachette dans le quartier catholique pour y sauver une femme menacée par un accouchement difficile et pratiquent sur elle une intervention chirurgicale interdite. Dans l’église située à côté, un autre clerc, l’abbé Tuillard, est en train de brûler. Selon Madeleine, jeune herboriste rousse qui vit seule dans la forêt pour échapper aux accusations de sorcellerie, l’abbé assassiné portait les stigmates de la peste. Ayant appris par la torture la présence de David et de Samuel à proximité du lieu du crime, Barnal les fait arrêter, mais doit bientôt les relâcher à la demande de Clément VII : les Juifs ont accepté de lui prêter de l’argent pour financer sa guerre contre le pape de Rome en échange de leur libération. Accusés de sorcellerie et des meurtres des abbés, David et Samuel passent au tribunal de l’Inquisition. Laplotte, l’évêque de Carpentras, disparaît à son tour, on le retrouve crucifié et recouvert des bubons de la peste. Alors que Barnal va soumettre Samuel à la question, David lui révèle un secret : Samuel n’est pas son fils, c’est un chrétien du nom de Nicolas Tasteville, soit le propre frère de l’inquisiteur, son ennemi juré. Samuel-Nicolas est libéré, mais pour innocenter son père adoptif David, resté en prison, il recueille des indices accréditant la thèse d’un complot venant d’Italie et fomenté par Urbain IV. Barnal se laisse progressivement convaincre : le discrédit de la papauté d’Avignon passe par la contamination calculée de la population (des rats infestés sont introduits nuitamment à Carpentras) et le meurtre « satanique » de ses prélats. Car si l’épidémie se propage dans la région, c’est signe que Dieu abandonne l’antipape français. Afin d’impressionner le peuple, le cardinal de Mirail, conseiller de Clément VII, propose de faire amener le suaire du Christ à Avignon par le jeune Pierre de Luxembourg, qui a la réputation de faire des miracles (1) ; la sainte relique est dérobée en cours de chemin, mais les truands n’osent toucher à Pierre. Barnal se heurte à Turennes, Capitaine des Armes à Carpentras, une immonde brute complice de Rome qui cherche à le perdre, viole Madeleine et se fait trucider par Samuel-Nicolas. À Avignon, Barnal révèle l’ampleur du complot romain à Clément VII, sauve non sans peine Madeleine du bûcher (on brûle une autre innocente à sa place, « pour l’exemple » et calmer la population), et, révolté par tant d’ignominies, demande à être relevé de ses qualités d’inquisiteur. Il se fait moine errant, tandis que Samuel-Nicolas, rejeté par la communauté juive, récupère sa fille Aurore et Madeleine.
Grand Inquisiteur, Guillermo Barnal (Vladislav Galard) terrorise Carpentras dans un feuilleton violemment anticlérical (« Inquisitio »).
 Une méconnaissance irrecevable et tout sauf innocente du Moyen Âge
Disons en préambule que cette télésérie estivale de France 2 constitue à première vue un bon thriller – sur le modèle du « Nom de la Rose » de Jean-Pierre Annaud – , efficace, virtuose, au rebondissements nombreux, parfois un peu kitsch, qui parvient à accrocher un auditoire distrait et peu exigeant. Tout a été tourné en décors naturels (budget : 9,5 millions d’euros), pour faire « vrai » : forteresse de Salses (Pyrénées-Orientales), Avignon et son Palais des Papes, Gordes, forêt de Bonnieux et Lacoste (Vaucluse), Tarascon, abbaye de Montmajour (Bouches-du-Rhône), Villeneuve-lès-Avignon, Fort Saint-André (Gard), Céreste, Noyers-sur-Jabron (Haute-Provence), Narbonne (Aude), Tallard, Orpières (Hautes-Alpes), Tallard, Arles et château de Pierrefonds (Oise). Les titres des épisodes sont en latin, ça fait érudit. Et pourtant, le produit final cumule sans vergogne les pires clichés, comme le signale outré Télérama (27.6.12) : « L’ecclésiastique libidineux, le nain aux dents pourries, la sorcière rousse, les séances de tortures variées, les cohortes de pestiférés… rien ne manque dans cette potion, plus indigeste que magique ». Dans Paris Match, l’écrivain Gilles Martin-Chauffier estime que la série « ressemble au Moyen Âge comme un bac à sable rappelle le Sahara » (26.7.12). La série dénote en effet une méconnaissance grave du Moyen Âge, réduite à cette caricature idéologique propagée dès le XVIIIe siècle, un temps qui serait une parenthèse obscurantiste de l’histoire de l’humanité opposée à toute forme de connaissance et de savoir scientifique (« la diffusion des livres y était le triomphe du diable », selon Michelet et les manuels républicains) et que seule vint éclairer la soi-disante Renaissance (période particulièrement portée sur la chasse aux sorcières) ; on oublie que Giordano Bruno périt sur le bûcher en 1600 et l’astronome Galilée affronta ses juges en 1633. La population est par définition illettrée, avide de sang et crédule, les gens ne se lavent jamais, et, cela va de soi, « on brûle pour un oui ou un non ». Tant pour un âge qui créa l’instruction pour tous, les premières encyclopédies, les universités et le baccalauréat, l’architecture romaine et gothique, etc. Les correctifs sans appel de l’historiographie moderne n’ont manifestement pas encore atteint les rivages de l’audiovisuel, de l’inculture populaire et de l’imaginaire collectif du XXIe siècle. Soit, le téléaste Nicolas Cuche reconnaît que sa série tient « plus de la science-fiction et des jeux vidéo que de la vérité de reconstitution » (une litote), mais il n’empêche que son travail relève de la tromperie quand sont travestis des faits et des personnages sur lesquels les archives nous renseignent parfaitement, car le téléspectateur non averti avale ce salmigondis grandguignolesque comme authentique – ce que confirment diverses réactions sur les blogs.
N’étant pas à une contradiction près, les auteurs se défendent d’avoir crée « un brûlot anticlérical », ils auraient seulement « raconté l’échec et les ravages du fanatisme religieux et de l’intolérance » (J. Nainchrik). Ils donnent donc à voir le pape Clément VII dans son bain en compagnie de jeunes personnes dévêtues, des cardinaux blasphématoires, un évêque criminel qui cache l’épidémie et interdit de prendre des mesures de protection pour la population afin de ne pas discréditer l’Église « abandonnée par Dieu ». Mieux : des fidèles du pape Urbain VI à Rome inoculant sciemment la peste dans la Comtat Venaissin sur ordre de Catherine de Sienne – la sainte mystique étant réduite à une névrosée aux pulsions perverses et mortifères, assimilation qui relève non seulement de l’invraisemblable, mais de la franche imbécillité (2). « Il arrive que le Diable se mette parfois au service de Dieu », affirme la péronnelle en burette avec une arrogance toute machiavélique. Passons sur l’antagonisme binaire entre le clerc et le médecin, la recette fonctionne toujours. Reste l’activité de l’Inquisition médiévale (l’éradication de l’hérésie à travers de longues enquêtes) qui est, comme d’habitude, systématiquement confondue avec les excès de l’Inquisition espagnole née à la fin du XVe siècle sur instigation du nouvel État et accentués par la Contre-Réforme (car la grande époque de l’Inquisition est postérieure au Moyen Age et à la Renaissance). Enfin, n’en déplaise aux scénaristes, les accusés des tribunaux d’inquisition moyenâgeux avaient le droit d’introduire des témoins à décharge et de récuser leurs juges ; de plus, les Juifs ne tombaient pas sous le coup de cette institution fondée pour réprimer l’hétérodoxie chrétienne uniquement. Ces divers facteurs déclenchent une polémique dans les médias de l’Hexagone et expliquent pourquoi les deux premiers épisodes d’« Inquisitio » atteignent 4,3 millions de téléspectateurs, alors que les suivants chutent brutalement à 2,9. La Conférence des évêques de France exprime publiquement son désaccord. Un collectif de blogueurs catholiques dénonce la série par l’humour, en créant une vidéo parodique ainsi qu’un site Internet plus sérieux, « L’Inquisition pour les nuls », dont l’objectif est de renseigner sur l’époque. Voilà qui ne peut pas faire de mal, quelle qu’en soit l’intention.
Episodes : 1. « De viris / Des hommes » – 2. « Decendi & iudicandi / D’enseigner et de juger » – 3. « Murus strictus / Murs étroits » – 4. « Dura lex sed lex / La loi est dure mais c’est la loi » – 5. « Hic Jacet / Ci-gît » – 6. « Aura popularis / Le Vent de la faveur populaire » – 7. « Consensus omnium / Le Consentement universel » – 8. « Acta est fabula / La pièce est jouée ».

(1) – Chanoine de Paris en 1378, ascétique, gratifié d’extases au cours desquelles le Christ lui serait apparu, Pierre de Luxembourg (1369-1387) n’a que dix-sept ans quand il est nommé cardinal par Clément VII en 1386 ; adulé des pauvres, il conserve à la cour d’Avignon son mode de vie austère, s’infligeant des jeûnes qui entraîneront sa mort prématurée dix mois plus tard. Il sera béatifié par Rome en 1527.
(2) – Sainte Catherine de Sienne (Caterina Benincasa, 1347-1380), tertiaire dominicaine mystique et l’une des quatre seules femmes à être déclarées Docteur de l’Église (en raison de ses écrits théologiques, dont Le Dialogue), est une des figures marquantes du catholicisme médiéval. Elle combat la division de l’Église que constitue le Grand Schisme en soutenant l’autorité du pape Urbain VI. Décédée à l’âge de trente-trois ans, elle sera canonisée en 1461. (Pour les films sur elle, cf. Italie.)
2012(tv) La Vie dans une seigneurerie normande à la fin du Moyen Âge (septembre 1450) (FR) de David Perrier
série "Le Visiteur de l'Histoire", Sébastien Brunaud, Arnaud Poivre d'Arvor/Phare Ouest Productions-France Télévisions (FR5 9.12.12), 52 min. - av. Arnaud Poivre d'Arvor (Arnaud, le Visiteur), Christophe de Ceunynck, Nathalie Ledard, Florence Michel-Boissière, Jean-Pierre Lucas, Fabien Hamm, Franck Touquet, Olivier Patroux-Gracia, Christophe Colivet, Nathalie Colivet, Sabrina Manuel, Dominique Delgrange, Vincent Lecouturier, Véronique Durey, Guillaume Doignon, Emmanuel Paris, David Baillet, Florent Renaudin, Verénique Montebualt, Nicolas Méreau, Patrick Houlette, Joël Jadoux et l'Association pour l'Histoire Vivante.
Le passage de soldats au château de Crèvecoeur-en-Auge, petite forteresse normande, est l'occasion pour le Visiteur de vivre pendant trois jours dans une famille de laboureurs à la fin de la guerre de Cent Ans, quelques mois après la victoire française de Formigny (15 avril) qui va permettre de bouter les Anglais hors de France. Film didactique fort instructif, avec reconstitutions diverses, qui permet d'analyser la vie quotidienne, les us, coutumes, traditions et les moeurs de l'époque dans l'enceinte d'une place forte très disputée pendant la guerre de Cent Ans.