Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

12. LES ÉTATS SATELLITES DE L’EMPIRE

LA SUISSE (République helvétique)
LES PAYS-BAS (République batave et Royaume de Hollande)
LA POLOGNE (Duché de Varsovie)
Napoléon (Janusz Zakrzenski), général sans états d’âme, inspecte sa Légion polonaise stationnée en Espagne (Popioly, 1965).

12.1. La Suisse - de la République helvétique à l’Acte de Médiation

La révolution en Suisse est moins une simple copie de la française que la conséquence de la corruption du système oligarchique de l’Ancien Régime. En 1797, mené par le franc-maçon Frédéric-César de Laharpe, le Pays de Vaud (qui n’a aucun droit politique) demande publiquement une intervention française contre « Leurs Excellences de Berne ». En traversant Genève, Berne et Bâle à la fin novembre 1797, Bonaparte est accueilli par des foules enthousiastes qui le célèbrent en libérateur ; les baillis bernois perdent le contrôle de leurs territoires (un tiers du pays), le château de Chillon est occupé par les comités révolutionnaires ; l’Argovie se révolte à son tour. Lorsque Berne envoie la troupe, les Vaudois prennent les armes et proclament la République lémanique ; les armées patriciennes sont vaincues à Fraubrunnen et au Grauholz, la ville de Berne est occupée et saccagée le 5 mars 1798 par les régiments des généraux Brune et Schauenbourg (le Trésor de la ville financera la campagne d’Égypte et la récolte archéologique de Bonaparte). Le 12 avril, 121 députés des cantons d’Argovie, Bâle, Berne, Fribourg, Léman (Vaud), Lucerne, Oberland (bernois), Schaffhouse, Soleure et Zurich se réunissent à Aarau pour proclamer la RÉPUBLIQUE HELVÉTIQUE « une et indivisible » et accepter sa nouvelle constitution. La France annexe Genève, Neuchâtel (obtenu de la Prusse), Bienne et le territoire du prince évêque de Bâle (Jura) ; le Valais sera transformé en Département du Simplon et incorporé à l’Empire en 1810 pour assurer le contrôle des cols alpins. Abhorrant les changements et le contingentement militaire obligatoire qu’introduisent les « libérateurs », la Suisse centrale résiste en vain à Nidwald.
Durant l’offensive de la Deuxième Coalition contre la France, en 1799, le pays devient pour la première fois le théâtre d’une guerre continentale où s’affrontent Autrichiens, Russes (Souvorov, Rimsky-Korsakoff) et les troupes du Directoire (l’Armée d’Helvétie de Masséna), aux deux batailles de Zurich, sur les rives de la Limmat (juin et septembre 1799) et dans les Alpes. Le Directoire l’emporte, la déroute russe est totale, le traité de Lunéville restaure la paix en Europe. Bonaparte obtient de l’Autriche défaite la pleine reconnaissance de l’indépendance de la Suisse, et la liberté de se doter du gouvernement qui lui convient. Une manœuvre habile que garantit une forme de « protectorat » de Paris, car géographiquement, la Suisse est la porte d’entrée sur le territoire français.
Mais la République helvétique « une et indivisible » (qui ne voit pas moins de quatre coups d’État entre 1800 et 1802) peine à tenir ses promesses et ne se maintient que par la force des baïonnettes françaises : l’utopie égalitaire et le nivellement révolutionnaire d’une centralisation si contraire aux traditions échouent. Les émigrants de l’Ancien Régime et des paysans armés reprennent l’Argovie et Berne et avancent jusqu’à Payerne. Le pays étant en proie à l’anarchie, le Premier Consul donne ordre de mettre fin à la guerre civile et d’envoyer des délégations en consultation à Paris. En octobre 1802, des troupes françaises du Consulat désarment les rebelles en Suisse centrale.
Le 19 février 1803, constatant l’échec d’une République dans laquelle se déchirent les adeptes de la révolution égalitaire (unitaires) et les fédéralistes conservateurs qui s’opposent à la centralisation du pays, Napoléon se présente en médiateur. Il impose une nouvelle Constitution, dite ACTE DE MÉDIATION, qui restaure le système fédéral à la lumière des nouvelles idées. Sauvée ainsi de la guerre civile, la Suisse devient une confédération officiellement plurilingue qui passe de treize à dix-neuf cantons multiculturels et aux droits égaux, un pas décisif vers l’établissement d’un État fédératif moderne. La Constitution conserve le principe de l’égalité politique et juridique de tous les citoyens, la liberté religieuse, l’abolition des privilèges et des douanes. En posant les fondements institutionnels du pays, Napoléon oblige les Suisses à vivre ensemble. La Confédération conclut au passage avec la France un traité d’alliance défensive, ce qui implique en priorité des contingents de soldats (quatre régiments) et des contributions financières. Les bataillons suisses sont mobilisés à Naples pour soutenir le trône mal affermi de Joseph Bonaparte (1806) et suivent les aigles napoléoniennes à travers l’Europe, étant surtout employés au déclin de l’Empire : au Portugal et en Espagne dès 1807, puis en Russie en 1812. Au total 90 000 hommes, dont 12 000 ne reviendront pas. Dix mille périssent en Russie, 1200 en défendant héroïquement les deux ponts de la Bérézina contre les armées de Wittgenstein et Tchitchagov. Simultanément, le Blocus continental anéantit les débouchés des cantons et les ruine économiquement. En 1813, le brillant général vaudois Antoine-Henri Jomini passe dans le camp des Coalisés (état-major du tsar) ; les régiments suisses restés en France refusent de servir l’Empereur pendant les Cent-Jours. Deux ans plus tard, le Congrès de Vienne décrète la neutralité du pays pour raisons géostratégiques.
1927Petronella – Das Geheimnis der Berge (CH/DE) de Hanns Schwarz
Ernst Brand, Albert Heininger, Johannes Jegerlehner/Helvetia-Film AG (Bern, Glarus, Berlin), 3116 m./vers. sonorisée : 94 min. – av. Maly Delschaft (Pia Schwiek), Wilhelm Dieterle (Josmarie Seiler), Ernst Rückert (Gabarel Schwiek), Rudolf Lettinger (Mengis Schwiek, père de Pia), Frieda Richard (Tschäderli), Oscar Homolka (Fridolin Bortis), Theodor Loos (le curé Imboden), Georg John (le vieux Amros), Fritz Kampers (le frère du curé), Hedwig Wangel (la gouvernante), Uwe Jens Krafft (président Zumesch).
Synopsis : En 1801, un détachement de l’armée française se heurte à une résistance insoupçonnée aux abords du village valaisan de Brunegg. Les autochtones – hommes, femmes et enfants – remportent une victoire provisoire au prix de lourdes pertes humaines ; Pia Schwieck, farouche combattante, voit mourir son mari sur les barricades, tandis que Josmarie Seiler pleure son père, le vieil armurier du village. La détresse s’installe parmi la population lorsqu’on découvre la disparition de la cloche porte-bonheur, qui porte le nom de la sainte patronne du lieu, Petronella. Deux paysans, introuvables depuis la bataille, l’avaient mise en sécurité quelque part dans les montagnes. Une épidémie mortelle s’abat sur le village, les paysans lapident une guérisseuse inefficace. Josmarie, banni à jamais des lieux pour avoir accidentellement tué un rival en amour, retrouve la sainte cloche au fond d’une crevasse, obtient le pardon de la communauté et peut s’unir à Pia.
Une légende montagnarde helvétique tirée du roman éponyme de Johannes Jegerlehner (1912) et produite avec l’appui massif de professionnels berlinois : le réalisateur Hann(e)s Schwarz, un solide artisan qui dirigera les plus grandes vedettes du cinéma allemand avant l’arrivée de Hitler, et devant la caméra, le futur cinéaste William Dieterle (au faîte de sa popularité comme jeune premier), flanqué de Maly Delschaft, plus d’une fois sa partenaire. Alfred Hansen, le chef opérateur de Lubitsch, enregistre ses images dans le Valais, sur l’alpe de Praz-Gras, à évolène, aux Haudères et aux Collons ; la bataille rangée entre les grenadiers napoléoniens et les Valaisans réfractaires, dynamique, plastiquement très réussie, est filmée du côté d’Arolla avec 300 figurants locaux. Les intérieurs valaisans sont scrupuleusement reconstruits aux studios UFA de Berlin-Neubabelsberg. On note un effort louable pour échapper, autant que possible, aux clichés folkloriques et excès romanesques du genre, par la simplicité et la sobriété de l’interprétation, mais aussi grâce à un cachet visuel de réelle qualité. Le gouvernement allemand décerne au film la mention « de valeur artistique » (« künstlerisch wertvoll »), mais la reconstitution a englouti trop d’argent et le film ne rentre pas dans ses frais. – AT : Die Glocke von St. Marein.
1928/29*Eternal Love (L’Abîme) (US) d’Ernst Lubitsch
E. Lubitsch, Joseph M. Schenck, John Considine Jr./Feature Productions Inc.-United Artists, 2010 m./1986 m./71 min. – av. John Barrymore (Markus Paltram [= Gian Marchet Colani)), Camilla Horn (Ciglia Tass), Hobart Bosworth (le prêtre Tass, son oncle), Bodil Rosing (domestique), Victor Varconi (Lorenz Gruber), Mona Rico (Pia), Evelyn Selbie (sa mère), Constantine Romanoff (un villageois).
Synopsis : En automne 1805, l’Autriche et la France napoléonienne sont en guerre ; prise en tenaille entre les nations belligérantes, la Suisse subit l’arbitraire des armées étrangères. À Pontresina, en Engadine (Grisons), les autorités françaises confisquent toutes les armes à feu de la population. Tass, le prêtre, convainc les habitants rétifs à obéir. Seul Markus Paltram, chasseur de chamois et épris de liberté, refuse en un premier temps d’obtempérer et vit en hors-la-loi sur le col de la Bernina pour ne pas mettre la communauté en danger. Comme il aime et est aimé de Ciglia, la fille pieuse et timide du pasteur, il finit toutefois par rendre son fusil. Ciglia est également convoitée par Lorenz, un paysan fortuné et soumis aux Français, tandis que Pia, une sauvageonne, cherche à séduire Markus par tous les moyens. Lorsque l’occupation française prend fin, en 1813, les villageois célèbrent la libération. Markus s’enivre et effraie la douce Ciglia qui rentre chez elle. Sous l’emprise de l’alcool, il cède aux avances sexuelles de Pia, avec laquelle il est ensuite contraint de se marier. La mort dans l’âme, Ciglia épouse Lorenz, mais ce dernier, fou de jalousie, réalise bientôt que sa femme aime toujours Markus. Il tend à son rival une embuscade en haute montagne. Il lui tire dessus, Markus le tue en légitime défense. Excitée par Pia qui rend Markus et Ciglia responsables du drame, la populace pourchasse le couple. Pour ne plus être séparés, les amants se suicident en se jetant sous une avalanche.
Dernier film muet de Lubitsch et de sa vedette, John Barrymore, Eternal Love présente une romance assez classique, quoique située ici dans les montagnes enneigées, au cœur de spectaculaires tempêtes qui répondent en écho aux turbulences des passions inassouvies et aux frustrations de deux mariages sans amour. Le mélo est dirigé avec subtilité et une remarquable économie (peu d’intertitres), la narration est limpide et Camilla Horn – la Gretchen du Faust de F. W. Murnau (1926) – illumine le récit de sa beauté virginale jusqu’au final, magnifique mais plutôt inattendu chez un cinéaste porté sur l’ironie et la comédie satirique. Le scénario de Hanns Kräly s’inspire du roman écologique Der König der Bernina (Le Roi de la Bernina) de l’écrivain zurichois Jakob Christoph Heer (1900), roman dans lequel Paltram, l’ennemi mortel des braconniers aux Grisons, résiste à Napoléon en cachant des partisans du chef de l’insurrection tyrolienne Andreas Hofer (cf. chap. 10.2). L’authentique Paltram s’appelait en réalité Jean Marchett Colani (1772-1837), un tireur d’élite et protecteur de la faune sauvage surnommé « le roi de la Bernina ». Lubitsch tourne d’août à novembre 1928 en extérieurs au Canada, dans les Rocky Mountains à Lake Louise (Banff National Park, Alberta) et aux studios d’Universal City, Hollywood, où le décorateur Walter Reimann, importé de Berlin, reconstruit l’ancien Pontresina et ses parages en déplaçant des centaines de sapins. Son film sort simultanément en version muette et en version Vitaphone avec effets sonores et une musique de Hugo Riesenfeld. Remake, cf. film de 1957. – CH / DE / AT : Der König der Bernina, AT : Die Lawine, ES : Amor eterno, IT : La valanga.
1948/49*Barry – Moines du Mont Saint-Bernard / Barry – der Held von St. Bernhard (CH/FR) de Karl Anton et Richard Pottier
Anton-Film Horgen (Zü­rich)-Les Films Sacha Gordine (Paris), 107 min. – av. Pierre Fresnay (le chanoine Théotime), Simone Valère (Angélina Cavazza), Gérard Landry (Sylvain Bavoizet), Pauline Carton (la mère Culoz), Marc Valbel (Jean-Marie Sondaz), Jean Brochard (Philémon Cavazza), Yves Deniaud (le sergent recruteur Brocard, dit « La Fleur au fusil »), Françoise Sallaz (Catherine), Raphaël Patorny (Massart, une recrue), François Joux (le premier prieur), Julien Maffre (un soldat), Alexandre Mihalesco (l’aubergiste), Jacques Dynam (le moine Claudius), Roland Catalano (Buffi, le guide) et le saint-bernard Olif.
Synopsis : En janvier 1814, alors que la Grande Armée tire ses dernières cartouches, dans l’hospice du Grand-Saint-Bernard, on soigne les rescapés d’une avalanche, des voyageurs arrachés à la montagne par des moines et des chiens. Le chanoine Théotime reconnaît Angélina parmi les survivants, la femme à laquelle il renonça en 1797, s’estimant trop âgé pour elle, qui fut à l’origine de sa vocation de prêtrise. L’époux et la fillette d’Angéla n’ont pas été retrouvés ... Flash-back : Bonaparte prépare la seconde campagne d’Italie et tout le versant suisse du Grand-Saint-Bernard est en effervescence. Le 18 mai 1800, des officiers de l’état-major français munis d’ordres secrets se présentent à l’hospice pour annoncer le passage imminent de 40 000 hommes pendant quatre jours. À Sion, Angélina supplie Théotime d’intercéder auprès de son père, un marchand de grains sans états d’âme qui s’enrichit avec le passage des Français. Angélina est éprise de Sylvain, un pauvre graveur de médailles et l’ami d’enfance de Théotime, mais son père a décidé de la marier à un riche commerçant, Sondaz. Le prieur est impuissant. Contre quelque argent, Sylvain s’engage volontaire pour le transport de l’artillerie jusqu’au col, mais à l’incitation secrète de Sondaz, le sergent recruteur enivre l’« artiste » dans une cantine et l’incorpore comme voltigeur dans l’armée d’Italie. Arrivé à l’hospice, Sylvain tente de déserter ; Théotime lui évite le peloton d’exécution et l’aide à rédiger une lettre d’explication à Angélina – qui n’arrivera jamais à destination. Le croyant fusillé, Angélina se résigne au mariage avec Sondaz. Quand elle apprend la vérité, c’est trop tard. Théotime dresse son saint-bernard Barry qui développe un talent peu commun pour dénicher des gens enfouis sous la neige. En 1809, puis en 1811, Sylvain se bat dans la Grande Armée à travers toute l’Europe. Fin décembre 1812, l’hospice recueille des soldats épuisés qui tentent de franchir le col. Barry a déjà sauvé une quarantaine de personnes au cours des expéditions de sauvetage menées par Théotime. En 1814, monté en grade, décoré et ayant survécu à la campagne de Russie, Sylvain s’égare la nuit en voulant retourner chez lui depuis le versant italien. Le prenant pour un loup, il poignarde Barry qui est accouru pour le sauver de la mort blanche ... (fin du flash-back). Le vieux Théotime et Barry II, fils du saint-bernard décédé, retrouvent l’enfant d’Angélina vivante, mais Sondaz reste enseveli. Trop affaibli, Théotime se laisse mourir tandis que le chien ramène seul la petite fille à l’hospice où Angélina se console dans les bras de Sylvain.
Un mélo solidement ficelé qui se laisse voir sans ennui, malgré son côté édifiant très représentatif de la mouvance catholique française d’après-guerre et son imagerie d’Épinal destinée aux familles bien pensantes. Karl Anton, réalisateur au passeport tchèque mais d’origine partiellement zurichoise, est un fabricant à la chaîne du cinéma de samedi soir pendant l’entre-deux-guerres, carrière comprenant toutefois une parenthèse fâcheuse sous les auspices de Goebbels. La coproduction avec Sacha Gordine est montée autour de la vedette Pierre Fresnay, champion de la biographie saint-sulpicienne depuis Monsieur Vincent (1947). Anton consacre près d’une demi-heure du film aux épisodes encadrant la montée des troupes napoléoniennes, impliquant une figuration assez importante (accessoires d’époque, uniformes et armes sont acheminés de Paris et du Musée national à Zurich), et on tourne sur place, en automne 1948 au Grand-Saint-Bernard, à Orsières, Sembrancher, aux châteaux de Valère et de Tourbillon (VS). Le Syndicat des techniciens du film français, présidé par le communiste Louis Daquin, ayant interdit à Anton de fouler le sol français en raison de son activité à Berlin pendant le Reich (il y a signé un film antibolchévique), les intérieurs aux Studios François I er à Paris sont confiés à Richard Pottier ; ce dernier est le seul réalisateur mentionné au générique de la version française (« Carl » Anton n’y figure qu’à titre de coscénariste). Ayant englouti une fortune en raison des aléas météorologiques en haute montagne, le film perd de l’argent.
Nota bene : Barry (1800-1814) mourut effectivement d’un coup de couteau donné par un malheureux qui crut avoir affaire à un loup ; une stèle fut érigée à sa mémoire et sa dépouille empaillée est exposée au Musée d’histoire naturelle de Berne. Les exploits du légendaire toutou ont aussi fait l’objet d’un téléfilm américain en Technicolor de Frank Zuniga pour l’émission « The Wonderful World of Walt Disney » en 1977 (Barry of the Great St. Bernard), mais celui-ci ne fait aucune mention du contexte historique. – IT : Barry – La fiaccola della vita.
1957Der König der Bernina (Le Roi de la Bernina) (CH/AT) d’Alfred Lehner
A. Lehner, Erwin C. Dietrich/Urania Filmproduktion (Zurich)-Zenith Film GmbH (Wien)-Sonor Film GmbH (Wien), 93 min. – av. Helmuth Schneider (Markus Paltram [= Gian Marchet Colani]}, Waltraut Haas (Cilgia Tass), Walter Janssen (le curé Tass, son oncle), Heinrich Gretler (le député Zinner), Erich Dörner (Golci, chef tzigane), Ellen Schwiers (Pia, sa fille), Erich Auer (Sigismund Gruber), Sepp Rist (son père), Leopold Esterle (Drescher), Inge Konradi (Monika Drescher), Helmut Schmid (Seni Haffner).
Synopsis : Engadine en 1810 : Paltram, dont le père a été soupçonné de meurtre, est ostracisé dans son village natal où il retourne après des années d’absence et où le fils de l’aubergiste, Seni, le jalouse, car l’insolent et irréductible montagnard est aimé de la tzigane Pia et de Cilgia, la nièce du curé. L’hostilité générale, qui pousse finalement Paltram à vivre en ermite, s’aggrave encore lorsqu’il soustrait Gruber, un partisan tyrolien d’Andreas Hofer, au feu de la soldatesque franco-bavaroise et lui fait passer clandestinement la frontière. Les villageois craignent des représailles de Napoléon. Dans les hauteurs de la Bernina, Paltram mène une chasse impitoyable aux braconniers, sauve des animaux et sa légende de protecteur de la nature grandit. Pia le rejoint sur l’alpe, mais meurt en couches. Le Tyrolien jalouse son ancien sauveur, tente de le tuer pour les beaux yeux de Cilgia, puis, après une chute qui n’est pas mortelle, se réconcilie en un happy-end général. Un décret gouvernemental déclarant l’Engadine « zone protégée » couronne les efforts de Markus qui est proclamé « roi de la Bernina ».
Ce très médiocre « Heimatfilm » en Agfacolor est la deuxième adaptation – édulcorée par un dénouement fleur bleue – du roman emphatique de Jakob Christoph Heer (1900), déjà porté à l’écran en 1929 par Ernst Lubitsch (cf. supra, Eternal Love). L’Autrichien Alfred Lehner connaît bien les coulisses historiques évoquées, ayant signé une vie d’Andreas Hofer, Das letzte Aufgebot, en 1952 (cf. p. 350). Il filme son récit dans les paysages grisons de Guarda, de Samedan, sur le glacier de Morteratsch et dans le massif de la Bernina, complétés par des intérieurs à Vienne (Wien-Film Rosenhügel). Pour amateurs de cartes postales kitsch.
1978(vd) Tod eines Soldaten (CH) de Theodor Boder
Theodor Boder Filmproduktion (Basel), 20 min. – av. Beat Bangerter, Isabel Hartmann, René Schaub. – L’histoire d’un Suisse tombé pendant les guerres napoléoniennes.
1989Pestalozzis Berg / La montagna di Pestalozzi (La Montagne de Pestalozzi) (CH/DE-RDA+RFA/IT) de Peter von Gunten
Peter Hellstern/Praesens Film AG (Zürich)-DEFA (Berlin)-Ellepi-Stella Film GmbH-Eleppi Film SRL (Roma)-DRS Zürich-ZDF-Cinov Fimproduktion (Bern), 117 min. – av. Gian Maria Volontè (Johann Heinrich Pestalozzi), Angelica Ippolito (Anna Schulthess, son ex-femme), Rolf Hoppe (Zehender), Heidi Züger (Mädi), Christian Grashof (Zschokke), Michael Gwisdek (Perrault), Corinna Harfouch (Juliette Benoit), Peter Wyssbrod (Hofstetter), Matthias Gnädinger (Büttel), Stefan Zopfi (Jacques Pestalozzi).
Synopsis : En septembre 1798, après la défaite des Nidwaldois par les Français, le pédagogue rousseauiste Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827), défenseur de l’éducation populaire, a fondé au couvent de Stans un foyer pour les orphelins des guerres révolutionnaires. L’année suivante, les troupes françaises réquisitionnent le couvent et le transforment en hôpital militaire. Le gouvernement helvétique force le pédagogue à renvoyer les enfants. Ruiné et déprimé, Pestalozzi cherche refuge en montagne, au sanatorium de Bad Gurnigel, pour dresser le bilan de son expérience. Il finit par reprendre confiance et s’engage comme simple enseignant pour appliquer ses théories pédagogiques. – Une adaptation du roman éponyme de Lukas Hartmann (1978) un peu superficielle et laborieuse, filmée dans les studios berlinois de la DEFA à Babelsberg et en extérieurs en Suisse, au Gurnigel, à Bolligen, au couvent de Müstair et à Lucerne. Présenté aux festivals de Berlin et de Locarno 1989.
1998Fin de siècle (CH) de Claude Champion
Intermezzo Films SA Genève-TSR-Musée historique de Lausanne, 88 min. – av. Mireille Perrier (Rosalie de Constant, cousine de Benjamin Constant), Robert Bouvier (Louis Reymond), Laurent Sandoz (Jules-Nicolas-Emmanuel Muret), Pascale Vachoud (Germaine de Staël), Dominic Noble (Benjamin Constant), Julien Basler (René Crot), Michel Fidanza (Isaac Hignou), Vincent Siegfrist (Georges Boisot), Thierry Jorand (le cordonnier Michel).
Synopsis : En 1797, le jacobin vaudois Louis Reymond (1762-1821) revient de Paris à Lausanne pour fonder un journal, Le Régénérateur, ainsi qu’un club révolutionnaire. Son influence inquiète l’avocat Jules Muret (1759-1847) qui veut tirer parti de la Révolution française pour rendre sa liberté au Pays de Vaud, mais refuse toute égalité sociale. Loin de l’agitation politique, dans la haute société lausannoise, Rosalie de Constant accueille son cousin Benjamin ainsi que Germaine de Staël qui vivent dans son salon quelques épisodes de leurs amours tumultueuses. Tous craignent de voir leur monde disparaître. Après un ultime combat de Louis Reymond aux côtés des « Brûle-Papier (Bourla-Papey) », des paysans insurgés contre les droits féodaux, en 1802, la révolution locale est muselée. La Suisse n’échappe pas au retour de l’Ancien Régime, et le premier Landamman vaudois n’est autre que Jules Muret, devenu bonapartiste. Reymond sombre dans la folie.
Un film tourné à Bière, Lausanne, Morges, La Sarraz et Villeneuve à l’occasion du bicentenaire de la proclamation de la République Helvétique en 1798. Les personnages déambulent en costumes dans l’environnement du XX e siècle, le réalisateur souhaitant comparer histoire et actualité. Un essai intéressant, mais un peu aride et cérébral, handicapé de surcroît par un budget indigne.
1998*La Guerre dans le Haut-Pays (CH/FE/BE) de Francis Reusser
Jean-Louis Porchet, Gérard Ruey/CAB Productions SA (Lausanne)-Arena Films (Pariss)-Rezo Films (Paris)-Saga Films (Bruxelles)-TSR-Canal Plus, 105 min. – av. Marion Cotillard (Julie Bonzon), Yann Trégouët (David Aviolat), François Marthouret (Josias Aviolat), Antoine Basler (Ansermoz), François Morel (Devenoge), Laurent Terzieff (Isaïe), Patrick Le Moff (Tille), Jacques Michel (Jean Bonzon), Jean-Pierre Gos (le pasteur), Maurice Aufair (Moïse Pittet).
Synopsis : Hiver 1797/98, les troupes du Directoire alliées aux Libéraux vaudois occupent le pays de Vaud après en avoir chassé les Bernois. Toutefois, les paysans de la vallée des Ormonts, retranchés derrière ses parois abruptes, fidèles à Berne et hostiles aux idées des Lumières, résistent. L’instituteur s’oppose au pasteur, les habitants sont divisés. Le jeune David Aviolat dont le père, Josias, est un conservateur pur et dur, s’éprend de Julie Bonzon, une jeune fille née d’un père progressiste et d’une mère ancrée dans la tradition paysanne. Josias s’oppose avec violence à cette union. Renié et battu par son père, David se fait enrôler dans les troupes franco-vaudoises et les mène sur la route du village par les cols enneigés qu’il connaît. Dans l’ultime bataille, remportée par les révolutionnaires, le père et le fils Aviolat s’affrontent jusqu’à la mort de ce dernier, abattu par son géniteur.
À l’occasion du bicentenaire de la proclamation de la République helvétique, et avec l’appui du scénariste-vedette Jean-Claude Carrière (collaborateur de Luis Buñuel et Milos Forman), Reusser adapte pour la deuxième fois (après Derborence, 1985) un roman de Charles Ferdinand Ramuz, paru en 1915. Il s’agit de montrer dans un « film historique d’aujourd’hui » la lutte entre les idées nouvelles et les schémas de pensée archaïques, entre les jeunes et les anciens. Ramuz a su concentrer ce « conflit nécessaire et sans fin » dans un minuscule recoin de la Suisse, « en faisant contraster le haut et le bas, le mouvement et l’arrêt, hier et aujourd’hui, Dieu et les hommes, le fondamentalisme et l’intelligence » (Carrière). Le script sait éviter la caricature facile des uns comme des autres, tout en n’échappant pas à un certain didactisme. Monté en coproduction avec la France (Marion Cotillard à ses débuts, Laurent Terzieff) et la Belgique, le film de Reusser est réalisé avec adresse, et une certaine flamboyance visuelle dans la reconstitution qui confine parfois au léché (la bataille dans la neige est belle à voir mais peu crédible et bâclée quant à son déroulement). Le tournage en scope et en couleurs a lieu au Musée suisse de l’habitat rural à Ballenberg (ct. Berne), à Aigle, La Croix, Pont-de-la-Tine, La Tréchadèze, Ormonts-Dessus, aux gorges de la Grande-Eau (Vaud) et en Haute-Savoie. L’accueil de la presse romande est unanimement chaleureux, mais le film passe inaperçu au festival de Berlin en 1999, où il figure en compétition. Quant aux faits historiques auxquels il fait allusion, rappelons qu’en 1798, le choix des Ormonans est cornélien : faut-il adhérer au nouveau Pays de Vaud ou rester aux côtés des Bernois (qui les ont affranchis du joug savoyard en 1475, et leur ont depuis accordé de nombreux privilèges fiscaux) ? Devant le refus des Ormonans de se rallier aux options politiques de la plaine, le général Michel Chastel, commandant des troupes républicaines franco-vaudoises, attaque les positions bernoises le 5 mars 1798 à La Forclaz, au Sépey et à la Tréchadèze. L’acte de capitulation des Bernois et Ormonans est signé au Vélard.
1999(tv) Colani raig / König Colani (CH) de Fred van der Kooij
Televisiun Rumantscha (DRS 10.1.99), 24 min. – av. Andrea Zogg (Gian Marchet Colani), Tonia Maria Zindel (Anna Maria, sa fille). – La vie du légendaire « roi de la Bernina » (1772-1837), forgeron, armurier, horloger, médecin et chasseur hors pair de l’Engadine, cf. supra, Eternal Love (1929).
2003Fremds Land (CH) de Luke Gasser
L. Gasser/Filmwerk.CH-Silvertrain (Luzern), 108 min. – av. Luke Gasser (David), Bruno Gasser (Kobi), Karisa Meyer (Kathri), Gerhard Halter (Sepp), Marcel Imfeld (Hindra Bat), Markus Omlin (le peintre Karl Bodmer), Adrian Hossli (le prince Maximilien zu Wied-Neuwied, botaniste et ethnologue allemand), Ginger Wagner (Sara), Hans Ming (Ernst), Oskar Kochli (Zurmühli).
Synopsis : Enrôlés de force dans la Grande Armée en 1810, deux grenadiers d’un régiment suisse désertent à la Bérézina et survivent dans les neiges de la vaste Russie. De retour dans leur patrie à Obwald, empreints d’idées révolutionnaires, les Lucernois déracinés se heurtent à l’ordre ancien. Jadis valet de ferme, David a perdu sa fiancée, Kathri. Il tue un homme alors qu’il est surpris en train de braconner. Il est contraint d’émigrer en Amérique du Nord en 1816/17 où il choisit de vivre comme trappeur parmi les Cheyennes et fait la connaissance du peintre des Indiens Karl Bodmer (1809-1893), un compatriote. Il décède en 1830. Un film d’enthousiastes maladroits mais sympathiques, bricolé avec un budget dérisoire (vidéo gonflé en 35 mm) en Suisse centrale, au Wyoming et dans le Montana.
2005(tv) Les Amants de la Dent Blanche (CH/FR/BE) de Raymond Vouillamoz
Pierre-André Thiébaud, Jean-Luc Michaux/Native (Paris)-PCT Cinéma & Télévision SA-L’Astragale-Novak Prod.-TSR-France 2-RTBF (RTB 11.2.06 / FR2 24.7.06 / TSR 13.9.06), 95 min. – av. Lisa Couvelaire (Marthe), Alexis Michalik (Théophile), Jean-Baptiste Puech (René, son demi-frère), Jean-Baptiste Martin (Nicolas, le châtelain), Jean-Philippe Ecoffey (le curé du village), Michel Galabru (l’abbé), François Karlen (Placide), Jean-Pierre Gos (Lucien), Delphine Rich (Hildegarde), Roberto Bestazzoni (Luigi), Daniela Bisconti (Louise), Renaud Berger (le sergent français), Olivier Perez (le capitaine), Teco Celio (le préfet).
Synopsis : En Valais en 1803, en République helvétique occupée par les Français. Marthe, une paysanne orpheline de père, belle et farouche, et son cousin Théophile, bâtard né d’un viol et confié à l’Église, marginal, s’aiment depuis l’adolescence. Mais dans la tourmente des guerres napoléoniennes et figées dans les valeurs anciennes, leurs familles s’opposent à leur union, estimant que leurs enfants pourraient s’extraire de la pauvreté en épousant un meilleur parti. Marthe est destinée à épouser René, le demi-frère de Théophile, l’héritier jaloux qui n’aspire qu’à ce qui lui est refusé : le cœur de la belle (pourtant, c’est lui qui sauvera les amants au prix de sa propre vie). Nicolas, le châtelain homosexuel, qui voit en Marthe, une peu garçonne, l’espoir insensé de concilier ses désirs secrets et son rang public, en périra également. Condamné par un clergé hypocrite, rejeté de toutes parts, Théophile est recruté manu militari par les sergents de l’armée française qui proclament que « tous les citoyens de la République et des territoires annexés doivent considérer comme salutaire et sacrée la loi de la conscription ». Il survit à la boucherie des batailles napoléoniennes, déserte, récupère Marthe et s’enfuit avec elle vers un avenir incertain, loin de l’étouffoir valaisan. La fin reste ouverte.
Les faits réels sont fort éloignés de cette mouture romanesque. Les amants – de leurs vrais noms Marie-Thérèse Seppey (née en 1812), une bâtarde orpheline, et le cordonnier Barthélémy Joly (né en 1796) – font partie des derniers condamnés à mort exécutés en Valais, décapités au glaive le 28 février 1842 en place publique à Sion. Tous deux étaient mariés ; or, la grossesse illégitime de Marie-Thérèse comme les tentatives infructueuses d’avortement leur firent envisager le double meurtre de leurs conjoints respectifs. L’assassinat du mari de Marie-Thérèse se fit avec la complicité d’une brute, François Rey, contre la promesse de le débarrasser à son tour de sa propre épouse. Les trois furent arrêtés après le premier homicide et exécutés. Ce fait divers sanglant inspira divers écrivains romands (dont Corinna Bille), mais la scénariste Anne Gonthier jette son dévolu sur la biographie romancée Elle s’appelait Marie-Thérèse Seppey de Narcisse Praz, auteur libertaire et polémiste dont le texte vient de paraître (Sierre, 2005). Elle n’en reprend que les personnages centraux et modifie sérieusement l’intrigue (reculée dans le temps de 30 ans), jusqu’à en ignorer la fin tragique et crapuleuse. Quatrième long métrage du journaliste valaisan Raymond Vouillamoz (ancien directeur des programmes de TF1, puis de la Télévision suisse romande), ce téléfilm vise à célébrer son pays natal tout en rappelant les terribles tabous affectifs et sociaux qui l’ont marqué. On tourne sur place à Lannaz, dans le val d’Hérens, à Sierre, à évolène, aux Haudères, à La Sage (chapelle Saint-Christophe) et à Tête-Blanche (à 3700 m.). Hélas, le résultat – agréable et efficace – manque cependant de finesse et la presse se déchaîne sur ses « répliques de roman-photo ». Le Monde parle d’un « décor ensoleillé digne d’une publicité de chocolat au lait » et déclare la bande « nanar du film unitaire de l’été » (18.7.09).