Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

7. PERSONNALITÉS MARQUANTES DU PREMIER EMPIRE

7.3. Surcouf le corsaire

Robert Surcouf (1773-1827), corsaire breton et baron d’Empire décoré de la Légion d’honneur, surnommé « le tigre des sept mers ». Natif de Saint-Malo, Surcouf traverse sur mer le tumulte de la Révolution et se mesure aux Anglais dès 1789 dans l’océan Indien où ses coups insensés deviennent légende : en 1795, il prend le « Triton », navire britannique de 150 marins, à la tête de seulement vingt corsaires. En 1800, il capture le « HMS Kent », qui compte 437 hommes, alors qu’il n’en dirige que 160. En quatre ans d’activité corsaire, Surcouf cumule au total 46 prises et une fortune considérable. La propagande napoléonienne exploite ses hauts faits pour masquer la défaillance chronique de la marine militaire française. Toutefois, l’occupation principale de ce héros de la nouvelle France postrévolutionnaire, commerçant avisé, propriétaire terrien et armateur travaillant en famille, est la traite négrière ... détail que le cinéma se garde bien de relever !
1924/25*Surcouf (FR) de Luitz-Morat
Louis Nalpas/Société des Cinéromans, 9000 m. (sérial en 8 épis.). – av. Jean Angelo (Robert Surcouf), Thomy Bourdelle (Marcof), Maria Dalbaïcin (Madiana), Pierre Hot (cpt. Dutertre), Antonin Artaud (Jacques Morel), Jacqueline Blanc (Marie-Catherine Surcouf, née Blaize de Maisonneuve), Louis Monfils (Commodore Rewington), Jean Peyrière (Sir William Pitt), Daniel Mendaille (gén. Lord Bruce), JEAN LORETTE (Napoléon), Johanna Sutter (Tagore), Émile Keppens (Charles-Ange Surcouf, le père), Émilie Prévost (Mme Surcouf, née Rose-Julienne Truchot de la Chesnais), Arnaudy (le père Monnier), le petit Arnaudy (Surcouf enfant), Georgette Sorelle (Lady Bruce), Émile Engeldorff.
En pleine tempête, le corsaire Marcof sauve le jeune Robert Surcouf, fils d’un armateur de Saint-Malo, et l’adopte pour en faire un grand marin. Quinze ans plus tard, devenu roi des corsaires, ce dernier revient au pays riche de butin, de renommée et de cadeaux princiers pour sa famille. Marie-Catherine, sa cousine, l’attend, au dam d’un autre amoureux, Jacques Morel, un parent pauvre aigri. En rendant visite à son mentor Marcof, Surcouf s’éprend de son épouse, Madiana, une métisse envoûtante enlevée à une secte d’hindous fanatiques que dirige le sinistre prêtre Tagore (sic). Pour la fuir, il reprend la mer. À l’île de France (île Maurice), dans l’océan Indien, il s’allie avec le capitaine Dutertre et, écumant les mers ensemble à bord de la « Confiance », ils s’emparent du « Kent », un puissant vaisseau de la Compagnie des Indes. Surcouf y retrouve Madiana, captive de deux Hindous ; coulé par les Anglais, Marcof aurait péri en mer. Le corsaire se fiance avec la belle Orientale. Sir William Pitt, le Premier ministre, ayant organisé un échange de prisonniers à la demande de Surcouf, celui-ci apprend que Marcof n’est pas mort mais croupit dans les pontons anglais à Portsmouth. Le Malouin organise une expédition pour le libérer. Sur place, Tagore sabote leurs efforts puis alerte la soldatesque lorsque Surcouf, Marcof, Dutertre et leurs compagnons se cachent dans la villa de Lord Bruce. Ils sont arrêtés et condamnés à mort, mais Pitt envoie Surcouf à Paris avec une lettre à Bonaparte lui demandant, contre la libération des captifs bretons, de renoncer à la guerre de course. Le Premier Consul le reçoit à la Malmaison, lui propose vainement le poste de la direction de la Marine et épingle sur sa poitrine sa propre Légion d’honneur. Surcouf le supplie de ne pas céder au chantage de Londres ; Bonaparte le congédie avec une missive à Pitt. À Saint-Malo, sur le chemin du retour, le corsaire retrouve Marie-Catherine, puis apprend l’enlèvement de Madiana par Tagore et son nouveau complice, Morel. Tagore le blesse d’un coup de poignard empoisonné. Surcouf cautérise la plaie et fait voile vers Portsmouth : Bonaparte exige de Pitt la libération des Bretons, faute de quoi deux cents notables anglais appréhendés en France seront exécutés. Pitt obtempère. à Saint-Malo, Surcouf tue Tagore, Morel se fait justice. Madiana se suicide pour laisser sa place à Marie-Catherine.
Parfois plus proche des abracadabrances du sérial à l’américaine que de l’histoire maritime, ce feuilleton imaginé par Arthur Bernède, l’auteur populaire de Belphégor et de Judex, est surtout remarqué pour sa majorité de prises de vues en décors naturels. Le cinéaste Luitz-Morat (alias Maurice Radiguet), d’abord acteur chez Feuillade et Fescourt, s’est illustré à partir des années vingt par des tournages compliqués en extérieurs en Tunisie, au Maroc, en Italie. Il donne cette fois libre cours à son sens du paysage en plantant ses caméras en Bretagne, où il brave une météo orageuse. On filme en juin-juillet 1924 à Saint-Malo (remparts de Hollande, île Le Grand Bé), à Saint-Servan-sur-Mer au château de Riancourt (là même où mourut le corsaire) et dans sa maison natale, à Rothéneuf, Saint-Lunaire, Dinan (quartier de Jerzual), dans la rade de Paimpol, à Lorient, Saint-Nazaire et Brest. Les descendants de Surcouf (dont le baron Joseph Surcouf, avocat à la Cour d’appel de Paris) prêtent des accessoires authentiques et servent de conseillers historiques. À Paimpol, un terre-neuvier à trois mâts pour la pêche à la morue est transformé en frégate « Confiance » et sert de plateau flottant. Le régiment de Saint-Malo et des fusiliers marins à Lorient (où sont reconstruits les pontons anglais) livrent la figuration, entourés de quelques têtes autochtones pour le pittoresque. Le reste se filme aux studios Levinski/Pathé-Nathan de Joinville-le-Pont, où Luitz-Morat fait dresser le « Kent » et tout l’avant du « Confiance » ; les batailles navales avec des vaisseaux miniatures ne sont pas enregistrées dans un bassin, mais sur une surface lisse et miroitante, et les modèles réduits sont déplacés image par image.
Le feuilleton est un franc succès en salle et se voit distribué à l’étranger. Arthur Bernède (dont le grand-père, Procureur du Roi, connut personnellement Surcouf) en tire un cinéroman, Surcouf, roi des corsaires, sorti dans Le Petit Parisien entre février et avril 1925. En Grande-Bretagne, la European Motion Picture Co. (succursale de l’Universal américaine) le fait remonter en un seul long métrage de 2338 mètres, amputé de toutes les scènes où apparaissent Pitt et Napoléon. Le solde du métrage aurait été exploité sous le titre La Morsure du serpent (?), drame napoléonien. Notons que Bernède s’est en priorité inspiré de la biographie de Charles Cunat, Histoire de Robert Surcouf, capitaine de corsaire (1842), en ajoutant les Hindous et le personnage de Madiana (l’ancien nom de la Martinique !). – Episodes : 1. « Le Roi des Corsaires – 2. « Les Pontons anglais » – 3. « Les Fiançailles tragiques » – 4. « Un cœur de héros » – 5. « La Chasse à l'homme » – 6. « La Lettre à Bonaparte » – 7. « La Morsure du serpent » – 8. « La Réponse de Bonaparte ». – IT : L’eroe del mare, DE : Surcouf, der grosse Korsar ; Surcouf, der König der schwarzen Flagge, GB : The Devil of the High Seas.
1965(tv) Une aventure de Surcouf (FR) d’Henri Carrier
Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 29.12.65), 30 min. – av. Roger Bousquet (Robert Surcouf), Pierre Negre (Baron Rouge), Jacques Hilling (Le Bosco), Anne Carrère (la femme du Baron Rouge), Jacques Rispal (Charpentier), Raymond Bussière (un valet anglais), Jean-Claude Darnal (un marin), Francini & Mannetti (deux clowns).
Un sketch de cape et d’épée écrit par Claude Cobast et Philippe Durand, programme d’après-midi destiné à la jeunesse et animé par Pierre Tchernia.
1966Surcouf, le tigre des sept mers / Surcouf, l’eroe dei sette mari / El Tigre de los siete mares / Los hermanos Surcouf (FR/IT/ES) de Roy Rowland [et Sergio Bergonzelli]
Roy Rowland, Nathan Wachsberger, Richard Hellman/Producciones Cinematográficas [Francisco] Balcázar (Barcelona)-Rialto Films (Paris)-E.D.I.C. (Paris)-Arco Film (Roma), 105 min. – av. Gérard Barray (Robert Surcouf), Antonella Lualdi (Margaret Carruthers), Geneviève Casile (Marie-Catherine Surcouf, née Blaize de Maisonneuve), Terence Morgan (Lord Blackwood, ambassadeur d’Angleterre à Paris), Frank Oliveras (Nicolas Surcouf), Mónica Randall (Joséphine de Beauharnais), Armand Mestral (cpt. Hans Fell), José María Caffarel (M. Blaize de Maisonneuve), Gérard Tichy (Kernan), Alberto Cevenini (Garneray), Antonio Molino Rojo (André Chambles), Tomas Blanco (comte de Malartic, gouverneur d’Île-de-France), Rossella Bergamonti (Louise), Georges Rigaud (le ministre de la marine).
Synopsis : En 1795 à Saint-Malo, le lieutenant Surcouf, 22 ans, et André Chambles rivalisent pour le cœur de Marie-Catherine, mais le premier, désargenté, est désapprouvé par le père de la belle, l’armateur Blaize de Maisonneuve. Ayant juré de faire fortune, Surcouf se rend à Port-Louis en Île-de- France où le gouverneur le charge de forcer le blocus anglais et chercher du ravitaillement aux Seychelles. Le Malouin attaque le « Triton », puissant navire de la Compagnie des Indes, et sauve Port-Louis de la famine. Mais le gouverneur lui ayant refusé sa part de bénéfices, il rentre en France se plaindre au Conseil des Cinq Cents. Chambles empêche Marie-Catherine de fuguer avec lui. Croyant qu’elle ne l’aime plus, il se rend seul à Paris. À une réception donnée par Joséphine de Beauharnais, Surcouf retrouve Margaret Carruthers, la ravissante Américaine dont il a partagé la berline en route pour la capitale et sur laquelle l’ambassadeur d’Angleterre, Lord Blackwood, a un œil. Surcouf brave l’arrogant diplomate avec la fameuse répartie – Blackwood : « Les Français combattent pour l’argent, les Anglais pour l’honneur ... » – Surcouf : « Chacun se bat pour acquérir ce qu’il n’a pas ! » – , puis obtient du Premier Consul son argent, la frégate « Confiance » et une lettre de marque l’autorisant officiellement à naviguer en tant que corsaire. Sir William Pitt met sa tête à prix. Dans le golfe du Bengale, Surcouf aborde victorieusement le puissant vaisseau « Kent », un combat de David et Goliath (7 octobre 1800), mais en épargne le commandant, Blackwood, à présent l’époux de Margaret et qui a lâchement tenté de le tuer. Riche, couvert de gloire et apprenant que sa Marie-Catherine est sur le point de se marier, il distancie le restant de la flotte anglaise pour arriver à temps à Saint-Malo, neutraliser son adversaire Chambles et épouser son amour de jeunesse.
En mai 1961, le metteur en scène Hervé Bromberger annonce un « Surcouf, prince des corsaires » produit par Lux Films Paris-Rome, avec Jean Marais dans le rôle-titre, à filmer à Saint-Malo, en Italie et en Yougoslavie. Mais Jean Marais, suroccupé, se désiste, le projet change de propriétaire et c’est Gérard Barray, incarnation des récents d’Artagnan, Pardaillan et Scaramouche, qui en hérite, avec la rousse et vaporeuse Antonella Lualdi à ses côtés. La famille Surcouf a des réticences quant au choix de Barray – à tort, car ce dernier s’en sort honorablement : son corsaire n’est pas qu’un effronté et joyeux ferrailleur, même si le script d’une affligeante prévisibilité de Jacques Séverac et du vicomte Georges de La Grandière ne permet pas d’étoffer les personnages. Terence Morgan, qui fut Sir Francis Drake dans la série télévisée de l’ITC en 1961, fait un adversaire de taille. Bombardé « conseiller artistique » sur les affiches européennes, le factotum hollywoodien Roy Rowland (qui signa toutefois en 1953 le très original The 5000 Fingers of Dr. T) est en réalité l’unique responsable du film, qui bénéficie de son savoir-faire technique : Bergonzelli, placé au générique pour des impératifs de coproduction, n’en a pas tourné un mètre et ne s’est même jamais manifesté sur le plateau.
Nous sommes, certes, à des années lumière du Captain Horatio Hornblower de Raoul Walsh dont ce Surcouf ne possède ni la puissance dramatique ni l’ampleur visuelle. Le tournage compliqué prend six mois au lieu des trois prévus ; on filme (en anglais) en Techniscope et Technicolor à Saint-Malo, à Dénia près d’Alicante et à Barcelone, dans la rade, aux Studios Balcázar et autour de la grande forteresse de Montjuïc qui surplombe la ville, le tout étant complété par des images de combats navals empruntées à Il figlio del capitan Blood (1961) de Tulio Demicheli. Le splendide trois-mâts « Marcel B. Surdo », déjà utilisé dans ce dernier film, est transformé en « Confiance » ; il reservira notamment dans The Rover (Peyrol le boucanier) de Terence Young en 1967. La chanson du film, « Surcouf, tous les corsaires sont là ! Sûr que les Anglais ne t’aiment pas ! », est un hit, interprétée par Les Compagnons de la Chanson, sur une musique de Georges Gavarentz. Cela donne un succès appréciable dans l’Hexagone avec 1 858 000 spectateurs (pour les deux parties), mais la presse italo-espagnole se gausse surtout du chauvinisme gaulois qui l’anime. – DE : Unter der Flagge des Tigers (Das Kaperschiff), Der Korsar der Kaiserin, GB : The Fighting Corsair, US : The Sea Pirate.
1966Tonnerre sur l’océan Indien (Le Retour de Surcouf) / La Vengeance de Surcouf / Il grande colpo di Surcouf / Tormenta sobre el Pacifico (El corsario Surcouf) (FR/IT/ES) de Roy Rowland [et Sergio Bergonzelli]
Roy Rowland, Nathan Wachsberger, Richard Hellman/Producciones Cinematográficas [Francisco] Balcázar (Barcelona)-Rialto Films (Paris)-E.D.I.C. (Paris)-Arco Film (Roma), 99 min. – av. Gérard Barray (Robert Surcouf), Antonella Lualdi (Margaret Carruthers, Lady Blackwood), Geneviève Casile (Marie-Catherine Surcouf), Terence Morgan (Lord Blackwood), Frank Oliveras (Nicolas Surcouf), GIANI ESPOSITO (Napoléon), Mónica Randall (Joséphine de Beauharnais), Armand Mestral (cpt. Hans Fell), Gérard Tichy (Kernan), Alberto Cevenini (Garneray), Gonzalo Esquiroz (cpt. Toward), José María Caffarell (M. Blaize de Maisonneuve).
Synopsis : Saint-Malo est en liesse, car Surcouf, le corsaire aux 47 victoires, baptise son premier enfant. Mais la guerre contre l’Angleterre a repris. Après le désastre de Trafalgar (1805), Napoléon charge le hardi Malouin d’une mission secrète dans la forteresse de l’île de Mahé, au cœur de l’océan Indien, dont l’ennemi vient de s’emparer et d’où il menace l’Île de France (Maurice) et l’Île Bourbon (La Réunion). Surcouf doit y détruire les documents que le gouverneur français n’a pu emporter dans sa fuite. En route avec le trois-mâts « La Confiance », il capture le « Good Hope » et c’est à son bord que, déguisé en Anglais, il pénètre dans la rade de Mahé ; la nuit, il détruit les documents et fait sauter l’arsenal. Mais son frère cadet Nicolas est capturé et le gouverneur, Lord Blackwood, ennemi juré de Surcouf, menace de le faire pendre. Surcouf revient à Mahé et délivre Nicolas grâce à l’aide de Lady Margaret, son amour de naguère, devenue l’épouse du gouverneur et écœurée par sa fourberie. Dans le combat, elle est abattue par les soldats anglais, tandis que Surcouf, dont les hommes ont pris la citadelle, tue Blackwood en combat singulier.
Suite du film précédent, tournée simultanément, dans les mêmes décors et sortie en salle six mois plus tard. Le résultat n’est guère plus palpitant, mais le public marche – et découvre en bonus le comédien, chansonnier et poète franco-italien Giani Esposito (alors mari de Pascale Petit) sous les traits d’un Napoléon beau ténébreux. À la télévision allemande, les deux films sont remontés et diffusés avec passablement de succès sous forme de série de quatre épisodes (ARD 1972) et de sept en RDA (DFF 1977). – DE : Donner über dem indischen Ozean, Tiger der sieben Meere – Das Wappen von Saint Malo (tv).
1983® (tv) Marianne, une étoile pour Napoléon (FR) de Marion Serrault. – av. Benoît Allemane (Robert Surcouf) (cf. p. 91).
2003(tv) Sur la piste des pirates et des corsaires (FR) de Franck Chaudemanche
Magazine « Quelle aventure ! » (FR3 9.3.03), 52 min. – av. Dominique Pinon (Robert Surcouf), Frédéric Courant (Fred). – Lors d’une visite au musée de la Marine à Paris, Frédéric Courant, en admiration devant un galion miniature, est transporté à Saint-Malo au XVIII e siècle où l’équipage de Surcouf le prend comme mousse à bord du « Renard » pour un périple de sept mois à destination de l’océan Indien. Un voyage ludique et pédagogique.