II - L’EMPIRE BRITANNIQUE

9. LES INDES BRITANNIQUES (« THE RAJ »)

L’armée coloniale britannique attaquée par les indigènes (« Gunga Din » de George Stevens, 1939)

9.4. LA FRONTIÈRE NORD-OUEST, LE COL DE KHYBER ET LES DEUX GUERRES D’AFGHANISTAN

En Afghanistan se heurtent les visées expansionnistes russes de Nicolas Ier et les intérêts britanniques, notamment en ce qui concerne la question de la sécurité des frontières du nord-ouest de l’Inde anglaise. La première guerre afghane (1839-1842) se solde par la victoire humiliante de l’émir Dost Mohammed Khan sur l' "armée de l'Indus" anglaise qui visait à le destituer, avec l’annihilation des 16’000 hommes de la garnison indo-britannique de Kaboul sur les hauteurs enneigées de Gandamak (massacrés ou réduits en esclavage) par les guérilleros afghans, le 13 janvier 1842. (Cet épisode n’a jamais été porté à l’écran tel quel, mais le traumatisme national qu’il a suscité en Grande-Bretagne se lit dans tous les films du présent chapitre.) Les intelligences de Shir Ali, fils de Dost Mohammed, avec la Russie d’Alexandre II provoquent la deuxième guerre afghane (1878) au terme de laquelle les Britanniques se font concéder la garde de la passe de Khyber/Khaïber et un contrôle sur la politique étrangère. L’Afghanistan restera fidèle à sa vocation d’Etat-tampon entre les impérialismes russe et anglo-saxon.
1909A Prince of Khyber (GB)
Empire Films (Butcher), 195 m. - Une princesse rajpoute aide un colonel britannique et sa famille à échapper aux sbires de son époux.
1929[The Black Watch / GB : The Khyber Rifles / King of the Khyber Rifles (La Garde Noire) (US) de John Ford [et Lumsden Hare] 
Winfield Sheehan/Fox Film, 93 min. – av. Victor McLaglen (cpt. Donald Gordon King), Myrna Loy (Yasmani [Yasmini]), Roy D’Arcy (Rewa Ghunga), Pal Sommerset (officier Black Watch), Mitchell Lewis (Mohammed Khan), Walter Long (Harem Bey), Francis Ford (major MacGregor), Lumsden Hare (le colonel des Black Watch).
En août 1914, au moment où, autour d’une table bien arrosée, le commandant des « Black Watch » écossais à Londres annonce le début de la Première guerre mondiale, de l'autre côté de la planète, en Inde, la belle princesse Yasmani appelle à la guerre sainte contre l’occupant britannique. Le capitaine King, qui a vécu aux Indes, reçoit la mission ultrasecrète de prévenir le soulèvement à Peshawar. Parti pour l'Orient, il est considéré comme un couard aux yeux de ses camarades mobilisés en Flandres. Il ravale sa fierté, s’introduit dans le repaire de Yasmani en se faisant passer pour un déserteur, meurtrier d’un officier britannique, et annihile les rebelles. De retour en Europe, ses camarades en kilt l’accueillent chaleureusement au son de « Bonnie Laddie » et autour d’une verrée de « Loch Lomond ».
Le roman du Britannique Talbot Mundy (King – of the Khyber Rifles, 1916), qui se déroule également à l’aube de la Première guerre mondiale, est marqué par les errances professionnelles de l’auteur en Inde et son adhésion à la Société théosophique de Mme Blavatsky dont les délires pseudo-ésotériques nourrissent son imaginaire et aboutissent à une caricature grotesque de l’hindouisme. Le film qu’en tire la Fox est doublement déséquilibré, d’une part sur le plan formel par des séquences parlées effroyablement théâtrales, tournées par le comédien anglais Lumsden Hare qui, sur ordre de la production, fonctionne également comme « dialogue director ». À en croire l’historien Tag Gallagher, John Ford (dont c’est le premier film parlant) estimera que le travail de Hare est « à vomir ». Déséquilibré d’autre part par son sujet, qui est abracadabrant : la princesse « mystique » Yasmani/Yasmini se prétend une descendante d’Alexandre le Grand (elle a donc « du sang aryen » dans les veines), une sorte de grande prêtresse magicienne dans la lignée d’Ayesha (She de H. Rider Haggard) réunissant dans ce salmigondis tous les clichés de l’Orientale maléfique. Quant à Ford, soutenu par cette vieille ganache sentimentale de Victor McLaglen, il célèbre comme à l’accoutumée l’uniforme, le drapeau, les joyeuses beuveries du mess d’officiers, le compagnonnage viril et tonitruant de l’armée, des éléments totalement inexistants dans le roman de Mundy et qui – selon son biographe Brian Taves – mettront l’auteur en fureur. Son roman se passe du début à la fin en Inde, et sans whisky, le « Black Watch » (nom d’un fameux bataillon d’infanterie du Régiment royal d’Écosse) n’y est même jamais mentionné, Mundy se sentait expatrié et évitait l’Angleterre. Enfin, dans le texte, King (prénom : Athelstan) n’a rien d’écossais et la princesse russo-rajpute Yasmini – forte, manipulatrice, amorale, fascinante – survit à l’affrontement final pour se terrer dans ses bras (elle réapparaît dans cinq autres romans). Aux yeux de Hollywood, tout cela est inacceptable et doit être remplacé par les clichés usuels. Hélas, le racisme omniprésent, choquant du film n’est pas sans évoquer celui du « Juif Suess » dix ans plus tard : tous les indigènes y sont de la vermine, et le héros les fait exterminer jusqu’au dernier à la mitrailleuse, pour clore le film sur un charnier réjouissant de « hordes terroristes ». Peut-être le titre le plus embarrassant de la filmographie fordienne (où domine surtout le massacre des Amérindiens par la vaillante cavalerie US). Remake idéologiquement très différent en 1953 (cf. infra), situé, lui, au XIX e siècle.
Cela dit, on ne peut s'empêcher d'établir un rapprochement ici avec le fantasme fort répandu du "péril jaune" qui menacerait à la fois l'Occident (à savoir "la" civilisation) et la domination planétaire des Blancs - vision qu'on retrouve, par exemple, dans les romans populaires de Sax Rohmer (à propos du terrible Fu Manchu). En 1932 sort sur les écrans "The Mask of Fu Manchu (Le Masque d'Or)" de Charles Brabin, où un Oriental dément et bien sûr infiniment cruel (Boris Karloff) tente de réunir tous les Orientaux - Asiatiques de tout acabit, Hindous, Persans, Arabes - sous l'épée de Gengis Khan pour éradiquer la race blanche de la planète; le vaillant civilisé anglais extermine toute la racaille au canon magnétique, de manière très similaire à celle mise en scène dans "Black Watch". On reste confondu à penser qu'au même moment, la seule réelle menace planétaire se dessinait … en Occident, sous les traits d'un certain Adolf Hitler et de ses tueurs psychopathes. Quant aux autres idéologies qui mettaient la paix du monde à mal (le nationalisme militariste nippon, l'URSS), elles étaient également de provenance occidentale. Comme le souligne Aimé Césaire dans son fameux Discours sur le colonialisme (1955), ce que le Blanc "ne pardonne pas à Hitler, c'est d'avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d'Algérie, les coolies de l'Inde et les nègres d'Afrique". Instructif... ]
Trois lanciers du Bengale font échouer une insurrection (« Lives of a Bengal Lancer » de H. Hathaway, 1933)
1934/35***The Lives of a Bengal Lancer (Les Trois Lanciers du Bengale) (US) de Henry Hathaway 
Louis D. Lighton/Paramount, 109 min. – av. Gary Cooper (ltn. Alan McGregor), Franchot Tone (ltn. « Fort » Forsythe), Richard Cromwell (ltn. Donald Stone), Sir Guy Standing (col. Stone), C. Aubrey Smith (major Hamilton), Kathleen Burke (Tania Volkanskaya), Douglas Dumbrille (Mohammed Khan), Monte Blue (Hamzullah Khan), Colin Tapley (ltn. Barrett), Akim Tamiroff (Othman Ali Bahadur, émir de Gopal), J. Carrol Naish (le grand vizir), Noble Johnson (Ram Singh), Lumsden Hare (maj. gén. Sir Thomas Woodley), Jameson Thomas (Hendrickson).
Les lieutenants Forsythe et Stone sont affectés au 41ème des Lanciers du Bengale chargés de surveiller les agissements suspects de Mohammed Khan et des rebelles Afridis. Ils deviennent les amis inséparables de McGregor, qui a plus d’expérience qu’eux. Le colonel Stone, commandant du régiment, fier et maladroit, se montre insensible à l’arrivée de son fils. Lors d’un bal chez l’émir de Gopal, le jeune Stone s’éprend de Tania, une espionne russe qui le livre à Mohammed Khan. McGregor et Forsythe s’introduisent déguisés dans la forteresse rebelle de Mogala pour le sauver, mais ils sont démasqués et torturés afin de révéler la route que va prendre un important convoi d’armes et de munition. Stone craque et parle, McGregor lui fait jurer de ne jamais évoquer ces aveux forcés, pour sauver l’honneur du régiment. Les trois s’évadent et font sauter le repaire ennemi à l’instant où les Anglais se lancent dans une charge suicidaire contre les Afridis armés jusqu’aux dents. McGregor meurt héroïquement et Stone se rachète en poignardant Mohammed Khan.
La réalisation magistrale de Hathaway, l’ironie "upper class" de Franchot Tone et le charme, le flegme et l’audace de Gary Cooper font de cette bande le chef-d’œuvre du film d’aventures coloniales, cent fois copié par la suite mais jamais égalé. Des exploits menés tambour battant (embuscades, chasse aux sangliers, la tuerie finale), des images ciselées, beaucoup d’émotion sous-jacente, mais pas de pathos, et encore moins de rodomontades militaristes. Des aperçus sur le quotidien peu romantique des lanciers. Pas de mépris pour l’adversaire. L’apologie de l’impérialisme britannique est trop évidente pour s’en offusquer, le spectateur est emporté par l’action jouissive, les dialogues étincelants, la finesse et la profondeur de la caractérisation, et rit de bon cœur à la célèbre réplique de Franchot Tone à son domestique indigène : « Tu t’occupes de nettoyer mes bottes, je m’occupe de les salir. » Certains paysages indiens (stock shots) ont été filmés par Ernest B. Schoedsack en 1931/32 déjà : il a séjourné trois mois dans le nord-ouest et devait réaliser le film avec son compère Merian C. Cooper ; il est brièvement remplacé en 1933 par Stephen Roberts, puis par Henry Hathaway, dont c’est le premier travail important, mais qui est réputé pour sa poigne, sa vitesse, son humour et son sens de l’action. Cary Grant ou Ronald Colman (rôle de Cooper), Claudette Colbert, Fredric March, Douglas Fairbanks Jr. et Richard Arlen sont considérés un temps pour les rôles principaux. A mi-chemin, Hathaway exige le remplacement de Henry Wilcoxon par Franchot Tone. Le tournage s’effectue aux Alabama Hills à Lone Pine, au Saddle Rock Ranch (Santa Monica Mountains), Sherwood Forest, Paramount Ranch à Agoura, Iverson Ranch à Chatsworth, Buffalo Flats à Malibu et aux studios Paramount de Gover Street. Les rebelles Afridis sont campés par une centaine d’Amérindiens Paiute et 500 cueilleurs d’olives indiens de Napa Valley. Du roman de Francis Yeats-Brown, le film ne retient que le titre et les lieux de l’action. Deux Oscars 1936 (assistants-réalisateurs) et six nominations (meilleur film, Hathaway, scénario, décors, montage, son). Film Daily’s Ten Best Films of 1935. Un triomphe mondial au box-office, présenté au roi et à la reine d’Angleterre à Londres. Une année d’exclusivité en salle à Berlin (selon certaines rumeurs, le film préféré d’Adolf Hitler).
1935Bonnie Scotland / Heroes of the Regiment (Bons pour le service) (US) de James W. Horne 
Hal Roach Studios/Metro-Goldwyn-Mayer, 80 min. – av. Stan Laurel (Stanley MacLaurel), Oliver Hardy (Ollie Hardy), Anne Grey (Lady Violet Ormsby), David Torrence (Mr. Miggs), June Lang (Lorna MacLaurel), William Janney (Allan Douglas), Maurice Black (Khan Mir Jutra), James Finlayson (sgt. Maj. Finlayson). – Comédie burlesque : conscrits en Inde, Laurel et Hardy sont contraints de servir d’appât pour des assassins à la cour du maharaja Mir Jutra. Filmé à Hollywood (Fryman Ranch, Laurel Canyon, studios Hal Roach).
Les Britanniques piègés à Peshawar (« The Drum » de Zoltan Korda, 1938)
1938[*The Drum / Drums (Alerte aux Indes) (GB) de Zoltan Korda 
London Films (Alexander Korda), 104 min. – av. Sabu (prince Azim), Roger Livesey (capt. Tony Carruthers), Raymond Massey (prince Ghul), Valerie Hobson (Margery Carruthers), David Tree (ltn. Escott), Desmond Tester (Bill Holder), Amid Taftazani (Mohammed Khan), Francis L. Sullivan (le gouverneur).
A Tokot en 1938, le prince Ghul s’empare du pouvoir en éliminant son propre frère, afin de confédérer les royaumes hostiles à l’Empire britannique ; le fils de ce dernier, le jeune prince Azim, parvient à s’échapper à Peshawar et y contacte son ami, le capitaine Carruthers qui est alors chargé de contrecarrer par la diplomatie les manœuvres de Ghul à Tokot. Le Khan usurpateur organise un championnat de polo suivi d’un banquet de « muharram » de cinq jours auquel est conviée la garnison anglaise … après avoir caché des mitrailleuses russes ( !) derrière les tentures pour la massacrer. Ayant eu vent de ces préparatifs, Azim avertit Carruthers par un roulement de tambour codé. Ghul est tué lors de la bataille qui s’ensuit et Azim, nouveau souverain des Pathans, passe fièrement en revue les troupes du Raj.
Insupportablement paternaliste (les Anglais savent ce qui est le mieux pour toutes les autres nations), empreint d’une nostalgie pour un Empire « où le soleil ne se couchait pas », ce produit typique des trois frères Korda (Zoltan, Alexander et le décorateur Vincent) exploite la récente découverte de la London Films, le jeune Sabu (« Elephant Boy »). L’intrigue est absurde pour 1938, alors que les campagnes de désobéissance du Mahatma Ghandi et les revendications indépendantistes de Nehru au parti du Congrès mobilisent les esprits, et reflète plutôt des situations du XIX e siècle. Tirée d’un roman passéiste de A. E. W. Mason (l’auteur de « The Four Feathers »), la bande présente un satrape, Ghul, qui affirme vouloir rétablir l’empire moghol sur le dos des Britanniques ; elle fait ainsi écho à la propagande officielle de Londres selon laquelle les Hindous et les Sikhs seraient menacés au nord par la majorité musulmane, un mythe créé à l’époque pour diviser le subcontinent et déstabiliser les nationalistes indiens à Delhi. D’autre part, le film démontre que les Anglais sont les « amis naturels » de tous les Pathans loyaux à la couronne. L’œuvre, fort bien ficelée, est réalisée en Technicolor au nord de la passe de Khyber, à Chitral (Cachemire), à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, puis à Peshawar, enfin dans le pays de Galles (Harlech) et aux studios de Denham. La projection provoque des manifestations violentes à Bombay, où le film est retiré de l’affiche et banni. Grand succès public en Occident. Primé au festival de Venise 1938 (Coupe Mussolini du meilleur film étranger). ]
1953Rogue’s March (On se bat aux Indes) (US) d’Allan Davis 
Leon Gordon/Metro-Goldwyn-Mayer, 84 min. – av. Peter Lawford (capt. Dion Lenbridge/Harry Simms), Richard Greene (capt. Thomas Garron), Janice Rule (Jane Wensley), Leo G. Carroll (col. Henry Lenbridge), Richard Hale (Igor, émissaire russe), Michael Pate (Crane), Sydney Lawford (le général), Elaine Stewart (infirmière).
Accusé à tort de trahison pour avoir vendu des secrets militaires aux Russes, le capitaine Lenbridge se fait engager sous une fausse identité dans un autre régiment des Royal Midlands Fusiliers aux Indes, où il démasque les vrais coupables et combat une insurrection afghane organisée par les méchants Russes à la passe de Khyber.
Produit costumé de la guerre froide. Leon Gordon affirme avoir fait tourner ses extérieurs au col de Khyber en Inde, mais il utilise en fait du matériel filmé sur place pour « Kim » de Victor Saville, dont il était déjà le producteur en 1950, le reste étant tourné à Culver City et à Vazquez Rocks. Initialement un projet plus ambitieux, pour Stewart Granger ou Robert Taylor. Dernier film de Peter Lawford à la MGM, dont le propre père, le lieutenant-général Sir Sidney Turing Barlow Lawford, apparaït à l’écran.
1953**King of the Khyber Rifles (Capitaine King) (US) de Henry King 
Frank P. Rosenberg/20th Century-Fox (Darryl F. Zanuck), 100 min. – av. Tyrone Power (cpt. Alan King), Terry Moore (Susan Maitland), Michael Rennie (brig. gén. Jonathan Maitland), Guy Rolfe (Khurram Khan), John Justin (ltn. Jeffrey Heath), Richard Stapley (ltn. Baird), Murray Matheson (major Ian MacAllister), Frank De Kova (Ali Nur), Argentina Brunetti (Lali), Frank Lackteen (Ahmed), Maurice Colbourne (Hamid Bahri), Sujata (danseuse).
En route pour rejoindre sa garnison à Peshawar, moitié anglais, moitié indien, versé en pachtoune et fraîchement débarqué de Sandhurst, le capitaine Alan King survit à l’attaque de son escorte par les guerriers Afridi de Khurram Khan grâce à l’intervention d’un ami d’enfance, le Cipaye borgne Ahmed. Lorsque ses collègues britanniques à Peshawar apprennent qu’il avait une mère musulmane, ils lui tournent le dos, excepté le général Maitland qui lui confie la formation d’une unité de fusiliers indigène, et sa fille Susan qui tombe amoureuse. King est ostracisé, l’accès au club et au bal des officiers blancs en l’honneur de la reine Victoria lui est interdit, et Maitland décide de renvoyer sa fille en Angleterre ; celle-ci est indignée par le racisme de ses compatriotes. Une patrouille est capturée par les Afghans et gardée en otage en échange de nouveaux fusils Enfields. Ayant connu Khurram Khan dans son enfance (son frère d’adoption), King feint de déserter pour s’introduire chez les rebelles et en tuer le chef, une mission suicide. Il est démasqué, mais Khurma Khan le relâche après avoir fait exécuter les autres prisonniers. A Peshawar, on le prend pour un traître. Les Afghans font courir le bruit que la nouvelle munition anglaise comporterait de la graisse de porc et la rébellion couve dans tout le subcontinent. King persuade ses hommes du contraire et dirige un commando qui élimine Khurma Khan non pas au fusil, mais au couteau.
Tiré du roman de Talbot Mundy (1916), ce prétendu remake de « The Black Watch » de John Ford (cf. 1929) est un projet Fox datant de 1936 déjà (prévu comme suite à « Wee Willie Winkie » de Ford), remis sur le métier en 1941, puis en 1951 pour Henry Hathaway. Avec son premier film en CinemaScope et Technicolor, le vétéran Henry King inaugure à Hollywood un cycle de films d’aventures coloniales dotés d’une réinterprétation révisionniste, condamnant en sous-texte cette même éthique impérialiste que le cinéma américain a tant célébré durant les décennies précédentes (« Bhowani Junction » de George Cukor à la MGM, de la même veine, suivra en 1955). En outre, tout le fatras théosophique de Mundy est éliminé et la princesse Yasmini disparaît : en fait, il ne reste plus rien du roman excepté son titre. Ce lifting complet, souhaité par le producteur Rosenberg et Zanuck, tient compte de la nouvelle donne géopolitique, transforme le héros en métis anglo-indien, dénonce sans ambages le racisme occidental, déplace l’action de 1914 (film de Ford) à l’année de la révolte des Cipayes, en 1857 ; c’est même le tout premier film hollywoodien qui mentionne ce soulèvement emblématique. On peut le considérer comme un pendant « oriental » aux westerns réhabilitant les Amérindiens, dans la lignée de « Broken Arrow » de Delmer Daves (1950). L’Inde n’est plus ici un subcontinent de sauvages à civiliser (cf. « Gunga Din »), et le père adoptif du héros est un saint homme musulman, Hamid Bahri. « On peut mourir pour les Anglais, mais pas vivre avec eux », résume ironiquement Khurma Khan quand King mentionne ses vexations à Peshawar. Les Indiens le voient comme un Anglais, les Anglais comme un Indien, mais comment se voit-il lui-même ? Le cinéaste, particulièrement sensible dans son œuvre aux conflits d’identité et de religion, n’aborde pas la question de l’indépendance de l’Inde (la tyrannie d’un Khurma Khan paraît plus dure que le diktat britannique), mais il met sur un même plan d’égalité tous les « fils de l’Inde », quelle que soit leur couleur ou leur culture. Cette réorientation fait la relative originalité de cette production sans doute prévisible, de facture très classique, mais réalisée avec lyrisme dans les moments intimes, un sens particulier du paysage, et agrémentée d’une belle partition de Bernard Herrmann. Tournée dans les Alabama Hills à Lone Pine, à Iverson Ranch, au pied de Mount Whitney (Calif.) et dans la Sierra Nevada enneigée (représentant l'Himalaya) pour un budget de 3 millions de $, la bande est un succès au box-office. Henry King est nominé au Directors Guild of America Award 1955 pour sa réalisation : la guilde salue ainsi le premier film qui utilise le format CinemaScope non en remplissant l’écran à ras bord ou en cumulant des scènes d’action, mais en faisant ressortir la majesté du décor naturel. – En 1983, Philip Kaufman envisagera brièvement un remake du roman de Mundy pour Steve Roth/TriStar.
1954Khyber Patrol / Khyber Pass (US) de Seymour Friedman 
Edward Small Prod./Superior Pictures-World Films-United Artists, 71 min. – av. Richard Egan (capt. Kyle Cameron), Dawn Addams (Diana Rivington), Raymond Burr (capt. Ahmed Shir), Patric Knowles (ltn. George Kennedy), Paul Cavanagh (brig. gén. Melville), Donald Randolph (prince Ishak Khan).
Cameron perd la moitié de ses Lanciers en défendant le col de Khyber, puis en se faisant piéger par les insurgés afghans à la solde des Russes, qui cherchent un prétexte pour envahir l’Afghanistan. Il se mêle aux conspirateurs indigènes et annihile leurs plans. Filmé en couleurs (Color Corporation).
1956*Zarak / Zarak Khan (Zarak le Valeureux) (GB) de Terence Young [Yakima Canutt, John Gilling] 
Irving Allen, Albert R. Broccoli/Warwick Films-Columbia, 99 min. – av. Victor Mature (Zarak Khan), Anita Ekberg (Salma), Michael Wilding (major Michael Ingram), Finlay Currie (Mullah), Bonar Colleano (Biri, frère de Zarak), Eddie Byrne (Kasim, frère de Zarak), Eunice Gayson (Cathy Ingram), Patrick McGoohan (Moor Larkin), Frederick Valks (Hajji Khan, père de Zarak), André Morell (major Atherton).
Ayant séduit Salma, une des femmes de son père Hajji Khan, le prince Zarak gagne la montagne après avoir été supplicié, puis relaché grâce à l’intervention du saint Mullah. Il devient un redoutable bandit, ses razzias contre les Britanniques sèment la mort. Ayant tué accidentellement le Mullah, il offre sa vie en échange de celle du major Ingram, capturé par des rebelles afghans, et périt sous le fouet.
Une aventure exotique sans surprises mais divertissante et agréable à l’œil, animée par le très improbable couple Mature-Ekberg ; on découvre au générique le team gagnant des premiers « James Bond » : le réalisateur Young (qui détestait le film), le producteur Broccoli, le chef opérateur Ted Moore, le scénariste Richard Maibaum. Le hors-la-loi afghan Zarak Khan a réellement existé, mais il vécut au XX e siècle (ayant rejoint l’armée britannique, il fut exécuté en Birmanie par les Japonais en 1943). Tournage en Technicolor et CinemaScope avec un grand déploiement de figuration au Maroc espagnol (village montagnard de Xavien, environs de Tétouan). La Mehalla, corps de cavaliers d’élite formé par les Espagnols, participe à la réalisation en livrant des combats furieux dans le lit desséché du Río Martín. Jugée trop suggestive (Anita s'étale à moitié nue dans les bras de Mature), l’affiche originale du film est interdite en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, les deux scènes de flagellation sont raccourcies et les baisers trop lascifs entre Zarak et Salma éliminés.
1956/57(tv) Tales of the Seventy Seventh Bengal Lancers / 77th Bengal Lancers (US) de Lew Landers, Douglas Heyes, Robert G. Walker 
Herbert B. Leonard/Lancer Prod.-Screen Gems Filmed Presentation (NBC 21.10.56-14.4.57), 26 x 30 min. – av. Philip Carey (ltn. Michael Rhodes), Warren Stevens (ltn. William Storm), Patrick White (col. Standish), Patric Knowles (capt. Neal Cheney), Lou Krugman (Mohammed Akbar), John Sutton, Patricia Medina, Ted de Corsia, Michael Ansara, Douglass Dumbrille, Reginald Denny (le général).
Les aventures de deux lieutenants britanniques du régiment des Lanciers du Bengale stationnés à Fort Oghora. Série conventionelle filmée à Corriganville, Simi Valley, Agua Dulce et dans le fort érigé à Vasquez Rocks (Calif.), avec des éléphants du zoo de San Diego. Episodes : 1. « The Regiment » – 2. « The Pawn » – 3 « The Hostage » – 4. « The Steel Bracelet », – 5. « The Traitor » – 6. « The Stepping Stone » – 7. « The Challenge of Chundra Singh » – 8. « The Weakling » – 9. « The Handmaiden » -10. « Shadow of the Idol » – 11. « Golden Ring » – 12. « The Maharani » – 13. »The Gentle Vise » – 14. « Silent Trumpet » – 15. « Cecil of Kabul » – 16. « The Barbarian » – 17. « The Imposter » – 18. « Test of a Titan » – 19. « The Enemy » – 20. « The Relentless Man » – 21. « The Courtship of Colonel Standish » – 22. « The Pit of Fire » – 23. « The Glass Necklace » – 24. « Ten Thousand Rupees » – 25. « Akbar the Great » – 26. « The Inconstant Moon ».
1959The Bandit of Zhobe (La Charge du 7e Lancier) (GB) de John Gilling 
Irving Allen, Albert R. Broccoli/Warwick Films-Columbia, 81 min. – av. Victor Mature (Kasim Khan), Anna Aubrey (Zena Crawley), Anthony Newley (cpr. Stokes), Norman Wooland (major Crowley), Dermot Walsh (capt. Saunders).
Kasim Khan devient hors-la-loi lorsque les siens sont assassinés par des Thugs déguisés en soldats britanniques. Les Thugs tuent à leur tour des Anglais en se faisant passer pour les hommes de Kasim Khan. La fille du major démontre l’innocence de ce dernier, qui meurt – monsieur est trop bon – en protégeant l’occupant britannique. Bande d’aventures en CinemaScope et Technicolor dirigée par le coréalisateur de « Zarak » (cf. supra, 1956), film dont il reprend la star (Mature), les extérieurs marocains et les scènes de bataille. Tourné à la va vite aux studios de Twickenham et en Espagne, dans la région de Madrid.
1959[*North West Frontier / US : Flame Over India (Aux frontières des Indes) (GB) de Jack Lee Thompson 
Rank Org., 129 min. – av. Kenneth More (cpt. Scott), Lauren Bacall (Catherine Wyatt), Herbert Lom (Van Leyden), Ursula Jeans (Lady Wyndham), Wilfrid Hyde White (Bridie), Ian Hunter (Sir John Wyndham), Govinda Raja Ross (prince Kishan), I. S. Johar (Gupta).
En 1905, des Britanniques et le jeune maharaja de Haderabad (dont le père vient d’être assassiné) fuient à bord d’un train un royaume en proie à une vaste insurrection musulmane. Le futur réalisateur des "Canons de Navarone" (1961) signe ce film d’aventures spectaculaire, trépidant et plutôt bien mené, écrit par Frank S. Nugent (scénariste attitré de John Ford), tourné en CinemaScope et Eastmancolor en Andalousie (Guadix, Pont Hacho) et aux studios de Pinewood. Nominé aux BAFTA Awards (meilleur film et scénario).]
1959(tv) The Pocket Lancer (GB) de Shaun Sutton
(BBC 7.4.59), 4 x 25 min. – av. Nigel Lambert (Timothy Bretwyn), Nigel Arkwright (Old Joey), Barbara Leslie (Rosie Trimmer), Barry Letts (capt. Fanshawe-Bellingham), John Paul (capt. Bretwyn), Joan Sanderson (comtesse de Clarencourt), Paul Whitsun-Jones (sgt. Finch). – Lanciers de père en fils, en Crimée, puis aux Indes (série pour enfants écrite par Shaun Sutton).
1961(tv) The Pocket Lancer (GB) de Shaun Sutton
(BBC 5.11.61), 4 x 25 min. – av. Nicholas Clay (Timothy Bretwyn), Nigel Arkwright (Old Joey), Derek Francis (sgt. Finch), Barbara Leslie (Rosie Trimmer), Barry Letts (capt. Court-Bellingham), Joan Sanderson (comtesse de Clarencourt), Ian Shand (capt. Bretwyn). – Remake de la série précédente.
1961(tv) Frontier Drums (GB) de Jim Pople 
Associated-Rediffusion Network (ITV 22.9.-27.10.61), 6 x 25 min. – av. Bernard Brown (major Neville Chrichton), Edmond Bennett (sgt. Ramdass), Daphne Jonason (Lucy Chrichton), Kika Markham (Helena Chrichton), Ronnie Raymond (Nigel Chrichton), Joseph Cuby (Abu Singh), Derek Sidney (Kardar Khan), David Spenser (Azim Khan).
Série pour la jeunesse, action située en 1870. Kardar Khan, le maharaja de Gurkistan (sic) complote contre les Anglais, qui sont pris par surprise, avant que Chrichton ne sauve l’Empire.
1964I tre sergenti del Bengala / Los tres invencibles sergentos / Tres sargentos bengalies (Les Trois Sergents de Fort Madras) (IT/ES) de Humphrey Humbert [=Umberto Lenzi] 
Fono-Filmes, Roma-Olympic Producciones, 98 min. – av. Richard Harrison (sgt. Frankie Ross), Wandisa Guida (Mary Stark), Hugo Arden/Ugo Sasso (Burt Wallace), Nick Anderson/Nazzareno Zamperla (sgt. John Foster), Andrea Bosic (col. Lee McDonald), Luz Márquez (Helen), Aldo Sambrell (Gamal/Sikki Dharma).
Incidents à Calcutta et à Madras vers 1890 où trois sergents stationnés en Malaisie se distinguent contre de vilains insurgés fanatiques, sont capturés, s’évadent et tuent tous les méchants. Un spaghetti-western oriental bâclé en Technicolor et Techniscope dans les studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome et au jardin botanique d’Allumiere (Latium) ; Lenzi y réalise simultanément « La montagna di luce » (cf. 9.8).
1965The Brigand of Kandahar (GB) de John Gilling 
Anthony Nelson-Keys/Hammer Film-Columbia, 81 min. – av. Ronald Lewis (ltn. Robert Case), Oliver Reed (Eli Khan), Yvonne Romain (Ratina, sa sœur), Duncan Lamont (col. Drewe), Catherine Woodville (Elsa Connelly), Glyn Houston (Jed Marriott).
Faussement incarcéré pour couardise par une cour martiale, le lieutenant Case s’évade de Fort Kandahar et se réfugie dans la tribu rebelle d’Eli Khan qu’il forme aux tactiques des Lanciers du Bengale. Il parvient à démasquer et à tuer l’auteur de ses malheurs, mais paie son insurrection de sa vie. Après « Zarak » (1956) et « The Bandit of Zhobe », John Gilling remet ça, cette fois en HammerScope et Technicolor, le tout filmé aux studios d’Elstree, en incorporant une fois de plus batailles et extérieurs marocains de « Zarak ».
1967[The Long Duel (Les Turbans rouges) (GB) de Ken Annakin 
The Rank Org., 115 min. – av. Yul Brynner (Sultan), Trevor Howard (Freddy Young), Harry Andrews (Stafford), Charlotte Rampling (Jane), Andrew Keir (Gungaram), Virginia North (Champa).
Action située en 1920 : soupçonnés de braconnage, Sultan et toute sa tribu montagnarde sont arrêtés arbitrairement par Stafford ; Sultan, qui a perdu son épouse et son enfant dans l’opération de ratissage, s’évade et devient un redoutable chef de bandit, rebelle à l’autorité anglaise. Celle-ci organise la déportation de la tribu par train vers Delhi; Sultan attaque le convoi sur rails, tombe dans un guet-apens et finit traqué dans les montagnes, où, grièvement blessé, son adversaire Young lui laisse la possibilité de se suicider plutôt que de tomber entre les mains de Stafford. Du travail honnête, un peu mou, longuet et inconsistant, filmé en Panavision et Technicolor aux studios de Pinewood et en Espagne (Grenade, Alhambra, Sierra Nevada, Ronda, Gaudix), après une tentative avortée faute d’argent de tourner en Inde (Mussourie), près de la frontière tibétaine. Vaut un coup d'oeil pour Charlotte Rampling, âgée de 22 ans, à ses débuts.]
1968(tv) Frontier (GB) de Dennis Vance, Patrick Dromgoole, Michael Chapman 
Michael Chapman/ITV (Thames TV 31.7.68), 8 x 60 min. – av. Gary Bond (sous-off. Clive Russell), Patrick O’Connell (sgt. O’Brien), James Maxwell (capt. Stoughton), John Phillips (ltn.-col. Whitley), Paul Eddington (Hamilton Lovelace).
Les exploits d’un bataillon de fusiliers anglais en Inde et en Afghanistan aux environs de 1880. Extérieurs tournés à Snowdonia (North Wales).
1968*Carry On... Up the Khyber, or The British Position in India (GB) de Gerald Thomas 
Peter Rogers Prod.-The Rank Org., 88 min. – av. Sidney James (Sir Sidney Ruff-Diamond), Kenneth Williams (Rhandi Lal, le Khasi de Kalabar), Charles Hawtrey (Pvt. Widdle), Joan Sims (Lady Joan Ruff-Diamond), Roy Castle (capt. Keene), Bernard Bresslaw (Bunghit Din), Angela Douglas (princesse Jelhi), Julian Holloway (major Shorthouse).
En Inde en 1895, le « Third Foot and Mouth Regiment (Troisième Régiment Fièvre Aphteuse) » est chargé de surveiller le col de Khyber où sévit la tribu sauvage des Burpas que commande Rhandi Lal. Mais les Burpas craignent les fusiliers écossais, ces « diables en kilt » qui ne portent rien dessous… Parodie lourdingue du cinéma impérialiste, filmée en Eastmancolor aux studios de Pinewood et à Watkin Path et Llanberis Path au Snowdonia National Park (pays de Galles). Selon les amateurs, l’épisode le plus hilarant et le plus irréspectueux de l’interminable série des « Carry On », qui s'attira les foudres de la princesse Margaret en visite sur le tournage (pour manque de respect à la Couronne). La BBC déprogrammera sa diffusion en 1990, en pleine Guerre du Golfe, tant l'armée coloniale et l'aristocratie anglaise y sont maltraités.
1970El tigre del Kyber / La furia dei Khyber (La Furie des Kyber) (ES/IT) de José Luis Merino 
Hispamar Films-Victory Films-Duca Internazionale, 89 min. – av. Peter Lee Lawrence (capt. Miller), Alan Steel/Sergio Ciani (ltn. Cullen), Charles Quiney, Beatriz Savona, Carina Monti. – Miller et Cullen mâtent une rébellion indigène au col de Khyber (en Eastmancolor).
1980® Sluzha Otetchestvu [Le Cadeau de l’émir / Au service de la patrie] (SU) de Latif Faizijev. – av. Timofej Spiwak, Mikhail Kusnezov, Tamila Achmedova. – Kaboul en 1830, des liens d’amitié se tissent entre les Afghans et les Russes contre l’Empire britannique, cf. Russie : Nicolas Ier.
Aventures exotiques dans « The Far Pavilions » de Peter Duffel (1983)
1984**(tv+ciné) The Far Pavilions / Blade of Steel (rééd.) (Pavillons lointains) (GB/US) de Peter Duffel 
John Peverall, Geoffrey Reeve/Geoffrey Reeve & Associates-Goldcrest Films International-Home Box Office (HBO) (Channel Four 3.-4.-5.1.84 / HBO 22.-23.-24.4.84), 3 x 102 min./110 min. – av. Ben Cross (ltn. Ashton Pelham-Martyn, dit Ash, Ashok Baba ou Pelham Sahib), Amy Irving (la princesse Anjuli-Bai), Sneh Gupta (Shushila-Bai, sa sœur), Christopher Lee (Kaka-ji Rao, leur oncle), Benedict Taylor (ltn. Walter « Wally » Richard Pollock Hamilton), Rossano Brazzi (le Rana de Bhithor), Omar Sharif (Koda Dad Khan), Saeed Jaffrey (Biju Ram dit "le Scorpion"), Rupert Everett (George Garforth), John Gielgud (major Sir Pierre Louis Napoléon Cavagnari, ambassadeur britannique tué lors du siège de Kaboul), Robert Hardy (commandant des Guides), Michael Malnick (Podmore-Smythe), James Snell (Ponsonby), Anthony Sharp (Chiverton), Ajit Singh (Awal Shah, fils de Koda Dad), Jay Devi (Dilasah Khan), Sudhir (Jemadar Jewand Singh), Felicity Dean (Belinda Harlowe), Jennifer Kendal (Mrs. Viccary), Ravi Behl (le prince Nandu), Shayur Mehta (le prince Jhoti, son frère), Master Ravi (prince Lalji), Tanveer Ghani (Gul Baz), Art Malik (Zarin, fils de Koda Dad), Atul Tandon (Mohammad Yaqub Khan, émir d'Afghanistan), Iftekhar (Sirdar Nakshaband Khan, agent secret), Tony Jordan et Dilip Singh (Ash enfant), Jonie Sethi (Sita, sa nurse indigène), Kristina Lesho (Anjuli enfant).
Mardan 1865-Kaboul 1878/79 : les amours interdites d’un officier du Corps des Guides et d’une princesse indienne, sur fond de deuxième guerre afghane. Orphelin anglais, Ashton Pelham-Martyn dit Ash a été élevé jusqu'à l'âge de 11 ans par sa mère nourricière indigène qui l'a caché à Gulkote pendant la Grande Mutinerie de 1857 (sous le nom d'Ashok Baba), puis a trouvé refuge à la cour du rajah de Karitkote (lieu fictif). Le garçon et la fille du rajah, Anjuli-Bai, elle-même d'origine métissée (de mère russe), s'aiment. Menacé de mort pour avoir découvert un complot, le petit Ashton-Ashok (qui ignore ses origines occidentales) s'enfuit au Pakistan; les autorités militaires à Mardan découvrent son identité et l'envoient faire sa scolarité et son éducation de "gentleman" en Grande-Bretagne. Une fois adulte, Ashton retourne en Inde et entre comme officier dans le prestigieux régiment des Corps des Guides (British Indian Army) à la frontière nord-ouest. "Pelham Sahib" s'y montre proche de la troupe (hindous, sikhs ou musulmans), parmi lesquels il retrouve des amis d'enfance dont il parle la langue et avec lesquels il prie à la mosquée. Il se trouve vite déchiré entre deux cultures. Désapprouvant ses fréquentations "avilissantes", la colonie européenne lui tourne le dos. En affirmant que le colonialisme est du "vol à main armée" et que la Grande-Bretagne n'apprécierait guère d'être "civilisée" de force par des Indiens, il s'attire les foudres du mess des officiers. Il brave ses supérieurs en sauvant l'honneur de ses soldats lors d'une mission secrète parmi des bandits afghans au col de Khyber. Pour éloigner le troublion, son commandant le charge ensuite d’escorter et parrainer un cortège nuptial à travers le Rajasthan, deux princesses de Karidkote devant épouser le puissant rajah de Bhithor, vieillard fourbe et lascif. Ashton retrouve ainsi Anjuli, qu'il n'a jamais oubliée, et sa soeur cadette, l'ambitieuse et égoïste Shushila. Anjuli et Ashton deviennent amants à la veille des noces à Bhithor. La mort dans l'âme, Ashton est ensuite mandaté comme espion à Kaboul pour veiller à l’établissement par la force des Anglais. Il avertit en vain le gouverneur Cavagnani (1841-1879) des dangers d’une révolte afghane et est un des rares survivants du siège de la résidence britannique le 3 septembre 1879, au cours de laquelle toute la garnison est massacrée (dont l'authentique lieutenant Wally Hamilton, décoré à titre posthume de la Victoria Cross). Fâché par tant d'aveuglement, Ashton démissionne de l'armée. Lorsque le cruel rajah de Bhithor décède deux ans plus tard, Anjuli (qui a été isolée et maltraitée) et sa sœur doivent se sacrifier dans les flammes du bûcher funéraire (la Satî). La coutume est interdite par les Anglais depuis 1829, mais ceux-ci refusent d'intervenir pour raisons politiques. Aidé de quelques amis, dont son père adoptif Koda Dad, Ashton passe outre et parvient à sauver Anjuli après avoir tué Shushila d'un coup de revolver au moment où les flammes du bûcher allaient la dévorer. Koda Dad tombe sous les balles des poursuivants. En proie à la réprobation générale, Ashton et Anjuli gagnent l’Himalaya (Dur Khama, « les pavillons lointains »), où ils pourront peut-être vivre ensemble en paix, loin des préjugés religieux, éthniques et culturels de leurs sociétés respectives.
Cette saga télévisée d'une opulence peu commune est mise en chantier par Goldcrest Films après le succès mondial du « Gandhi » de Richard Attenborough (ce dernier est d'ailleurs président de Goldcrest); c'est aussi la première mini-série de luxe de Home Box Office (HBO), le coproducteur américain. Il s'agit de l'adaptation d'un mégaroman de 1200 pages de Mary Margret Kaye paru en 1978, qui reprend des éléments autobiographiques du grand-père de la romancière ; le best-seller fera aussi l’objet d’un musical avec Kabir Bedi en 2005 (au Shaftesbury Theatre à Londres) et d'un feuilleton radiophonique de la BBC en 2011 (20 épisodes). Le Britannique Peter Duffel ("England Made Me" d'apr. Graham Greene, 1973) est aux commandes. Les collaborateurs sont célèbres: Jack Cardiff à la photo (maître absolu du Technicolor qui signa les fantasmatiques images "indo-tibétaines" de "Black Narcissus" de Powell & Pressburger, 1947), décors de Robert Laing ("Gandhi"), musique de Carl Davis. L'entreprise est dotée d’un budget confortable de 14 millions $, dont une bonne partie destinée à la distribution : Christopher Lee, Omar Sharif, Sir John Gielgud, Rossano Brazzi (tous assez convaincants sous leurs grimages), et pour les amoureux, Ben Cross ("Chariots of Fire", 1981) et Amy Irving, l'épouse de Steven Spielberg. Le tournage s'effectue sur place en Inde, principalement au Rajasthan, à Jaipur (City Palace/Mubarak Mahal, palais d'Amber) et région (Samode Palace pour Kaboul), à Delhi, en intérieurs aux studios britanniques de Twickenham et de Shepperton, et en Cornouailles (Snowdonia) pour les images finales. Duffel livre du travail fort bien ficelé, jouissif, aux panoramas stupéfiants, aux reconstitutions de cérémonies traditionnelles aussi rigoureuses qu'impressionnantes (les noces, la crémation), avec près de 1000 figurants et 20 éléphants; la bataille à Kaboul est, elle aussi, plutôt réussie. Certes, l'intrigue au romanesque exotique est convenue, mais néanmoins captivante et Bertrand Tavernier estime à raison que "pour les amoureux de Kipling, des films de Korda, cette mini-série est indispensable" (DVDBlog 17.9.15). Le scénario de Julian Bond se démarque toutefois fortement du genre dans la mesure où il dénonce sans ambages le racisme, la morgue, le sentiment de supériorité qui gangrènent la société et l'armée britanniques ainsi que les erreurs aux conséquences tragiques d'un état-major arrogant. Quatre nominations aux BAFTA Awards 1985 (photo, décors, costumes, musique), une nomination au Cable ACE Award pour Ben Cross. La version cinéma est amputée notamment de toute la partie à Kaboul. – Episodes tv : 1. « Return to India (Retour en Inde) » – 2. « The Journey to Bhithor » – 3. « Wally and Anjuli (Wally et Anjuli) ».