Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

8. NAPOLÉON REDESSINE LA CARTE D’ITALIE

8.3. « Die Marquise von O…. » de Heinrich von Kleist

Nouvelle parue à Berlin en 1806. – Au printemps 1799, les troupes austro-russes du général Souvorov (Deuxième Coalition) entrent en Italie du Nord pour en chasser les Français. Des soudards russes agressent une jeune veuve, la marquise d’O ..., fille du commandant de la citadelle de Modène. Un officier russe, le comte F ..., la sauve, mais elle se retrouve quelque temps plus tard mystérieusement enceinte. En fait, le comte l’a violée durant son sommeil ; pris de remord, il voudrait s’expliquer et s’excuser, mais il est blessé sur le champ de bataille et ne revient qu’après une longue absence. Désirant réparer sa faute, il demande la main de la marquise, mais celle-ci refuse. Bannie par sa famille, contrainte de s’exiler dans ses terres pour donner naissance à son enfant, elle passe une annonce demandant au père de se faire connaître. Le comte lui répond. Ils finissent par s’épouser, mais l’amour ne viendra qu’après un an d’une union platonique.
Quelques précisions historiques que ne donne pas le texte de Kleist : la région où se réfugie la marquise est celle de Vignola (Émilie-Romagne), le comte F... est blessé à Piacenza (bataille de la Trebbia, le 19 juin 1799), où Souvorov écrase les Français de Macdonald. L’oncle du comte F... est le général Alexandre Rimsky-Korsakoff (1753-1840), qui sera battu par Masséna dans la seconde bataille de Zurich en septembre 1799.
1920Δ Die Marquise von O. – Roman einer menschlichen Verirrung (DE) de Paul Legband; Luna-Film GmbH Berlin, 1788 m. – av. Herta Hedén (Nadine, marquise d’O.), Hans Albers (le lieutenant), Albert Patry (le gouverneur), Ernst Stahl-Nachbaur. – Action transposée en Afrique coloniale à la fin du XIX e siècle.
1959Δ (tv) La Marquise d’O (FR) de Claude Barma ; Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 16.1.59/29.8.61), 65 min. – av. Françoise Christophe (Julietta), François Chaumette (Ivan Vronski), André Luguet (le colonel, son père), Marguerite Pierry (la colonelle, sa mère), Robert Burnier (docteur Medioni), Hélène Tossy (Moravia), Jeanne Provost (Mme Rina), Christian Marin (Francisco), Anna Gaylor (Sophia), les Quat’sJeudi (les moujiks), Michel Piccoli (le récitant). – Kleist adapté par Jacques Armand et transposé dans un contexte plus vague, en Italie en 1798 : les amours mouvementés et contrariés de Julietta, fille du colonel de la forteresse de Fornaro, et de l’officier russe Ivan Vronski.
1973Δ (tv) Die Gräfin von Rathenow (DE) de Peter Beauvais ; CCC Television (ZDF 1.10.73), 90 min. – av. Doris Kunstmann (la comtesse de Rathenow), Hermann Teusch (marquis de Béville), Götz George (Leopold), Edda Seippel (Frau von Quast), Hans Quest (Herr von Quast), Günter Gräwert (Bruyère), Rüdiger Vogel (Ludwig), Rainer Basedow (Franziskus), Günter Bothur, Helga Anders. – L’auteur dramatique Hartmut Lange transpose la nouvelle de Kleist à l’époque de sa parution, soit en Prusse en 1806, lors de l’invasion napoléonienne : des soudards français agressent une jeune veuve, la comtesse de Rathenow. Le marquis de Béville, un officier de la Grande Armée, la sauve, mais elle se retrouve enceinte. La fin du drame prend une autre tournure : amoureux et culpabilisé par son acte, le marquis avoue sa faute, s’établit avec la belle et austère Prussienne à Naples, l’épouse, mais devant son refus persistant de lui pardonner, il se suicide. – La pièce de Lange, parue en 1969, est diffusée à la télévision dans sa deuxième version, créée en 1972 au Thalia-Theater à Hambourg.
1976***Die Marquise von O ... / La Marquise d’O ... (DE/FR) d’Eric Rohmer
Gaumont (Daniel Toscan du Plantier)-Les Films du Losange (Barbet Schroeder)-Janus Film (Klaus Hellwig)-Artemis Film-Fernsehproduktion GmbH Frankfurt am Main, 102 min. – av. Edith Clever (la marquise d’O ...), Bruno Ganz (le comte F ...), Edda Seippel (la mère, la colonelle), Peter Lühr (le père, le colonel), Otto Sander (le frère), Eduard Linkers (médecin), Ruth Drexel (sage-femme), Hezzo Huber (portier), Erich Schachinger (général russe), Richard Rogner (officier russe).
En 1799, alors que les troupes de Souvorov entrent en Lombardie, une jeune aristocrate veuve est sauvée in extremis de l’assaut des soudards par un lieutenant-colonel russe, le comte F. Il l’emmène dans une aile du château et, profitant de son sommeil, abuse d’elle. N’ayant pas eu conscience de cet acte, la marquise se découvre enceinte quelques mois plus tard, alors qu’elle n’a connu aucune relation depuis la mort de son mari. Sa famille la rejette pour échapper au scandale, mais le comte réapparaît et lui fait une cour pressante, à la fois pour réparer sa faute et par réelle inclination. Elle finit par lui pardonner et l’épouse.
Respectant scrupuleusement le texte de Kleist, Rohmer ne fait aucune concession dans l’adaptation, une modification mise à part : il remplace l’évanouissement de la marquise (pendant lequel elle est violée) par un profond sommeil dû à l’absorption d’un narcotique. Le cinéaste tourne en décors naturels (Eastmancolor) dans un château près d’Ansbach/Oberfranken, en Bavière, respecte le comportement, la gestuelle et le verbe de l’époque de Kleist et compose d’admirables tableaux qui s’inspirent de Greuze, de Füssli ou de David Caspar Friedrich. Son film, une réussite totale, obtient le Prix spécial du Jury à Cannes 1976, le Deutscher Filmpreis 1976 (Ganz, Clever, décors), le Prix du National Board of Review 1976 (meilleur film étranger) et le BAFTA Award 1977 pour les costumes.
1989Δ (vd) Die Marquise von O... « vom Süden in den Norden verlegt » (La Marquise d’O) (DE) de Hans-Jürgen Syberberg; TMS Film GmbH München, 225 min. – av. Edith Clever (la marquise). – Film semi-expérimental.