Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE
5. LE CONSULAT (1799 à 1804)
5.2. Toussaint Louverture et la révolte des esclaves aux Antilles (1796 à 1802)
À la veille de la Révolution française, la colonie de Saint-Domingue (Haïti) est d’une prospérité sans égale (production mondiale de sucre et de café). Son commerce extérieur représente plus du tiers de celui de la France métropolitaine. En 1791, la révolte des esclaves noirs y est saluée par l’Assemblée législative à Paris, et en 1794, la Convention vote la fin de l’esclavage sur l’ensemble de l’île. Pierre-Dominique Toussaint Louverture ou L’Ouverture (Toussaint Bréda, 1743-1803), un Noir lettré et médecin affranchi, mène l’insurrection des Haïtiens contre les colons, refoule les Espagnols à la frontière orientale de l’île, libère l’intérieur du pays après une guerre civile contre l’armée mulâtre du général Rigaud et pousse les Anglais, qui tiennent de nombreux ports, à abandonner Saint-Domingue (1798).
En février 1801, Bonaparte nomme Toussaint Louverture capitaine-général de Saint-Domingue. Devenu dépositaire officiel du pouvoir exécutif, celui-ci instaure un nouvel ordre, inspiré du modèle colonial de l’Ancien Régime (cour avec étiquette, lutte contre le protestantisme, suppression du divorce légalisé par la Révolution), mais profitant aux militaires de couleur, surtout aux Noirs créoles. Les planteurs blancs ayant fui la Révolution sont rappelés en raison de leurs compétences techniques. Toussaint assigne d’autorité les cultivateurs à leurs anciennes habitations, tels des serfs, et oblige les anciens esclaves non enrôlés dans l’armée à reprendre le travail, provoquant des soulèvements parmi les Noirs qui considèrent ces mesures comme une forme de rétablissement de l’esclavage. Les révoltes sont matées par l’armée.
Le 8 juillet 1801, Toussaint élabore une nouvelle constitution autonomiste et autocratique qui lui donne les pleins pouvoirs à vie, consacre le catholicisme comme religion d’État (contre le vaudouisme) et envisage à terme le recours à une main-d’œuvre africaine. Lorsqu’il envahit la partie espagnole de l’île (officiellement française depuis 1795), Bonaparte, qui œuvre justement à une réconciliation franco-espagnole, se fâche. Devant cet affront, il ordonne la constitution d’un corps expéditionnaire chargé de mettre un terme à l’émancipation dominguoise. La paix d’Amiens avec l’Angleterre rend cette expédition de 23 000 hommes sous le commandement du général Charles Leclerc (l’époux de Pauline Bonaparte) possible. Malgré une supériorité numérique, Toussaint est rapidement défait militairement et contraint de capituler le 6 mai 1802. Trop progressiste pour Bonaparte, trop réactionnaire aux yeux des cultivateurs, le régime de Toussaint ne satisfait que la nouvelle caste militaire de couleur. En mer, la traite des Noirs continue en contrebande et les négriers n’hésitent pas à jeter des cargaisons d’hommes, de femmes et d’enfants par-dessus bord pour ne pas être pris par la marine française. Les planteurs des Antilles françaises manœuvrent pour se soustraire à l’abolition de l’esclavage en recherchant l’alliance avec les Anglais. Le 20 mai, sur pression du Sénat et du lobby créole, et pour maintenir la paix d’Amiens avec la Grande-Bretagne (qui pratique toujours la traite), Bonaparte autorise l’esclavage – aboli législativement en 1794 – sous une forme mixte et provisoire : il est toléré dans les colonies où il n’a pas encore été aboli, mais l’abolition est maintenue là où elle a déjà été appliquée. Le 7 juin, dans l’indifférence générale, Toussaint et une centaine de ses proches sont déportés en France. Le « Spartacus noir » y décède au Fort de Joux, dans le Jura, dix mois plus tard. La Révolution dominguoise est alors poursuivie par son lieutenant, Jean-Jacques Dessalines. La fièvre jaune emporte Leclerc et décime son armée. Dessalines se fera proclamer empereur d’Haïti en 1804 avant de périr assassiné en 1806. Pour Bonaparte, l’expédition de Saint-Domingue est un échec qui entraîne – simultanément à la reprise des hostilités avec le Royaume-Uni – le désengagement de la France en Amérique (cf. infra, vente de la Louisiane).
1952 | Lydia Bailey (BE : Les Révoltés d’Haïti) (US) de Jean Negulesco Jules Schermer/20th Century-Fox, 89 min. – av. Dale Robertson (Albion Hamlin), Anne Francis (Lydia Bailey), Charles Korvin (Gabriel d’Autremont), William Marshall (King Dick), Luis Van Rooten (gén. Charles Victor-Emmanuel Leclerc), Gladys Holland (Pauline Leclerc-Bonaparte, son épouse), Roy E. Glenn (le renégat Mirabeau), Ken Renard (gén. Pierre-Dominique Toussaint Louverture), William Walker (gén. Laplume). Synopsis : À Port-au-Prince à Haïti en 1802, Albion Hamlin, un avocat américain en voyage d’affaires, défend les intérêts et l’héritage de Lydia Bailey, une compatriote liée à Gabriel d’Autremont, un riche propriétaire français. Lydia est témoin des affrontements sanglants entre Noirs et les troupes de Bonaparte, prend parti pour les insurgés de Toussaint Louverture et empêche ce dernier de tomber dans le piège que lui a tendu le fourbe général Leclerc, beau-frère de Bonaparte. Leclerc ayant refusé les conditions de paix de Toussaint – sa reddition contre l’évacuation de l’île par les Français –, ce dernier, la mort dans l’âme, donne l’ordre de dévaster Port-au-Prince. Les plantations de d’Autremont sont incendiées, le personnel massacré par des insurgés ; lui-même tente de se débarrasser de son rival en amour, Albion, mais perd la vie, tandis que l’Américain quitte l’île mise à feu et à sang en emmenant Lydia avec lui. Tourné en Technicolor, en extérieurs non pas sur place à Haïti, comme le proclame la publicité, mais au ranch de la Fox à Calabasas et aux studios de Century City à Westwood (Los Angeles), d’après le best-seller éponyme de Kenneth Roberts (1947), adapté par Michael Blankfort et Philip Dunne. Le projet a été annoncé en 1950 déjà, avec Micheline Presle ou Jean Simmons, et Tyrone Power dans les rôles principaux. Une bande d’aventures mouvementée (danses vaudoues comprises) et aux couleurs avenantes, intéressante surtout parce qu’il s’agit de l’unique film de cinéma dans lequel apparaît Toussaint Louverture. Le père de la révolte dominguoise est dépeint à l’américaine : un vieux sage, noble et idéaliste, parfois à la limite de la candeur. C’est le brave yankee, démocrate intègre, qui l’empêche de se faire arrêter et d’être déporté en France en dépit des promesses données (sic). En pleine guerre froide, l’Amérique de Truman s’affiche comme défenseur du Tiers Monde et des hommes de couleur en général (ce qui ne manque pas de toupet, compte tenu de ce qui se passe en Alabama), tandis que la France, empêtrée en Indochine, est ressentie comme une puissance coloniale réactionnaire et anachronique. Elle représente, transposée dans ce contexte, l’extension mondiale du totalitarisme communiste. Bref, on l’aura deviné, les Français n’ont pas le beau rôle : Pauline Bonaparte est une mégère raciste et malfaisante qui aime humilier son époux, lui-même un traîne-sabre vaniteux imitant dans ses poses les gestes de son dictateur de beau-frère. Pour l’anecdote : la première mondiale du film – inédit en France – a lieu à Haïti. – DE : Schwarze Trommeln, AT : Aufstand auf Haiti, IT : La rivolta di Haiti, ES : Lydia Bailey, la hechicera de Haiti ; Revuelta en Haiti. |
1962 | ® Venere imperiale (Paolina Bonaparte) / Vénus impériale (IT/FR) de Jean Delannoy. – av. Gina Lollobrigida (Pauline Leclerc-Bonaparte), RAYMOND PELLEGRIN (Napoléon), Massimo Girotti (gén. Charles Victor-Emmanuel Leclerc), Giustino Durano (le docteur Bousquet), Umberto Raho (gén. François-Marie Perichou de Kerversau), Gabriele Ferzetti (Stanislas Fréron), Edith Peters (la générale Thomas), Van Prince (Soliman), Aldo Berti (le moribond à Saint-Domingue). – Épisode de 20 minutes : Sur ordre de son frère, le Premier Consul, la frivole Pauline Bonaparte épouse le général Leclerc (1797) et l’accompagne à Saint-Domingue, où le Premier Consul a nommé son mari capitaine général chargé de mater l’insurrection des Haïtiens et d’y rétablir l’esclavage. Ses caprices et coups de tête minent l’autorité de son mari, qu’elle cocufie par ennui. Incapable de contenir les insurgés, l’armée française est en déroute, et en plus décimée par la fièvre jaune. Dans l’hôpital militaire, parmi les agonisants, Pauline reconnaît son ancien amant, le conventionnel Stanislas Fréron. Évacué sur l’île de la Tortue, Leclerc succombe à l’épidémie (novembre 1802) ; Pauline, qui l’a soigné avec dévotion, coupe sa somptueuse chevelure en signe de deuil et retourne en Europe (cf. p. 88). |
1989/90 | (tv) Toussaint Louverture ou la Révolution d’un esclave africain devenu général de la République (FR) de Claude Moreau (La Sept 30.8.90), 58 min. – av. Gérard Essomba Many (gén. Pierre-Dominique Toussaint Louverture), Jacques Perrin, Jean-Claude Brialy, DANIEL MESGUICH (Napoléon Bonaparte), Jean-Pierre Kalfon, Jean-Pierre Sentier, Toto Bissainthe, le Ballet national du Sénégal, les percussionnistes de Doudou N’dyaie Rose et le chœur de Julien Jouga. À l’origine de ce spectacle filmé, il y a une mise en scène en plein air de deux heures conçue par Claude Moreau pour les Productions de Labaque lors du troisième Sommet de la Francophonie de Dakar (présenté plus tard aussi à Lille devant 18 000 spectateurs), dans le cadre des manifestations du bicentenaire de la Révolution en 1989. Les grands moments qui ont abouti à la première abolition de l’esclavage en 1794 sont évoqués notamment à travers un long monologue de Toussaint écrit par Jean-Louis Sagot-Duvauroux et Pierre Sauvageot. Le spectacle est joué « live » sur la plage de N’gor au Sénégal devant un parterre de chefs d’État avec une distribution internationale qui apparaît dans des séquences de films 35 mm projetées sur deux écrans (avec Brialy, Perrin, Sentier, Mesguich, Kalfon), tandis que sur scène jouent Essomba, Toto Bissainthe, le ballet, les percussionnistes et les chœurs. Les répétitions ont eu lieu pendant trois mois à Paris. Moreau capte l’événement pour une diffusion télévisée (FR3 et Arte) en le réduisant de moitié. Mesguich interprète ici pour la quatrième fois Bonaparte à la télévision, après Mon dernier rêve sera pour vous (1989), Joséphine ou La Comédie des ambitions (1979) et Lazare Carnot (1978). |
1993 | *(tv+ciné) Le Siècle des Lumières / El siglo de las luces / Vyedma – Drugoye nazvaniye (FR/CU/RU/UA/ES) de Humberto Solás Parties : 1. Les Feux de la Révolution / Los fuegos de la Revolución – 2. Le Sang des peuples / La sangre de los pueblos – 3. L’Explosion dans la cathédrale / Explosión en la catedral Miguel Mendoza, Denise Cassoti, Leonid Gomorin/FR3 Régions-La Sept-Société Française de Production (SFP)-Instituto Cubano del Arte e Industria Cinematográficos (ICAIC)-Ekran-SA Yalta Films-TVE (FR3 2.+9.+ 16.3.93), 3 x 86 min. (247 min.) / cinéma : 132 min. – av. François Dunoyer (Victor Hugues), Rustam Urazaev (Esteban), Jacqueline Arenal (Sofía), Frédéric Pierrot (Carlos), Alexis Valdés (le docteur Ogé, médecin noir), Mireya Chapman (Rosaura), Georges Aminel (M. Anse), Philippe Caroit (ltn. de Saint-Affrique), Erik Deshors (Jorge, le mari de Sofia), Jean Franval (cpt. Barthélémy), Jean-Pierre Rémi (Hauguard), Elvira Valdés (Athalie Bajazet), Omar Valdés (Don Cosmes), Carlos Padrón (Chrétien), Vicente Revuelta (Jacques-Nicolas Billaud-Varennes, dit « le Tigre »), Miguel Gutiérrez (Caleb Dexter), André Julien et Françoise Audollent (domestiques), Patrick Massiah (Martinez), Tito Junco (Remigio), Dagoberto Gaínza (Señor Anse), Bernardo Menéndez (Sieger), Omar Ali (Pelardy), Nicolas Silberg (le Vénérable), Margia Magdalina (danseuse), Jean-Yves Martinez (Boudet), Eric Deshors, Christian Balthauss, Alberto Pujol. Synopsis : Une nuit de janvier 1809, Carlos arrive à Madrid pour élucider la disparition de sa sœur adorée et de son cousin au cours du soulèvement du 2 mai contre les troupes napoléoniennes. En visitant la demeure où le couple a séjourné, le tableau L’Explosion dans une cathédrale de François de Nomé retient son attention et entraîne un long flash-back en trois parties ... La Havane, dans la colonie espagnole de Cuba, en 1788. Trois adolescents, les orphelins Carlos et Sofia et leur cousin Esteban, mènent une vie aisée, indolente, à l’abri du monde, lorsque Victor Hugues, un séduisant négociant marseillais, libre-penseur et franc-maçon établi à Port-au-Prince, à Saint-Domingue (Haïti), bouleverse leur huis-clos oisif avec ses discours de science, de liberté, de progrès. Hugues déflore la rieuse jeune fille de quinze ans qui se découvre une âme de libertine et, recherché par la police pour ses opinions politiques, il retourne à Saint-Domingue accompagné d’Esteban. Entre-temps, les Noirs se sont révoltés à l’instigation de Toussaint Louverture, le commerce de Hugues est en ruine ; il gagne la France avec son jeune compagnon. La Convention envoie Esteban soulever les Basques contre le roi d’Espagne, initiative qui se solde par un échec. Ayant renié ses idées fraternelles de franc-maçon, Hugues se transforme en accusateur public féroce à Rochefort. Satisfait, Robespierre le nomme administrateur français dans les colonies, chargé de reprendre la Guadeloupe aux Anglais, d’y introduire les préceptes de la Révolution et d’y abolir l’esclavage (1794). Esteban l’accompagne, Hugues livre bataille et écrase l’armée britannique. Mais bientôt le vent tourne. Esteban repart, écœuré par le despotisme, le fanatisme et l’inhumanité de son ami guillotinant à tour de bras tous ceux qui n’acceptent pas la vision de Robespierre : c’est la trahison des idéaux. En 1799, Esteban retourne à La Havane auprès de Carlos et Sofia, son amour de toujours, mais celle-ci s’est mariée avec Jorge, un riche colon. Personne ne le comprend : ses cousins sont plus que jamais persuadés que la guillotine est une « nécessité » et qu’« on ne peut vivre sans idéal politique ». Lorsque son époux décède, en 1802, Sofia fait voile pour la Guyane chez Hugues, que Bonaparte vient de nommer gouverneur. Elle défend l’implacabilité de Hugues au nom du « bonheur des peuples », rien de grand ne se faisant sur terre « sans effusion de sang ». Hugues s’applique à rétablir l’esclavage et, outrepassant les ordres de Paris, fait massacrer la population noire, des « paresseux, sales et inutiles » : les dérives du pouvoir et l’intérêt personnel ont pris le dessus. Sofia se détourne de son ancien séducteur devenu un tyran et rentre chez elle désenchantée (« tout sent le cadavre »). Apprenant qu’Esteban a été incarcéré à Ceuta pour sédition, elle prend le premier navire pour l’Espagne afin d’obtenir sa libération. Ils se retrouvent à Madrid au cœur des tumultes du 2 mai 1808, le début de la guerre de libération contre Napoléon. En combattant les Français dans la rue, le couple prend conscience de la nécessité de poursuivre la lutte contre toute forme d’oppression. Sofia est mortellement blessée, Esteban la porte dans une église ; bientôt ensevelis par les explosions qui détruisent l’édifice rempli de mourants, les amants rebelles croient voir les quatre cavaliers de l’Apocalypse. Cela fait trois décennies qu’Humberto Solás, le plus original des cinéastes cubains, rêve de porter à l’écran le roman éponyme d’Alejo Carpentier (Prix Cervantès 1977), une vaste « symphonie caraïbe » baignée d’amertume que l’auteur havanais a rédigée entre 1956 et 1958, et qui a été publiée en 1962, après le triomphe de Fidel Castro. Mais le sujet est brûlant et le titre de l’œuvre ironique, car il se réfère à un siècle ensanglanté et démontre que les révolutions finissent toujours par trahir leurs idéaux, d’où un appel à la vigilance. Le Marseillais Jean-Baptiste Victor Hugues (1762-1826), surnommé « le Robespierre des Antilles », et Jacques-Nicolas Billaud-Varenne (1756-1819), dit « le Tigre », y jouent un rôle sinistre de guillotineurs. Avec la perestroïka et la chute du Mur de Berlin à l’Est, au lendemain du bicentenaire de la Révolution française, les conditions semblent enfin réunies pour monter une coproduction télévisuelle impliquant la République cubaine, la France, l’Espagne, la Russie et l’Ukraine. (Prenant ses distances avec le modèle soviétique, Cuba se profile comme détenteur d’un socialisme authentique.) Tout en cherchant à être le plus fidèle possible au roman, Solás introduit quelques changements structurels : la trame très linéaire du texte est remplacée par une succession de trois flash-backs qui correspondent aux étapes du processus révolutionnaire et à leur impact sur la trajectoire des quatre protagonistes ; la romancière octogénaire cubaine Alba de Céspedes et le scénariste Jean Cassies remédient à l’absence de dialogues sans toujours atteindre le niveau de la prose originale. La fin est légèrement modifiée : chez Carpentier, elle n’est que suggérée, Sofia et Esteban prenant les armes sans vraiment savoir pourquoi. Le tournage se fait en français, d’abord en 1990 à Yalta, sur la mer Noire (scènes maritimes), puis à Paris, à Bordeaux, à Madrid (Casa de Arcos pour le prologue-épilogue), dans les vieux quartiers de La Havane (Casa Obrapia), enfin dans les provinces cubaines de Pinar del Río et Las Tunas pour les paysages de Saint-Domingue, de la Guadeloupe et de la Guyane. Protégé par son prestige international qui lui laisse une certaine liberté créative, Solás livre en fait une méditation sur le Cuba contemporain et l’échec des socialismes en Europe, comportant en sous-texte une critique des erreurs de la Révolution castriste. Le cinéaste veut une œuvre à la fois spectaculaire et philosophique, loin de l’habituel didactisme idéologique et qui s’adresse à un public large. Esprit créatif porté sur l’expérimentation, mais de tempérament baroque et romantique, il applique à ses réflexions un traitement visuel très recherché (couleurs subtiles, lumières en demi-teintes, déplacements constants de la caméra), proche de l’esthétisme exubérant d’un Visconti ou Bertolucci. Soutenu par une photo flamboyante de Livio Delgado, la sensualité de l’actrice cubaine Jacqueline Arenal et l’élégance de François Dunoyer (Le Retour d’Arsène Lupin, tv 1989-90), son récit retrouve plus d’une fois le souffle épique et la sensibilité de Carpentier. Pour l’exploitation en salle, Nelson Rodríguez remonte la télésérie en un long métrage de deux heures, une opération peu convaincante, car la narration devient trop concise, les ellipses trop violentes. L’accueil public du film à Cuba est glacial. Effondré, se sentant incompris, Solás tourne le dos au cinéma pendant neuf ans. Primé au Festival international de Gramado, au Brésil 1993 (photo, décors), Prix Pitirre du meilleur film au Festival Cinemafest de San Juán à Puerto Rico 1993, Mention spéciale du Jury au Festival ibéro-américain de Huelva, en Espagne 1993. |
1998 | [sortie : 2002] *Sucre amer / Bitter Sugar (FR/GP/CA) de Christian Lara Jacques Dorfmann, C. Lara, Gérard Martin, Richard Sadler/Les Films du Paradoxe-Films Stock International Inc.-Guadeloupe Films Compagnie (GFC), 90 min. – av. Jean-Michel Martial (cdt. Joseph Ignace), Xavier Letourneur (Victor Hughes), Philippe Le Mercier (gén. Antoine Richepanse), Luc Saint Eloy (Louis Delgrès), Guy-Pierre Mineur (gén. Magloire Pélage), Lydie Denier (Joséphine de Beauharnais), Eric Titus Mariotti (le gouverneur Lacrosse), Marc Michel (comte de Nolivos), Gabriel Gascon (président du tribunal), Maka Kotto (Alexandre Privat d’Anglemont), Isabelle Valmar (la femme d’Ignace), Éric Vu-An (chevalier de Saint-George), Dominik Bernard (gén. Charles Catherin Sériziat), Guy Salme (gén. Jacques Nicolas Gobert), Éric ‘Titus’ Mariotti (gouverneur Lacrosse), Eugènie Louis-Joseph (Marthe Rose), Dominic Allen (vice-amiral Alexander Cochrane), Marie Verdi (Marie), Pierre Chagnon (Victor Schoelcher), Aline Mugerin (Chanterelle), Renaud Roussel (cpt. Rougier). Guadeloupe, en mai 1802: délégué par Napoléon pour y rétablir l’esclavage, le général Antoine Richepanse (1770-1802) se heurte à la résistance du commandant noir Joseph Ignace, un esclave affranchi qui a acquis ses galons aux côtés du général Pélage. Héros ignoré des manuels scolaires, né en 1772, accusé de haute trahison pour avoir combattu la République qui devait le priver de liberté, Ignace se suicide après une longue résistance en défendant le fortin de Baimbridge (Baie Mahault), le 25 mai 1802. On relève 675 morts guadeloupéens, les 250 survivants sont tous fusillés par les troupes françaises de Pélage et Gobert. La tête d’Ignace est exposée comme trophée sur la place de la Victoire à Fouillole. Trois mois après cette « pacification », Richepanse décède de la fièvre jaune. Dans son film monté avec peu de moyens mais des idées et un brin de poésie, le cinéaste Christian Lara (petit-fils du premier historien guadeloupéen Oruno Lara) alterne de passionnantes scènes de tribunal au palais de justice de Basse-Terre (Guadeloupe) de nos jours et diverses reconstitutions historiques pour savoir si Ignace est coupable aux yeux du tribunal de l’Histoire. Des témoins du passé (Joséphine de Beauharnais !) sont appelés à comparaître. Le résultat est souvent original et émotionnellement très fort malgré quelques clichés simplistes : un travail de mémoire indispensable. (En 2001, en raison du rôle que Richepanse joua dans la répression de la rebellion antillaise, la ville de Paris débaptise la rue qui portait son nom.) Cette production mise sur pied à l’occasion du 150 e anniversaire de l’Abolition de l’esclavage obtient le Prix Paul Robeson 1999 au Festival panafricain de Ouagadougou et le Grand Prix du Jury au Festival panafricain du film de Los Angeles 2008. |
2000 | (tv) Jack of All Trades (Jack, le vengeur masqué) (US/NZ) de Josh Becker, Chris Graves, Charlie Haskell, Wayne Rose, Michael Hurst, Eric Gruendemann, John Laing et Wayne Rose Rob Tapert, Sam Raimi, Bruce Campbell/Renaissance Pictures (US tv : 17.1.-20.5.00/7.10.-2.12.00), 22 x 30 min. – av. Bruce Campbell (Jack Stiles), Angela Marie Dotchin (Emilia Smythe Rothschild), Stuart Devenie (gouverneur Croque/marquis de Sade), Stephen Papps (cpt. Brogard), John Summer (Benjamin Franklin), Charles Pierard (président Thomas Jefferson), Patrick Smith (James Madison), VERNE TROYER (Napoléon Bonaparte), Celia Nicholson (Joséphine de Beauharnais), Mark Hadlow (George III), Jori Ahipene (Blackbeard), Alistair Browning (George Washington), Patrick Wilson (Merriwether Lewis), Peter Rowley (William Clark), Vanessa Rare (Sacajawea), Danielle Cormack (Catherine II de Russie). Parodie débridée : en 1801, dépêché par Jefferson et aidé par une agente britannique, Jack Stiles, un espion américain, combat la politique de colonisation de Bonaparte dans les Caraïbes, notamment sur l’île (fictive) de Pulau-Pulai. Selon les occasions, il se transforme en héros masqué sous le nom de « The Daring Dragoon ». Écrite par Eric A. Morris, la série s’amuse à aligner anachronismes et erreurs historiques intentionnelles (le Canada est encore un territoire français), mobiliser des personnages de tous azimuts (du marquis de Sade à Catherine la Grande) et à donner à ses épisodes des titres qui se réfèrent à des films célèbres. Le vaillant Stiles kidnappe Franklin lors de son voyage en France pour vendre à Napoléon (joué par un nain !) une arme de destruction massive (1.3), bat l’Empereur au poker pour récupérer la Louisiane (1.6), empêche émilia de se sacrifier en épousant Napoléon afin d’éviter l’invasion de la Grande-Bretagne (1.8), etc. Tourné à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Episodes : 1. « Return of the Dragoon » – 2. « Sex and the Single Spy » – 3. « The Floundering Father » – 4. « Once You Go Jack ... » – 5. The People’s Dragoon » – 6. « Raging Bully » – 7. « Daddy Dearest » – 8. « One Wedding and an Execution » – 9. « Croque for a Day » – 10. « Dead Woman Walking » – 11. « Love Potion No. 10 » – 12. « Up the Creek » – 13. « X Marquis the Spot » – 14. « It’s a Mad, Mad, Mad, Mad Opera » – Saison 2 : 1. « A Horse of a Different Color » – 2. « Shark Bait » – 3. « Monkey Business » – 4. « The Morning After » – 5. « Croquey in the Pokey » – 6. « One, Two, Three, Give Me Lady Liberty » – 7. « Hamnesia » – 8. « Seventy Brides for One Brother ». |
2001 | (vd) Flames of Freedom (US) de William G. Wagner William G. Wagner/Colonial Williamsburg Foundation, 60 min. – av. Richard Josey (Toussaint Louverture), MARK SCHNEIDER (Napoléon Bonaparte), Ron Carnegie, Mark Greenough, Jack Flinton, Ed Boscana, Mark Howell, Carson Hudson, Clarence Jefferson, James Ingram, Patrick Andrews, Willia Balderson, . – Docu-fiction illustrant les diverses rebellions des esclaves afro-américains. |
2004 | 1802 – L’Épopée guadeloupéenne (FR/GP) de Christian Lara Bicéphale Productions, 100 min. – av. Eugénie Louis-Joseph (Marthe Rose), Luc Saint-Eloy (Louis Delgrès), Jean-Michel Martial, Philippe Le Mercier, Michel Auguste, Patrick Mille, Marc Michel. Bonaparte rétablit par la force l’autorité de la France en Guadeloupe et impose le retour à la servilité. Le colonel mulâtre Louis Delgrès (1766-1802) s’oppose aux troupes consulaires françaises du général Antoine Richepanse. Acculés à Matouba, Delgrès et ses trois cents compagnons se suicident à l’explosif, le 28 mai 1802. Film militant tourné par le réalisateur guadeloupéen qui signa déjà Sucre amer en 1998 (avec les mêmes interprètes, cf. supra), mais la caricature et le manque flagrant de moyens desservent cette fois la force du propos. |
2007 | ® (tv) The Story Behind the Count of Monte Cristo (The Three Dumas) (GB) de Gian Godoy (BBC 11.11.07), 180 min. – av. Esther Anderson (Toussaint L’Ouverture), Nyasha Hatendi (gén. Henri Christophe, futur roi d’Haïti), José de Barahona (Alexandre-Antoine Davy de La Pailleterie, grand-père d’Alexandre Dumas), PANDORA CHOUCHANA (Napoléon Bonaparte). – La vie du grand-père d’Alexandre Dumas à Saint-Domingue. |
2009 | (tv) Égalité for All : Toussaint Louverture and the Haitian Revolution (Toussaint Louverture, le libérateur d’Haïti) (US) de W. Noland Walker Koval Films LLC-Independent Television Service-Oregon Public Broadcasting-NBPC (25.1.09), 51 min. – av. Juan Maria Almonte (Toussaint Louverture), Edwidge Danticat (narration). – Un docu-fiction écrit par Margaret Koval et Noland Walker, avec reconstitutions et acteurs anonymes. |
2009 | (vd) The Last Days of Toussaint L’Ouverture (US) de Derick Alexander Pictures for Eula Mae, 24 min. – av. Joseph Ademola Adeyemo (Toussaint Louverture), Fred Bishop (gén. Marie François Auguste de Caffarelli du Falga), DAN SPECTOR (Napoléon Bonaparte), Terra Wellington (Julienne Caffarelli), Derick Alexander (Mars Palais), Joseph Steven (geôlier), Mourad Julian Ladjimi (capitaine de la garde). Arrêté par trahison, sur ordre de Bonaparte, Toussaint Louverture est sommé par Caffarelli de révéler la cachette de son trésor de guerre. Louverture se tait, il est déporté en France, au Fort de Joux dans le Jura, où il ne tarde pas à mourir des suites du climat rigoureux. Court métrage filmé à Los Angeles et à Orange (Calif.). |
2012 | *(tv) Toussaint Louverture (FR) de Philippe Niang Parties : 1. L’Envol de l’aigle – 2. Le Combat des aigles France Zobda, Jean-Louis Monthieux/Eloa Prod.-La Petite Reine TV-France Télévisions (FR2 14.+15.2.12), 89 min. + 94 min. – av. Jimmy Jean-Louis (Toussaint Louverture), Aïssa Maïga (Suzanne, sa femme), Yann Ebonge (Moyse), Arthur Jugnot (Etienne Denis Pasquier), Pierre Cassignard (gén. Etienne Maynaud Bizefranc de Lavaux), Hubert Koundé (Jean-Jacques Dessalines), Magloire Delcros-Varaud (Mars Plaisir), Philippe Caroit (Bayon, un planteur), Thierry Desroses (Christophe), Féodor Atkine (gén. Marie François Auguste de Caffarelli du Falga), Stany Coppet (le général mulâtre André Rigaud), Joffrey Platel (gén. Charles Victor-Emmanuel Leclerc, mari de Pauline Bonaparte), THOMAS LANGMAN (Napoléon Bonaparte), Eric Viellard (Léger-Félicité Sonthonax), Sonia Rolland (Marie-Eugénie Sonthonax), Tony Accad (Marie-François Auguste). Jeune officier, Pasquier est chargé par le Premier Consul de gagner la confiance du prisonnier de Fort de Joux, Toussaint Louverture, ou de le contraindre, en augmentant les privations de tout ordre, à révéler où est caché le trésor de guerre des insurgés haïtiens (trésor qui n’a vraisemblablement jamais existé). Les flash-backs nourrissent le récit de la sanglante insurrection dominguoise, où apparaissent notamment le général Dessalines, futur premier empereur d’Haïti (1804/1806), et l’aide de camp de Napoléon, Marie François Auguste de Caffarelli du Falga (1766-1849), frère du fameux général Caffarelli tombé en égypte. Une biographie de Toussaint Louverture relativement fidèle, à quelques détails près (son père n’a pas été tué par ses maîtres, ni le vieux Moyse par des sbires du Consulat). De facture honnête, avec de petites longueurs, ce téléfilm scolaire qui a demandé sept ans d’efforts pour aboutir, a surtout le mérite d’exister : c’est bien à ce jour l’unique fiction entièrement consacrée au héros haïtien. Il donne une idée de la situation politico-économique très compliquée d’une île ballottée entre planteurs français blancs et noirs, mulâtres, esclaves noirs, royalistes, républicains, Espagnols et Anglais, et ne cache pas le côté buté et finalement dictatorial de Toussaint qui lui vaut de puissants ennemis jusqu’à Paris. La production manque de moyens pour vraiment illustrer son habileté tactique lors des batailles (qui ne sont ici qu’escarmouches), mais Jimmy Jean-Louis, un ancien mannequin et danseur haïtien spécialisé dans le cinéma d’action (Hollywood Homicide, 2003), porte l’uniforme avec panache et autorité. Tourné au Fort de Joux (Jura), à Saint-Rémy-les-Chevrauses, Ambleville, Cerny et à la Martinique (communes de Le Marin, Les Trois-Ilets, Le Diamant, Basse Pointe, Trinité, Le Lorrain, Le Lamentin, Fort-de-France). Prix « Notre Afrik » 2012 à Jimmy Jean-Louis, primé au 20 e Pan-African Film Festival (meilleur film, prix du public, Jimmy Jean-Louis), Mention spéciale au festival « Vues d’Afrique » de Montréal 2012. |
2021 | (tv) Toussaint Louverture : la liberté à tout prix... (FR) de Benjamin Lehrer (fict.), Bruno Deltombe, Xavier Lefebvre (doc.) Série "Secrets d'Histoire" présentée par Stéphane Bern (saison 15, épis. 8), Jean-Louis Remilleux, Laurent Menec/Société Européenne de Production-France Télévisions (FR3 10.5.21), 106 min. - av. Gaël Tavares (Toussaint Louverture), Andrino Mpioso (Jean-Jacques Dessalines), Louis Bernard (Danton), Maxime Bregowy (Richepanse), Jonas Dinal (Christophe), José Fumanal (maître esclavagiste), BRUNO DESPLANCHE (Napoléon), Moussa Camara, Jonathan Chamand, Benedicte Congar, Manon Hoffmann, Rasmata Rabo, Aloufoue Moussa Sina, Mathieu Theoleyre, Guy Tibe, Clément Vullion. Excellent docu-fiction, riche en informations peu courantes et en éclairages politiques loin des habituels anachronismes. |