Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

13. NAPOLÉON PIÉGÉ EN ESPAGNE ET AU PORTUGAL

13.1. Avant et après le « Dos de Mayo »

1905Los héroes del sitio de Zaragoza (ES) de Segundo de Chomón
Collección Chomón, Lluis Macaya, Alberto Marro/Macaya y Marro (Barcelona), 80 m./env. 4 min.
Entre deux féeries, l’Aragonais Segundo de Chomòn, pionnier espagnol de la cinématographie et des trucages, rival de Georges Méliès, utilise des décors peints pour recréer en quelques images représentatives la résistance de Saragosse à Napoléon en 1808. Tableaux : une quinzaine d’insurgés tirent depuis la fenêtre des appartements de María de la Consolación Azlor, comtesse de Bureta (« La condesa de Bureta ») ; Jorge Ibor y Casamayor, dit l’oncle Georges (« El tío Jorge »), ses fils, sa famille et divers soldats montent des barricades et repoussent l’assaut des grenadiers de Murat ; constatant que tous les artilleurs sont morts, Augustine Domènech charge seule un canon et fait feu sur l’ennemi (« Agustina de Aragón »).
Pour Pathé Frères à Paris, dont il exploite les films en Espagne, Segundo de Chomón tourne également le documentaire Une des plus vieilles cités espagnoles, l’héroïque Saragosse (Iberico Film, 82 m., 1911). Il s’occupera en outre des effets spéciaux du Napoléon d’Abel Gance en 1927.
1909Moines et guerriers (Épisode du siège de Saragosse en 1808) (FR)
Pathé Frères S.A. (Paris)-Le Film d’Art, 200 m. – av. Polaire [= Emilie Marie Bouchaud] (la femme espagnole), Jacques Volnys (l’officier français), Julien Clément, Georges Colin, Léonie Richard.
Épisode sanglant du premier siège de Saragosse par le général Verdier en été 1808 : un petit tambour français est assassiné par un guérillero féroce sous les yeux épouvantés d’un couple espagnol que les Français prennent pour les coupables. L’homme innocent est fusillé, malgré les supplications de son épouse. Cette dernière se venge avec la complicité des moines du couvent en piégant et faisant torturer à mort l’officier français. Ses soldats arrivent trop tard pour le sauver. Vedette du music-hall parisien, Polaire interprète son premier rôle au cinéma.
1909Un episodio della guerra Napoleonica in Spagna (IT)
Carlo Rossi/Itala-Film, Torino, 175 m. – Malgré les supplications de son épouse, un paysan espagnol déserte l’armée française et rejoint la guérilla. Il est blessé et capturé au cours d’une embuscade dans le maquis et condamné à mort, mais Napoléon se laisse fléchir grâce à l’intercession du fils du condamné, un petit garçon vif et intelligent qui parvient à éviter les sentinelles pour arriver jusqu’à l’Empereur. Ce dernier remarque que le paysan a déchiré un bout de drapeau espagnol pour bander sa blessure au bras. Reconnaissant les motivations éminemment patriotiques du condamné, il lui pardonne et, ému, ordonne sa libération. – US : An Episode of Napoleon’s War with Spain ; Napoleon in Spain.
1909La Mère du moine. Épisode de la guerre d’Espagne, 1809 (FR) de Louis Feuillade
Établissements Gaumont S.A. (Paris), 188 m. – Un des nombreux films en costumes fabriqués par le prolifique Louis Feuillade, le père cinématographique des sérials de Fantômas en 1913/14.
1910La presa di Saragozza (marzo 1809) (La Prise de Saragosse) (IT) de Luigi Maggi
S.A. Ambrosio, Torino, 346 m. – av. Tina Grey (Juana), Luigi Maggi (Don Pedro), Giuseppe Gray (ltn. René Aubry), Paolo Azzurri, Mirra Principi, Serafino Vité.
Fin janvier 1809, lors du second siège de Saragosse : l’assaut final de la ville par les troupes françaises du maréchal Lannes est imminent. Don Pedro envoie sa nièce Juana espionner les déplacements ennemis sur les rives de l’Èbre, elle se fait passer pour une vivandière mais est surprise par le lieutenant Aubry qui la ramène au camp. Les deux tombent amoureux. Don Pedro décide de faire exploser les souterrains du monastère Sainte-Engrâce dont s’approche le régiment mené par Aubry. Juana court pour l’avertir du danger et meurt d’un coup de feu tiré par son oncle. – Petit mélodrame pour illustrer un épisode d’une des batailles les plus brutales des guerres napoléoniennes, filmé dans les studios de la Via Appia Nuova à Rome. Le couvent de Sainte-Engrâce fut pris le 27 janvier. – GB, US : The Taking of Saragossa, DE : Die Einnahme von Saragossa (Im Februar 1809).
1910La donna fatale (La Femme fatale) (IT)
Aquila-Films, Torino, 265 m. – En 1810, la guérilla recule devant l’armée de Napoléon. Sévèrement blessé à la poitrine, un jeune Espagnol trouve refuge dans un castel où il tombe sous l’emprise d’une envoûtante châtelaine qui fait oublier au convalescent et son devoir de patriote et sa fiancée. Celle-ci le recherche, supplie en vain l’orgueilleuse séductrice de lui rendre son homme et meurt de désespoir. – ES : La mujer fatal.
1910Il lanciere polacco (Le Lancier polonais) (IT)
Aquila-Films, Torino, 191 m. – Tandis que Napoléon affronte les Anglais devant Saragosse, une jeune Espagnole s’éprend d’un fringant lancier des Légions polonaises. Elle lui sauve la vie en le mettant en garde contre une embuscade tendue par les partisans, mais à la fin des hostilités, elle refuse d’épouser le Polonais. – ES : El lancero polonés, DE : Der Ulan.
1910Estrellita (Estrellita) (IT) de Luigi Maggi
S.A. Ambrosio, Torino (« Serie d’Oro »), 277 m. – av. Lydia De Roberti (Estrellita), Luigi Maggi (ltn. Henri), Oreste Grandi (duc d’Abrantès), Mirra Principi, Giuseppe Gray, Ernesto Vaser, Ercole Vaser, Serafino Vité, Mario Voller Buzzi, Paolo Azzurri, Leo Ragusi.
En novembre 1807, les troupes de Junot entrent au Portugal. Contraint d’héberger une patrouille française sur ses terres, le vieux duc d’Abrantès, ardent patriote, réunit ses paysans pour tuer les envahisseurs pendant leur sommeil. Mais Estrellita, une jeune fille de seize ans, sauve Henri, l’officier français pour lequel elle éprouve de la sympathie. Mal lui en prend : seul rescapé du massacre, Henri revient avec un régiment et, sur ordre de ses supérieurs, fait passer tous les habitants du domaine par les armes, la douce Estrellita comprise. Il en meurt d’émotion. – Saynète tragique enregistrée aux ateliers de Borgo Dora/Via Cantania à Turin. – DE : Estrellita. Episode aus der Zeit des französischen Einfalls in Portugal 1807, US : Estrellita (The Invasion of the French Troops in Portugal).
1911Burgos (IT) de Giuseppe De Liguoro
Milano Films, Milano, 208 m. – av. Maria Brioschi, Adrienne Tournaire, Giuseppe De Liguoro, Arturo Pirovano, Salvatore Papa.
Après la défaite française à Bailén, Napoléon se voit contraint d’intervenir lui-même en Espagne et confie au 2 e corps d’armée de Soult la mission de s’emparer de Burgos. Une fois la ville prise, le 10 novembre 1808, Soult ordonne à la population de ravitailler ses hommes. Escamilla, un des habitants, demande à sa femme de rassembler leurs effets et de le rejoindre dans les bois, car l’ennemi ne doit plus trouver rien ni personne dans la cité. Avant de quitter les lieux en y abandonnant sa vieille mère et son fils, l’épouse d’Escamilla introduit du poison dans une bouteille de vin. Les Français pénètrent dans la ville épuisés, assoiffés et affamés ; ils n’y trouvent que désolation. Escamilla, qui s’est attardé dans les lieux et a résisté à l’envahisseur, est fusillé. Son épouse est arrêtée et enfermée dans sa maison où les soldats découvrent avec des cris de joie la bouteille de vin. Mais, méfiant, leur commandant exige que la femme en boive d’abord une gorgée, puis que son fils en fasse de même. La femme poignarde son enfant avant de succomber au poison qu’elle a ingurgité, sous les yeux des Français épouvantés.
Giuseppe De Liguoro adapte un récit sordide extrait des Mémoires de Laure Junot-Permon, duchesse d’Abrantès et épouse du général Junot (Souvenirs d’une ambassade et d’un séjour en Espagne et en Portugal), publiées en 1837. Filmé dans les studios Bovisa à Milan. – ES, DE : Burgos, GB : Her Life for Her Country.
1911Paquita (Paquita. Tragique épisode des Campagnes d’Espagne) (IT)
Società Italiana Cines, Roma, 288 m. – Un escadron français est cantonné dans une ferme. Paquita, la jolie fille du paysan, suscite l’intérêt des militaires. Un grenadier particulièrement insistant provoque l’intervention de José, le fiancé de la belle, qui tue le soldat et prend le maquis. Lors d’une escarmouche dans les montagnes, José est grièvement blessé et Paquita le ramène en secret à la ferme pour le soigner. Quoique alertés, les Français fouillent les lieux en vain, car la paysanne a caché son amoureux dans un puits, et ensuite dans un tonneau. Tous deux s’enfuient dans une région encore épargnée par la guerre.
1911Noche de sangre (ES) de Ricardo Baños et Alberto Marro
Hispano Films (Barcelona), 8 min. – Une Espagnole et un militaire français s’aiment. Lorsque les soldats de Napoléon envahissent un village et sont massacrés par la population, l’Espagnole parvient à sauver son amoureux en le cachant. Une production Hispano Films, société à caractère fortement nationaliste et portée sur les sujets historiques.
1912La Justice du mort (Incident de la guerre d’Espagne) (FR)
Société Française des Films Éclair (Paris)-Association des compositeurs et auteurs dramatiques (A.C.A.D.), 250 m. – av. Emile Keppens (Pedro), Henri Gouget (José), Renée Sylvaire (Teresa), Geneviève Irvin et la petite Irvin. – Dans les montagnes catalanes, des guérilleros préparent une embuscade, un détachement français ayant été signalé. Le paysan Pedro convoite Teresa, la femme de son chef José. Ayant été repoussé par elle, il aide l’ennemi à anéantir les partisans. De ses dernières forces, José parvient à abattre le traître au moment où celui-ci veut prendre Teresa de force (scénario d’André de Lorde).
1912Le Message de l’Empereur (FR) de Georges André Lacroix
Établissements Gaumont S.A. (Paris), 380 m. – À la fin octobre 1808, ayant reçu de mauvaises nouvelles d’Espagne, Napoléon se prépare à rejoindre l’armée. En cours de route, il s’arrête au château d’Alféra dans les Pyrénées et noue une idylle avec la châtelaine, une jeune veuve et comtesse à laquelle il promet de lui faire parvenir un mot quelques heures avant la bataille. L’Empereur charge un jeune tambour de ce message, mais celui-ci désobéit et conduit d’abord la brigade à la victoire contre les Espagnols. Il accomplit ensuite sa mission, noir de poudre, mais, blessé par des guérilleros, il se traîne jusqu’à la porte du château. La comtesse le trouve au matin, le soigne, passe la nuit à son chevet et s’en éprend. Napoléon passe à son retour au château, apprend la vérité, pardonne à la comtesse et décore le tambour endormi. – US : The Emperor’s Message.
1914El calvario de un héroe (Los dos sergentos franceses) / El calvari d’un heroi (ES) d’Adrià Gual
Adrià Gual/Barcinógrafo S.A. (Barcelona), 1800 m./4 bob./66 min. – av. Enrique Jiménez (sgt. Solà), Carlos Capdevila (le colonel), Joaquín Carrasco (le lieutenant), J. Munt Roses (sgt. Blas), E. Calvo (Julieta, enfant), E. Baró (Julieta, adulte), Avelino Galcerán (le comte), Juan Durán (le domestique), J. Más (le maire), María Dolores Puchol (l’épouse), D. Rachal (Mère supérieure), A. Peña (le lieutenant, fiancé de Julieta), N. Vargas (la marquise), C. Mulet (Luisa), F. Vidosa, J. Chaveli et J. Cardalda (trois voisines).
Synopsis : Le sergent Solà, héros qui vient de combattre à San Marcial, l’ultime bataille de la guerre d’Indépendance (le maréchal Soult y est vaincu par les armées anglo-espagnoles du général Freira, en août 1813), aide un comte espagnol durant son agonie. Peu après, il est injustement accusé de l’avoir assassiné alors que c’est un des domestiques qui l’a grièvement blessé en tentant de le voler.
Écrivain, dramaturge, chantre du modernisme catalan et directeur artistique de la Barcinógrafo (société fondée en 1913), Gual est un des premiers intellectuels espagnols à porter un regard favorable sur le nouvel art, en s’inspirant des efforts culturels du Film d’Art parisien. Il adapte ici le mélodrame en cinq actes El soldado de San Marcial de Valentín Gómez et Félix González Llana (1894). Le film est suivi de El Alcalde de Zalamea d’après Calderón de la Barca, mais les cadrages audacieux et le goût pictural de Gual (qui annoncent l’expressionnisme) provoquent le rejet en bloc des spectateurs. Intransigeant, Gual claque la porte au début 1915.
1915El soldado de San Marcial (ES) de Magí Murià
Barcinógrafo S.A. (Barcelona). – av. Señorita Mestres, Francisco Sirvent, José Vives. – Autre version du mélodrame de Valentín Gomez et Félix González Llana (1894), cf. film précédent.
1920/21Der Stier von Olivera [= Le Taureau d’Olivera] (DE) d’Erich Schönfelder [et Dimitri Buchowetzki]
Messter-Film der Universum-Film AG (UFA) (Berlin), 5 actes/1714 m. – av. Emil Jannings (gén. François Guillaume, surnommé « le taureau d’Olivera »), Hanna Ralph (Doña Juana de Barrios), Fritz Schulz (Don Manuel de Barrios, son frère), Hannes Sturm (le marquis de Barrios, leur père), Carl Ebert (Don Perez), HEINRICH ZAHDOR [Desider Zador] (Napoléon), Karl Rückert (l’évêque d’Olivera), Ferdinand von Alten (Père Antonius), Magnus Stifter (le baron Marchand), Albert Paulig (cpr. Poussin), Ernst Stahl-Nachbaur (ltn. Herbaut), Karl Platen (Lopez), Grete Lönsson (Aminta).
Synopsis : Chargé par Napoléon de réprimer la révolte à Olivera [la ville d’Oliveira, en Galicie ?], le général français François Guillaume y découvre une vaste conspiration menée par Don Perez. Celui-ci est le fiancé de Juana, l’orgueilleuse fille du marquis de Barrios qui héberge l’état-major français dans son château – avec l’intention secrète d’égorger l’occupant à la première occasion. La population est en ébullition, car les Français ont commis le sacrilège de tuer le taureau choisi pour la prochaine corrida. Le général Guillaume fait arrêter et exécuter toute la famille des Barrios. Juana le supplie d’épargner la vie de son frère Manuel et le militaire, misogyne, enlaidi par un coup de sabre qui l’a rendu borgne, perd la tête ; saisi d’un désir incoercible, il lui donne à choisir entre le mariage ou l’exécution du frère. Elle accepte avec répugnance de l’épouser, mais jure vengeance devant l’autel. Lorsque Guillaume est transféré, il souffre beaucoup, mais quand Juana l’incite à trahir l’Empereur, il comprend son aveuglement et la poignarde. Napoléon lui pardonne d’avoir épousé une ennemie, un acte de haute trahison. Guillaume se sacrifie pour lui quand les rebelles deviennent menaçants. Tandis que Napoléon s’éloigne, Guillaume est tué par Don Perez.
Un film sur mesure pour Emil Jannings, qui apparaît ici une fois de plus comme le jouet pathétique d’une sirène vengeresse ; sa silhouette massive et menaçante, son immense dos rond, son visage défiguré en font effectivement une sorte de taureau blessé, mais malgré son jeu très expressif, la production – tournée en novembre-décembre 1920 avec une figuration impressionnante à l’Ufa-Messter-Atelier de Berlin-Tempelhof – ne parvient pas à masquer l’origine théâtrale du sujet : une pièce éponyme de Heinrich Lilienfein (1910) et l’opéra d’Eugen d’Albert, créé à Leipzig en mars 1918 sur un livret de Richard Batka et Lilienfein. – Nota bene : L’authentique général d’Empire et écrivain militaire Frédéric François Guillaume, baron de Vaudoncourt (1772-1845), fut condamné à mort par contumace en 1815 pour s’être rallié à Napoléon pendant les Cent-Jours et ne put rentrer en France qu’en 1825. – IT : Il toro di Oliviera.
1921El verdugo (Der Henker) (DE) d’August Weigert
Drehwa Filmverleih und Vertrieb, München, 6 actes. – av. Lilli Lohrer (Clara de Léganès), Fritz Achterberg (cdt. Victor Marchand), August Weigert (le marquis de Léganès). – Première version, muette, de la nouvelle tragique El verdugo d’Honoré de Balzac (1830), adaptée par J. M. Burckhardt. Synopsis, cf. infra, le remake espagnol de 1947/48. – Le scénario adoucit la cruauté du récit balzacien. Ainsi, alors que le fils du marquis de Léganès est forcé par les Français de décapiter toute sa famille, un coup de foudre, véritable deus ex machina, anéantit les malheureux. Prise de passion pour le commandant Victor, Clara de Léganès passe la nuit avec lui et se suicide au petit matin. Les extérieurs espagnols sont tournés dans le nord de la Bavière (Franconie) et le film utilise des effets de couleurs dus au système Uvochrom.
1922Der Marquis von Bolibar (AT) de Friedrich Porges
Sun-Film (Wien), 6 actes/2700 m. – av. Hanns Schindler (ltn. Eduard von Jochberg / marquis de Bolibar), Josef Überacker (col. Brockendorf), Otto Schmöle (cpt. Baptiste de Salignac), Ida Koór (Monjita), Joe Lars (ltn. Egloffstern), Heinrich Fuchs (ltn. Günther), Karl Miksch (Perico), Josef Zetenius, Stefan Pichy, Carl Lustig-Prean, Hans Brausewetter.
Synopsis : Asturies en hiver 1812. Le vieux colonel Brockendorf, commandant des régiments napoléoniens « Nassau » et « Prince héritier de Hesse » en garnison dans la bourgade montagnarde de La Bisbal, est inconsolable depuis qu’il a perdu sa jeune femme ; ses officiers, les hussards Jochberg, Egloffstein et Günther, trois ex-amants de la colonelle, le sont aussi. Mais quand surgit Monjita, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la défunte, ils reprennent espoir ; le colonel l’épouse, Monjita lui reste fidèle, le trio enrage. Le marquis de Bolibar, qui a perdu un fils au service de Napoléon, hait les Français et prépare l’insurrection de la population ; il donnera le signal fatidique, – son poignard – sous un déguisement, méconnaissable. Mais la conspiration est découverte. Jochberg abat le muletier qui a surpris les confidences amoureuses du trio et reconnaît en lui le marquis de Bolibar. À la suite d’une série de malentendus tragiques, les trois hussards donnent eux-mêmes, à tour de rôle, le signal du massacre des leurs. Les maisons s’embrasent, le monastère explose, les premières balles sifflent, le vieux colonel, Egloffstein et Günther sont abattus. Jochberg veut sauver Monjita et la garder pour lui, mais elle se suicide avec le poignard du marquis de Bolibar que Jochberg portait à sa ceinture, ultime signal. Les guérilleros achèvent toute la garnison, seul Jochberg survit en s’enfuyant à bord d’un navire.
Une adaptation du roman Der Marques de Bolibar (1920) du Tchèque Leo Perutz, œuvre marquée par les horreurs de la Première Guerre mondiale et une vision semi-fantastique, ironique, de la destinée, avec ses signes avant-coureurs d’un anéantissement total provoqué par l’égoïsme, la peur et la jalousie : Jochberg devient l’instrument inconscient du marquis qu’il a tué, et qui était l’âme de la rébellion. Le roman obtiendra le premier Prix Nocturne en 1962 (Paris), distinction qui couronne des œuvres insolites. Remake cf. 1928. – Nota bene : La petite cité de La Bisbal n’est pas dans les Asturies, mais en Catalogne (Costa Brava).
1927*El Dos de Mayo (ES) de José Buchs
José Forns, José Buchs/Ediciones Forns-Buchs (Madrid), 87 min. – av. Amelia Muñoz (Rosario Montes, couturière), Manuel Soriano (Alfonso de Alcalá, peintre), Aurora Garcia Alonso (Laure de Montigny), José Montenegro (Don Hipólito del Molinillo), Fernando Díaz de Mendoza Serrano (marquis de Montebello), Antonio Mata (Francisco de Goya), Julio Rodriguez (le maréchal Joachim Murat), Maximiliano F. Alaña (ltn. Jacinto Ruiz), Alberto Barrena (cpt. Pedro Velarde y Santillán), José de la Fuente (cpt. Luis Daoiz y Torres), Amelia Sánchez, Felipe Reyes, María Comendador.
Synopsis : Élève de Goya, le jeune peintre Alfonso de Alcalá est amoureux de Rosario, une couturière. Mais c’est Laure de Montigny, une espionne sophistiquée envoyée à Madrid pour défendre la cause de Napoléon, qui conquiert son cœur tout en provoquant la jalousie de son complice et amant, le marquis de Montebello, un Espagnol francophile. Avec l’insurrection du 2 mai 1808 à Madrid, Alfonso se détourne toutefois de l’aristocrate française, retrouve sa couturière et se transforme en farouche partisan. Le couple est capturé et condamné à mort. Montebello est choqué par l’exécution massive des prisonniers et supplie Murat de se montrer clément. Le maréchal ordonne l’arrêt des mises à mort, Alfonso et Rosario sont parmi les prisonniers épargnés et finalement relâchés. Déprimée par ce qu’elle a vu, Laure de Montigny regagne la France. Quant au marquis, il expie ses erreurs politiques en se rendant à Saragosse où il tombe en défendant la ville.
Le premier film espagnol qui – tout en utilisant une intrigue prétexte plutôt prévisible – reconstitue avec sérieux et compétence les débuts de la guerre d’Indépendance, la défense du parc de l’Artillerie, la charge des Mamelouks à Puerta del Sol, les morts héroïques des capitaines Velarde et Daoiz, les fusillés de La Moncloa (immortalisés par la célèbre toile de Goya), etc. Les séquences d’insurrection ont été réalisées sur les lieux historiques avec l’appui des troupes du Cuartel de la Montaña (pour les défenseurs du parc de Monteleón) et de la Garde montée municipale (les cuirassés français). Madrid et ses quartiers servent de décor (rues de Sacramento et Letamendi, place de Cordón, jardins et palais de La Moncloa, Casa de Campo, palais de Liria, palais du comte de Malladas, rives du Manzanares).
Pour la composition et l’éclairage de ses plans, la réalisation se base sur l’iconographie ancienne, les gravures de Tomás López de Enguídanos (1813), le tableau de Manuel Castellano (Muerte de Daoiz, 1886) et, en particulier, la célébrissime Los Fusilamientos del 3 de Mayo de Goya (1814), une toile devenue depuis lors emblématique mais que le public espagnol stupéfait ne découvre qu’en 1927, lorsque le musée du Prado décide enfin de la sortir de sa réserve. Tous les films ultérieurs s’en serviront pour illustrer la brutalité de l’occupant. Nonobstant, El Dos de Mayo montre Murat qui salue l’héroïsme des Madrilènes. José Buchs, un des réalisateurs les plus marquants du cinéma muet ibérique, a fortement contribué au développement des studios madrilènes après le déclin de Barcelone dans le courant des années vingt et s’est fait connaître par ses zarzuelas (comédies populaires avec chants et récitations). Buchs (ici également coproducteur aux côtés du musicien du film, son beau-frère José Forns), s’est battu pour que ses confrères se penchent sur le passé et la culture de leur pays au lieu de s’essouffler dans d’insignifiants mélos folkloriques. Il récolte avec cette fresque assez réaliste – sortie alors que la dictature du premier ministre Primo de Ribera jette ses derniers feux grâce à la conquête définitive du Rif marocain – un très grand succès critique et populaire. La première du film a lieu en présence du roi Alphonse XIII et de son épouse Victoria Eugenia, un honneur rarissime pour le cinéma national. (Seul subsiste du film un fragment de 62 min.).
1928Bolibar. A Story of Love and Adventure / Underground (GB) de Walter Summers
H. Bruce Woolfe/British Instructional Films (B.I.F. London)-Pro Patria Films Ltd., 2231 m./80 min. – av. Jerrold Robertshaw (marquis de Bolibar), Gerald Pring (cpt. O’Callaghan), Charles Emerald (col. Saracho), Elissa Landi (Françoise-Marie / La Monita), Hubert Carter (col. Bellay), Cecil Barry (cpt. Eglofstein), Evelyn Roberts (cpt. Brockendorf), Michael Hogan (ltn. Donop), Carl Harbord (ltn. Günther), Hector Abbas (l’artiste, père de La Monita), Charles Emerald (le colonel).
Une adaptation libre du roman Der Marques de Bolibar (1920) de Leo Perutz (cf. le film autrichien de 1922) rédigée par Walter Summers et John Orton, avec des intertitres d’Adrian Brunel et Ivor Montagu. – Synopsis : Asturies en hiver 1812. Après avoir été chassé par les Français, le vieux marquis de Bolibar conspire avec l’armée anglaise de Wellington et la guérilla pour reprendre sa ville fortifiée de Bolibar, tenue par les régiments hessois de Napoléon. Il promet d’envoyer trois signaux pour coordonner l’attaque des lieux. Toutefois, en retournant en ville, le marquis est arrêté et fusillé, mais le destin veut que ses bourreaux donnent eux-mêmes, par inadvertance, le signal du soulèvement qui entraînera leur anéantissement. Ces instruments involontaires de la fatalité sont quatre hussards, des officiers hessois qui rivalisent pour conquérir le cœur de La Monita, la maîtresse espagnole de leur colonel. Cette dernière (en réalité une espionne de la guérilla) ressemble fortement à Françoise-Marie, l’épouse décédée de leur supérieur, ce qui contribue à la confusion, à la jalousie et à l’aveuglement passionnel des officiers.
Walter Summers, qui se distinguera plus tard dans le cinéma d’action et de terreur britannique (The Dark Eyes of London, 1939), tourne sa fresque en extérieurs à Malte (au village de Haz-Zebbug, à Rabat et dans la ville fortifiée de Mdina/Città Vecchia) avec l’appui du régiment du Devon, de l’artillerie royale et de près de mille figurants maltais, puis en intérieurs aux nouveaux studios B. I. F. à Welwyn (Hertfordshire). Summers avait découvert les paysages « ibériques » de Malte en y réalisant pour British Instructional l’année précédente l’ambitieux film de guerre The Battles of the Coronel and Falkland Islands. La presse juge le résultat excessivement mélodramatique et déplore une interprétation figée et inégale, mais la débutante Elissa Landi, une Autrichienne née à Venise, fera carrière à Hollywood (Sign of the Cross de Cecil B. DeMille, 1932) et à Paris (Königsmark de Maurice Tourneur, 1935). – US : The Betrayal.
1928Agustina de Aragón (ES) de Florián Rey
Victoria Producción Nacional (Madrid). – av. Marina Torres (Agustina), Maria Luz Callejo (Santica), Manuel San Germán/José Maria Alonso Pesquera (sgt. Duval), Fernando Fernández de Córdoba (gén. José de Rebolledo Palafox y Melzi), Santiago Aguilar (sgt. Buendía), Jesús Peña (adjudant de Palafox), Alfredo Hurtados « Pitusín » (Juanito), Ramón Meca, José María Jimeno, Adolfo Barnáldez, Carlos Rufart.
Synopsis : En été 1808, Saragosse est assiégée par les troupes françaises du général Jean-Antoine Verdier ; c’est une des dernières villes de la Péninsule qui résiste à l’avancée de Napoléon et les assauts meurtriers se succèdent jour après jour ; José de Palafox, le commandant espagnol, tient bon. Le soir, ses soldats se reposent dans le fameux restaurant « El Catalán » où la fille de la maison, Agustina, traite tout le monde avec amabilité. C’est à elle que le sergent Buendía confie la garde de ses deux enfants adolescents, Santica et Juanito, avant de mourir au combat. Santica s’éprend de Duval, un officier français blessé qu’elle cache, mais son frère le dénonce aux autorités. Le 15 juin, Juanito est tué lors de l’assaut de la Puerta del Portillo, une porte de la cité mal défendue par une poignée de miliciens en déroute et leurs canons obsolètes ; tous les artilleurs sont morts. Agustina charge seule un canon, tire et décime les Français. La hardiesse de son initiative (et le fait que ce soit une femme qui dame le pion à des militaires) redonne du courage, l’ennemi est repoussé. Le général Palafox la décore. Au péril de sa vie, Agustina facilite alors secrètement la fuite de Duval et de Santica hors de la ville, mais à l’extérieur, le couple n’est guère mieux traité par les Français. Accusée de haute trahison, Agustina lance à Palafox : « Pourquoi m’avoir faite soldat sans que je puisse rester femme ? » Ébranlé par la logique d’une guerrière qui reste aussi une mère, Palafox pardonne et les amoureux peuvent enfin se marier lorsque Saragosse capitule.
L’apologie d’une héroïne « contradictoire » qui assume à la fois son instinct féminin et ses élans de militante contraste avec tout ce que la période franquiste idéalisera. D’autre part, l’introduction insolite d’une romance entre un Français et une Espagnole fait écho à la politique profrançaise du dictateur Miguel Primo de Rivera, alors au pouvoir. Un consortium de producteurs aragonais approche le jeune Florián Rey, natif de la province de Saragosse, découvreur et mari d’Imperio Argentina, bientôt le cinéaste chéri de l’industrie et le plus prolifique du pays (il signera son chef-d’œuvre, La aldea maldita, l’année suivante), pour ressusciter à l’écran les exploits légendaires d’Augustine d’Aragon : la Barcelonaise Agustina Raimunda María Saragossa Domènech (1786-1857) est une figure emblématique de la guerre d’indépendance. Luttant en guérillera, elle devint officier de l’armée espagnole, célébrée comme la « Jeanne d’Arc » d’Espagne, avant d’être enrôlée comme seule femme combattante de l’armée de Wellington. Héroïne d’innombrables chansons, poèmes et tableaux, on la retrouve sur des dessins de Goya (Les Désastres de la guerre) et même dans des vers de Lord Byron (Childe Harold’s Pilgrimage, 1812). Rey filme ses exploits aux studios Chamartín à Madrid, puis à Saragosse et à Sigüenza (Guadalajara), mais faute d’argent, il doit renoncer à d’amples scènes de bataille. (Cf. aussi infra, Agustina de Aragón de Juan de Orduña en 1950.)
1930El guerrillero / El Empecinado (ES) de José Buchs
Producciones Oliván-Monis (Madrid). – av. Julio Rodriguez (Juan Martín Díaz, dit « El Empecinado »), Amelia Muñoz (Angeles), Manuel San Germán (cpt. Legarnier), Amparo Perucho (comtesse de Montebello), Antonio Aulión (Gaspar), Rafael Crisbal, Rafal María de Labra.
Après le soulèvement du « Dos de Mayo » (cf. film de 1927), José Buchs s’attaque à un autre chapitre de la guerre d’Indépendance qui est marqué par le folklore et la mythologie nationale : les exploits d’un des chefs les plus redoutables de la guérilla, Juan Martín Díaz (1775-1825), dit « El Empecinado », un surnom qui signifie à la fois « sentant le fumier » (pecina), allusion à ses origines paysannes, et « entêté » ou « obstiné ». Ces aventures sont agrémentées à l’écran par une amourette entre Maria, la fille d’un aubergiste, et Alvaro de Vargas, capitaine de l’armée régulière espagnole (le film est perdu).
Parti d’un groupuscule de miliciens qui harcela infatigablement l’occupant entre Burgos et Madrid en s’attaquant aux communications et à l’approvisionnement de l’ennemi, la troupe de l’authentique « Empecinado » comptait trois mille hommes en 1811. Le général Hugo s’efforça en vain de le capturer, puis fit arrêter sa famille, mais le guérillero obtint leur libération après avoir menacé d’exécuter 100 prisonniers français. Le film n’aborde toutefois pas la période après Napoléon, nettement moins glorieuse : fidèle à ses idéaux en faveur d’un gouvernement décentralisé et hostile à l’absolutisme monarchique, Juan Martín Díaz s’attira la haine de Ferdinand VII, qui abolit la constitution libérale. Le roi le fit exiler au Portugal en 1823 avec une soixantaine de ses compagnons, puis, ayant décrété une amnistie, le fit appréhender traîtreusement à son retour en Espagne. Le rebelle et héros national fut pendu deux ans plus tard, après un procès truqué. Buchs filme son récit à Alcalá de Henares, à 30 km de Madrid, avec la collaboration du régiment d’infanterie de Lanzarote et de la Cavalerie du Prince et de la Reine. Cette évocation d’une Espagne romantique, libertaire et combattive n’est peut-être pas sans rapport avec l’actualité politique du moment : en janvier 1930, Alphonse XIII a démis Primo de Ribera, premier ministre dictatorial, de ses fonctions, affichant par là son intention de retourner vers un régime monarchique constitutionnel.
1937*The Firefly (L’Espionne de Castille) (US) de Robert Z. Leonard
R. Z. Leonard, Hunt Stromberg/Metro-Goldwyn-Mayer, 131 min. – av. Jeanette MacDonald (Nina Maria Azara, dite « Mosca del Fuego »), Allan Jones (Don Diego Manrique de Lara, alias cpt. André François), Warren William (major de Rouchemont), Henry Daniell (gén. René Savary, duc de Rovigo), Douglas Dumbrille (marquis de Melito), Tom Rutherford (Ferdinand VII), Matthew Boulton (Arthur Wellesley, Lord Wellington), Stanley Price (Joseph Bonaparte), Billy Gilbert (l’aubergiste), Leonard Penn (ltn. Etienne), Belle Mitchell (Lola), George Zucco (chef des services secrets), Corbett Morris (Duvall), Theodore von Eltz (officier français).
Synopsis : En mai 1808, Napoléon convoque Ferdinand VII à Bayonne. Chanteuse de cabaret à Madrid, Nina, dite « Mosca del Fuego » ou « Firefly », flirte avec Don Diego, un bel aristocrate, dans le but de distraire l’attention de son amoureux jaloux, le lieutenant français Étienne, alors qu’elle doit rencontrer en secret le marquis de Melito, conseiller du roi d’Espagne. Espionne au service de la Couronne, Nina se rend à Bayonne pour découvrir les plans de Napoléon concernant l’Espagne. Diego s’impose en route, l’accompagne « pour la protéger des bandits » et elle s’éprend de lui. À Bayonne, où elle surveille le major de Rouchemont, adjudant de l’Empereur, Nina découvre que ce dernier veut faire abdiquer le roi. Mais elle ne réussit pas à transmettre la nouvelle à Madrid, les services secrets français sont intervenus et elle découvre en Diego un officier ennemi du nom d’André François, contraint de la trahir malgré ses sentiments tendres. Il lui permet pourtant de rentrer en Espagne. Ferdinand VII cède son trône à Joseph Bonaparte, le soulèvement éclate, Nina disparaît dans la clandestinité. Cinq ans plus tard, les armées anglaises changent le cours de la guerre. Nina pénètre, déguisée en gitane, dans le camp français où elle subtilise des documents militaires ; Diego alias André la reconnaît, Rouchemont l’arrête et la condamne à mort. Auparavant, il utilise le pigeon voyageur de l’espionne pour envoyer un message erroné destiné à Wellington. Mais la mission de Nina était un subterfuge qui pousse l’armée française à de fausses manœuvres et Wellington remporte une victoire écrasante à Vitoria (21 juin 1813). Libre, Nina retrouve André blessé sur le champ de bataille ; les deux disparaissent en chantant dans la sierra basque.
Une production assez opulente de la MGM, à la fois dramatique et musicale, fabriquée sur mesure pour le rossignol de Hollywood, Jeanette MacDonald, et tournée en sépia au printemps 1937. Il s’agit de la transposition de l’opérette éponyme du compositeur tchèque Rudolf Friml (1912) et du librettiste Otto A. Harbach, leur première œuvre, qui fit un malheur à Broadway en 1912 avec 120 représentations. La version scénique se déroule dans les quartiers populaires de New York City en 1909 et ce sont trois scénaristes chevronnés d’Hollywood – Ogden Nash, Frances Goodrich et Albert Hackett – qui décident de déplacer l’action un siècle plus tôt. La guerre civile en Espagne fait rage, les trois sympathisent avec la cause républicaine et souhaitent exprimer leur haine de la dictature, fût-ce timidement et en musique. On mélange donc – une première – deux genres clairement séparés, la fresque historique et le musical. La chanson The Donkey Serenade, écrite exprès pour le film, sert de fil conducteur et de signe de reconnaissance de Maria dans son activité secrète. L’ensemble ne manque pas de charme, le savoir-faire de l’usine à rêves californienne fonctionne à merveille, l’interprétation est plaisante (Allan Jones qui remplace avantageusement Nelson Eddy, Warren William, Henry Daniell), la star a de la classe (elle a appris à danser à l’espagnole), mais tout cela ne pèse évidemment pas lourd sur le plan historique, même si on y croise Savary, Wellington, Joseph Bonaparte et Ferdinand VII. Robert Z. Leonard, qui a dirigé Jeanette MacDonald cinq fois, nous gratifie en plus d’une brève bataille rangée entre la guérilla et les fantassins de Savary (quelque 500 figurants) filmée sur le plateau 11 des studios MGM à Culver City. La place du vieux Vérone de Romeo and Juliet (George Cukor, 1936) devient madrilène ; on érige 30 décors importants, crée 1700 costumes. Les rares extérieurs sont enregistrés à Iverson Ranch, Chatsworth et dans les Lone Pine Mountains. Malgré ses atouts et une presse plutôt favorable, le public ainsi que les fans de Jeanette MacDonald, peu versés en histoire, jugent le film trop long et trop compliqué. Le studio comptabilise une perte de 300 000 $ en raison des surcoûts. – ES : La espía de Castilla (1940), DE, AT, CH : Tarantella, die Spionin von Madrid, IT : La lucciola.
1942*Goyescas (Goyescas) (ES) de Benito Perojo
Joaquín Goyanes de Osés/U.N.I.B.A. (Universal Iberoamericana de Cinematografía S. L., Madrid), 102 min. – av. Imperio Argentina (Petrilla/la comtesse de Gualda), Rafael Rivelles (cpt. Fernando Pizarro), Armando Calvo (Luis Alfonso de Nuévalos), Manuel Morán (hôtelier), Ramón Martori (Corrégidor), José Latorre (le ministre Manuel Godoy), Eloisa Muro (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Marta Flores (Pepa), Antonio Casas (Paquiro), Xan das Bolas (assistant), Antonio Bayón (« el Malagueño »), Marina Torres (femme de chambre de la comtesse), María Vera (une Maja), Juan Calvo (« Patillas »), Carmen Ponce de León, Vicente Escudero (danseurs).
Synopsis : Madrid au début de l’année 1808. Petrilla, la comédienne « tonadillera » adulée du Teatro de la Cruz, et la capricieuse comtesse de Gualda, réputée pour ses liaisons tumultueuses, sont non seulement physiquement identiques, mais elles se disputent le même homme, Luis Alfonso de Nuévalos. Ce dernier doit fuir la capitale pour avoir tué un fonctionnaire royal en duel, et la comtesse jette son dévolu sur le capitaine Pizarro. L’actrice ridiculise la comtesse sur scène, celle-ci cherche l’aide de la reine Marie-Louise de Parme, sa rivale celle du secrétaire d’État Manuel Godoy, allié fidèle de Napoléon. Le 19 mars, une révolte populaire à Madrid fomentée par une partie de la noblesse renverse le roi Charles IV au profit de son fils Ferdinand, prince des Asturies. À Aranjuez, le peuple cherche à lyncher le Premier ministre Godoy, qui est destitué (Napoléon ordonne à Murat de le sauver en l’envoyant en France). Devenu chef bandolero et futur guérillero, Nuévalos protège la comtesse en la faisant passer pour la comédienne, tandis que Pizarro et son régiment écrasent l’émeute dans la capitale. La foule furieuse prend Petrilla pour la comtesse, les deux femmes se retrouvent au cachot (double exposition) où elles font la paix et s’échappent de prison lors d’un transfert. Le calme revenu, Petrilla et la comtesse retrouvent chacune leur amoureux (Nuévalos est hors-la-loi, Pizarro au service de la couronne, mais qu’importe : tout peut changer !)...
Goyescas est représentatif du cinéma dit de « levita » (redingote), un genre privilégiant la reconstitution du XIX e siècle et cherchant une légitimité dans l’alibi littéraire tout en préservant une issue fortement morale. C’est une synthèse de comédie, de drame et de chansons portée avec superbe par Imperio Argentina, la plus grande star du pays, ici dans un double rôle (elle vient d’interpréter Floria dans La Tosca à Cinecittà sous la direction de Jean Renoir et Carl Koch). L’œuvre reprend la musique de l’opéra éponyme du compositeur Enrique Granados et de son librettiste Fernando Periquet Zuaznábar (1911), mais en modifie de fond en comble l’intrigue qui, sur scène, conte les amours d’un toréador déchiré entre la cantatrice Pepa et l’aristocrate Rosario, dont l’amant le tue en duel. Pionnier du cinéma madrilène, Perojo rehausse son film par des images inspirées de quantité de toiles de Goya (très belle photo de Michel Kelber, futur collaborateur d’Ophuls, Renoir, Siodmak, Ray), en particulier les Saisons, la Prairie de San Isidoro et autres scènes bucoliques d’une époque encore insouciante, tandis que le personnage central, la comtesse de Gualda, est manifestement calqué sur la duchesse d’Albe (jusqu’à reprendre son habitude de se déguiser pour se mêler au peuple). Un hommage visuel au grand peintre et aux milieux qu’il a côtoyés et immortalisés par son art, souvent scintillant et entraînant, mais dépourvu de toute dimension politique ou idéologique. Toutefois, comme chez Goya, la misère du petit peuple y contraste avec la décadence poudrée de l’aristocratie, pleine de morgue pour la plèbe. Et le dernier quart du récit laisse percer une vague inquiétude quant à l’avenir du pays (à trois mois du soulèvement général contre les Français). Réalisée en juin-juillet 1942 aux studios de Chamartín à Madrid (avec de séduisants décors baroques de Sigfrido Burmann) et au palais d’Aranjuez, la bande, produit révélateur de l’isolement culturel dans lequel est plongée l’Espagne franquiste mais en même temps très atypique de la production nationale, reçoit le Prix du Syndicat National du Spectacle et est sélectionnée pour le festival de Venise (prix de la Biennale). Mal à l’aise dans son pays, Perojo s’établit en Argentine où il tournera jusqu’en 1948 de nombreux films. – US : Goyescas (« After Goya ») (1944). Sortie à Paris en 1949.
1943El Abanderado [= Le porte-drapeau] (ES) d’Eusebio Fernández Ardavín
Cesáreo González/Suevia Films (Madrid), 110 min. – av. Alfredo Mayo (ltn. Javier Torrealta), Isabel de Pomés (Renata La Roche), Mercedes Vecino (marquise Eulalia), José Nieto (cpt. Pedro Velarde y Santillán), Raúl Cancio (cpt. Luís Daoiz y Torres), Julio Rey de las Heras (gén. Francisco Espoz y Mina), Manuel Soto (gén. La Roche [= François Laroche ?]), José Jaspe (Manuela Malasaña), Manuel Morán (Marchena), Carlos Muñoz (Rafael), Guadalupe Muñoz Sampedro (gouvernante), José María Seoane (ltn. Ruiz), Ramón Polo (Soutiño), Guillermina Grin (l’ambassadrice), Manolita Morán (la Pintosilla).
Synopsis : Madrid en 1808. Le lieutenant Javier, porte-drapeau du régiment, est sur le point d’épouser Renata, la fille d’une Espagnole et d’un général français quand Napoléon envahit l’Espagne sous prétexte d’attaquer le Portugal. Velarde et Daoiz, camarades de Javier, s’insurgent contre cette présence étrangère et périssent le 2 mai. De retour de mission à l’Escorial, Javier découvre les centaines de cadavres qui jonchent les rues de la capitale, parmi lesquels les corps de Velarde et Daoiz. Lorsque la marquise Eulalia, l’ex-maîtresse de Daoiz, lui reproche de rester indécis, il rompt avec sa fiancée, rallie ses compatriotes rebelles et se couvre de gloire pendant les trois ans qui suivent. En Navarre en 1811, devenu capitaine de l’armée du général Mina et envoyé en mission de coordination auprès de la junte aragonaise, il retrouve Renata en prison, arrêtée à tort comme espionne et vouée au peloton d’exécution. Elle lui révèle que son sang est à 100% espagnol, le général La Roche n’étant que son père adoptif. Javier s’enfuit avec elle. Ils sont repris, condamnés à mort, puis sauvés de justesse par l’attaque surprise des régiments de La Roche. Ayant vigoureusement aidé à repousser les Français, le couple est réhabilité : Javier et Renata peuvent enfin se marier.
En abordant pour la première fois la guerre d’Indépendance, le cinéma du nouveau régime franquiste insiste lourdement sur la pureté de la race, sur la noblesse d’un sang espagnol sans souillure étrangère. Au lendemain de la guerre civile, il s’agit à l’écran de glorifier l’esprit patriotique, d’exalter les valeurs nationalistes au détriment de l’étranger : tout ce qui est français est dégénéré, louche, suspect. Quoique alliés, les Anglais sont hautains et distants. Le 2 mai 1808 est mis en parallèle direct avec le soulèvement nationaliste du 17 juillet 1936 contre la Seconde République espagnole (considérée par la droite comme une importation du « communisme international »), ce coup d’État manqué du général Mola qui est à l’origine du déclenchement de la guerre civile. Contre Napoléon et Staline, même combat. Pour les deux événements, on a utilisé la même dénomination : « Alzamiento nacional » (soulèvement national). Alors que dans El Dos de Mayo de José Buchs (1927), c’était le peuple qui obligeait les militaires à ouvrir les arsenaux, ici ce sont les officiers et la noblesse qui dirigent la révolte populaire afin de « sauver l’indépendance de l’Espagne », autre analogie avec le soulèvement de Franco. Le film choisit des termes quasi religieux pour vanter la vaillance de ses protagonistes. « Je l’ai vu combattre comme un héros, s’effondrer comme un martyr, mourir comme un saint, et il restera à jamais dans mon cœur pour avoir accompli son devoir ! », s’extasie la marquise Eulalia en parlant du capitaine d’artillerie Daoiz (sur quoi, louable initiative, elle entre dans les ordres). On ne s’étonnera pas d’apprendre que le scénario – rédigé par Eusebio Fernández Ardavín, le frère du metteur en scène (tous deux sont d’ardents franquistes) – a été primé par le Syndicat national du spectacle en 1942.
Sur le plan strictement historique, le film – réalisé aux studios Chamartín à Madrid et dans les rues de la capitale (parc de Monteleón) avec le plein appui du gouvernement – n’est pas aussi rigoureux qu’il voudrait paraître. Contrairement aux rodomontades des militaires du film, la situation des insurgés espagnols en 1811 était catastrophique, l’Andalousie et la Galicie en mains françaises, Ballesteros retranché dans les montagnes de Ronda, Wellington retranché à Torres Vedras tandis que presque tout le Portugal était encore occupé par les troupes de Masséna. Pas de quoi triompher. Quant au noble général basque [Espoza y] Mina (1781-1836) qui joue un rôle si déterminant dans le dernier tiers du film, il mérite un commentaire à part : fils de laboureurs, massacrant la langue espagnole, Mina n’était pas un général à proprement parler ; il obtint de la junte de Castille et Aragon le droit de diriger en dictateur toutes les milices de Navarre après avoir fait éliminer un certain nombre de chefs rivaux pour banditisme. En 1811, la Régence de Cadix le nomma colonel ; parvenant à réunir jusqu’à 4000 hommes, il exigea que son corps-franc soit reconnu comme une unité régulière de l’armée espagnole. Il soutint 143 combats et enraya la barbarie des envahisseurs en usant de représailles d’une rare brutalité : pour un officier exécuté par l’ennemi, il en faisait fusiller quatre, et vingt soldats français pour un Espagnol. À la fin des hostilités, il tenta en vain de rétablir la constitution libérale sous le joug de Ferdinand VII, monarque parjure. Fugitif en France pendant six ans, acclamé par les bonapartistes, traqué par les Bourbons, celui que l’on surnommait jadis « le roi de Navarre » dirigea en 1822 l’armée de Catalogne destinée à agir contre l’insurrection absolutiste et apostolique ; il fut battu par l’armée expéditionnaire envoyée par Louis XVIII, s’enfuit en Angleterre et ne put retourner dans sa patrie qu’après la mort du roi. En résumé, une destinée peu concordante avec l’idéologie du Caudillo, ce qui peut expliquer les accommodements du film d’Ardavín.
1947/48El Verdugo [= Le Bourreau] (ES) d’Enrique Gómez Bascuas
Victor López Iglesias/Olimpia Films, 80 min. – av. [récit de 1808 :] Margarita Andrey (Clara de Léganès), Virgilio Texeira (cdt. Victor Marchand), Carlos Muñoz (Juan de Léganès), Rafael Calvo (marquis de Léganès), Carlos Casaravilla (gén. Gaillard), Manuel Arbó (le maire), Luisita España (Margarita), Pablo Alvarez Rubio (Pedro), Fred Galiana (ltn. Rozier), Alfonso de Horna, Eduardo Calvo, Conrado San Martín, Maruja Hernández.
Synopsis : En juillet 1808. Victor Marchand, jeune commandant d’un bataillon dans la bourgade galicienne de Menda, et Clara de Léganès, la fille du marquis, seigneur des lieux, s’aiment secrètement. Le marquis est l’âme de la résistance locale et lors d’un bal organisé pour l’anniversaire de sa fille, il fait arrêter les officiers napoléoniens et provoque un soulèvement général qui devrait faciliter le débarquement des troupes anglaises de Sir John Moore. Les soldats français sont massacrés, mais le plan du marquis échoue, les Anglais rebroussent chemin et le général Gaillard ordonne une féroce répression. Deux cents habitants sont exécutés ; quant au marquis et sa famille, ils sont condamnés à être pendus, mais Marchand intercède en leur faveur et obtient qu’ils seront décapités et que sera épargné le fils aîné de cette ancienne famille, Juan, s’il accepte de se faire leur bourreau en procédant lui-même à l’exécution des siens. Juan accepte ces conditions monstrueuses et, sous les yeux de la population, décapite toute sa famille, à l’exception de sa mère qui se suicide. Bien qu’éprise de Marchand, Clara refuse avec mépris son offre de la sauver en l’épousant : « Je préfère mourir comme une Espagnole que de contracter un mariage qui ferait de moi une étrangère. » Par la suite, Juan soutiendra avec succès le débarquement anglais et recevra de Ferdinand VII le titre de « El Verdugo » (le bourreau), marque de noblesse.
L’intrigue est tirée de la nouvelle El Verdugo d’Honoré de Balzac (1830), un « conte cruel » intégré plus tard dans La Comédie humaine et revu en Espagne par Marcelino Menéndez Pelayo et le général José Gómez de Arteche. Le scénario l’insère dans un nouveau cadre situé en mai 1940, lorsque la Wehrmacht envahit la France (« les Allemands ont brisé la ridicule résistance française », dit le commentaire). Cinq jeunes qui fuient le pays pour gagner l’Amérique font étape dans le château de Menda où, intrigués par le portrait de Clara qu’a peint jadis Marchand, ils apprennent de la bouche du marquis le sort terrible de ses ancêtres, leur intraitable honneur et l’exigence d’assurer la continuité du sang. Eugenia, une des fugitives, se sent espagnole et renonce à traverser l’Atlantique. Tourné (dans les studios Chamartín à Madrid) au pire moment des relations franco-ibériques, le film insiste sur la nécessité des Espagnols de ne compter que sur eux-mêmes et sur l’amour inconditionnel de la patrie qui doit primer sur tout autre sentiment.
1947/48Tambor del Bruch [= Le Tambour d’El Bruc] (ES) d’Ignacio Ferres Iquino
Miguel Grau Gester/Emisora Films S.A. (Barcelone), 94 min. – av. Ana Mariscal (Montserrat), José Nieto (Enrique Torrello), Juan de Landa (Tomás, le boulanger), Carlos Agosti (Blas), Rafael Luis Calvo (Borotte), Jorge Greiner (ltn. Jacques Dubois), Carlos Ronda (Pablo), Enrique Magalona (Isidro Llussá, le tambour), Mariano Beut (gén. François Xavier de Schwartz), Manuel Lopetegui (Père Morell).
Synopsis : La Catalogne en juin 1808. Le général Philibert-Guillaume Duhesme, gouverneur militaire de Barcelone, fait savoir que tout village attaquant des Français sera brûlé ; divers paysans ayant pris les armes périssent fusillés. Blas, un marchand ambulant politiquement sceptique et lymphatique, muni d’un précieux sauf-conduit et qui transportait des lettres estampillées en français est accusé de collaboration avec l’ennemi. Il échappe de justesse à la corde, car Montserrat l’utilise pour se rendre à Martorell où son père croupit en prison. Leur voyage périlleux est interrompu par des rafles de l’ennemi. À Martorell, Enrique Torrello, nourri de culture française, passe pour un traître parce qu’il héberge le général napoléonien François-Xavier de Schwartz. Toutefois, grâce à son entremise, Montserrat peut revoir son père qui la bénit ainsi qu’Enrique, devenu son fiancé, avant de mourir. Enrique prend conscience des vraies valeurs à défendre. La cité est ravagée par le soulèvement ; Enrique, Montserrat et le petit berger Isidro rejoignent les partisans, des Somatenes qui préparent une embuscade dans le défilé d’El Bruc[h] avec des armes et munitions de fortune. Le 6 juin, la colonne de Schwartz, formée surtout d’unités suisses, napolitaines et italiennes, se heurte aux milices locales. Les Français, en surnombre, sont sur le point d’encercler les guérilleros quand le tambour – celui du petit Isidro caché derrière les rochers – se fait entendre ; craignant des renforts de l’armée régulière espagnole, les Français sonnent la retraite. Leur repli désordonné se transforme progressivement en débandade, Blas mène les Catalans inexpérimentés à la victoire : quelque 400 paysans mal armés réussissent à stopper et à faire fuir une division composée de grenadiers et de cuirassés aguerris, forte de plus de 4000 hommes, jusqu’à Barcelone. Enrique est tué au cours des combats.
Cette évocation patriotarde, réalisée à Comarca del Bruch, dans le village de Montjuich et aux studios d’Orphea Films (Barcelone), reprend la légende du petit Isidro dont le tambour mit en fuite les troupes napoléoniennes avec l’aide de l’écho de la montagne de Montserrat, donnant par son roulement l’impression de mille tambours. L’authentique tambour serait un certain Isidre Llussà i Casanoves (1791-1809). L’exaltation nationale du franquisme acquiert ici des accents régionaux, mais elle est desservie par un scénario souvent décousu et confus.
1949*Las Aventuras de Juan Lucas (ES) de Rafael Gil
Cesáreo González/Suevia Films (Madrid), 92 min. – av. Fernando Rey (Juan Lucas), Marie Déa (comtesse Ana Romero de los Viejos), Juan Espantaleón (Don Martín Romero de los Viejos, comte de Gibalbín), Manuel Dicenta (« Panecito »), Manuel Morán (Chano), Joaquín Roa (« Telescopio »), Fernando Fernández de Córdoba (gén. Francisco Javier Castaños), Leandro Alpuente (gén. Francisco Javier Venegas), Julia Calba Alba (« La Médica »), Ricardo Acero (comte de Bonafé), Manuel Kayser (Caracol), Ramón Elías (El Bizco), Mary Carmen Macía (Albahaca).
Synopsis : Campo de Gibraltar (Cadix) en 1808. Apprenant que son père mourant fut autrefois un chef bandolero redouté, Juan Lucas, un paysan andalou, délaisse ses champs pour s’adonner au banditisme. De son côté, le général Castaños sollicite le comte de Gibalbín, propriétaire d’un vaste domaine, pour trouver un moyen d’introduire des fusils anglais depuis Gibraltar en faisant appel à des contrebandiers. Juan et ses compagnons offrent leurs services, conscients que si Napoléon s’emparait du rocher britannique, il n’y aurait plus de contrebande possible. Avec l’aide de sa fille Ana, le comte parvient à enrôler les bandoleros pour combattre les Français. Juan et ses hommes se font miliciens sous les ordres du général Castaños. S’étant battu valeureusement à Menjíbar, où il affronte les cuirassiers impériaux avec ses lanciers « garrochistas », puis à la bataille de Bailén (19 juillet 1808), l’ex-contrebandier est blessé et obtient le grade honorifique d’« officier ». Mais lorsque le comte lui refuse avec dédain la main de sa fille (promise à un Grand d’Espagne), Juan jette au sol ses décorations acquises à Bailén, déserte l’armée avec les siens – qui crient de joie ! – et redevient hors-la-loi, indifférent aux aléas de la guerre. Comme le désespoir le mine, ses compagnons enlèvent Ana, que Juan fait libérer sur le champ. Cherchant la mort, il s’accuse d’un meurtre qu’il n’a pas commis et se livre à la justice. Mais ses compagnons réunis par la comtesse Ana lui évitent la corde au dernier moment et le sauvent sous le feu nourri de la guardia civil. Ana est blessée, Juan se réfugie dans un couvent. L’annonce d’une amnistie générale sauve les amoureux.
Cette production de Rafael Gil – le cinéaste espagnol le plus primé des années 1940/50 avec une filmographie très éclectique mais pas inintéressante – a tout d’un OVNI dans le paysage audiovisuel franquiste. Sans doute les censeurs madrilènes furent-ils ici plus indulgents en raison de l’étiquette de « film d’aventures » romantiques dont se pare la bande, mais aussi parce que le scénario est adapté d’un roman éponyme de Manuel Halcón (1944), écrivain, journaliste et académicien sévillan affilié à la Phalange – et descendant de Luis Daoiz, le martyr du 2 mai. Néanmoins, le film montre de futurs partisans qui hésitent à s’engager pour ou contre Napoléon, selon les débouchés du commerce et la solde promise (une réalité dérangeante mais historique). Le héros trahit les idéaux nationaux par déception amoureuse et, plus encore, par blessure d’orgueil, préférant une vie criminelle au sacrifice pour la sainte patrie. L’enthousiasme des bandoleros en quittant l’armée afin de retourner à des occupations plus lucratives (et moins hypocrites) est frappant. Le roman d’Halcón s’achève par la pendaison de Juan Lucas, devenu un bandit plus sanguinaire encore que les Français ; il meurt en maudissant Ana. Cette dernière se résigne à épouser un duc à Cadix.
En refusant cette conclusion aussi tragique que rassurante, Rafael Gil – qui débuta au cinéma en travaillant pour les Républicains – provoque subrepticement les codes moraux du national-catholicisme, mais sur le mode du cinéma d’évasion. Il égratigne au passage une aristocratie hispanique pleine de morgue qui feint d’être libérale, le temps de se débarrasser d’un envahisseur osant questionner ses privilèges. Par ailleurs, l’intrigue bouscule un peu l’Histoire, car il n’y eut pas d’opérations de guérilla dans la province de Cadix avant février 1810. Fidèle au roman, Gil illustre le mythe des redoutables « garrochistas » (cavaliers bien connus des amateurs de corridas) de Jerez qui auraient attaqué l’adversaire comme s’ils étaient dans l’arène et sauté de cheval pour l’achever à terre avec leurs navajas. En réalité, ces lanciers folkloriques n’auraient jamais fait le poids face aux attaques en masse des cuirassiers napoléoniens, protégés par de lourdes armures. Ces cavalcades fort peu édifiantes mais plutôt bien menées sont réalisées aux studios C. E. A. Ciudad Lineal à Madrid et en extérieurs à Jerez de la Frontera et à Ubrique (Cadix). Fernando Rey se place pour la troisième fois en tête d’affiche, après Don Quijote de la Mancha (1947) et Mare Nostrum (roman de Blasco Ibañez, 1948), les deux précédents succès du cinéaste. Il donne ici la réplique à Marie Déa, la vedette française de Siodmak (Pièges), Carné (Les Visiteurs du soir) et Cocteau (Eurydice dans Orphée). Remake télévisé en 1966 (cf. infra).
1950Correo del Rey (ES) de Ricardo Gascón Ferré
José Carreras Planas/PECSA Films, 98 min. – av. Cesare Danova (cpt. Marcos de Malta), Isabel de Pomés (Celia de Turón), Félix de Pomés (Félix Pizarro de Peñafiel), Jacinto San Emeterio (Don Fernando, marquis de Posa), Modesto Cid (le Frère), Robert Le Vigan (Mr. Peabody), Ramón Martori (le gouverneur de Minorque), Emilio Sancho (Tomás), Juan Eulate, Pepita Fornés, Fortunato Garcia.
Synopsis : En 1802, le marquis de Posa voyage d’Italie en Espagne pour apporter des documents secrets du Premier Consul à Charles IV, roi d’Espagne, son allié contre l’Angleterre. Sa corvette est interceptée sur mer et coulée par une frégate anglaise près des Baléares. Naufragé avec le capitaine du navire, Marcos, ils se cachent à Minorque où ils sont capturés par les Anglais, mais ils parviennent à s’échapper grâce à l’aide d’un insulaire et de ses deux filles et à atteindre Madrid.
Une curiosité dans cette très modeste bande d’espionnage confectionnée par le Catalan Gascón Ferré et tournée sur les lieux de l’action : l’acteur français Robert Le Vigan, condamné à l’indignité nationale pour faits de collaboration avec le Troisième Reich, s’exile en Espagne franquiste après trois ans de prison, avec l’appui du milicien Lucien Gallas (époux de Ginette Leclerc) ; établi à Madrid, il interprète ici le redoutable et lubrique Mr. Peabody, espion en chef de la couronne britannique. – IT : Il messagio del re.
Agustina soigne les blessés et les victimes de l’épidémie sous le feu incessant des obus français (Agustina de Aragón, 1950).
1950*Agustina de Aragón (ES) de Juan de Orduña
Vicente Casanova, Juan Manuel de Rada/CIFESA (Compañia Industrial Film Español S.A., Madrid-Valence), 126 min. – av. Aurora Bautista (Agustina Zaragoza), Fernando Rey (gén. José de Rebolledo Palafox y Melzi), Virgilio Teixeira (Juan el Bravo), Eduardo Fajardo (Luis Montana), Manuel Luna (oncle Francisco), Jesús Tordesillas (col. José Antonio Torres), GUILLERMO MARIN (Napoléon), Arturo Marin (maréchal François Joseph Lefebvre), Juan Vazquez (gén. Jorge Juan Guillelmi y Andrada), Pablo Alvarez Rubio (maréchal Bon Adrien de Moncey), Miguel Pastor Mata (gén. André-Bruno de Frévol, comte de Lacoste), Juan Espantaleón (oncle Jorge), Fernando Fernández de Córdoba (chef des services secrets), Fernando Sancho (Escudella), Raúl Cancio (Colás), José Bódalo (officier français), Maruja Asquerino (Carmen), María Cañete (tante Pilar), Charito García Ortega (María de la Consolación Azlor, comtesse de Bureta), Francisco Pierrá (Père Boggiero), Fernando Nogueras (Ferdinand VII), Anibal Vela (émissaire du maréchal Lacoste).
Synopsis : En 1814, Agustina Zaragoza, intimidée, les traits tirés, arrive à l’entrée du palais d’Orient à Madrid où elle est reçue par le général Torres qui va la conduire auprès du roi ... Flash-back : En annonçant sa campagne dans la péninsule Ibérique, Napoléon, méprisant, traite les Espagnols de « peuple dévoré par les poux et l’orgueil » ... Suivent plusieurs « tableaux vivants » représentatifs de l’année 1808 et composés à partir de toiles célèbres (Dos de Mayo, les fusillés de la Moncloa, El Bruch, l’insurrection de Valence). À Barcelone, un messager transportant des documents confidentiels est pourchassé par des dragons impériaux ; il se terre dans l’appartement d’Agustina. Celle-ci quitte subrepticement la ville, bondée de campagnards dont les demeures ont été incendiées par « ces Français qui ne savent pas guerroyer sans assassiner », pour, dit-elle, se marier à Saragosse. Dans les campagnes, les pillards étrangers sont harcelés par les partisans patriotes de Juan el Bravo ; le guérillero met en fuite une patrouille française qui, méfiante, inspectait la voiture d’Agustina à la recherche des documents secrets et invite cette dernière à passer la nuit chez sa vieille mère. Pendant la nuit, après la messe, des Français envahissent les lieux, tirent sur les villageois désarmés, tuent la mère du maquisard et tentent de violer Agustina. Juan la sauve et l’amène à Saragosse, dernière cité du nord à résister à l’envahisseur et bondée, elle aussi, de réfugiés et d’unités dispersées. La jeune femme y retrouve son fiancé Luis Montana et réalise qu’il travaille pour l’ennemi (pire : il lit Voltaire !), en accord avec le général Guillelmi. Elle fait transmettre au général Palafox les documents tant convoités, prouvant que la famille royale espagnole est prisonnière de Napoléon à Bayonne. Palafox prend le commandement de la province d’Aragon, fait arrêter Montana et Guillelmi et proclame la levée générale. Murat somme la cité de se rendre, Palafox envoie une armée qui est écrasée à Alagón et Lefebvre commence le siège de Saragosse. Le premier assaut français a lieu le 15 juin 1808. Palafox fait distribuer des armes à la population. Libéré sur parole, Montana apprend que les Français cherchent à assassiner Palafox et en avertit Agustina, qui soigne les blessés malgré les obus qui pleuvent sur l’hôpital. Il la trouve dans les bras de Juan, les deux se marient dans la basilique del Pilar. Les murs de la cité s’effondrent, les combats féroces et désespérés continuent dans les rues, maison par maison, jusque dans les couvents et les églises, et se prolongent durant des semaines. Un coup de canon détruit l’autel de la cathédrale. Agustina détecte des cas de peste à l’infirmerie, l’épidémie décime la population déjà à bout de forces (en réalité, ce fut le typhus). L’hiver s’installe, Palafox, lui-même malade, déplore la mort en six mois de 50 000 civils et 20 000 soldats ou paysans armés. L’Église réunit les gens valides pour transporter au front la statue de Notre-Dame du Pilar, la sainte de la ville, persuadée qu’elle ne permettra jamais sa conquête. Le maréchal Lannes, nouveau commandant de la Grande Armée, offre en vain à Palafox de se rendre. Lors de l’assaut final (20 février 1809), à la Puerta del Portillo jonchée de cadavres (parmi lesquels Juan et Montana), Agustina tire seule au canon contre la cavalerie française ... Fin du flash-back : Cinq ans plus tard, Agustina est accueillie par le roi Ferdinand VII qui lui rend publiquement hommage, fêtant en elle le symbole de l’héroïsme indomptable des femmes espagnoles.
Célébrée par Byron et Goya (l’eau-forte Qué valor, des Désastres de la guerre), Agustina a déjà fait l’objet d’un film muet de Florian Rey en 1928 (cf. supra), plus modeste, plus nuancé et surtout moins tonitruant. En 1936, l’esprit de résistance d’Agustina a été invoqué par la passionaria communiste Dolores Ibarruri pour répondre au coup d’État militaire de Franco. L’héroïne est à présent récupérée par le camp adverse, qui la transforme en métaphore de la nation et de ses vertus. Produit paradigmatique du régime franquiste, le film d’Orduña est un peu l’équivalent, dans la catégorie des épopées historiques idéologiquement surchargées, du Scipion l’Africain (1937) de Carmine Gallone pour Mussolini, du Grand Roi (1942) ou du Kolberg (1945) de Veit Harlan pour Hitler, ou encore du Pierre le Grand (1937-1939) et du Koutouzov (1944) de Vladimir Petrov pour Staline, épopées qui toutes maltraitent le passé pour justifier le présent d’une dictature. Le film réunit en un seul les deux sièges de la ville : le premier, de juin à août 1808, fut interrompu par la défaite de Dupont en Andalousie (Bailén) ; le deuxième, du 21 décembre 1808 au 20 février 1809, s’acheva par la victoire des aigles impériales après des combats de rues qui évoquent aujourd’hui Stalingrad et une résistance effaçant par sa ténacité toutes les humiliations infligées aux armes espagnoles. Ce fut un carnage auquel succomba 50% d’une population fanatisée et que seule la menace de faire exploser la ville entière poussa enfin à la capitulation (selon des témoins épouvantés, les Espagnols manquant d’ardeur au feu étaient pendus par leurs compatriotes). Le film se garde de relever ces détails, de même qu’il ne souffle mot de l’aide des Britanniques qui ravitaillèrent abondamment la ville et lui fournirent des milliers de redoutables fusils Baker et des munitions.
En revanche, on insiste lourdement sur le rôle de l’Église : une messe au village, Palafox montrant au messager de Lannes les citoyens en prière dans la basilique del Pilar pour lui expliquer d’où provient leur force de résistance, etc. : « la Religion et la Patrie, toujours unies, furent l’idéal invincible des Espagnols », précise la publicité, et un gros plan sur les œuvres complètes de Voltaire, lecture favorite du « renégat » napoléonien Luis Montana, désigne le démon que le pouvoir ecclésiastique de l’Ancien Régime comme le national-catholicisme phalangiste s’acharnent à écraser. Il s’agit, dans ce « fidèle miroir de nos vertus raciales » (Méndez Leite), d’exposer a posteriori l’intervention salutaire des généraux (Palafox/Franco, même combat) contre l’ennemi tant intérieur (libéraux, républicains) qu’extérieur (brigades internationales) ; dans les dialogues, Palafox est d’ailleurs appelé « el caudillo », le guide, comme Franco. « La sécurité de l’Espagne est à présent entre ses mains », s’exalte Agustina. C’est le culte de l’héroïsme en tant qu’ode au coup d’État militaire du 17 juillet 1936 (qui provoqua la guerre civile). El Abanderado en 1943 livrait déjà un message identique, mais en moins appuyé (cf. supra). Toute référence aux Catalans et à leur hostilité envers les Aragonais est éradiquée, car seule compte l’unité de la Nation. La dictature franquiste se présente ainsi comme l’aboutissement, la consécration naturelle de cette « libération » à travers l’unité politique et religieuse du pays. À cela s’ajoute le fait qu’en 1946, les Alliés ont condamné le régime de Franco à Potsdam. Un veto empêche l’incorporation de l’Espagne à l’ONU. Privé de la manne du plan Marshall, le pays traverse une période difficile d’isolement et d’autarcie. Les « Espagnols authentiques » du film luttent donc contre toutes les puissances dissolvantes de l’Europe (comprenez : les vainqueurs de 1945). Le générique remercie pour leur brillante coopération les « forces de la Glorieuse Armée Espagnole » et l’accesseur religieux ayant autorisé des prises de vues dans « la Sainte Basilique de Notre-Dame del Pilar, Temple National et Sanctuaire de la Race »... Tout un programme !
La société productrice de cette « épopée immortelle » est la CIFESA dirigée par Vicente Casanova, jadis un inconditionnel du Troisième Reich et de Mussolini, à présent des dictatures de Perón et Salazar. D’obédience ultranationaliste, la firme s’est spécialisée à partir des années quarante dans la confection de fresques pompeuses, théâtrales et populaires en l’honneur des figures de proue de la hispanidad, de l’« espagnolité », et dont le cinéaste maison Juan de Orduña est le principal artisan. Ce dernier a révélé la star castillane Aurora Batista dans Locura de amor (1948), la première reconstitution historique importante du cinéma ibérique (sur Jeanne la Folle, au XVI e siècle) ; passant de la démence de la reine de Castille à l’hystérie antifrançaise, elle hurle sa haine, la torche à la main et un canon à sa gauche, donnant vie au tableau de Marcos Hiráldez Acosta (1871). Détail piquant, Fernando Rey, plus tard l’acteur fétiche de Buñuel (Tristana), campe Palafox. Agustina de Aragón est alors la superproduction la plus onéreuse jamais réalisée en Espagne. Guillermo Marín, géant du théâtre madrilène, incarne l’unique Napoléon du cinéma espagnol (il reprendra ce rôle dans la télésérie Diego Acevedo en 1966, cf. infra).
De Orduña tourne aux studios de la Sevilla Films à Madrid, au Palacio Real, à Barcelone et à Saragosse (avril-août 1950), avec 3000 soldats et autant de figurants, ainsi qu’une multitude de décors (Sigfrido Burmann) restituant méticuleusement les anciens quartiers de Saragosse, la Puerta del Carmen et la basilique Sainte-Engrâce. Sachant de toute évidence diriger les masses et possédant un sens plastique très sûr, le réalisateur signe un spectacle dynamique (quoique plus gesticulant que sanguinolent), aidé en cela par son excellent chef opérateur Ted Pahle. Américain d’origine allemande et naturalisé français, Pahle a travaillé pour Alexander Korda et Pagnol (Marius, 1931), L’Herbier et Oswald à Paris, Willi Forst à Berlin et à Vienne, puis dès 1939 pendant vingt ans à Madrid où il fonctionne également comme attaché de presse (c’est-à-dire espion) de l’ambassade des États-Unis. Agustina sort simultanément dans 33 villes du pays ; à Madrid, au Rialto, il fait trois mois d’exclusivité (octobre-décembre 1950) et figure en 4 e place du hit-parade espagnol pour les années 1940-1952 avec 24 200 entrées. Comme de bien entendu, il obtient le qualificatif « d’intérêt national », suivi du Grand prix du Syndicat National du Spectacle et du Prix du Cercle des Ecrivains de Cinéma. – IT : La pantera di Castiglia, US : The Siege (1954).
1950Sangre en Castilla (ES) de Benito Perojo
Producciones Cinematográficas Benito Perojo-Filmófono S.A. (Madrid), 114 min. – av. Mecha Ortiz (Teresa Díaz), Enrique Diosdado (Marcos Ruíz), Julio Peña (ltn. Pedro Garcés), Susana Canales (Acacia Maldonado), Francisco Pierrá (Cristóbal Maldonado), Nicolás D. Perchicot (Damián), Armando Moreno (Don Diego), Carmen Sánchez (mère Cruces), Julia Caba Alba (Petrola), Pilar Muñoz (Belén), Aníbal Vela (Don Alonso de Atienza), Rafael Calvo (le général), José Prada (Damián), Roberto Zaragoza (« Piquitos »).
Synopsis : Madrid en avril-mai 1808. Marcos Ruíz, une brute, a tué son beau-père qui lui avait refusé un prêt d’argent. Ayant été dénoncé à la justice par son épouse Teresa et deux témoins, Maldonado et Atienza, il croupit en prison en attente du jugement quand le roi fait savoir aux bagnards qu’ils seront graciés à condition de s’enrôler dans l’armée et combattre Napoléon. Avant de partir pour le front, il jure de se venger. Les années passent. En été 1812, près d’Alba de Tormes, Wellington envoie le lieutenant Garcés en mission à Pinorrey, derrière les lignes françaises du maréchal Masséna, pour y rencontrer une agente de liaison de la guérilla, Teresa. Garcès en profite pour revoir sa fiancée Acacia, la fille de Maldonado. Selon une vieille coutume castillane, les femmes élisent Teresa maire de la cité pendant vingt-quatre heures. Marcos, devenu capitaine, surgit en pleine cérémonie, toujours décidé à se venger de ceux qui l’ont dénoncé quatre ans plus tôt. Au lieu d’affronter l’ennemi, il oblige ses soldats à investir la demeure de Maldonado, et ne le trouvant pas, il fait arrêter sa fille Acacia avec Garcès, alors qu’ils sont sur le point de se marier. Garcès s’enfuit, mais Marcos blesse grièvement Acacia après avoir tenté de la violer. Entre-temps, la bataille dite des Arapiles ou de Salamanque fait rage (22 juillet 1812) et les hommes de Marcos, désobéissant à ses ordres, partent au feu. Furibondes, les femmes de Pinorrey forcent Marcos à se réfugier chez Teresa qui, au péril de sa vie, finit par raisonner son mari, toujours amoureux mais aveuglé par l’orgueil et la passion. Alors que les Français sont écrasés, Marcos se rend à la justice qui le condamne à la corde pour désertion et meurtre.
Solide artisan, le cosmopolite Benito Perojo a débuté dans le muet et touché à tous les genres au long d’une carrière qui l’a mené de Madrid à Hollywood, Paris, Berlin, Rome (1937-1939) et récemment à Buenos Aires (1943-1948). Étant son propre producteur, et opportuniste, il s’accommode vite des contraintes de l’ère franquiste tout en se cantonnant à des sujets neutres. Mais pour obtenir un visa d’exportation, il doit trouver matière qui plaise au Caudillo. L’ère napoléonienne, il y a déjà tâté par la bande avec Goyescas en 1942 (cf. supra), et les reconstitutions à logistique compliquée ne l’effraient pas. Pour Sangre en Castilla, Perojo tourne dans les studios C. E. A. Ciudad Lineal à Madrid, puis en extérieurs à Piedralaves et Pedro Bernardo (prov. d’Avila) et à La Alberca (Salamanque), avec 1500 cavaliers mobilisés dans les batailles. Ne faisant pas les choses à moitié, la production a importé trois vedettes d’Argentine en vue de l’exploitation en Amérique latine (Ortiz, Canales, Diosdado). Comme Agustina de Aragón et les précédents, Sangre s’inscrit dans le courant antifrançais du cinéma espagnol après la mise au ban du régime franquiste par les Alliés (sanctions de l’ONU en février 1946). Accusé de sympathies pour la France républicaine, Perojo cherche ainsi à se blanchir politiquement. Le début du tournage a même été fixé symboliquement au 2 mai (date du soulèvement contre Napoléon) 1950. Mais à l’arrivée, le film s’avère une telle catastrophe, tant commerciale que critique – avec à peine une semaine d’exclusivité à Madrid – qu’elle brise la carrière de son auteur (qui limitera dorénavant son activité à la production). La presse se déchaîne unanimement contre le contenu feuilletonesque du mélo et le « profil sinistre, sans la moindre noblesse » du féroce Marcos, dont on fait « de surcroît un capitaine de milice », des facteurs qui souillent « les glorieuses étapes de notre guerre d’Indépendance » (Arriba, 11.11.50). Le public espagnol veut des héros, pas des gredins. Enfin, la censure franquiste interdit la distribution du film à l’étranger. Aujourd’hui encore une sorte de « film maudit », inédit à la télévision et rarement vu.
1950[sortie: 1952] Luna de Sangre (ES) de Francisco Rovira Beleta
Miguel Fernandez Alonso/PECSA Films (Barcelona), 93 min. – av. Paquita Rico (Rita de Alvareda), Francisco Rabal (Pedro de Alvareda), Isabel de Pomés (Elvira), Juan Manuel Soriano (Ventura), Modesto Cid (Pablo), Angela Liaño (Ana de Alvareda), Pepita Fornés (Maria), Modesto Cid, Enriquito Gracia, Ricardo Martín, Luis Undini, Ramón Vaccaro, Jesús Puche, José Soler.
Synopsis : En février 1810, la population d’Arcos de la Frontera se réunit pour faire front à l’occupation de l’Andalousie par les 55 000 hommes des maréchaux Soult et Victor qui viennent de conquérir Cordoue, Grenade et Séville et menacent à présent Cadix. En charge de la mobilisation, Pedro de Alvareda est sur le point d’épouser Rita, tandis que sa sœur Elvira est promise à Ventura. Mais les Français arrivent plus vite que prévu. Ventura tue un soldat qui s’est introduit dans la demeure des Alvareda pour quémander de la nourriture et doit prendre la fuite. Il s’enrôle dans l’armée régulière espagnole, Pedro fera vivre le clan et cultivera la terre en son absence. Prisonnier en France, puis ayant combattu à Waterloo sous Wellington, Ventura réapparaît en 1815 pour renouer avec sa fiancée. L’homme, endurci, aigri, violent, n’est plus le même. Il s’éprend de l’épouse de son futur beau-frère, Rita, dont il tente d’abuser. Pedro le tue et s’enfuit dans les montagnes mais il sera amnistié, Ventura l’ayant innocenté avant de mourir.
Un gros mélodrame ruralo-folklorique bien conventionnel, tiré du roman La familia de Alvareda de Fernán Caballero, alias Cecilia Böhl de Faber (1849), et rebaptisé Lune de Sang pour attirer les badauds. Il est tourné d’août à décembre 1950 aux Estudios Orphea Film à Barcelone et en extérieurs à Arcos de la Frontera (Cadix), mais n’arrive en salle qu’en février 1952, vraisemblablement pour ne pas subir le même sort que Sangre en Castilla de Benito Perojo (cf. supra, 1950).
1951/52Lola la piconera [= Lola la charbonnière] (ES) de Luis Lucía
Vicente Casanova, Juan Manuel de Rada/CIFESA (Compañia Industrial Film Español S.A., Madrid-Valencia), 92 min. – av. Juanita Reina (Lola la Piconera), Virgilio Teixeira (cpt. Gustave Lefèvre), Fernando Nogueras (cpt. Rafael Otero), Felix Dafuce (Juan de Acuña, député des Cortes), Manuel Luna (maréchal Claude Victor, duc de Bellune), Ferdinando F. de Córdoba (gén. José Marías, duc d’Albuquerque), Alberto Romea (Salazar), Valeriano Andrés (ltn. Jouvert), Francisco Bernal (Gérard), Alfonso de Córdoba (Lacour), Fernando Aguirre (huissier des Cortes), Mariano Alcón (député des Cortes), José Isbert, José Guardiola.
Synopsis : En février 1810, Séville étant tombée, les 55 000 hommes des maréchaux Soult et Victor marchent sur Cadix, dernier bastion espagnol indépendant, défendu par le général Albuquerque et ses 12 000 soldats. Victor explique à son état-major qu’après la prise de Cadix, « l’Espagne sera française, et donc toute l’Europe », quoique, admet-il, la guerre en terre hispanique n’ait « pas été une promenade ! ». Son neveu, le capitaine Lefèvre, a séjourné à Cadix avant la guerre. En interrogeant Rafael Otero, un officier prisonnier, Lefèvre reconnaît en lui une vieille connaissance et un rival en amour pour les yeux de braise de la chanteuse Lola. Au port de Cadix, dans le local qui porte son nom, cette dernière encourage les spectateurs déprimés à « mourir en chantant ». N’ayant pas répondu à l’ultimatum de Victor transmis par Rafael (relâché et dont Lefèvre a évité l’exécution), la cité subit le feu des Français, mais sans effets notables. Le maréchal Victor charge Lefèvre de contacter en ville Juan de Acuña, un traître francophile, député aux Cortes où il défend en des termes ampoulés et ridicules les buts des libéraux : la reddition, suivie de l’élimination de l’Inquisition et de l’oppression absolutiste. À minuit, blessé par une sentinelle sur les remparts, Lefèvre se cache dans la chambre de Lola. Celle-ci le soigne, l’amour d’autrefois renaît. Rafael les surprend et permet à son rival de quitter la ville assiégée. La Junte décide d’écrire au général Ballesteros afin qu’il les soutienne dans leur coup de main visant à neutraliser l’artillerie ennemie. Espérant faire main basse sur cette lettre, le collabo Acuña désigne Lola comme messagère. À l’extérieur des murs, Lola revoit Lefèvre et le couple passe la nuit parmi les gitans (« qui ne sont ni français ni espagnols »), au son du flamenco. Le lendemain, elle s’éloigne à l’insu de son amant, est capturée par les Français et, la lettre qu’elle transportait étant une feuille blanche, fusillée. Effondré, Lefèvre ramène son corps à Cadix pour le remettre à Rafael.
Cette mixture sentimentale de recréation historique et de folklore tragique andalou est officiellement adaptée de la pièce Cuando las cortes de Cádiz (1934) de José María Pemán, l’académicien franquiste (cf. Las aventuras de Juan Lucas, 1949). Rappelons que les Cortes de Cadix étaient une assemblée constituante qui siégea au Real Teatro de las Cortes du 24 septembre 1810 au 10 mai 1814 ; elle avait pour but de rédiger un corpus législatif de nature libérale qui puisse servir de base à un nouvel ordre social et mettre un terme à la société de l’Ancien Régime. Elle produisit la première Constitution espagnole de 1812. (Deux ans plus tard toutefois, Ferdinand VII abrogea cette même Constitution ainsi que toutes les décisions des Cortes.) Pemán détourne cet épisode majeur dans la marche vers le libéralisme et la démocratie en pays ibérique pour dénoncer l’aveuglement des députés. Il y place la conspiration (inventée) de Luis de Acuña, membre félon de la Junte de la Défense de Cadix et franc-maçon, qui manipule la naïve Lola afin de transmettre aux Français des renseignements leur permettant de s’emparer de la ville (l’officier Lefèvre a été rajouté par le film). L’auteur – qui sortit sa pièce pendant les « années abhorrées » de la Seconde République – s’attaque violemment à ce qu’il estimait être la démagogie libérale visant à tromper une population inculte. Rien d’étonnant par conséquent si les scènes des Cortes de Cadix sont traitées par la bande (malgré d’imposants décors), avec l’intention de donner une vision de l’Histoire plus conforme à l’idéologie officielle.
En fait, une fois à l’écran, la pièce de Pemán est à peine reconnaissable : le traître Acuña n’est plus qu’un pitoyable représentant de l’ennemi intérieur tandis que, de silhouette accessoire, Lola devient la star absolue, l’héroïne martyrisée, centre d’une triangulation amoureuse baignée dans la musique entraînante de Juan Quintero. À ses pieds, trépidants, martelant les planches du cabaret, l’Espagnol Rafael et un bel officier français inventé par les scénaristes. L’ensemble est enveloppé d’une sauce de pasodoble et de zarzuela (l’opérette locale) servie par Juanita Reina Castrillo, une vedette sévillane acclamée dans toute la Péninsule, surnommée « la Reina de la Copla ». Une longue séquence de ballet onirique clôt la veillée dans le camp gitan. Ces apports tant pittoresques qu’hybrides assurent la jubilation d’un vaste public et marquent un tournant dans ce type de productions : les instances gouvernementales souhaitent que le message devienne moins transparent, il importe dorénavant d’endoctriner par la diversion et le divertissement foklorique. Un folklore représentant une sorte de culture nationale-populaire homogène, mais qui véhicule également des éléments subversifs (les gitans, métaphore d’une société sans frontières). Aux yeux des spectateurs lassés par un excédent de rodomontades exaltées, les stars remplacent les statues, les héroïnes du music-hall incarnent les valeurs de générosité, de courage et de patriotisme qui en font des symboles du peuple espagnol ; leur appartenance au monde du spectacle signalise toutefois une vie moralement condamnable que seul le sacrifice ultime peut racheter (ayant couché avec Lefèvre, Lola est coupable de trahison et de péché envers l’Église). La xénophobie s’atténue aussi, le général Victor et son neveu sont dépeints avec respect. L’aggravation des tensions avec l’Union soviétique a donné un nouveau tour aux relations intereuropéennes et en ce qui concerne la dictature madrilène, les considérations idéologiques s’effacent devant les exigences stratégiques : l’Espagne cherche des appuis parmi les démocraties voisines. Tourné aux studios madrilènes de la Sevilla Films et à Cadix, Lola, la piconera n’en reste pas moins une bande artistiquement médiocre (malgré une fort belle photo en noir et blanc de l’Américain Ted Pahle) qui sonne le glas des productions CIFESA, jadis la plus puissante, la mieux organisée et politiquement la plus alignée du pays. En dépit de succès commerciaux considérables en Espagne même (Lola fait 121 800 entrées), la CIFESA n’arrive plus à couvrir ses investissements ; en raison des liens étroits de son fondateur, Vicente Casanova, avec le Troisième Reich, la société figure sur une liste noire à l’étranger et ne peut exporter ses produits. Pragmatique, Franco l’abandonne à son sort. Remake télévisuel en 1969 (cf. infra). – Nota bene : le bombardement de Cadix ne commença pas avant mars 1811 et le siège de la ville fut levé en août 1812, après la victoire de Wellington aux Arapiles. – IT : Tra due bandière.
1952El Tirano de Toledo / Les Amants de Tolède / Gli amanti di Toledo (ES/FR/IT) d’Henri Decoin et Fernando Palacios
Raymond Eger/Films E.G.E. (Paris)-Chamartín (Madrid)-Atenea Films-Lux Films (Roma), 86 min. – av. Alida Valli (Inès Arrighi), Pedro Armendariz (Don Blas Bustos y Mosquera), Gérard Landry (Fernando de la Cuerva), Françoise Arnoul (Sancha), Marisa de Leza (Isabel), José Sepulveda (Ricardo), José María Lado (Pedro, le bourreau), Nati Mistral (chanteuse des rues).
(Version française et italienne :) En 1825 à Tolède, sous le régime dictatorial de Don Blas, un chef de la police des Bourbons devant lequel même l’évêque et le gouverneur tremblent. Fernando de la Cuerva, un libéral, se cache pour éviter la torture, et lorsqu’il est capturé, sa fiancée Inès accepte de devenir l’épouse du tyran, mais elle ne pourra éviter la tragédie.
Un cas qui relève de la curiosité : le film de Decoin est l’adaptation à moitié aboutie d’une nouvelle de Stendhal, Le Coffre et le Revenant (1830), un texte qui dénonce les abus de pouvoir, l’obscurantisme et l’intolérance. Cette coproduction (la premère entre la France et l’Espagne depuis la fin de la guerre civile) est filmée sur place à Tolède et à Madrid ainsi qu’aux ateliers Paris-Studios-Cinéma à Billancourt. Le récit de Stendhal se déroule en mai 182 ... à Grenade, alors que Ferdinand VII et l’Église catholique étouffent le pays sous une chape de plomb. Pour ne pas froisser les autorités franquistes (qui pourraient légitimement se sentir visées !), la version espagnole du film, fabriquée par Fernando Palacios, situe l’intrigue en juillet 1810 et Don Blas est placé sous les ordres de Napoléon – ce qui justifie toutes les cruautés ! Stendhal dit de ce policier qu’il fut autrefois un des plus fameux chefs de guérillas (« quand sa troupe n’avait pas tué au moins un Français dans la journée, il ne couchait pas dans un lit : c’était un vœu. »). Mais on cherchera en vain à l’écran, et pour cause, le moindre drapeau tricolore ou une aigle impériale ...
1953/54Capitan Fantasma / Il tesoro della Antille (Le Capitaine fantastique) (IT) de Primo Zeglio
Ermanno Donari, Luigi Carpentieri/Athena Cinematografica (Roma), 86 min. – av. Frank Latimore (cpt. Miguel de Cubanil), Anna Maria Sandri (Consuelo), Maxwell Reed (Don Inigo da Costa), Paola Barbara (Soledad), Tino Buazzelli (Damian Pinto), Juan de Landa (Carlos), Katina Ranieri (la chanteuse Amparo), Mario Carotenuto (marin), Gianni Cavalieri (docteur), Sergio Fantoni (officier), Fedele Gentile, Carlo Tamberlani, Cesare Fantoni, Mario Feliciani, Enzo Musumeci Greco, Nico Pepe.
Synopsis : En 1808, alors que la guerre sévit en Espagne, le capitaine Miguel de Cubanil est dégradé et expulsé de l’armée pour avoir tué un homme en duel qui affirmait que son père, le duc et amiral de Cubanil, aurait trahi la patrie en livrant ses vaisseaux à l’ennemi français. L’accusation provient du second officier de son père, Don Inigo da Costa. Pour laver l’honneur de la famille, Miguel s’embarque clandestinement sur l’« Asunción », la frégate de Don Inigo. Une fois en haute mer, le navire croise un autre mystérieux bâtiment, l’« Anita López », et accueille à bord Consuela, la fille du gouverneur de La Havane, sa gouvernante Soledad, et surtout l’or de la Couronne d’Espagne que Don Inigo a pour mission de mettre en sécurité sur l’île de San Antonio, à l’abri des Français. Mais Don Inigo a l’intention de rafler le trésor pour son propre compte, ce que Miguel empêche en démasquant le responsable de tous ses malheurs, qui périt écrasé sous un arbre. Sauveur de l’or de la Couronne, Miguel peut réintégrer son grade de capitaine. – Une banale et modeste bande d’aventures maritimes, filmée en Ferraniacolor à Cinecittà par un factotum du cinéma-bis. Frank Latimore peine à égaler Errol Flynn ou Burt Lancaster en prouesses acrobatiques. – US : Captain Phantom, DE : Der Korsar des Königs – Verrat auf der Asuncion, ES : Capitán Fantasma.
1954/55Le Fils de Caroline Chérie (FR) de Jean Devaivre
François Chavane, Alain Poiré/Cinéphonic-Gaumont (S.N.E.G.), 108 min. – av. Jean-Claude Pascal (Juan de Aranda/Jean de Sallanches), Brigitte Bardot (Pilar de Aranda, sa sœur), Micheline Gary (Conchita de Aranda, son autre sœur), Sophie Desmarets (la duchesse Laure d’Albuquerque, générale Durand), Jacques Dacqmine (gén. Gaston de Sallanches), Magali Noël (Teresa), Georges Descrières (ltn. Tinteville), Alfred Adam (gén. Antoine-Charles Lasalle), Robert Manuel (Joseph Bonaparte, roi d’Espagne), Germaine Dermoz (comtesse de Aranda), Daniel Ceccaldi (ltn. Bogard), Jean Debucourt (le père supérieur), Albert Dinan (ltn. Guéneau), Jean Gallan (marquis de Villa-Campo), Marcel Perès (Fregos les Papillottes).
Synopsis : En 1808, le séduisant Juan de Aranda, 16 ans, rêve de s’engager dans l’armée du marquis de Villa-Campo à Rioja pour lutter contre l’envahisseur français. Il est capturé par Fregos, un maquisard obtus qui se méfie des aristocrates et veut le faire pendre, mais Teresa, une jolie bergère, l’aide à s’évader. Des soldats de l’armée régulière espagnole arrêtent le couple ; leur chef charge Juan de tendre un piège au général de Sallanches, qui évente le traquenard et envoie le bel espion en prison. La générale Durand obtient sa libération en payant de sa personne et se rembourse sur son protégé. Après un bref séjour enfermé dans un couvent, Juan se retrouve avec Teresa à Burgos. Conchita, sa sœur aînée, les y surprend et – furieuse, peut-être jalouse ? – elle lui révèle qu’il n’est ni espagnol ni son frère : son vrai nom est Jean de Sallanches, il est le fils naturel dudit général et de Caroline de Bièvre ; son géniteur l’avait confié au comte d’Aranda lors d’un naufrage. Français, il se doit à présent de rallier Napoléon. Enrôlé dans les hussards impériaux, il est capturé par des miliciens dans les Pyrénées ; ceux-ci le remettent à l’armée espagnole, puis aux Anglais qui déportent Jean et d’autres officiers napoléoniens sur l’île pénitenciaire de Cabrera, au large de Majorque, où sont déjà parqués les malheureux soldats du général Dupont de l’Étang après leur défaite à Bailén. Les conditions de survie y sont extrêmement précaires, l’alimentation est aléatoire, la folie et la mort les guettent. Alertée, Pilar de Aranda, la sœur cadette, organise avec des pêcheurs de Majorque la fuite de celui qu’elle prend toujours pour son frère. Entre-temps, une religieuse (Conchita, entrée dans les ordres) transmet au général Sallanches à Séville des documents prouvant que Jean est bien son rejeton. Appelé par sa mère, celui-ci rentre en France comme officier de chasseurs après avoir promis à Pilar qu’il reviendra pour l’épouser « quand la guerre sera finie ».
Troisième volet d’une série d’aventures amoureuses couronnée de succès, après Caroline Chérie (Richard Pottier, 1951) et Un caprice de Caroline Chérie (J. Devaivre, 1953), mais cette fois sans Martine Carol, qui refuse de se montrer « vieillie ». Le scénario est à nouveau de Cécil Saint-Laurent, adapté de son roman éponyme qui avait pour sous-titre L’Espagne et Juan (1950). Jean-Claude Pascal, dont on sait depuis Le Rideau cramoisi d’Astruc que l’uniforme des hussards lui sied à merveille, reprend à son compte le pouvoir de séduction salutaire qu’affichait sa mère Caroline, le schéma des récits précédents étant simplement inversé : Jean/Juan passe de fille en fille et de prison en prison avec une égale désinvolture, et chaque fois, ce sont les femmes qui sauvent la mise. On y trouve, comme racole la presse, « plus de déshabillés que de duels », avec la jeune Brigitte Bardot (qui n’a pas encore rencontré Roger Vadim) en prime. Jean Devaivre – assisté par Claude Sautet – filme ces marivaudages gentillets de juin à septembre 1954 en Technicolor aux studios de Saint-Maurice (Franstudio) et dans le Roussillon, dans le Val-de-Marne, à Port-Vendres, Perpignan, Collioure, Argelès-sur-Mer, Villefranche-de-Conflent, Mont-Louis, Font-Romeu-Odeillo-Via et Molitg-les-Bains. Le film attire 1,6 million de spectateurs en France, mais n’est pas distribué en Espagne.
Une seule originalité à retenir, plutôt inattendue dans ce type de production alimentaire : on y reconstitue fidèlement le premier camp de concentration de l’Histoire, situé sur l’îlot de Cabrera aux Baléares, une prison à ciel ouvert de 17 kilomètres carrés au sud de Majorque (dit « l’îlot de la misère »), caillou pelé sans abris ni végétation où les Anglais et la junte de Séville, violant toutes les conditions de capitulation, détinrent les « soldats oubliés de Napoléon » en négligeant souvent de les nourrir, soit quelque 11 800 prisonniers français de 1809 à 1814. Dans le film, deux barques anglaises s’approchent du rocher et jettent des miches de pain et des fèves dures comme du caillou sur un drap flottant tandis que, sur la rive, plusieurs centaines de malheureux gesticulent, à bout de forces, affamés et assoiffés. De l’eau ? Dans deux jours... Seul 40% des prisonniers survécurent au « rocher fatal ». – IT : Il figlio di Caroline Cherie, DE, AT : Dunkelroter Venusstern, US : Caroline and the Rebels.
1955*El mensaje [= Le Message] (ES) de Fernando Fernán-Gómez
Helenia Films, 82 min. – av. Fernado Fernán-Gómez (Antonio), Elisa Montés (Maria), José Maria Lado (José), Antonio Prieto (El Mayoral), José María Mompin (Andrés), Rafael Romero Marchent (l’étudiant), Manuel Alexandre (le muet).
Synopsis : Un soldat espagnol agonisant confie à la villageoise Maria un courrier secret de Wellington qui contient des informations vitales pour une prochaine offensive et qui est destiné aux partisans d’El Cabrero, bloqués dans une ruine qu’assiège l’ennemi. Accompagnée d’Antonio, un paysan, Maria se déguise en homme pour trouver les guérilleros d’El Mayoral et les prier de transmettre le document. Mais c’est quasiment une mission-suicide. Cinq volontaires se présentent, dont Antonio et José, un traître à la solde des Français qui élimine plusieurs d’entre eux durant la nuit. Las des horreurs de la guerre, José a accepté de collaborer avec l’occupant pour permettre à sa famille de survivre. Mais lorsqu’il découvre que tous les hommes d’El Mayoral ont péri dans une embuscade, il prend la lettre des mains d’Antonio, blessé, inconscient, et en se faufilant à travers les lignes françaises, l’apporte à El Cabrero. Le contenu du message redonne du courage aux assiégés, ils repoussent une attaque et la cavalerie espagnole les délivre peu après. José périt au cours de la bataille. Antonio survit à ses blessures et retrouve Maria.
Ce Message aux (très) discrets accents pacifistes, véhiculant un scepticisme situé aux antipodes de l’héroïsme obligatoire prôné par l’Espagne franquiste (cf. Agustína de Aragón, 1950), marque les débuts dans la réalisation du comédien et auteur dramatique Fernando Fernán-Gómez, alors surtout populaire pour ses rôles de missionnaires dans le cinéma clérical. Il y montre des partisans incultes, primitifs, parfois obtus (son Antonio est un simplet), dont les motivations sont plutôt prosaïques et peu altruistes. José trahit non par opportunisme politique mais pour des raisons humaines : protéger les siens, car ce ne sont pas ses voisins, mais les Français qui l’aident à ne pas mourir de faim. Adapté d’un récit de Fernán-Gómez et Manuel Suárez Caso, ce « film maudit » (selon son auteur, qui refusa toujours d’en parler) apparaît pour le moins insolite et sera un échec total en salle, moins en raison de ses imperfections formelles (chutes de rythme, ton inégal) que de son absence de pathos nationaliste. À redécouvrir. Tournage dans la province de Madrid (Beceril de la Sierra, Casa de Campo, Colmenar Viejo, Manzanares el Real, Mataelpino et Torrelodones).
1956/57The Pride and the Passion (Orgueil et Passion) (US) de Stanley Kramer
Stanley Kramer Productions-United Artists, 133 min. – av. Cary Grant (cpt. Anthony Trumball), Frank Sinatra (Miguel), Sophia Loren (Juana), Theodore Bikel (gén. Henri Jouvet), John Wengraf (ltn. Sermaine), Jay Novello (Ballinger), José Nieto (Carlos), Carlos Larrañaga (José), Philip Van Zandt (Vidal), Paco El Laberinto (Manolo), Julián Ugarte (Enrique) Félix de Pomés (l’évêque), Carlos Casaravilla (Leonardo), Juan Olaguivel (Ramón), Nana de Herrera (María).
Synopsis : En été 1810 (après la perte de Séville, Malaga, Ciudad Rodrigo et Almeida), l’armée régulière espagnole est en pleine déroute et un de ses commandants, le général Larena, se débarrasse d’un encombrant canon géant de sept tonnes (9 mètres de long, 2,5 mètres de haut), une arme d’une puissance de feu unique au monde (portée : trois kilomètres) que les Français comme les Anglais cherchent à récupérer à tout prix. Le capitaine hispanophone Anthony Trumball, de la Royal Navy, débarque en Espagne avec l’ordre de diriger le canon sur Santander et de là, l’expédier dans son pays. Mais au lieu du général Larena, disparu avec ses soldats, Trumball doit composer avec Miguel, un cordonnier analphabète devenu chef de la guérilla locale. Celui-ci sait dans quel ravin se trouve l’engin convoité et accepte de mettre à disposition de l’Anglais 150 maquisards, pour autant que le monstrueux canon serve d’abord à détruire les remparts d’Avila, le quartier général de l’armée napoléonienne en Espagne, et libérer la cité, sa ville natale. La pièce d’artillerie est poussée, tirée, hissée sur 1000 kilomètres de pays occupé, à travers les paysages les plus accidentés, au nez et à la barbe des Français : cols de montagnes, fleuves et rapides (sur un radeau), gorges étroites surveillées par l’ennemi, etc. Furieux, le général Jouvet à Avila ordonne que vingt Espagnols soient pendus chaque jour, tant qu’on ne lui dira pas où se terre le canon ; une trentaine de gibets sont dressés sur la place de la cité, la population se tait et endure. Endommagée, l’énorme bombarde doit être réparée dans la nef du monastère de Maneciras pendant la Semaine Sainte et ressortie sous le couvert d’un char de procession religieuse véhiculant l’effigie baroque du Christ et entourée de milliers de cagoulards. En chemin, Trumball se lie avec Juana, la compagne de Miguel, une partisane dont la famille a été anéantie par les Français, créant ainsi des tensions supplémentaires entre les deux hommes qui ne s’apprécient guère. Mais la mission prime sur l’amour. L’armée de Miguel, grandie au cours des pérégrinations, compte plusieurs milliers d’hommes. L’assaut d’Avila est dévastateur, le canon agencé par Trumball fait d’énormes brèches dans les murs de la ville et la moitié des guérilleros – dont Juana et Miguel – est fauchée par l’artillerie ennemie avant d’atteindre les remparts. Mais les Français sont exterminés et l’Anglais emporte son canon à Santander.
Un récit de pure fantaisie ! Après Agustina de Aragón (1950), The Pride and the Passion est sans conteste la bande la plus spectaculaire consacrée à la guerre d’Espagne, mais aussi le plus grand désastre artistique dans la carrière de Stanley Kramer, de son propre aveu. Producteur souvent audacieux (High Noon/Le Train sifflera trois fois, 1952) et réalisateur de films à thèse (On the Beach, 1959, Judgment at Nuremberg, 1961), où il dénonce avec conviction mais lourdeur le bellicisme, le racisme ou la cupidité de ses contemporains, Kramer se fourvoie radicalement en portant à l’écran le roman d’aventures The Gun (1933) de C. S. Forester, l’auteur des fameuses aventures du capitaine Hornblower. Non que la matière soit inintéressante d’un point de vue cinématographique, car, indépendamment des magnifiques paysages filmés par Franz Planer en VistaVision et Technicolor, les scènes de bravoure y abondent : la retraite espagnole dans la sierra avec des figurants à perte de vue, l’incendie nocturne d’un campement français que les partisans détruisent au moyen de grosses boules de foin en flammes, l’explosion d’un ponton noyant un bataillon dans les flots, l’assaut suicidaire d’Avila (3000 figurants, sur 6 minutes). L’indéniable réussite de ces « clous » incite à pardonner l’inconsistance du contexte historique, puisque Avila n’a jamais fait l’objet d’un assaut quelconque (prise et fortifiée le 15 janvier 1809 par le général Hugo, la cité servait de point d’appui au maréchal Soult en Castille-et-León), que les guérilleros ne livraient pas ouvertement bataille à la Grande Armée, et que les généraux Larena et Jouvet – ainsi que leurs méthodes dignes de la SS – sont inventés. La géographie est également fantaisiste (Maneciras n’existe pas), et il est impossible de suivre le parcours du canon à travers la péninsule Ibérique. Flatté dans son orgueil national, Franco soutient Kramer – l’armée prête hommes et chevaux – à condition que son film taise le rôle des Britanniques dans la libération du pays. La condamnation de la France, puissance oppressive et coloniale, dans ce produit américain peut s’expliquer par la proximité de la crise de Suez (où Washington a dû intervenir) et la guerre d’Algérie. Passées les images du début, l’armée régulière espagnole est curieusement absente du récit. Quant aux motivations des partisans, elles sont de nature plutôt personnelle, alors que le cinéma franquiste insiste, lui, sur leur engagement « pour Dieu, le Roi et la Patrie ».
Le tournage prend trois mois (après un an de repérages), devant Avila avec une section de faux murs en liège, dans l’immense basilique de l’Escorial, à l’Alcazar de Ségovie, à Hoyo de Manzanares, Guadalajara, Tolède, Vejer, Robledo, Grenade, Val de Moro, Cuenca (Ciudad Encantada), Saint-Jacques-de-Compostelle, El Puerto del Pico, Pontevedra, Aranjuez, Torrelaguna, en Galicie, dans la Manche, sur les rives de l’Èbre et du Tage (le pont miné), enfin aux ateliers C. E. A. Ciudad Lineal à Madrid. Les frais grimpent à quatre millions de dollars et Kramer se heurte à d’innombrables difficultés dues au manque d’infrastructures (c’est une des premières superproductions tournées sur place) ; il faut construire des routes pour l’équipe permanente de 400 techniciens et les six canons géants (plâtre et balsa) utilisés à tour de rôle. Le casting est aberrant, sinon ridicule : Cary Grant, raide, mal à l’aise en officier nonchalant (il considérera ce film comme le nadir de sa carrière), Frank Sinatra indifférent en guérillero taciturne, et – Ava Gardner ayant refusé le rôle – Sophia Loren, qui tente sa chance dans son premier film hollywoodien, fait semblant de danser le flamenco (en plan américain) et, la moue désinvolte, passe son temps à exhiber un impressionnant décolleté ; sa liaison amoureuse avec Grant derrière la caméra complique le travail. Détestant le climat autant que le régime franquiste et furieux d’être séparé de son épouse Ava Gardner, Sinatra quitte l’Espagne six semaines avant la fin ; Kramer doit tourner les plans manquants de la vedette aux studios Universal en Californie.
Mais hormis son casting déplorable, le défaut majeur du film tient au scénario. Dans le roman de Forester, qui commence par la défaite espagnole à Espinosa (nov. 1808), Juana et l’officier anglais n’existent pas, et le Miguel de l’écran est une synthèse de plusieurs chefs guérilleros ; le canon (qui ne fait qu’un tiers de celui du film), n’y est pas utilisé contre une cité, mais dans la bataille, où il est finalement détruit. Centré sur le transport répétitif de sa méga-bombarde à l’américaine, le script d’Edward et Edna Anhalt n’arrive jamais à imposer ses personnages, à leur donner de la substance, un profil psychologique qui expliquerait accessoirement le titre pompeux du film ; c’est d’« orgueil sans passion » qu’il faut parler ici (Juana veut coucher avec Trumball sans se refuser à Miguel) ; les dialogues d’une rare insignifiance ne font que souligner l’inanité de l’action et son invraisemblance. Comment expliquer que la cavalerie française, redoutée dans toute l’Europe et infiniment plus mobile, n’arrive jamais à encercler cette poignée de partisans à pied, ou que les campements militaires et les pontons ne soient gardés que par deux sentinelles somnolentes ? Restent le spectacle pur – qui vaudra à Kramer une nomination au prix de la Directors Guild of America – et un générique stylé de Saul Bass (à partir des eaux-fortes de Goya). L’accueil critique est mauvais, mais les stars à l’affiche permettent d’engranger un petit profit de 4,7 millions de $, de quoi couvrir une partie des frais. – DE, AT : Stolz und Leidenschaft, IT : Orgoglio e passione, ES : Orgullo y pasión.
1957Δ [épisode :] Sueños de historia (ES) de José Hernández Gan ; Gredos Films y Alfyega. – av. Lina Rosales, Antonio Riquelme, Pastor Serrador, Rafael Bardem, Luisito Alvarez, José Sazatornil. – Un petit garçon se projette en rêve aux côtés de Christophe Colomb pour découvrir l’Amérique, puis avec le « tío Jorge », héros de la résistance, et Agustina de Aragón pendant le siège de Saragosse par les Français en 1808. Tandis que la bataille fait rage, Agustina héberge l’enfant chez elle. Un film pratiquement pas distribué.
1959Venta de Vargas (ES) d’Enrique Cahen Salaberry
PECSA Films (Barcelona), 87 min. – av. Lola Flores (Dolores), Ruben Rojo (cpt. Pierre), Maria Esperanza Navarro (Isabel), Antonio Gonzáles (Antonio « El Fraile »), Jesú Tordesillas (gén. Pierre Dupont de l’Étang), Félix Dafauce (gén. Francisco Javier Castaños), Antonio Almorós (Don Manuel), Luis Prendes (cdt. Demoulin), Carmen Flores (Cirra), Manuel Peyró (Miguel), Manuel Reyno (Mauricio Heredia, maire d’Andújar), Maria A. Rivera, Maria Bassó, José Calvo, Carlos Díaz de Mendoza, Pedro Fenollar, José Riesgo.
Synopsis : Andalousie en juillet 1808. Dolorès, la belle gitane qui chante et danse le flamenco dans un local appelé « Venta de Vargas » est également une ardente patriote qui lutte contre les Français, alors que ceux-ci l’acclament tous les soirs sur scène. Entre-temps, les milices andalouses se regroupent autour des forces régulières du général Castaños qui prépare la bataille de Bailén. Lola doit conduire Antonio, un délégué de la Junta de Gobierno à Madrid (qui représente Ferdinand VII), jusqu’au général à Andújar en passant par un territoire contrôlé par l’ennemi. À l’auberge, un officier français tente de violer Dolorès, Antonio se blesse en le tuant. Il est caché et soigné par Don Manuel dans son propre local de danse, où sa fille Isabel lui fait les doux yeux. Jalouse, Dolorès flirte avec le fringant capitaine Pierre, mais elle finit par en tomber amoureuse. Celui-ci exige le nom de l’assassin du militaire tué, sinon il fera fusiller 50 otages. Apprenant la liaison de la gitanilla avec l’occupant, Antonio la dénonce aux partisans. Arrive le général comte Dupont de l’Étang, décidé à s’emparer de son adversaire Castaños. Dolores met en garde le général espagnol alors qu’il travaille avec son état-major, caché dans la cave à vin de « Vento de Vargas ». Il parvient à filer. Furieux, les Français arrêtent Dolores et la condamnent à mort. Pierre, qui lui a déclaré son amour, est contraint de diriger le peloton d’exécution, quand commence la bataille de Bailén. Vaincu, Pierre se retire avec un groupe de soldats napoléoniens, tandis que Dolores, le cœur serré, soigne les blessés, puis remonte sur scène.
Encore un mélo musical kitsch sur fond historique, sans la moindre prétention sinon celle de mettre en valeur la vedette de music-hall Lola Flores et son époux, le guitariste António Gonzáles (qui joue le guérillero Antonio), le tout enregistré en Eastmancolor aux studios C. E. A. Ciudad Leal à Madrid. Les combats à Bailén sont juste esquissés faute de moyens, les deux généraux adversaires se contentant de commenter oralement leurs manœuvres respectives. On relève une petite pointe contre l’Angleterre, qui lutte contre Napoléon mais « s’est emparée de la perle de l’Espagne : Gibraltar » ! Curieusement, la censure franquiste laisse impuni le fait que Dolores couche avec un ennemi et la laisse ensuite se consoler dans les bras d’Antonio – tout en roucoulant des chansons fort mélancoliques.
1959Carmen la de Ronda / Duello implacabile / Carmen de Grenade (ES/IT/FR) de Tulio Demicheli
Producciones Cinematográficas Benito Perojo, 111 min. – av. Sar[it]a Montiel (Carmen), Jorge Mistral (Antonio), Maurice Ronet (sgt. José Dubois), Amedeo Nazzari (le colonel français [= col. Gilbert Julian Vinot]), Germán Cobos (Lucas Sánchez, le toréador), José Marco Davó (le maire de Ronda), Félix Fernández (oncle Lilas), María de los Angeles Hortelano (Micaela), Santiago Rivero (col. André Verdier), Alfonso Rojas (Rafael), Agustín González (Penitas), Manuel Guítián (prisonnier), Antonio Cintado (officier français).
Synopsis : « Ce n’est pas encore la guerre, dit un carton au début du film, mais des partisans surgissent et leurs embuscades sont un avertissement : l’Espagne n’appartient qu’aux Espagnols. » En avril 1808, les guérilleros d’Antonio anéantissent un escadron français dans les collines près de Malaga. Leur chef, blessé, doit être transporté à Ronda où sa fiancée, Micaela, le soigne. Guéri, il se terre auprès de sa nouvelle flamme, l’irrésistible Carmen qui chante et danse dans une taverne fréquentée par les Français. L’un d’eux, le sergent José Dubois, la séduit. Le colonel exige des représailles pour les victimes de l’embuscade. José parvient à arrêter Antonio malgré les efforts manifestes de Carmen pour l’en empêcher ; le sergent n’en souffle mot à ses hommes. Carmen se donne à lui, alors que le colonel et Lucas, un toréador, sollicitent également ses faveurs. Lors d’une grande fiesta où la belle gitane divertit l’occupant, Antonio parvient à se libérer avec l’aide de ses montagnards ; José abat son colonel lorsqu’il menace Carmen de mort. Le couple maudit gagne les montagnes auprès des guérilleros, qui finissent exterminés par une patrouille française. Carmen et José, blessé, se cachent à Ronda chez le toréador, à la veille d’une corrida donnée en l’honneur des Français. Mais le lendemain, l’arène est déserte et le nouveau commandant, Verdier, humilié. Le 5 mai, des nouvelles alarmantes parviennent de Madrid : c’est le soulèvement général. Micaela dénonce sa rivale qui voulait se réfugier avec José à Gibraltar. Antonio décide d’aider les amoureux à échapper à la folie meurtrière qui gagne le pays, mais José, devenu suspicieux, interprète mal le baiser d’adieu que le partisan donne à Carmen. Tandis qu’elle se produit une dernière fois sur scène, il sort son arme à la vue d’une patrouille qui perquisitionne le local. Ses anciens soldats l’abattent, Carmen décède à ses côtés et les Français sont massacrés par les spectateurs. C’est la guerre. (En réalité, Ronda s’insurgea en février 1810 seulement, aucun militaire français n’étant apparu dans la région avant cette date.)
Cette variante historisante de l’œuvre de Prosper Mérimée, imaginée par le romancier et auteur dramatique Alfonso Sastre, est mise sur pied pour Sarita Montiel, l’actrice-cantatrice la plus populaire d’Espagne, alors mariée au cinéaste américain Anthony Mann. Filmée en Eastmancolor dans la ville pittoresque de Ronda en Andalousie et aux studios madrilènes de C. E. A. Ciudad Lineal, avec deux vedettes étrangères en bonus (Maurice Ronet et Amedeo Nazzari), la bande fait 1,3 million de $ de bénéfices en Espagne, du rarement vu pour un produit du cru. (Le titre du film renvoie à un autre grand succès populaire, Carmen la de Triana de Florián Rey, avec Imperio Argentina, en 1938.) L’Argentin Tulio Demicheli, technicien sans génie, sait habilement tirer parti de la sensualité de Miss Montiel et de la photogénie des lieux, l’exactitude historique étant le dernier de ses soucis. Dans la version destinée au marché français (C.C.F.C.) et tournée simultanément (avec des allusions sexuelles plus explicites, censurées en Espagne, et d’autres chansons), Antonio et ses hommes sont de simples contrebandiers (Mérimée oblige) qui cherchent à tromper les autorités, quelles qu’elles soient ; l’intrigue est déplacée à 1812, loin des enjeux politiques (les Français évacuent l’Andalousie cette année-là), pour ne pas froisser les susceptibilités nationales. – US : A Girl Against Napoleon (The Devil Made a Woman), DE : Das Mädchen aus Granada.
1959Llegaron los franceses [= Les Français sont arrivés] (ES/IT/FR) de León Klimovsky
Auster Films S.L., 81 min. – av. Luis Peña (Damian), Elisa Montés (Rosita), Isana Medel, Paloma Valdes, Andres Valeriano, Ismael Merlo.
En Navarre, après l’insurrection de mai 1808, une troupe de comédiens ambulants dirigée par Damian et ses quatre filles est prise dans la tourmente. Rosita, l’aînée, est amoureuse d’un guérillero, mais également courtisée par Duvalliers, un irrésistible officier français. Conflit de cœur et de loyauté que Rosita résout par le suicide sacrificiel en mettant le feu à un barillet de poudre qui déclenche une bataille générale contre l’envahisseur. – Un film d’aventures réalisé en couleurs aux Estudios Ballesteros à Madrid et en extérieurs en Navarre d’après un scénario minimaliste de Jess Franco. Une bande à peine diffusée, inédite en France comme en Italie.
1959*The Miracle (Quand la terre brûle) (US) d’Irving Rapper [et Gordon Douglas]
Henry Blanke/Warner Bros., 121 min. – av. Carroll Baker (Teresa, dite La Miraflores), Roger Moore (cpt./col. Michael Stuart), Walter Slezak (Flaco, le chef gitan), Vittorio Gassman (Guido), Carlos Rivas (Carlitos, son frère), Katina Paxinou (La Roca, leur mère), Torin Thatcher (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Dennis King (Casimir, comte d’Altamira), Gustavo Rojo (Córdoba, le toréador), Isobel Elsom (Mère supérieure), Elspeth March (sœur Domenica), Daria Massey (Gata), Lester Matthews (cpt. John Boulting), Eduard Franz (un prêtre).
Synopsis : Le 21 juillet 1812 dans le couvent de Miraflores, près de Madrid. Teresa, une jeune novice, orpheline douée pour la musique, est déchirée entre son attirance pour le monde et la vie spirituelle de l’ordre. En pénitence, elle frotte le sol de la chapelle qui abrite la statue de la sainte patronne des lieux, la Madone de Miraflores. Dehors, des gitans bruyants et joyeux troublent une procession religieuse, puis un régiment britannique surgit au son de la cornemuse : c’est la veille de la bataille de Salamanque (ou des Arapiles) : Wellington marche sur la capitale et va se heurter à l’armée française du Portugal commandée par le maréchal Marmont. Peu après la victoire anglaise, le couvent accueille les nombreux blessés, et Teresa soigne Michael Stuart, un beau hussard, neveu de Wellington, qu’elle avait déjà remarqué et dont elle tombe amoureuse. La nuit, elle implore le pardon de la Vierge, se défait de son voile et quitte le cloître, fouettée par le vent, terrorisée par les éclairs. La ville voisine est en flammes, les Français tuent et pillent. Un grenadier tente de la violer mais La Roca, une gitane, le poignarde. Teresa trouve refuge auprès des gens du voyage. Ayant appris que Michael était mort au combat, elle renie sa foi et vit avec Guido, guérillero dont la tête est mise à prix par l’occupant. Jaloux, son frère Carlitos le vend aux Français et il est abattu lors d’une escarmouche. Leur mère, La Roca, tue Carlitos. À Madrid, où Teresa danse et aide Flaco, le chef de tribu, dans ses menues rapines, elle est séduite par le toréador Rojo – qui, fatale erreur, périt dans l’arène en se retournant vers elle pour la saluer avant la mise à mort du taureau. Le comte Altamira, autre soupirant et riche protecteur, fait d’elle une cantatrice fêtée dans toute l’Europe, couverte de bijoux, portraiturée par Goya. C’est à Bruxelles en juin 1815 qu’elle retrouve Michael, longtemps prisonnier des Français, et à présent colonel dans l’état-major de son oncle. Mais Napoléon s’approche de Waterloo, les régiments partent au combat. Teresa refuse d’épouser son militaire, persuadée qu’elle provoque le malheur de tous ceux qu’elle aime. Lorsque, ayant survécu au carnage de Waterloo, Michael revient à Bruxelles, Teresa a disparu, laissant une lettre dans laquelle elle le supplie de ne pas la suivre. Ayant compris sa vraie vocation, elle retourne au couvent de Miraflores où son absence de trois ans n’a pas été remarquée : la Vierge a miraculeusement pris sa place. La statue de la Madone que tout le monde croyait volée retourne sur son piédestal.
La pantomime Das Mirakel de Karl Vollmoeller, qui se déroule au Moyen Âge, offre une vision mystique de la condition humaine dans laquelle une nonne, Mégildis, est passagèrement détournée par le Prince de ce Monde (sous les traits d’un infirme à la flûte) et jette aux orties sa robe et son voile pour suivre un beau chevalier ... Plaçant le récit au cœur d’une immense cathédrale, Max Reinhardt la met en scène à l’Olympia Hall de Londres en décembre 1911, accompagnée de la musique d’Engelbert Humperdinck : une grande date dans l’histoire du théâtre. L’année suivante en Allemagne, la légende est portée deux fois à l’écran, par Reinhardt et Michel Carré avec Maria Carmi, et par le Roumain Mime Misu avec Lore Giesen. Présentée en janvier 1924 au Century Theatre à New York, la création de Reinhardt laisse un souvenir durable, et il en est souvent question lorsque le grand Viennois travaille à Hollywood dix ans plus tard, mais sans résultats. La Warner et le producteur Henry Blanke envisagent à nouveau de filmer le sujet (dans son cadre médiéval) en 1942, avec Bette Davis en religieuse sous la houlette d’Edmund Goulding, et il en est encore brièvement question en 1952. Rappelons que la matière provient d’une légende fort répandue du XII e siècle qui reçoit sa première forme artistique dans le Dialogue des miracles (v. 1210) du moine cistercien Césaire de Heisterbach, suivi du moine flamand Gijsbrecht (Béatrice), de Lope de Vega (La buena guarda, 1610), plus tard du romantique Charles Nodier (La Légende de Sœur Béatrix, 1837) et de Maurice Maeterlinck (Sœur Béatrice, 1900). José Zorrilla l’a transformée en poème dramatique, Margarita la tornera (v. 1840), œuvre qui a été à son tour reprise en opéra par le compositeur de zarzuelas Ruperto Chapí (1909) et adaptée au cinéma en Argentine sous le titre Milagro de amor (de Francisco Múgica, 1946) : la nonne y est séduite par Don Juan de Alarcón, au XVI e siècle. C’est dire que lorsque, en 1958, les scénaristes de la Warner, Frank Butler et, non créditée, Jean Rouverol (sa belle-fille blacklistée) décident de déplacer l’action du Moyen Âge à l’époque napoléonienne, ils ne sont pas, loin s’en faut, les premiers à en bousculer le cadre temporel.
La mise en scène de ce film budgété à trois millions de $ incombe à Irving Rapper, qui a quelques jolis fleurons du mélodrame hollywoodien à son actif (l’émouvant Now, Voyager/Une femme cherche son destin avec Bette Davis, 1942, ou The Glass Menagerie d’après Tennessee Williams, 1950). Le rôle de Michael est offert à Richard Burton, en vain ; Dirk Bogarde et Natalie Wood font également la sourde oreille. Carroll Baker accepte d’interpréter la novice pour fuir son image de femme-enfant délurée qui lui colle à la peau depuis Baby Doll (Poupée de chair) d’Elia Kazan (1956) ; ce film adapté de Tennessee Williams lui avait valu l’anathème du cardinal Spellman et de tous les catholiques dévots. La star séjourne quelques semaines en Espagne pour y apprendre les rudiments du flamenco. En dépit d’extérieurs annoncés en Espagne ou au Mexique, le film est tourné en Technirama et Technicolor en été 1958 dans les studios de la Warner Bros. à Burbank et dans les parages de Los Angeles (Santa Susanna Mountains et Warner Ranch à Calabasas) ; briscard du film d’action, Gordon Douglas filme la charge des dragons sous la mitraille française à Waterloo sans être crédité. Elmer Bernstein (The Ten Commandments de DeMille) signe la musique « religieuse ». L’accueil du film est pour le moins contrasté. La majorité des critiques dits sérieux le classe dans la catégorie « soap opera » pour catholiques retardés, l’accusant d’être une indigeste bondieuserie à cheval entre le mélo et le ridicule ou encore un interminable mais incontournable navet pour amateurs de « camp ». D’autres, tels Yves Boisset, futur cinéaste, ou le chrétien Henri Agel (dans Romance américaine, Paris 1963, pp. 59-61), prennent sa défense en termes parfois dithyrambiques. Passons sur son Espagne de carte postale, ni meilleure ni pire qu’ailleurs, que ce soit à Hollywood ou dans le cinéma franquiste. L’allégorie religieuse relève évidemment de l’enluminure hollywoodienne plus que de Dreyer ou Bresson et la trame de Vollmoeller qui semblait acceptable, décalée tel un jeu de la Passion, ne fonctionne pas dans un contexte plus précis, réaliste et relativement récent. Resucée un peu absurde en 1958, le spectacle de cette nonnette en cavale a pourtant ses qualités, à commencer par une photo chatoyante d’Ernest Haller, et la maîtrise de Rapper qui brasse sans complexe le sublime en images d’Épinal, la religiosité, les beaux sentiments, les éclairs et les batailles, le flamenco et le folklore bohémien. Avec des nuances inattendues : quand Teresa avoue à son Anglais qu’elle voit du sang en l’approchant, c’est que sa robe blanche reflète le rouge de son uniforme. Et les adieux brusques des vieux officiers prenant congé de leurs épouses lors du bal à la veille de Waterloo ne manquent pas d’émotion. Cette chaleur émotionnelle fait toutefois défaut à Carroll Baker en novice tourmentée, et Roger Moore, futur James Bond, paraît trop jeune et trop lisse pour être crédible. Un objet curieux, « plus étrange qu’abouti » (Bertrand Tavernier). – IT : Vento di tempesta, DE : Madonna mit den zwei Gesichtern, ES : Promesa rota/El milagro/Virgen y pecado.
1959/60Le tre eccetera del colonnello / Les trois etc ... du colonel / Los tres etcéteras del coronel (IT/FR/ES) de Claude Boissol
Giancarlo Capelli, Pierre Couret, Manuel Pérez/Vertix Film (Roma)-Talma Films (Paris)-Tecisa Film SA (Madrid), 100 min./(ES : 83 min.) – av. Anita Ekberg (Giorgina), Vittorio De Sica (col. Don Simón Belalcázar), Daniel Gélin (ltn. Villard), Georgia Moll (Isabella), Paolo Stoppa (le marquis, son père), María Cuadra (Rosina), Fernando Fernán Gómez (Lorenzo, son fiancé guérillero), Juan Calvo (le maire Lucas Tinajero), Angel Alvarez, José Sepulveda, José Prada, José María Lado, Victorio de Chica et le ballet de José Toledano.
Synopsis : En 1810 dans le village déshérité de La Fernandina, on s’apprête à recevoir le colonel Belalcazar, le gouverneur de la province de Jaén récemment nommé par Joseph Bonaparte. Redoutable coureur de jupons, le colonel est accompagné de son aide de camp, le lieutenant Villard, occupé, lui, à consoler les belles éplorées (les « etc. ») que son supérieur laisse sur son passage. La bourgade ayant peu de ressources en la matière, l’alcalde se résout à réintégrer dans ses « charges » la capiteuse Giorgina, récemment expulsée pour mœurs trop légères. Villard, pour sa part, a persuadé Rosina et Isabella qu’en déshabillé, elles obtiendraient la grâce, l’une de son fiancé, le guérillero Lorenzo, l’autre de son père, le marquis. Mais, épuisé de la route, fourbu par l’envahissante réception des villageois, le colonel ne songe qu’à dormir. Il renvoie les deux vertueuses demoiselles dans leurs foyers (Isabella épousera Villard) et s’assoupit sur le sein généreux de la courtisane.
Tournée d’octobre 1959 à février 1960 en Andalousie, à Jimena de la Frontera (Cadix), ainsi qu’aux studios IN.CI.R.-De Paolis à Rome, en Technicolor/Ferraniacolor et écran panoramique, cette farce sans prétention se voudrait truculente, cocasse, un peu grivoise et chemine sur les traces (lointaines) de La Kermesse héroïque de Jacques Feyder (1935). Hélas, le résultat sous la férule paresseuse de Claude Boissol est aussi désinvolte qu’inoffensif. Le sujet de Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa et Marc-Gilbert Sauvajon provient d’une comédie de José María Pemán y Pemartín (Los tres etcéteras de Don Simón, 1958) adaptée par Florentino Soria. Ecrivain, poète et politicien ultramonarchiste, inconditionnel de Franco, Pemán se voulait d’abord caustique. Son gouverneur, homme cultivé, séducteur et bon vivant, induit le maire en erreur quand il utilise pour les besoins de sa réception à La Fernandina le terme de « etc. », expression inconnue des villageois qui l’interprètent comme synonyme de « femmes de vie faciles » (dans la pièce, Giorgina s’appelle du reste Marifácil). Pemán écrira aussi une suite, La coqueta y Don Simón (1961). Cf. infra, les dramatiques de la TVE de 1974, 1978 et 1989. En tête d’affiche, la vamp suédoise Anita Ekberg vient de faire sensation dans La dolce vita de Federico Fellini. – DE : Ein Degen und drei Spitzenhöschen.
1963Los guerrilleros (ES) de Pedro Luis Ramírez
Arturo Gonzáles Producciones Cinematográficas-Alfredo Fraile P. C. (Madrid), 75 min. – av. Manuel Escobar (Juan Manuel), Paula Martel (Teresa, vicomtesse de San Clemente), Rocío Jurado (la Salvaora), Rafael Durán (col. Ténardier), Alfredo Mayo (Père Antonio), Gracita Morales (Marcelina), Manolo Gómez Bur (oncle Quico), José Luis Pellicena (Daniel), José Moreno (Curro), Lina Yegros (comtesse de Villanueva de Enriquez), Grek Martin (cpt. Du Bois), Vicente Baño, Antonio Queipo, Jorge Llopis, Juan León Córdoba, Manuel Guitian, Pilar Cano.
Synopsis : Après le sac de Cordoue par le général Dupont de l’Étang en juillet 1808, un corps de l’armée française se dirige vers Andújar pour s’unir à Dupont en vue de la prise du noyau de communications que représente Bailén. Dans le village andalou de Montoro, sur les rives du Guadalquivir, la population organise la résistance en fabriquant des armes, des bandages et des médicaments destinés à Bailén. La comtesse de Villanueva, la chanteuse des rues Salvaora, la jeune veuve Marcelina et la prostituée Rufina travaillent coude à coude, mais rivalisent pour les faveurs de Juan Manuel, l’intendant de l’élevage de taureaux de la comtesse dont il est amoureux et par ailleurs chef de deux cents miliciens. Chargé de retarder l’avancement des Français, Juan organise un accueil festif à Montoro – avec chansonnettes, flamenco, tauromachie et bain de sang (« pas de prisonniers ! »). Avant d’être trucidé comme tout le monde, le colonel Ténardier a le temps d’abattre la Salvaora, geste attentionné qui permettra à Juan d’épouser sa comtesse. Puis les joyeux Andalous prennent la route pour Bailén où les attend une victoire éclatante : encerclé de toutes parts, Dupont capitule le 22 juillet.
Une opérette pseudo-historique, prétexte à rengaines folkloriques du tandem Manolo Escobar et Rocío Jurado, le tout sur le dos de ces stupides Français qui se laissent duper par des œillades de señoritas, olé ! Filmé en couleurs aux Estudios Ballesteros à Madrid et en extérieurs à Arcos de la Frontera (Cadix).
1963(tv) Les Espagnols au Danemark (FR) de Jean Kerchbron
Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 21.9.63). – av. René Arrieu (marquis de la Romana), Clément Bairam (Don Juan Díaz), Régine Blaess (Mme de Coulanges), Daniel Brémont (Charles Leblanc).
Synopsis : En 1808, dans l’île danoise de Fionie où, sur la demande Napoléon, le roi Charles XIII de Suède a rassemblé quinze mille hommes pour seconder les opérations de l’armée impériale au Nord. Ces opérations sont placées sous les ordres d’un officier espagnol, le marquis de la Romana. Ayant appris l’invasion de son pays par les Français, ce dernier décide de rentrer en Espagne et négocie secrètement avec les envoyés espagnols à Londres. Les services d’espionnage français sont toutefois alertés par Mme de Coulanges alias Élisa Leblanc, qui arrive en mission accompagnée par sa mère. Élisa s’éprend de Don Juan Díaz, le séduisant colonel et aide de camp du marquis, une passion partagée ; les amoureux finissent par s’enfuir en Espagne, damant le pion à l’agent secret Charles Leblanc, le propre frère d’Élisa.
Une dramatique d’après la pièce Les Espagnols en Danemark de Prosper Mérimée, « comédie en trois journées » extraite du Théâtre de Clara Gazul (1825).
1964*(tv) Le Puits et le Pendule (FR) d’Alexandre Astruc
Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 9.1.64), 37 min. – av. Maurice Ronet (le prisonnier français). – Synopsis : Tolède en été 1808. Condamné par l’Inquisition, un officier français subit les pires tortures – jeté dans une cellule obscure où il manque de tomber dans un puits, puis ligoté sur une couche qu’assaillent les rats, tandis qu’au-dessus de lui, un pendule effilé se met à descendre lentement, le vouant à une lente mort par lacération, enfin bousculé par des murs mobiles qui menacent de le pousser dans l’abîme. Il est délivré in extremis par les troupes du général Lasalle qui viennent de s’emparer de la ville.
Des quelque dix adaptations de la célèbre nouvelle d’Edgar Allan Poe (The Pit and the Pendulum, parue en 1842) à l’écran, la version d’Astruc est la plus fidèle et par conséquent aussi la seule à situer l’action pendant la guerre d’Espagne. Le personnage principal raconte sa terrible détention en voix off (monologue intérieur) – Poe dans la traduction de Charles Baudelaire –, le film (en noir et blanc) ne comportant aucun dialogue ; les décors sont d’André Bakst (studios des Buttes-Chaumont), la musique d’Antoine Duhamel, les inoffensifs rats blancs de l’Institut Pasteur sont peints en noir pour ressembler à de féroces rats d’égout. Privilégiant la logique implacable du récit plus que son aspect fantastique, Astruc tente ici de « filmer une pensée en marche et de la filmer à travers le concret ». Sa mise en scène épurée, discrète et très élaborée permet d’exprimer de manière saisissante le cauchemar vécu par le condamné. – US, GB : The Pit and the Pendulum.
1964Δ [épisode] Rekopis znaleziony w Saragossie (Le Manuscrit trouvé à Saragosse) (PL) de Wojciech Has ; Groupe « Kamera »-Film Polski, 175 min. – av. Zbigniew Cybulski (Alfonso van Worden), Iga Cembrzynska, Joanna Jedryka, Kazimierz Opalinski. – À la fin janvier 1809, lors de l’assaut final de Saragosse par l’armée du maréchal Lannes, un officier français et un vieux capitaine espagnol découvrent dans les décombres d’un couvent un étrange manuscrit, tellement fascinant qu’ils en oublient les balles qui sifflent autour d’eux, ignorent les sommations des guérilleros et se plongent ensemble dans la lecture... Le récit cadre ne sert ici que de décor à l’imaginaire pour conter les aventures fantastiques d’un lieutenant-colonel des gardes wallonnes du roi d’Espagne au XVIIIe siècle. Une adaptation remarquable du roman éponyme du comte Jan Potocki (écrit en 1804/1814).
1964(tv) Carried by Storm (GB) de Donald McWhinnie
Série « Theatre 625 », Cedric Messina/BBCtv (BBC2 25.10.64), 75 min. – av. Simon Ward (Dick Jervis), Tim Preece (Louis Dillon), Peter Marinker (Gaston), Nicholas Courtney (Ned), Pauline Delany (Flag Annie), Patrick Magee (vicomte de Wellington), Barry Keegan (Sir Thomas Picton), John Flint (gén. Walker), Norman Wynne (Señor Alvarez), Muguette de Braie (Señora Alvarez), Roslyn de Winter (Dolores).
Un incident pendant la guerre d’Espagne en avril 1812, lors de l’assaut féroce de Badajoz (Estrémadure) par l'armée anglo-portugaise de 25'000 soldats du duc de Wellington; la ville est défendue par 5000 hommes sous les ordres du général Armand Philippon. Le siège - un des plus sanglants des guerres napoléoniennes - est considéré comme une victoire coûteuse par les Britanniques, avec quelque 4800 soldats alliés tués en quelques heures de combat intense dans la dernière phase de l'attaque. Tandis que les Britanniques tuent, violent et pillent sauvagement, l’un d’eux, Dick Jervis, découvre une chambre cachée sous les murs de la cité où se terre le soldat franco-irlandais Louis Dillon. Tous deux décident d’un armistice privé en attendant l’issue des combats, mais ils sont à leur tour emportés par la tempête (d’après la pièce radiophonique de Giles Cooper, 1962).
À Saragosse, une boucherie sans nom, les soldats polonais réalisent qu’ils ont été entraînés dans un conflit qui ne les concerne pas (Popioly).
1964/65® Popioly (Cendres) (PL) d’Andrzej Wajda. – av. Boguslaw Kierc (Krzysztof Cedra), JANUSZ ZAKRZENSKI (Napoléon). – Dans sa mégafresque de quatre heures illustrant les combats des légions polonaises de Dabrowski au service de Napoléon, le cinéaste polonais ne consacre pas moins de 42 minutes à la guerre en Espagne : sa recréation du sac cauchemardesque de Saragosse (avec le viol et le massacre des religieuses dans un cloître) et de la charge suicidaire des 150 lanciers au défilé de Somosierra, aux portes de Madrid (30 novembre 1808) comptent parmi les scènes les plus mémorables et les plus traumatisantes de cette guerre vues à l’écran. Sanglant et absurde : Wajda rencontre Goya (cf. p. 426).
1965La colina de los pequeños diablos (ES) de León Klimovsky
Hispamer Films, 73 min. – av. José Marco (l’officier), Felix Fernández (l’oncle), José Segimont (officier), Alfonso Rojas (sergent), Oscar Lowy (Cholo), Manuel Menéndez (Pedro), José Cortès (Manolo), José Mesón (Luís), María Vico.
En 1813, des troupes françaises en déroute occupent un village où les enfants font de la résistance en cachant aliments et animaux que l’ennemi a réquisitionnés au sommet d’une montagne appelée « la colline des petits diables » (titre). D’entente avec les guérilleros, ils parviendront plus tard à chasser les Français des lieux. – Une obscure petite bande pour la jeunesse, à peine distribuée, tournée (en noir et blanc) à Aledo et dans d’autres villages de la région de Murcie, par le cinéaste argentin Klimovsky.
1966(tv) Diego de Acevedo – Historias de la Gente Ibérica (ES) de Ricardo Blasco
Francisco García Gárgoles, Juan Jesús Buhigas/Radiotelevisión Española (TVE 4.10.-27.12.66), 8 x 30 min. – av. Francisco Valladares (ltn.-col. Don Diego de Acevedo), Paloma Valdés (María Josefa de la Vega), Carlos Larragaña (Simon Bolivar), Luis Prendes (le roi Carlos IV), Asunción Balaguer (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Gemma Cuervo (María-Cayetana, duchesse d’Albe), Emilio Gutiérrez Caba (le roi Fernando VII), GUILLERMO MARIN (Napoléon), Carlos Casaravilla (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), José María Escuer (Francisco de Goya), José Nieto (maréchal Joachim Murat), Carlos Mendi (Manuel Godoy), Elisa Ramírez (Manuela Malasaña), José Campos (José de San Martín), Carlos Lemos (l’infant Don Antonio), Fernando Guillén (cpt. Luis Daoiz y Torres), Francisco Piquer (cpt. Pedro Velarde y Santillán), Verónica Forqué (comtesse de Chinchón), Sancho Gracia (cpt. Manuel Mayo), Gabriel Llopart (duc de San Carlos), Jaime Blanch (l’infant Don Carlos), Irán Eory (María Teresa del Toro), Pablo Sanz (comte de Fitero), Luis Peña (duc del Infantado), Pedro Porcel (le chanoine Juan Escóiquiz), Hector Quiroga (Megia Lequerica), José Marco Davo (Molina y Segura, serrurier), Manuel Gil (ltn. Felipe Carpeña), Manuel Alexandre (Pedro, l’ordonnance d’Acevedo), Augustín González (cpt. Juan), Luis García Ortega (général espagnol), Joaquín Pamplona (maire de Móstoles), Arturo López (ltn. Jacinto Ruiz).
Synopsis : Don Diego de Acevedo, d’origine péruvienne, a été nommé officier de la Garde du Corps Royal de Madrid, et à ce titre, il assiste en direct aux bouleversements politiques de 1808. Le jeune prince des Asturies, à présent Ferdinand VII, vient de détrôner son père Charles IV en fomentant un soulèvement populaire à Aranjuez (17 mars). Sommé par Napoléon de se rendre pour une entrevue à Bayonne, Ferdinand ne fait pas confiance à une majorité de ses officiers, des partisans de Godoy, Diego et quelques fidèles exceptés. Tandis que Murat emmène la famille royale en Pays basque français, les Madrilènes, inquiets, se réunissent dans les rues. À Bayonne, Ferdinand est accusé de conspiration et arrêté après deux mois de règne. Il est emprisonné au château de Valençay, en France, où il restera pendant toute la guerre. Charles IV refusant de reprendre la couronne, Joseph Bonaparte est nommé roi d’Espagne. Dans la capitale, Diego et ses hommes se heurtent à des patrouilles françaises, puis assistent au soulèvement du 2 mai ; ils échappent aux massacres dans le quartier de Monteleón et gagnent la ville de Móstoles où s’organise la guérilla contre l’occupant. Descendu en Andalousie avec quatre cents partisans, Diego y rencontre le patriote argentin José de San Martín et participe à la bataille de Bailén, où il est blessé. Une fois remis, il se rend à Séville pour y chercher sa fiancée, María Josefa de la Vega, mais celle-ci s’est enfuie à Cadix. Il l’épouse pendant un congé. Entre-temps à Bayonne, Talleyrand peine à amuser la famille royale, qui s’ennuie. Diego est chargé d’organiser la fuite de Ferdinand et son retour en Espagne, mais à Valençay, le jeune roi refuse de le suivre. De retour à Cadix, Diego est nommé lieutenant-colonel à la tête d’un régiment. Les Français le capturent, il s’échappe avec l’aide de paysans, livre bataille à Tudela et assiste au départ de San Martin et du Vénézuélien Simon Bolivar qui retournent tous deux en Amérique afin d’y mener leur propre guerre d’indépendance.
Premier grand feuilleton de la télévision espagnole enregistré sur pellicule (en noir et blanc), à partir d’un scénario de Manuel Ballesteros et Luis de Sosa et filmé avec de petits moyens à Colmenar de Oreja et à El Escorial. On compense partiellement les insuffisances de la production en décrivant avec force détails le déroulement précis des premiers soulèvements à Madrid et le sort de ses martyrs, Luis Daoiz, Pedro Velarte, Molina y Segura, Manuela Malasaña, etc. Guillermo Marín reprend le rôle de Napoléon, qu’il a déjà interprété dans Agustina de Aragón de Juan de Orduña en 1950 (cf. supra). Le script restitue en filigrane le point de vue de trois militaires latino-américains – Diego de Acevedo, natif de Lima, a réellement existé, Simon Bolivar et José de San Martín se sont retournés contre l’Espagne et ont libéré quelques années plus tard le Vénézuela, le Pérou, l’Argentine et le Chili. En raison de ses origines nobles, Diego se doit, lui, de combattre pour la couronne des Bourbons.
Episodes : 1. « Guardia de corps » – 2. « El cadette San Martín » – 3. « Bolivar en Madrid » – 4. « La camarilla » – 5. « La invasión » – 6. « La conjura de los artilleros » – 7. « El 2 de mayo de 1808 » – 8. « El rey cautivo ».
1966(tv) Las aventuras de Juan Lucas (ES) de Juan Guerrero Zamora
Série « Novela » (TVE 17.-21.1.66), 5 x 25 min. – av. Manuel Gallardo (Juan Lucas), Tomas Blanco (Don Martín Romero de los Viejos, comte de Gibalbín), Gemma Cuervo (Ana), José Sepúlveda (Mayoral), Antonio Martelo (gén. Francisco Javier Castaños), Ana del Arco (« La Médica »), Manuel Torremocha (El Chano), Manuel Alexandre (Panecito), Erasmo Pascual (Cerines), Ramón Durán (Caracol), José María Escuer (Frère Escobar), Roberto Cruz (domestique), Julio Navarro (« Telescopio »), José Blanch (le médecin), Roberto Llamas (officier), Fernando Ramsanz (bandit), Alberto Sola (espion).
Une télésérie de deux heures sur les exploits d’un bandit et chef maquisard fictif, héros de la bataille de Bailén en 1808, selon le roman éponyme de Manuel Halcón (1944) qui a déjà été porté à l’écran par Rafael Gil en 1949 (cf. supra). Titre de l’émission quotidienne « Novela », enregistrée (vidéo) dans les studios TVE de Prado del Rey à Madrid.
1967(tv) La guerrilla (ES) de Pedro Amalio López
Série « Novela » (TVE 5.-9.6.67), 5 x 25 min. – av. José Luis Lespe (El Cabrero), Francisco [Paco Morán] (col. Marcel Leblond), Elisa Ramírez (Pepa María), José María Escuer (Valentin, son père), Margarita García Ortega (Eulalia, sa mère), Pilar Muñoz (tante Matacandiles), Valentín Tornos (l’oncle Libricos), José Sepúlveda (Emeterio, le maire), Francisco Sanz (Tomás el Cerero), Victor Valverde (Gaston), Pascual Martin (Jeromo), Avelino Canóvas (Paco Salomón), Amelia Velázqzez (La Sirila), Julio Muñoz (messager).
En 1809, un officier français et une paysanne espagnole bravent la mort en s’aimant. Une adaptation de la pièce éponyme d’Azorín par José Lafleur, diffusée l’année de la mort de l’écrivain et enregistrée (vidéo) en mai 1967 dans les studios TVE de Prado del Rey à Madrid pour la série quotidienne « Novela ». Cf. infra, le film de Rafael Gil (1972).
1967[sortie : 1969] A Caçada do Malhadeiro [= La Traque du montagnard] (PT) de Quirino Simões
Q. Simões/Fundo do Cinema Nacional-Tobis Portuguesa, 84 min. – av. Fernando Gusmão (José), Carmen Mendes (Ana, son épouse), Rui Mendes (Joaquim, leur fils), Ana Leiria (Maria, leur fille), Mário Jacques (Robert), Baptista Fernandes (Fouet), Serge Farkas (Luc), Vitor Gomes (Antoine), Cunha Marques (Jean), António Évora (Pierre), Almeida Santos (le frère de José).
Synopsis : Au Portugal, les 27-28 septembre 1810, l’armée anglo-portugaise commandée par Arthur Wellesley, vicomte de Wellington, bat les troupes napoléoniennes de Masséna à Buçaco. Dans la déroute, cinq déserteurs français tombent sur une ferme isolée où ils volent de la nourriture et violent une jeune fille, Maria. Quand José, un montagnard (malhadeiro) découvre sa maison dévastée et sa fille morte, il se met à traquer les responsables avec son fils Joaquim et les tue l’un après l’autre : un seul « Jacobin » sauve sa vie en atteignant la frontière espagnole. – La première œuvre de fiction, âpre et violente, du documentariste Quirino Simões (tiré d’une nouvelle de Francisco Manuel de Melo Breyner, comte de Ficalho). Le film est tourné en noir et blanc dans la sierra de Buçaco et aux studios Tobis Portuguesa à Lisbonne.
1968(tv) La Vérité est morte (FR) d’Yves-André Humbert
ORTF (2 e Ch. 12.4.68), 45 min. – av. Nita Klein, Jacques Degor, Loleh Bellon, Jean-Roger Caussimon, Paul Crauchet, Jean Galland, Maria Pilar, Jean-François Rémi, William Sabatier, Jean Bolo.
En Espagne, un des responsables de l’insurrection de 1808 accuse faussement un de ses compagnons de trahison et l’anéantit au point que celui-ci se déclare lui-même coupable. Dramatique d’après une pièce d’Emmanuel Roblès créee à la Comédie-Française en 1952.
1968(tv) El duque de Rivas (ES) de Gabriel Ibañez
Série « Novela », Radiotelevisión Española (TVE 23.-27.12.68), 5 x 25 min. – av. Antonio Medina (Angel de Saavedra, duc de Rivas), Arturo Lopez (Juan Remigio de Saavedra, son frère), Maite Blasco (Encarnación), Pedro Sempson (l’écrivain Antonio Alcalá Galiano), Valentin Tornos (Pedro), Jesús Aristu (Bonchelet), Francisco Merino (le roi Carlos IV), José Blanch (Prosper Mérimée), Adriano Domínguez (maréchal Joachim Murat), Luis Varela (le roi Fernando VII), Victor Fuentes (le ministre Ceballos), Joaquín Escolá (chevalier Cabrera), Mario Alex (marquis de Valmar), Manuel Alberdi (Escóiquiz), Sonsoles Benedicto (Maria), Estanis Gonzáles (Nicasio Gallego), Julio Gorostegui (Quintana), José Sepúlveda, Salvador Ojas, Blas Martín, Jesús Roncero, Enrique Paredes, Pedro del Río, José Caride.
Synopsis : Jeune officier en 1808, Angel de Saavedra, frère du duc de Rivas (titre dont il héritera à la mort de ce dernier), sert dans un régiment de la garde royale à la Cour. Lors de l’insurrection madrilène contre Napoléon, il déserte et gagne les rangs de l’armée nationale pour combattre l’envahisseur français. Blessé à la bataille d’Ontígola en novembre 1809, il est nommé capitaine de la cavalerie légère, puis premier adjudant de l’état-major du général Castaños. Il participe avec d’autres intellectuels aux Cortes de Cadix pour l’élaboration d’une monarchie constitutionnelle et, membre éminent du parti libéral, déclare Ferdinand VII inapte à régner. Lorsque ce dernier entre à Cadix après le départ des Français, il est condamné à mort pour avoir participé au coup d’État de Rafael del Riego en 1820 et contraint de s’exiler en Angleterre (1823), puis en Italie, à Malte et en France où il restera jusqu’au décès du roi et à son amnistie, en 1834. À son retour à Madrid, il écrit un des premiers drames romantiques espagnols, Don Alvaro o la fuerza del sino (1835), qui sera mis en musique par Verdi (La forza del destino).
Le scénario de Carlos Muñiz retrace la vie aventureuse du dramaturge, poète et homme politique Angel de Saavedra y Ramírez de Baquedano, duc de Rivas (1791-1865), auteur du premier manifeste romantique espagnol avec son ami, le politicien et écrivain Alcalá Galiano, également exilé à Londres. Télésérie tournée dans les studios de Prado del Rey à Madrid.
1968[sortie : 1970] ® The Adventures of Gerard (Les Aventures du brigadier Gérard) (GB/IT/CH) Jerzy Skolimowski. – av. Peter McEnery (col. Etienne Gérard), ELI WALLACH (Napoléon), John Neville (Wellington), Ivan Desny (gén. Lasalle). – Espagne en 1808. Napoléon désigne le colonel Gérard pour délivrer un message secret au maréchal Masséna, bloqué par Wellington au pied de la forteresse de Morales qu’il assiégeait (comédie d’après Arthur Conan Doyle) (cf. p. 165).
1969Zorro marchese di Navarra (Zorro, marquis de Navarre) (IT) de Jean Monty [= Francesco Montemurro]
Fortunato Misiano/Romana Film, 102 min. – av. Nadir Moretti (René, marquis de Navarre/Zorro), Maria Luisa Longo (Carmen de Mendoza), Daniele Vargas (col. Leon Brisard), Loris Gizzi (Don Ignacio de Mendoza y Ruíz, le maire), Renato Montalbano (Don Ruíz), Dada Gallotti (Linda), Nino Vingelli (Frère Pistola), Gisella Arden (Ines), Ugo Adinolfi (ltn. Bombard), Fortunato Arena (El Moko).
En 1808, les premiers soulèvements ne remportent qu’un succès mitigé, sauf à Pampelune (Navarre), où les rebelles sont guidés par un cavalier masqué, Zorro, qui leur enseigne les rudiments de la guérilla. Menant une double vie, il contrecarre les plans du colonel Brisard, chef de la garnison locale, et son activité permet le retour du roi Ferdinand VII ... – Une bande de cape et d’épée destinée aux moins de dix ans, vaste niaiserie filmée en Eastmancolor et écran panoramique aux studios INCIR-De Paolis à Rome. – ES: El Zorro contra el imperio de Napoleón, DE : Zorro, der Graf von Navarra, US : Zorro, the Navarra Marquis.
1969(tv) Rosa Rebelde (BR) de Daniel Filho et Régis Cardoso
Gloria Magadán/Rede Globo de Televisão (Rio de Janeiro-São Paulo) (Globo 15.1.-13.10.69), 212 épisodes. – av. Glória Menezes (Rosa Malena / Simone Grandet, sa fille), Tarcísio Meira (cpt. Sandro de Aragão / Fernando de Aragão, son fils), Djenane Machado (Conchita/Haninha), Ênio Santos (José de Aragón), Gracinda Freire (Rafaela), José Augusto Branco (Pierre Duprat), Maria Pompeu (Soledad Navarro), MOACYR DERIQUÉM (Napoléon), Mário Lago (Barão de San Juan de la Cruz), Maria Pompeu (Soledad Navarro, la gitane), Miguel Carrano (Manolo), Miriam Pires (baronne Inès de la Torre), Myriam Pérsia (Maria Consuelo), Paulo Araújo (Felipe Grandet), Ribeiro Fortes (El Sordoa), Sônia Ferrera (La Zingara), Suzana de Moraes (Lola).
Cheffe d’une bande d’insurgés espagnols, la belle gitane Rosa Malena (une blonde pulpeuse, façon Angélique) danse dans les rues de Madrid pour financer la guérilla. Elle parvient à s’infiltrer à la cour de Napoléon en séduisant Sandro de Aragão, un orgueilleux officier de l’armée française mobilisé en Espagne, ce qui crée des conflits de loyauté, des cas de conscience et beaucoup de larmes de part et d’autre. Une « telenovela » brésilienne assez délirante conçue par Janete Clair d’après son propre feuilleton radiophonique (diffusé sur Rádio Nacional). La scénariste promène son couple d’amoureux pendant deux décennies, suivant également le destin de leurs enfants respectifs, Simone Grandet et Fernando de Aragão. C’est le dernier feuilleton de Rede Globo qui s’attaque à l’histoire européenne. On comprend pourquoi.
1969/70(tv) Lola la piconera (ES) de Fernando García de la Vega
Radiotelevisión Española (TVE 24.1.70), 103 min. – av. Rocío Jurado (Lola la Piconera), Rafael de Córdoba (Rafael Otero), Germán Cobos (cpt. Gustave Lefevre), Soledad Miranda (Rosariyo), Carlos Casaravilla (Juan de Acuña), Felix Dafauce (maréchal Claude Victor, duc de Bellune), Alvaro de Luna (Pepe el Querubín), José Moreno, Joaquin Pamplona, Tomás Blanco, Chiro Bermejo, Roberto Cruz.
Synopsis, cf. le film de Luis Lucía en 1951. – Une version télévisée du mélo historico-folklorique de Lucía, lui-même adapté très librement du drame Cuando las Cortés de Cádiz (1934), une pièce de l’auteur ultramonarchiste José María Pemán. L’espagnolade ayant récolté, dix-huit plus tôt, un succès considérable au box-office national, il s’agit essentiellement d’en reprendre les atouts, à savoir la musique de José Quintero, et de dénicher une interprète de tempérament qui puisse reprendre le rôle-titre pour le petit écran. Chanteuse et danseuse flamenco populaire de Cadix, svelte et racée, Rocío Jurado anime ce téléfilm en couleurs, une « opération nostalgie » par ailleurs d’une rare platitude : théâtrale, figée, avec quelques plans seulement captés en Andalousie (l’exécution finale face à la mer). Le petit écran montre la mort de Lola (ce que ne faisait pas le film), mais renonce au retour solennel de son corps à Cadix. Faute d’argent, toutes les scènes de guerre ou de foule sont illustrées par des tableaux ou des gravures d’époque.
1970(tv) El dos de mayo (ES) de Gustavo Pérez Puig
Série « Novela », Radiotelevisión Española (TVE 4.5.70), 2 x 25 min. – av. Manuel Pereiro (Manuel Godoy), Pedro Mari Sánchez (Gabriel de Araceli), Enriqueta Carballeira (Ines), José Calvo (Don Celestino Santos de Malvar), Manuel Alexandre (Santurrias), Félix Navarro (Mauro), Pastor Serrado (Lopo), Valentín Tornos (l’ancien), Tota Alba (Restituta), Mercedes Prendes (patronne), Carmen Rossi (sommelière).
Un épisode tiré du livre El 19 de marzo y el 2 de mayo de Benito Pérez Galdós (Episodios nacionales, 1873), chronique romancée du soulèvement madrilène de 1808 filmée (vidéo) dans les studios TVE de Prado del Rey à Madrid pour l’émission quotidienne « Novela ». Les événements tragiques sont vus à travers les yeux de Gabriel, ouvrier dans une petite imprimerie, de sa fiancée Ines et de leur oncle, le curé Don Celestino (cf. le film Sangre de Mayo de José Luis Garci, 2008).
1972*La guerrilla / La Guérilla (ES/FR) de Rafael Gil
Rafael Gil/Coral Producciones Cinematográficas (Madrid)-Universal Productions France (Paris) 89 min. – av. Francisco Rabal (El Cabrero), Jacques Destoop (col. Etienne Santamour [= Marcel Leblond]), José Nieto (Valentin, l’aubergiste), La Pocha [= Julia Saly/Salinero] (Juana María, sa fille [= Pepa]), Fernando Sancho (Juan, le maire), Rafael Alonzo (Paco Salomón), José Maria Seoano (gén. Maximilien-Sébastien Foy), Lola Gaos (Doña Sol), Eulália del Pino (Eulalia, femme de Valentin), Charo López (Dora), José Orjas (Aldeano), Luis Induni (le curé Medina), Jésus Tordesillas (Don Alonso), Eduardo Calvo (El Tuerto), Alejandro de Enciso (cpt. Hans).
Synopsis : En 1809 dans la sierra madrilène, le village de Mira el Prado, trois cents âmes, est victime des représailles françaises ; la soldatesque torture, pend, incendie les maisons. Le curé est battu, les images saintes sont lacérées, les objets de messe volés. La mairie comptabilise 42 villageois morts, 8 pendus, 11 fusillés et 7 brûlés. Juan, l’alcalde, incite la population à rallier la guérilla, à l’instar du vicaire, et de suivre l’exemple des Français : tuer, mais un par un. « L’assassinat d’un Français est méritoire aux yeux du Ciel », enseigne le bon curé à ses ouailles. Une colonne française s’approche, surveillée de près par El Cabrero, un chef maquisard. À Madrid, le colonel Santamour, dont le frère a été tué par des paysans, se propose pour une mission périlleuse. En arrivant à Mira el Prado, Santamour sauve la vie de Paquito, un garçon qui allait se noyer dans la rivière sous les yeux de Juana María, la fille de l’aubergiste Valentin. Se faisant passer pour un simple sergent, le colonel obtient de la mairie une chambre dans l’auberge. Juana María craint pour la vie de ce « diable » bon, feint de ne pas le reconnaître et lui conseille discrètement de s’enfuir. Pendant le repas, on essaie de l’enivrer. Santamour titube jusqu’à sa chambre, d’où, la tête claire, il communique par signaux lumineux avec des soldats cachés. Lorsque les villageois s’apprêtent à le trucider dans son lit, il les reçoit pistolets en main, tandis que sa troupe envahit les lieux. Le colonel est déterminé à punir les assassins de son frère dont le cadavre décomposé gît au fond d’un puits avec d’autres malheureux. Il condamne le maire et ses complices à la pendaison. Juana María obtient du colonel la grâce de son père et les deux s’avouent leur amour. Peu après, elle apprend que son véritable géniteur n’est pas l’aubergiste, mais le maire Juan, un séducteur notoire ; elle parvient à le sauver. Le lendemain, alors que commencent les exécutions, les guérilleros d’El Cabrero attaquent par surprise, le maire périt au combat, les Français captifs attendent la mort. Ceux qui ont fraternisé avec l’ennemi, comme Dora, la maîtresse de Juan, sont emplumés et chassés du village. El Cabrero est depuis toujours épris de Juana María, mais ayant deviné qui elle aime, il libère Santamour. Plutôt que de fuir, celui-ci passe la nuit avec la jeune femme, puis rejoint ses hommes devant le peloton d’exécution : ainsi, explique-t-il à El Cabrero, Juana María se détournera à jamais de lui. Les Français sont tous fusillés, ils tombent en chantant « À la claire fontaine ». Les Anglais, nouveaux alliés de l’Espagne insurgée, félicitent les maquisards pour leur bon travail, mais El Cabrero, sous le choc, reste songeur : la mélodie des Français ne le quitte plus.
Le film du vétéran Rafael Gil, réputé pour ses adaptations littéraires (Cervantès, Lope de Vega, Alarcón, Blasco Ibáñez), est tiré d’une pièce de José Martínez Ruiz dit Azorín, créée au théâtre Benavente à Madrid le 11 janvier 1936 ; l’auteur a séjourné à Paris comme correspondant pendant la Première Guerre mondiale et son texte s’attaque aux préjugés de part et d’autre comme aux périls qu’entraîne la guerre civile. Devenu conservateur tout en haïssant la dictature de Franco, Azorín a longtemps fréquenté les anarchistes et les surréalistes, et ses œuvres prônent l’amour au-delà des frontières. Gil s’associe avec le scénariste Rafael J. Salvia, qui a obtenu d’Azorín les droits cinématographiques de la pièce en 1961 déjà. Le scénario, corédigé avec le Français Bernard Revon (un collaborateur de François Truffaut) modifie les noms et insère diverses considérations historiques inexistantes dans la pièce, ainsi que la présence des Anglais ; arrogants, ceux-ci se réjouissent de la levée du Blocus « qui rétablira enfin les relations commerciales », se déplacent en carrosse et dégustent leur petit déjeuner au champagne la table dressée sous des ombrelles. La pratique d’enivrer des soldats isolés, puis de les égorger et les faire disparaître dans un puits était courante dans les campagnes. À cinq ans de la mort du « Caudillo », le film montre les horreurs commises des deux côtés (il s’agit d’une coproduction hispano-française, participation à 70%/30%), fait du maire et de ses proches des hypocrites serviles et sournois, et présente une partie des soldats napoléoniens sous une lumière nettement plus positive. « Pourquoi défendez-vous avec tant d’acharnement l’Inquisition, un roi couard et les privilèges des Grands d’Espagne et d’Angleterre ? » demande Santamour à El Cabrero. « Nous défendons notre indépendance, notre droit d’exister », répond orgueilleusement le guérillero. « C’est cela, y compris le droit de croupir dans la misère ! » L’argumentation du maquisard tombe à court, à la grande colère des censeurs franquistes qui déplorent l’absence de tout reflexe patriotique. Chez l’alcalde trône un double portrait, côté face le roi Joseph, côté pile le roi Ferdinand.
Rafael Gil tourne en Eastmancolor à Buitrago del Lozoya (Madrid), La Alberca (Salamanque), Mora (Tolède) et aux studios Roma S.A. à Madrid. La bande sort à l’occasion du centenaire de la naissance du romancier (c’est l’unique film tiré de ses écrits). Mais l’accueil est glacé : le public espagnol l’ignore en bloc, en raison sans doute de sa facture nettement dépassée, sagement illustrative, noyée dans un paysage cinématographique où percent les œuvres novatrices de Vicente Escrivá, Victor Erice et Carlos Saura. Mais aussi à cause de son éclairage inusité et pacifiste (la pièce, déjà, fut un échec). Le manque de charisme du couple en tête d’affiche n’arrange pas les choses (Julia Saly/Salinero, danseuse flamendo, fera une délicieuse femme-vampire dans les navets de Paul Naschy). Fernando Sancho remporte toutefois le Prix C.E.C. (Círculo de Escritores Cinematográficos, Madrid) 1973 du meilleur acteur de composition. Adaptation pour le petit écran, cf. la télésérie de 1967.
1972(tv) Le Fado de la liberté (FR) de Janine Guyon
ORTF (1 re Ch. 24.11.72), 45 min. – av. Jacqueline Danno (Antonia), Daniel Beretta (cpt. Méricourt), Armand Mestral (gén. Jean-Andoche Junot), Maurice Biraud (Vincente), Paul Bisciglia (Slavier).
Le conflit entre amour et patriotisme traité en comédie : en hiver 1807/08 à Lisbonne, Antonia, cantatrice de fado et résistante portugaise, s’éprend du beau capitaine Méricourt, un officier français aux ordres du général Junot qui occupe la capitale. Un divertissement écrit par Gérard Sire.
1972Δ Independência ou Morte (L’Indépendance ou la mort) (BR) de Carlos Coimbra ; Cinedistri-Massaini, 108 min. – av. Manuel de Nobrega (Dom João VI/Jean VI de Portugal), Heloisa Helena (Carlota Joaquina, reine du Portugal et du Brésil). – Début du film : en novembre 1807, après l’invasion du Portugal par Napoléon, le Prince Régent Dom João VI et sa cour opèrent une retraite forcée au Brésil où ils restent 13 ans. Biopic du fils du monarque exilé, l’empereur Dom Pedro Ier, qui proclamera l’indépendance de la colonie latino-américaine en 1822.
1974(tv) Los tres etcéteras de Don Simón (ES)
« Noche de teatro », RTVE (TVE 3.5.74), 90 min. – av. Enriqueta Carballeira, José Franco, Manuel Gallardo, Lola Herrera, Luis Prendes, Pedro Sempson, Tina Sáinz, Enrique Vivó, Miguel Angel. – Andalousie en 1810, sous Joseph Bonaparte. La comédie de José María Pemán (1958), adaptée au cinéma sous le titre Les trois etc. du colonel (cf. 1959/60).
1974Δ Le Fantôme de la liberté (FR) de Luis Buñuel ; Serge Silberman/Euro International-Greenwich. – av. José-Luis Barros, José Bergamín, Serge Silberman et Luis Buñuel (les fusillés), Bernard Verley (le capitaine des dragons), André Rouyer (le brigadier), Marc Mazza (le sergent). Alors que le tableau des fusillés du 3 mai 1808 de Goya lui sert de fond pour le générique, le grand Buñuel illustre en ouverture de son œuvre surréalisante le conte fantastique El Beso (1871) de Gustavo A. Bécquer, poète romantique espagnol : En 1808, lors de la prise de Tolède, les Français fusillent des résistants ; aux côtés du cinéaste déguisé en moine périssent (en costumes d’époque) l’écrivain et dramaturge Bergamín, le comédien Barros ainsi que Serge Silberman, le producteur du film. Vautrés dans une église abandonnée, les soldats chantent la Carmagnole, boivent le vin de la messe et mangent les hosties. Un capitaine de hussards se penche sur le gisant de marbre de Doña Elvira de Castañeda, une belle aristocrate du XV e siècle, caresse sa joue et l’embrasse. À cet instant, la statue de l’époux à sa gauche s’anime et assomme l’insolent du dos de sa main. Blessé au crâne, l’officier parie avec des camarades qu’il fera porter dans son lit la dépouille mortelle de Doña Elvira, couchée sous sa dalle. En exhumant le corps, les soldats constatent stupéfaits que « la main ineffable de la mort avait respecté son visage qui conservait encore la fraîcheur et le fragile incarnat de la rose ... » (5 min.).
1975[sortie : 1978] Contra la pared (ES) de Bernardo Fernández
Luis Megino, Víctor Barrera P. C. (Madrid), 91 min. – av. Victor Barrera (le lieutenant), Antonio Gamero (Felipe), Maria Clara Benayas (la Russe), Alfredo Mañas (le chasseur), Gloria Berrocal (la mère), Victor Alcázar, José Luis García Sánchez.
Synopsis : Au printemps 1813, à la fin des hostilités, un officier et un soldat espagnols démobilisés, d’anciens voisins, se rencontrent sur le chemin du retour vers leurs villages respectifs. Le soldat espère que son supérieur lui trouvera du travail, mais la maison de ce dernier a été entièrement détruite pendant la guerre, et seul y végète un vieillard. Trop éprouvée, la population refuse de les aider. Ils sont acculés à survivre d’expédients et de petits larcins, travaillent comme domestiques dans un bordel et deviennent finalement des hors-la-loi. Il finissent « contre la paroi » (titre), le dos au mur devant un peloton d’exécution.
Une bande aux accents tragi-comiques, bricolée avec un budget dérisoire et bouclée tant bien que mal en dix-neuf jours d’extérieurs à Madrid et à Avila (du 16 mm gonflé noir et blanc). Le film, une production marginale qui a le mérite tout relatif de montrer le sort des « héros de la patrie » une fois rentrés chez eux, est bloqué par les syndicaux du cinéma. Il aura une sortie quasi confidentielle en mai 1978, sous l’égide du cinéaste Fernando Trueba.
1976(tv) El Empecinado (ES) de Mario Camus
Série « Paisaje con figuras », Radiotelevisión Española (TVE 15.11.76), 32 min. – av. Aldo Sambrell (Juan Martin Díaz, dit « El Empecinado »), José Luis Alonso (son fils), Vicente Baño, Pedro Mari Sánchez (voix), Rafael de Penagos, Julia María Díaz, Fernando Nogueras.
Les exploits du légendaire bandolero et maquisard (1775-1825), exécuté sous Ferdinand VII. Cf. le film El guerrillero de José Buchs (1930).
1976-79(tv) Curro Jiménez (ES) de Joaquín Luis Romero Marchent, Mario Camus, Pilar Miró, Antonio Drove, Fernando Merino, Rafael Romero Marchent et Francisco Rovira Beleta
Francisco Romero/Radiotelevisión Española-Telestar S.A. (TVE 22.12.76), 40 x 50 min. (3 saisons). – av. Sancho Gracia (Curro Jiménez), José Sancho (El Estudiante), Alvaro de Luna (El Algarrobo), Eduardo García (El Gitano), Paco Algora (El Fraile).
Le Robin des Bois de la Sierra andalouse, un feuilleton à grande audience, lointainement inspiré des exploits du bandolero Francisco « Curro » López Jiménez, aussi appelé, selon d’autres sources, Andrés López dit « el barquero de Cantillana » (1819-1849), qui finira abattu par la Guardia Civil. Plusieurs épisodes se déroulent pendant la guerre d’Indépendance (mais sans références historiques particulières) : l’oppresseur est indistinctement soit l’occupant français, soit les classes nanties fidèles à Ferdinand VII. Une série filmée dans la Serrania de Ronda (Malaga), dans le parc national de Doñana et au cap de Gata, en Andalousie, pendant la transition de l’Espagne du franquisme à la démocratie. Lauréat du Premio Ondas (Nacionales de télévision) 1978 et de deux TP de Oro (meilleure série, Sancho Gracia). Suite sur grand écran : Avisa a Curro Jiménez (1978) de Rafael Romero Marchent, toujours avec Sancho Gracia.
1978(tv) Los tres etcéteras de Don Simón (ES) de Manuel Ripoli
« Estudio 1 » (TVE 19.1.78), 140 min. – av. Ricardo Merino (Don Simón Belalcázar), Lola Herrera (Marifácil), Valeriano Andrés (Don Pacomio), Lola Cardona (Rosina), Manuel Alexandre (Lucas Tinajero, le maire), María Jesús Lara, Damián Velasco, Julio Tejela, José Yepes.
Andalousie en 1810, sous Joseph Bonaparte. La comédie de José María Pemán (1958), adaptée au cinéma sous le titre Les trois etc. du colonel (cf. 1959/60).
1980*La leyenda del tambor / El niño del tambor / Timbaler del Bruc (ES/MX) de Jorge Grau
Samuel Menker/Nuevo Cine (Barcelone)-Conacite Uno (Mexico), 98 min. – av. Andrés García (Juan Llussá), Mercedes Sampietro (Rosalia), Jorge Sanz (Isidro Llussa, le tambour), Alfredo Mayo (grand-papa Llussá), Diana Bracho (Paula), Vicente Parra (Antonio Franch, maire de Manresa), Guillermo Antón (José Viñas), Roberto Camardiel (Mosén Antón), Antonio Canal (Frank Krutter), Eduardo Bea (Carrió), Aldo Sandrell (gén. François Xavier de Schwartz), Iñaki Aierra (Pierre), Jorge Basso (Paul), Fernando Hilbeck (Canónigo), José Luis Barceló (Viñas, maire de Sampedor), Luis Marín (commandant français), Alejandro de Enciso (Lafaylle), Javier de la Cima (José Llussá), Marinen Grau (Josefa).
Synopsis : Province de Barcelone, début juin 1808. Un officier français ayant été assassiné à Manresa, le général Schwartz décide de punir la ville. Ses troupes se heurtent à une résistance inattendue dans le défilé d’El Bruc[h], où des maquisards déciment l’envahisseur pris de panique lorsque le roulement d’un tambour démultiplié par l’écho de la montagne de Montserrat semble annoncer de puissants renforts (5 juin). La légende de l’héroïque petit tambour de Bruc qui est à l’origine de cette ruse est un sujet récurrent du folklore catalan, déjà porté à l’écran sous Franco (cf. Tambor del Bruch d’Ignacio Feres Iquino) en 1948 et à nouveau en 2010, par la bande, avec Bruc. La llegenda de Daniel Benmayor. Le Barcelonais Jorge Grau, jadis un des espoirs du nouveau cinéma espagnol, spécialisé par la suite dans les récits fantastiques, est lui-même descendant d’un des combattants de Bruch. Son film – coproduit avec le Mexique qui prête le petit Jorge Sanz, le tambour – s’adresse à un public familial et aborde la matière en respectant la légende, tout en rappelant que « les peuples écrivent l’histoire avec leur propre sang » (commentaire final). Homme de gauche, Grau veut un film simple, mais pas simpliste ; il caricature le général Schwartz, mais, soucieux d’équité, justifie le comportement des patriotes comme celui des « francesados » ralliés à Joseph Bonaparte ; Pierre et Paul, deux déserteurs français, rejoignent la guérilla au nom des idéaux républicains que Napoléon aurait trahi et encouragent les Espagnols à lutter pour un système en réalité plus proche du socialisme du XX e siècle que de Robespierre ! On découvre également à leurs côtés un grenadier suisse, Frank Krutter, déserteur du régiment de Félix de Wimpffen.
Dans son texte introductif, le film rappelle que « les troupes de Napoléon occupaient pacifiquement le pays, selon le Pacte d’Amitié qui liait les deux nations, et l’Empereur annexait peu à peu la péninsule avec ruse mais sans violence ». Vint la destitution de Ferdinand VII, ennemi de la France. « Le peuple ne comprenait pas très bien ce qui se tramait mais lorsque, le 2 mai 1802 à Madrid, un officier de Murat donna l’ordre de charger des manifestants en faveur de la monarchie espagnole, ce fut l’indignation générale. » En Catalogne, toutefois, les maires (alcaldes) et la bourgeoisie étaient francophiles ou du moins ouverts aux idées progressistes, et malgré un certain malaise, la population vaquait tranquillement à ses occupations ; Llussà, le grand-père du tambour Isidro, rechigne à se battre et même l’évêque s’oppose à l’appel aux armes (du nouveau dans le cinéma espagnol !). Tourné sur les lieux mêmes du conflit, dans la région de Barcelone (Abrera, Can Massana, El Bruch, Esparraguera, Rupit) ainsi qu’à Madrid (Navacerrada, Torrelaguna, Talamanca del Jarama), en Eastmancolor, la bande cherche à exposer les enchaînements qui menèrent au drame, par ex. le fait que seul l’alcalde pouvait autoriser le « Somatén » (appel à la mobilisation des milices catalanes) et possédait les clés de l’arsenal – que des enfants dérobent ici en passant par une lucarne. Resté longtemps prudent, l’alcalde Viños bascule dans le camp insurrectionnel lorsque son fils Juan, ardent patriote, est tué. À l’opposé du film franquiste de 1948 qui récupérait l’événement au profit d’une Espagne unifiée sous la tutelle du « Caudillo », la version de Grau circonscrit les faits à la seule communauté autonome de Catalogne, dont la Generalitat a été officiellement rétablie en septembre 1977 (le film est aussi synchronisé en catalan). La bataille de Bruc[h] est ici menée par les paysans et villageois catalans, à l’exclusion des troupes régulières espagnoles dont la participation est carrément passée sous silence. Un divertissement instructif.
1981La Guérilléra / La guerrigliera / La guerrillera (FR/IT/ES/PT) de Pierre Kast
Jean-Loup Puzenat/Les Films des Deux Mondes-France 3-S.F.P.C.-Gaumont (Paris)-G. V. Baldi/Idicop (Roma)-Antonio Vaz Da Sila/AVDS (Lisbonne)-Ibercine (Madrid), 97 min. – av. Agostina Belli (Caterina/Catalina), Jean-Pierre Cassel (col. Jean-Pierre Larzac), Maurice Ronet (Brutus), Victoria Abril (Bárbara Périsson), Alexandra Stewart (Alexandrine), Carlos Piñero (Joaquím), Franca Gonella (Paola), Rita Pavâo (Rita), Sérgio Godinho (Antonio), Jacques Serres (Jacques Leveillé), Rogeiro Paulo (le prieur), Tobias Engel (Fernando), José Cyrne (le cocher) Antonio Oliveira Martinho (Mario), Alexandre Sousa (ltn. Leterrier), Georges Geret (le maréchal Soult), Guido Alberti (João Bernardo), Beppe Chierici.
Synopsis : Au Portugal, au palais d’Oporto en avril 1809. Talonné par Wellington après la victoire anglaise à Porto/Douro, le maréchal Soult ordonne la retraite de ses troupes vers la Galicie. Deux femmes de généraux français, Barbara et Alexandra, arrivent alors que le quartier général est en train d’être évacué. Le colonel Larzac, officier sans régiment, et quelques soldats sont désignés pour les escorter jusqu’à Séville en empruntant des sentiers de montagne. Le pays sombre dans le chaos, partagé entre les troupes anglaises qui rêvent d’établir un protectorat sur le Portugal, les bandits, les régiments de lanciers baltes (déserteurs de la Grande Armée) et les partisans du roi du Portugal, ce dernier ayant déjà pris la fuite vers le Brésil avec toute sa cour. La petite troupe se fait capturer par des guérilleros portugais – ceux qui n’ont pas déjà été désarmés et internés par les Anglais – que commande l’audacieuse Caterina, une jeune aristocrate. Il lui faut gagner au plus vite la forteresse de Monsanto, base arrière des partisans où elle espère trouver un refuge contre les cruels pillards baltes et les bandoleros sans foi ni loi. La volonté de survivre unit maquisards et prisonniers, des amitiés naissent, même l’amour. Arrivés au fort de Monsanto, le commandant João annonce qu’il va faire exécuter les Français en représailles des otages fusillés par Soult. Mais les lanciers baltes surgissent, et, prenant la direction des opérations, Larzac réussit à mettre en déroute les assaillants. Horrifié par ce nouveau bain de sang, le colonel, athée tenté par la vie monastique, renonce à gagner l’Espagne et s’installe dans un village de pêcheurs au bord de l’Atlantique où il a la surprise de retrouver Caterina.
Nolens volens, le film est marqué par son époque : le socialiste Mitterrand devient président (mai 1981), l’Espagne et le Portugal sont sur le point d’intégrer l’Union européenne. Une odyssée humaine teintée de marivaudage que Pierre Kast, ancien résistant, romancier, critique aux Cahiers du cinéma, cinéaste discret, intimiste et intellectuel, filme en Eastmancolor au nord du Portugal, sur le plateau de Montalegre. De son propre aveu, Kast nous convie à une fantaisie désinvolte, surtout intéressé qu’il est au rapport des couples, aux manœuvres de la passion. Mais l’obligation de boucler simultanément un film d’aventures historiques, genre qui n’est pas dans ses cordes, lui joue un mauvais tour. Ce divertissement anodin est son dernier film, un échec, et il mourra deux ans plus tard. – Nota bene : il n’y eut aucun lancier au Portugal, et les seuls lanciers mobilisés dans la péninsule Ibérique étaient polonais. Pour une approche plus sérieuse, rappelons que Pierre Kast écrivit en 1951 pour Jean Grémillon Les Désastres de la guerre, un court métrage documentaire sur l’Espagne sous Napoléon vue par Goya (cf. p. 490).
1981/82(tv) Los desastres de la guerra 1808, o Tristes presentimientos de lo que ha de acontecer (ES/FR) de Mario Camus
Salvador Agustín/Radiotelevisión Española-Télécip (Paris) (TVE1 7.1.83), 96 min. – av. Fernando Fernán-Gómez (oncle Augusto, un conjuré), Sancho Gracia (Perantonio, guérillero), Alvaro de Luna (Emiliano, guérillero), Isabel Mestres (Leonor), Mario Pardo (Lucas, agitateur), Lola Forner (María), José Bodalo (Francisco de Goya), Alejandro Enciso (maréchal Joachim Murat), Eduardo Bea (Balfour).
Film pilote de la série Los desastres de la guerra de Mario Camus diffusée en 1983 (cf. infra), d’après un scénario de Guido Castillo et Antonio Larreta : Madrid en 1808, peu avant l’entrée des troupes de Murat et l’insurrection du 2 mai. Un groupe de patriotes organise les premiers noyaux de résistance populaire et prépare un attentat contre Murat pour désorganiser les forces françaises. Le complot échoue et les responsables sont passés par les armes. Parallèlement, le téléfilm illustre les angoisses du peintre Goya, déchiré entre ses convictions libérales et la réalité cruelle de l’invasion napoléonienne. Présenté en avant-première au festival de télévision de Monte-Carlo en 1981.
1982(tv) La máscara negra (ES) de Antonio Giménez-Rico, Emilio Martínez-Lázaro et José Antonio Páramo
Miguel Martín, Francisco G. Gargoles/Radiotelevisión Española (TVE 19.3.-4.6.82), 11 x 55 min. – av. Sancho Gracía (Don Carlos de Zárate, dit le Masque Noir), Antonio Casas (Gonzalo Pascual, comte de Ribargorza), Nuria Gallardo (Elodia), Ramiro Oliveros (Faustino Viñas), Joaquín Hinojosa (cpt. Graco), Manuel Zarzo (Cosme), FRANCISCO VIDAL (Napoléon), Estanis González (Francisco de Goya), Charo López (Pauline Bonaparte), Antonio Passy (Grassier, son amant), José Maria Pou (gén. comte Charles-Tristan de Montholon), Roberto Martin (Juan Martín, « El Empecinado »), Mimi Muñoz (Adivina), Ismael Merlo (Laforque), Jack Taylor (Herzog), Marisa Paredes (l’ornithologue Fassbinder), Paul Naschy (Sandro Collini), Kiti Manver (Peligros), Juan Ribó (Diego), Elisa Laguna (Catalina), Juan Ribó (Diego de Zárata), Mercedes Alonso (Yvonne), Alvaro de Luna (Ali Bey), Gabriel Llopart (Benimelis), Miguel Palenzuela (Juan Mestre).
Synopsis : Madrid en 1808. Fils d’une famille d’aristocrates aisés, Don Carlos de Zárate revient dans son pays pour apprendre par son frère Diego que leur père a été assassiné par le capitaine Graco, militaire français craint et haï, au service du roi Joseph Bonaparte. Peu après, Diego périt et Carlos découvre qu’il faisait partie d’un groupe de conspirateurs visant à chasser les Français de la Péninsule et agissait caché sous un masque noir. Reprenant ce rôle de justicier masqué lorsque éclate la sanglante insurrection madrilène du 2 mai, Carlos est précipité dans une cascade d’aventures rocambolesques (scénarios : Manuel Matji, et, notamment, Duccio Tessari). Le roi Joseph souhaitant emporter en France le tableau L’Enterrement du comte d’Orgaz du Greco, le peintre Goya en fabrique discrètement une copie en moins de dix heures, un faux qui part pour Paris à la place de la toile du XVI e siècle. Napoléon séjourne incognito en Espagne où il supervise des expériences avec des sous-marins et des ballons destinés à l’invasion de l’Angleterre (le 28 octobre 1808, Napoléon transmit effectivement au physicien Gaspard Monge un projet d’invasion de l’Angleterre par montgolfières) ; Carlos sauve sa peau en battant l’Empereur aux dés.
D’autres personnages historiques défilent au cours des épisodes, tels que Wellington, Murat, Lord Byron, le général Joseph Hugo, le toréador Pedro Romero, le bandit Juan Martin dit « El Empecinado », la comédienne La Tirana, le politicien et écrivain Gaspar Melchor de Jovellanos, etc. On dénote quelques clins d’œil cinéphiliques : l’agent français qui provoque l’insurrection madrilène s’appelle Herzog, et, déguisée en homme, Marisa Paredes interprète un ornithologue allemand du nom de Fassbinder. Paul Naschy, tâcheron du cinéma-bis d’horreur ibérique, campe un ignoble collabo. Le héros est haut en couleur : grand voyageur, polyglotte, militaire, marin, cultivé (il lit Diderot), en faveur de l’abolition des privilèges de l’Ancien Régime et un ami de Benjamin Franklin. C’est un double de Zorro, mais sans moustache ni fouet, portant un masque calotté noir emprunté au Pantalone de la Commedia dell’arte, et qui exécute sans hésiter les traîtres ou félons « au nom du peuple de Madrid ». Le rôle-titre échoit à Sancho Gracia, immensément populaire en Espagne depuis son interprétation de d’Artagnan dans le feuilleton Los très Mosqueteros de Pedro Amalio López en 1970, puis du légendaire bandolero Curro Jiménez dans la série éponyme de Mario Camus (1976-79). Il sera le fameux guérillero El Empecinado dans Les Désastres de la guerre une année plus tard (cf. infra). Une série rare, qui a fasciné les adolescents des années 1980, tournée en couleurs dans les rues du vieux Madrid, à Tolède et au palais royal de La Granja de San Ildefonso près de Ségovie. – Episodes : 1. « Sábado de carnaval » – 2. « Un día de mayo » – 3. « Muerte en la tarde » – 4. « El turco » – 5. « El talismán » – 6. « Una bala en el camino » – 7. « El entierro del Conde de Orgaz » – 8. « El rapto de la Tirana » – 9. « La fantástica invasion » – 10. « Un baile de mascaras » – 11. « La última apuesta ».
1983***(tv) Los desastres de la guerra / La Guérilla ou Les Désastres de la guerre / Die Schrecken des Krieges (ES/FR/LU/DE) de Mario Camus
Juan Estelrich/Radiotelevisión Española-Télécip-Antenne 2-ARD (TVE1 6.6.-11.7.83 / A2 3.2.-2.3.84 / Nord 3-Hessen III 18.9.-23.10.84), 6 x 55 min. – av. Bernard Fresson (gén. Léopold Hugo), PIERRE SANTINI (Napoléon), Philippe Rouleau (Joseph Bonaparte, Joseph I er, roi d’Espagne), Jean-Claude Dauphin (gén. Anne-Jean Savary, duc de Rovigo), Sancho Garcia (Juan Martin Díaz, dit « El Empecinado »), Francisco Rabal (Francisco de Goya), François-Eric Gendron (maréchal Joachim Murat), Pierre Londiche (Miot de Melito), Conrado San Martin (gén. Gregorio García de la Cuesta), Toni Isbert (Arthur Wellesley, marquis de Wellington), Francisco Cecilio (Ferdinand VII), María Elena Flores (la reine consort Maria Luisa de Bourbon-Parme), Mario Pardo (José Marchena Ruíz de Cueto), Julien Thomast (Louis Constant Wairy, valet de chambre de Napoléon), Manuel de Blas (gén. José de Palafox y Melzi), José Maria Muñoz (gén. Léopold Hugo), Florence Raguideau (Catalina Tornás, maîtresse de Hugo), Manuel Zarzo (García), Fernando Fernán Gómez, Carlos Larrañaga, Angel Alcázar, Manuel Alexandre, José Bódalo, Pedro Diez del Corral, Lola Forner, Eduardo García, Julio Gavillanes, Emilio Linder, Isabel Mestres, Guillermo Montesinos, Miguel Rellàn, Rodolfo Sancho, Manuela Velasco.
Une des très rares tentatives sérieuses et intelligentes d’évoquer la guerre d’Indépendance espagnole dans tous ses paradoxes et sa cruauté, sans les habituels apartés mélodramatiques ou les variétés flamenco – démarche encore impensable du vivant de Franco (décédé en 1975). En clair : l’antidote à Agustina de Aragón (1950). L’année de sa diffusion coïncide avec les négociations de l’Espagne, gouvernée par les socialistes, pour entrer dans l’Union européenne. La participation franco-luxembourgeoise amène des jugements historiques nuancés en donnant la voix aux deux antagonistes, et la durée de la série, près de six heures, permet d’illustrer de très nombreux événements d’habitude négligés ou oubliés. Il s’agit d’une coproduction onéreuse (300 millions de pesetas), réalisée par le cinéaste Mario Camus, qui est avec Carlos Saura le principal représentant de la nouvelle vague madrilène (lauréat de l’Ours d’or à Berlin 1983). Le tournage se déroule d’août à décembre 1982 aux quatre coins du pays, en extérieurs à La Granja, Riofrío, Palacio Real de Madrid, Guadalajara, Ciudad Real, Cordoue et Cadix. Un auteur aussi politisé que Jorge Semprún (collaborateur de Costa-Gavras, Losey et Resnais) ainsi que les écrivains Rafael Azcona, Eduardo Chamorro et Georges Neveux ont rédigé le scénario, une garantie supplémentaire de qualité.
Camus veut une télésérie en priorité factuelle, simple, claire et efficace, évitant toute grandiloquence ; le spectacle, appliqué avec modération, n’y est jamais gratuit. Napoléon, campé par l’homme de théâtre franco-italien Pierre Santini, disciple de Jean Vilar au TNP, est dense, tendu, très autoritaire, désagréable même : Camus-Semprún le montrent mufle avec le sexe faible (le renvoi brutal d’une belle de nuit espagnole dont il ne supporte pas le parfum, anecdote fameuse). Fermement déterminé à faire « le bonheur des Espagnols malgré eux », allergique à tout obscurantisme comme à toute superstition (« les pires ennemis de l’homme »), il abolit l’Inquisition et les droits seigneuriaux : « En un coup de plume je fais entrer l’Espagne dans l’histoire contemporaine. » Mais peut-on faire le bien de l’humanité tout en bafouant les droits de l’homme, s’interrogent les cinéastes, faisant écho à la faillite du système soviétique et aux bilans idéologiques de la gauche mitterrandienne au pouvoir à Paris depuis deux ans. Prix de la lucidité, l’ensemble est empreint d’un certain pessimisme, car il n’y a en fin de compte que des perdants dans ce chapitre de l’Histoire. Le titre de la série, qui reprend évidemment celui des cauchemardesques eaux-fortes de Goya, donne le ton. « Personne n’est innocent ! » s’exclame le grand peintre au début, lui qui a vu le meilleur côtoyer le pire, les belles perspectives d’avenir virer au cauchemar le plus absolu. Le premier chapitre met en scène une cour d’Espagne dégénérée et peu amène (Charles IV et son fils Ferdinand VII) d’un côté, Napoléon, intelligent et fermement décidé à introduire des réformes dans la péninsule Ibérique de l’autre. Son frère Joseph, monarque de substitution, apparaît humain et compréhensif, soucieux de créer une Constitution ; il lutte contre la famine à Madrid en ouvrant sa bourse personnelle. Et pourtant, la population se soulève, car la soldatesque se comporte non en alliée, mais en envahisseur (des prêtres sont humiliés, les superstitions ridiculisées). Les francophiles – les « afrancesados » – sont représentés à l’écran par le poète et homme politique José Marchena, un rescapé des persécutions inquisitoriales, traducteur de Rousseau, de Voltaire et du Contrat social, hélas ici peu convaincant dans son discours idéologique, et l’Angleterre par Arthur Wellesley, futur duc de Wellington, toujours hautain et arrogant : manifestement, la BBC ne s’est pas mouillée dans l’entreprise !
Ainsi que le relève Jesús Maroto de Las Heras (Guerra de la independencia. Imágenes en cine y televisión, Madrid 2007, p. 377), le travail de Camus démontre que « chacun a de bonnes raisons d’agir comme il le fait », un constat rarissime dans l’audiovisuel. Napoléon veut libérer le pays d’un carcan administratif désespérément rétrograde et de la terrifiante Inquisition, c’est-à-dire faire le bonheur des Espagnols malgré eux, tout en fermant les yeux sur les meurtres et rapines de ses régiments. On assiste ainsi à la prise de conscience nationale d’un peuple qui se cabre et résiste avec fureur aux perspectives progressistes, l’invasion française contribuant paradoxalement à renforcer l’absolutisme dans le pays : manipulés par l’aristocratie et l’Église qui tiennent à conserver leurs privilèges, heurtés dans leurs sentiments religieux et leur fierté, les patriotes ibériques luttent jusqu’à la mort pour un roi malveillant auquel seul importe le pouvoir absolu et qui est indifférent aux sacrifices de ses sujets. Quant à l’Angleterre, son soutien est ciblé et intéressé, car il s’agit d’anéantir l’Empire napoléonien tout en maintenant l’Espagne dans un état d’affaiblissement qui l’empêche de redevenir une puissance rivale.
Tout commence par le traquenard de Bayonne et la destitution de Charles VI qui ne pense qu’aux horloges et à la vénerie, laissant gouverner le favori de son épouse, le ministre corrompu Godoy, haï par le peuple. Dès le second chapitre, la série se polarise sur le combat acharné, véritable contre-guérilla, que mène l’imposant colonel Hugo (père de Victor) au chef guérillero Juan Martin, dit « l’obstiné » (El Empecinado), – cf. le film El guerrillero de José Buchs (1930) –, tous deux des personnages aux caractères bien trempés, bien brossés et inconsciemment proches l’un de l’autre, emportés dans cette spirale d’une rare sauvagerie que commentent les esquisses et dessins de Goya. L’artiste en montre à l’Empecinado pour le sensibiliser aux atrocités commises dans chaque camp (l’assassinat des prisonniers français à Andujar en représailles au sac de Cordoue) et souligne que Joseph Bonaparte est un bon roi. Le partisan fait la sourde oreille et poursuit ses harcèlements systématiques, démontrant pour la première fois qu’une armée puissante et supérieure en nombre peut être vaincue par ses conquêtes. Au fil du récit, Camus insère quelques touches anecdotiques : Ainsi, Hugo ménage la vieille mère du guérillero, et celui-ci renonce à capturer la famille du général français. « Les Espagnols me détestent », se plaint Joseph à Napoléon. « Non, ils détestent le changement, la nouveauté », rétorque son frère.
Au printemps 1811, devenu général, Hugo a délivré tout le cours du Tage des guérillas, pris Avila et Ségovie, « pacifié » la province de Guadalajara et contrecarré une tentative d’attentat contre l’Empereur. À la suggestion de Goya et de Marchena, il écrit à l’Empecinado, lui faisant une offre généreuse pour se rallier avec les honneurs au roi Joseph. Le milicien refuse, la guerre continue. Aux Cortès de Cadix, les députés espagnols discutent les articles de leur nouvelle Constitution, analysent les définitions de « nation » et « souveraineté », conscients toutefois que Ferdinand VII pourrait les abroger à son retour sur le trône. Wellington écrase les troupes de Marmont à Salamanque, le chemin de Madrid est libre. Le 12 août 1812, l’armée anglo-lusitano-espagnole fait son entrée dans la capitale. Furieux, l’Empecinado reproche à Wellington d’avoir mis à sac la ville de Badajoz et la destruction du Retiro. Le dernier chapitre illustre la victoire définitive des alliés à Vitoria, le 22 juin 1813. Napoléon libère Ferdinand VII qui, à peine de retour en Espagne, refuse de prêter serment sur la Constitution et les décrets des Cortes. L’Inquisition retrouve ses tribunaux, brûle les livres, Goya est accusé d’avoir collaboré avec l’ennemi, les libéraux s’entassent dans les prisons. Marchena choisit l’exil, l’Empecinado de même, suivi de trente mille Espagnols (il sera exécuté en 1825). Le roi accorde à Goya l’autorisation de quitter le pays pour des raisons de santé ... Rideau.
Titres des épisodes en France et en RFA : 1. « Le Piège de Bayonne / Die Falle von Bayonne » – 2. « Le Guérillero / Die Entstehung der Guerilla » – 3. « Le Royal Étranger / Empecinado » – 4. « L’Affrontement / General Graf Hugo » – 5. « Les Anglais / Die Herren Engländer » – 6. « Ferdinand VII, le désiré / Ferdinand VI., die Hoffnung ».
1985(tv) Jovellanos (ES) de Antonio José Betancor
Série « Paisaje con figuras », Radiotelevisión Española (TVE 31.1.85), 35 min. – av. Gabriel Llopart (Gaspar Melchor de Jovellanos).
Homme d’État et écrivain, Jovellanos (1744-1811) est marqué par les idées des Lumières et voit la Révolution française d’un œil favorable. À la mort de Charles III, il est éloigné de la cour de Madrid, puis rappelé en 1797 en tant que ministre de la Justice ; il est un grand promoteur de Goya. Agacé par ses réformes, Godoy le destitue. Jovellanos est emprisonné et déporté à Majorque pour avoir introduit en Espagne un exemplaire du Contrat social de Rousseau (1801/02). Il est libéré en 1808, mais refuse de participer au gouvernement de Joseph Bonaparte et se retire dans ses terres en Asturies. Une évocation biographique racontée par Jovellanos lui-même ou en dialogue avec son frère.
1989La Soule (FR) de Michel Sibra
Marie Christine de Montbrial, Michel Frichet/Agepro Cinema-M. F. Productions-L. B. F.-TF1 Films Production, 93 min. – Richard Bohringer (François Lemercier), Christophe Malavoy (Pierre Cursey), Marianne Basler (Marion), Roland Blanche (Gauberlin), Jean-Pierre Sentier (le curé), Jean-François Stévenin (col. Valbert), Eric Marion (Marie-Joseph Granier), Pierre Forget (Etienne Granier). Bruno Lecomte (Bénacieux), Jeffrey Kime (l’officier anglais), Julie Ravix (Mme Valbert).
Synopsis : Le 21 juin 1813, Wellington écrase les armées françaises à Vitoria, en pays basque. Dans la débâcle, un lieutenant de dragons, Pierre Cursey, se fait voler les chevaux de son unité par un fuyard. Fait prisonnier, il est envoyé sur un ponton flottant britannique. Malgré d’atroces conditions de détention (la plupart de ses camarades meurent), il survit, soutenu par l’idée de retrouver son « traître » un jour et de lui faire payer les souffrances qu’il a endurées. Libéré deux ans plus tard, il retrouve à Issigeac en Dordogne l’homme qu’il poursuit de sa haine : François Lemercier, cordonnier de la ville et capitaine de l’équipe de soule (ballon de cuir rempli de son) locale. Héros de tout un canton, sa vie n’en est pas moins un enfer car il ne cesse de revivre sa faute. La venue de Cursey lui apparaît comme l’espoir de sa libération, la chance de recouvrer son honneur en tuant ou étant tué au cours d’un jeu très violent : ancêtre du rugby, le soule n’a pas de règles, tous les coups y sont permis, fussent-ils mortels.
Un sujet qui sort des sentiers battus, simple et fort, pour un premier film à travers lequel Michel Sibra, documentariste passionné d’ethnologie, dépeint la France profonde à la veille des Cent-Jours, avec ses espérances déçues, ses rêves d’héroïsme qui aboutissent à la sauvagerie. Une sorte de western provincial porté par son climat et les performances de Bohringer et Malavoy qui s’affrontent durant une longue partie opposant anciens bonapartistes et monarchistes. Chacun y trouve une manière à perpétuer la guerre, et seule une femme (incarnée par Marianne Basler) a le courage de s’opposer à la vanité de la partie, à cette recherche insensée de l’honneur perdu. Tournage sur place, à Issigeac (Dordogne). – Michel Sibra est nominé aux Césars 1990.
1989(tv) Los tres etcéteras de Don Simón (ES)
« Primera función » (TVE 23.2.89), 120 min. – av. Jesús Enguita, Javier Escrivá, Antonio Iranzo, Fedra Lorente, Milena Montes, Ricardo Palacios, Victoria Vivas. – Andalousie en 1810, sous Joseph Bonaparte. La comédie de José María Pemán (1958), adaptée au cinéma sous le titre Les trois etc. du colonel (cf. 1959/60).
1990*(tv) Napoléon et l’Europe / Napoleon e a Europa / Napoleon und Europa / Napoleón y Europa – 4. Le Blocus (Lisbonne) / O Bloqueio (Lisbõa) / Die Blockade (FR/DE/PT/ES/PL) de José Fonseca e Costa
Rádio e Televisão de Portugal (R.T.P.)-Radiotelevisión Española (TVE)-Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych Poltel-3SAT (La Sept 26.10.90 / FR3 1.2.91), 52 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Patrick Fierry (gén. Andoche Junot), François Perrot (Talleyrand), Herman José (gén. Paul Charles Thiébault), Nicolas Breyer (le ministre António de Araújo), Mário Viegas (Dom João/Jean VI de Bragance, roi du Portugal), Jacek Domanski (Joseph Bonaparte), Andrzej Grabaczyk (gén. Auguste de Marmont), José Martins (Francisco Ballesteros), Ana Padrao (Élisabeth Augustine, comtesse Foy), Alexandre Sousa (gén. Freire de Andrade), Joao Grosso (comte gén. Louis-Henri Loison), José Fonseca e Costa (gén. Arthur Wellesley, futur Lord Wellington), Cecilia Guimaraes (Marie I re, reine du Portugal), Felipe Ferrer (Domingos António de Sousa Coutinho), Paulo Filipe (gén. Juan Carrafa), Carlos Cesar (gén. Lima Barreto), Paula Guedes (la maréchale Laure Junot).
Synopsis : En juin 1807, déterminé à renforcer le Blocus continental contre l’Angleterre, Napoléon somme le Portugal de fermer ses ports aux navires britanniques. Les Portugais tergiversent, essayant de gagner du temps, ce qui incite l’Empereur à jouer de son alliance avec l’Espagne et envoyer en novembre une armée franco-espagnole sous les ordres de Junot envahir le pays (Junot caresse l’espoir de s’installer sur le trône portugais). À Lisbonne, pressé par les Anglais, le roi Jean VI décide de se réfugier dans sa colonie du Brésil, emmenant avec lui la reine-mère Marie, devenue folle, la plupart des dignitaires du royaume et les trésors de la couronne. Lorsque Junot arrive, il est trop tard : la flotte royale cingle vers Rio de Janeiro escortée par des navires anglais. Il est toutefois accueilli comme un libérateur par les libéraux portugais, les notables qui n’ont pas suivi le Prince Régent se mettent à son service. Mais le petit peuple grogne contre l’occupant « jacobin ». En 1808, Napoléon contraint les derniers Bourbons à abdiquer en Espagne, le pays se soulève et l’agitation se propage au Portugal. Les troupes espagnoles placées sous Junot regagnent leur pays, des émeutes éclatent partout dans la campagne lusitanienne. Junot se trouve coupé de la France et les Anglais en profitent pour débarquer une armée sous le commandement du général Wellesley, futur duc de Wellington (20 juillet). Les troupes portugaises rassemblées dans le nord du pays par le général Freire de Andrade se rangent à ses côtés et la coalition remporte une première victoire à Vimeiro (nov. 1808). La péninsule Ibérique devient dès lors une épine dont l’Angleterre saura jouer à merveille.
Episode portugais d’une vaste coproduction télévisuelle européenne dont chaque partie entraîne le spectateur dans une région d’Europe ayant accueilli ou subi la Grande Armée ; le volet est réalisé par un téléaste du pays concerné (cf. p. 28).
1993® (tv+ciné) Le Siècle des Lumières / El siglo de la luces (FR/CU/RU/UA/ES) de Humberto Solás. – av. Rustam Urazaev (Esteban), Jacqueline Arenal (Sofía), Frédéric Pierrot (Carlos). – Prologue et épilogue : les cousins havanais Esteban et Sofia perdent la vie en combattant les Français à Madrid, le 2 mai 1808 (cf. p. 128).
1993-1995® (tv) Sharpe – 1. Sharpe’s Rifles – 2. Sharpe’s Eagle – 3. Sharpe’s Company – 4. Sharpe’s Enemy – 5. Sharpe’s Honour – 6. Sharpe’s Gold – 7. Sharpe’s Battle – 8. Sharpe’s Sword (GB) de Tom Clegg (ITV 5.5.93-26.4.95), 8 x 100 min. – av. Sean Bean (Richard Sharpe), Brian Cox (major Michael Hogan), David Troughton (Sir Arthur Wellesley, Lord Wellington), Assumpta Serna (Teresa Moreno), Simón Andreu (major Blas Vivar), RON COOK (Napoléon), Matthew Scurfield (El Matarife), Diane Perez (Ramona Gonzales Harper). – Les exploits de Richard Sharpe, un officier de Wellington, et de ses fusiliers d’élite du South Essex Regiment lors de la campagne d’Espagne, d’après les romans de Bernard Cornwell. Les épisodes se jouent en 1809, à la frontière hispano-portugaise, lors de la retraite britannique vers La Coruña (1), lors de la bataille de Talavera de la Reina, au sud-ouest de Madrid en juillet 1809 (2), après la reconquête de Ciudad Rodrigo en janvier 1812 et pendant le siège de Badajoz par l’armée anglo-portugaise (un des sièges les plus sanglants des guerres napoléoniennes) en mars-avril 1812 (3), dans le no-man’s land montagneux du nord du Portugal en 1813 (4), au lendemain de la bataille de Vitoria en juin 1813, lorsque la Grande Armée bat en retraite (5) et dans les Pyrénées à la frontière franco-espagnole en septembre 1813 (6-8) (détails et synopsis, cf. p. 299 ss).
1994*Carlota Joaquina – Princesa do Brazil [= Charlotte-Joaquime, princesse du Brésil] (BR) de Carla Camurati
Elimar Produções Artisticas, 100 min. – av. Marieta Severo (Carlota Joaquina/Charlotte Joaquime de Bourbon, reine du Portugal et du Brésil), Marco Nanini (Dom João/Jean VI de Bragance, roi puis empereur du Brésil), Marcos Palmeira (leur fils, Pierre IV de Portugal/Dom Pedro I er du Brésil), Ludmila Dayer (Yolanda/Carlota Joaquina de Bourbon enfant), Maria Fernanda (la reine-mère Maria I re), Eliana Fonseca (Custódia), Vera Holtz (Marie-Luisa de Bourbon-Parme, reine d’Espagne), Chris Hieatt (Percy Smythe, vicomte de Strangford), Moacir Deriquem (Manuel Godoy), Alberto Turina (Carlos III d’Espagne), Dudu Sandroni (Carlos IV d’Espagne), Beth Goulart (la princesse Maria Teresa de Bragance), Antônio Abumaja (comte de Mata-Porcos), Ney Latorraca (Jean-Baptiste Debret, peintre à la cour), Norton Nascimento (Fernando Leão), Romeu Evaristo (Felisbind), Bel Kutner (Francisco), Aldo Leite (Lobato, vicomte de Vila Nova da Rainha), Maria Ceiça (Gertrudes), Thales Pan Chacon (médecin), Brent Hieatt (précepteur).
Synopsis : La trajectoire mouvementée de Carlota Joaquina/Charlotte-Joaquime de Bourbon (1775-1830), infante d’Espagne, fille aînée de Charles IV et de Maria Luisa de Parme, épouse du roi Jean VI de Portugal et brièvement impératrice du Brésil en 1825/26. Elle est officiellement mariée au futur roi à l’âge de dix ans, en 1785, mais le mariage n’est consommé que cinq ans plus tard. En 1788, lorsque son mari Jean de Bragance est nommé Prince Régent (en raison de la folie de la reine-mère, Marie I re), elle devient princesse du Brésil. Jean déclare la guerre à la France révolutionnaire en 1793, mais son armée est vaincue. Il devient victime de la diplomatie napoléonienne et du double jeu de Madrid qui profite de son isolement pour arracher au Portugal la région d’Olivenza. En 1807, Napoléon adresse un ultimatum au Portugal : ou il rompt son alliance avec l’Angleterre et interdit ses ports aux navires britanniques ou c’est la guerre et l’occupation par la Grande Armée. Le Portugal n’étant pas en mesure de se défendre, le Prince Régent décide de quitter le pays. En novembre 1807, Lord Strangford, l’ambassadeur britannique, coordonne la fuite de la famille royale au Brésil, sous protection anglaise, avec la reine-mère Marie, une partie de la cour et le trésor de la Couronne. La colonie latino-américaine manque d’infrastructures pour recevoir ce beau linge et le roi s’affaire à y développer les activités économiques (la Banque du Brésil, l’académie militaire et navale, les journaux, le jardin botanique, l’école de chirurgie à Salvador, l’académie de médecine et une bibliothèque à Rio de Janeiro, etc.), mettant en place des réformes qui ouvrent le Brésil au commerce international (surtout anglais). Après quatorze ans d’exil, et sous la pression populaire au Portugal, Jean VI rentre finalement en Europe à la mort de Napoléon (1821), tandis que son fils Pierre assume la régence du Brésil, qui affirme son autonomie face à Lisbonne. En ayant provoqué l’exil de la famille royale, Napoléon a ouvert la voie à l’indépendance de l’Amérique portugaise.
La première partie du film compare avec férocité la vie léthargique de la cour absolutiste des Bragance vers 1790-1805, prude, bigote, austère (secouée par les cris hystériques de la reine-mère devenue démente), à celle de Madrid, animée de banquets, de musique, de danse et de perruques extravagantes. La deuxième partie retrace l’exil de la maison de Bragance sur le ton de la comédie satirique, mais néanmoins avec une certaine rigueur historique, en s’attardant sur la mésentente des époux royaux qui, après une nuit de noces catastrophique en 1790 (elle lui mord une oreille jusqu’au sang), ne fait qu’augmenter pendant leur exil. Machiavélique, violente, peu séduisante mais nymphomane insatiable, Charlotte-Joaquime a d’innombrables amants ainsi qu’une ribambelle d’enfants pas tous très légitimes, mène de nombreuses intrigues pour renverser son mari qu’elle juge débile et tente même de se faire proclamer reine d’un royaume hispano-américain en profitant du fait que son père et son frère (Ferdinand VII) sont détenus par Napoléon en France. La comédienne Marieta Severo fait l’impossible pour conserver quelque humanité à cette mégère pathétique et finalement grotesque. Le portrait du monarque obèse – en 1816, il devient enfin souverain du Royaume uni de Portugal, du Brésil et des Algarves – est d’emblée plus caricatural, puisqu’on le présente comme incapable, à moitié éduqué et couard, alors qu’il était lettré et fin diplomate ; au cours du récit, le personnage s’affine, calme et sagace, capable de déjouer les stratagèmes de sa Xanthippe. Leur fils Pierre, futur et premier empereur du Brésil, est ici un rapace épileptique, fardé et affamé de sexe.
Le film – divertissant, et un immense succès en salle – marque la renaissance de la production cinématographique brésilienne après des années de crise économique et le démantèlement du cinéma national (sous couvert de réduction de la dette publique) par le président populiste Collor de Mello. Les rares critiques grincheux, choqués par le portrait peu flatteur de leurs Majestés, peuvent se consoler avec la phrase finale du film, dite par le précepteur royal : « Le problème avec l’Histoire est que plus on lit à son sujet, moins on en sait. Chacun se fabrique sa propre version. » Inédit en Espagne. Présenté aux festivals de Cannes et de Toronto 1995.
2002(tv) O Quinto dos Infernos [= Un cinquième d’enfer] (BR) d’Alexandre Avancini, Wolf Maya, Edgard Miranda, Marco Rodrigo
Rede Globo de Televisão (Rio de Janeiro) (Globo 8.1.-29.3.02), 48 x 50 min. – av. Humberto Martins (Francisco Gomes da Silva, Chalaça), Danielle Winits (Manuela), Betty Lago (la reine Charlotte-Joaquime de Bourbon, reine du Portugal), Raíssa Medeiros (l’infante Charlotte-Joachime d’Espagne jeune), André Mattos (Dom João/Jean I er de Portugal), Cássio Gabus Mendes (Dom João/Jean VI de Portugal jeune), Eva Wilma (la reine-mère Marie I re de Portugal), Marcos Pasquim (Dom Pedro /Pierre I er, prince, puis empereur du Brésil), Ana Furtado (Maria Theresa de Bourbon-Deux Siciles, impératrice d’Autriche), Jonas Bloch (François II, empereur d’Autriche), Odilon Wagner (Eugène de Beauharnais), Tamara Taxman (Augusta Amélie de Bavière, son épouse), Miguel Thiré (Auguste de Beauharnais), Érika Evantini (Maria Leopoldina d’Autriche, future impératrice du Brésil), Cláudia Abreu (Amélia de Leuchtenberg [Amélia Augusta Napoleona de Beauharnais], future impératrice du Brésil), Luana Piovani (Domitia de Castro Canto e Mello, marquise de Santos), Caco Ciocler (Dom Miguel/Michel I er, prince, puis roi du Portugal).
Les premiers épisodes de ce méga-feuilleton brésilien très populaire (rediffusé en 2011) racontent – à l’instar du long métrage Carlota Joaquina de Carla Camurati en 1994 (cf. supra) – les épousailles en 1785 de l’infante d’Espagne Charlotte-Joachime de Bourbon avec le Prince Régent du Portugal, Jean I er de Bragance, puis, en 1807, le transfert de toute la cour royale portugaise au Brésil pour échapper aux armées de Napoléon. Le ton de la telenovela scénarisée par Carlos Lombardi est délibérément comique, voire polisson, son sujet est de retracer les aventures (surtout d’alcôve) des bâtisseurs de l’indépendance brésilienne ainsi que la fondation de l’empire (le titre du film est une expression courante pour désigner le Brésil, cinquième colonie portugaise, lieu jugé « infernal » parce que tropical par les exilés européens). L’utilisation d’airs connus mais décalés comme fond musical – There’s No Business Like Show Business, Raindrops Falling On My Head ou le Carmen de Bizet – accentuent la dérision. – Nota bene : La princesse de Leuchtenberg, Amélie Auguste Napoléone de Beauharnais (1812-1873), fille d’Eugène de Beauharnais (fils adoptif de Napoléon) et d’Augusta Amélie de Bavière, deviendra impératrice du Brésil en 1829 en épousant Dom Pedro/Pierre I er, épisode que la télésérie illustre également.
2004(tv) La guerra de la Indepencia / ¡ Vivan las caenas ! – 1. El comienzo – 2. Napoleon viene a España – 3. Las cortes de Cádiz – 4. El retorno de Fernando VII (ES) d’Elías Andrés
Série « Memoria de España », Felipe Novillo, Alberto de Masy/Radiotelevisión Española, 48 min. – av. Marta Barriuso (narration). – Un docu-fiction qui résume les années de guerre (le 2 mai, la bataille de Bailen, Napoléon à Burgos, Wellington entre à Madrid, etc.) avec séquences reconstituées et de nombreux extraits de films en noir et blanc et en couleurs.
2007/08Sangre de mayo (ES) de José Luis Garci
Juan Carmona, Salvador Gomez Cuenca/Nickel Odeón Dos SA (Madrid)-TeleMadrid, 152 min. – av. Quim Gutiérrez (Gabriel Araceli), Paula Echevarría (Inés), Manuel Galiana (Don Celestino Santos de Malvar), Enrique Villlén (Paco « El Chispas »), Fernando Guillén Cuervo (l’imprimeur), Tina Sáinz (Doña Restituta Requejo), Natalia Millán (Anastasia), Manuel Tejada (Manuel Godoy), Carlos Larrañaga (Isidoro Máiquez), Lucía Jiménez (Plata), Miguel Rellán (Don Mauro Requejo), Francisco Algora (Escritor Comelia), Víctor Anciones (Finito), Juan Calot (Marqués), Jorgé Roelas (Lopito), María Costi (Doña Pepita González), Ramón Langa (Juan de Mañara), Ramón Lillo (majordome Matias), Lia Chapman (domestique d’Anastasia), Saturnino García (Moribundo), Miguel Rejas (capitaine français), Ana Escribano, José Carabias, Nayra Sanz Fuentes.
Restitution des événements dramatiques de mai 1808 à Madrid, en partant des deux célèbres tableaux de Goya (Dos de Mayo et Tres de Mayo/Les Fusillades, peints en 1814) et des deuxième et troisième récits des Episodios nacionales du romancier Benito Pérez Galdós, La Corte de Carlos IV et El 19 de marzo y el 2 de mayo (parus en 1873). Les dix premiers récits de Pérez Galdós (dont le père combattit Napoléon) suivent les exploits aventureux et amoureux d’un adolescent andalou, Gabriel [de] Araceli, à travers l’Espagne occupée par les Français. Le scénario s’en inspire très librement.
Synopsis : Ouvrier dans une modeste imprimerie madrilène, Gabriel est fiancé à Inès, une orpheline qui vit à Aranjuez chez son oncle, le curé Don Celestino, un lointain parent du puissant Manuel Godoy. C’est en lui rendant visite qu’il est témoin, le 19 mars 1808, du soulèvement d’Aranjuez, manigancé par des membres du parti du prince des Asturies, le futur Ferdinand VII, qui contraint son père Charles IV à l’abdication et renverse Godoy dont le palais est mis à sac. Gabriel profite des désordres pour éloigner Inés. Le jeune couple se réfugie dans une pension à Madrid en face du parc Monteleón ; leur oncle les rejoint bientôt, recherché en raison de sa parenté avec Godoy ; il les marie et les trois envisagent de s’enfuir à Cadix, la ville natale de Gabriel. Mais le 2 mai, la capitale s’insurge, et Gabriel participe aux féroces combats des Madrilènes contre les Mamelouks de la Garde impériale à la Puerta del Sol (une boucherie déplacée dans le film à l’Arco de Cuchilleros). Inés est sauvée du peloton d’exécution par un autre amoureux, Juan de Dios, proche de l’occupant, tandis que Gabriel et l’oncle Celestino périssent fusillés.
Le film est une commande officielle d’Esperanza Aguirre, présidente du district de Madrid, pour commémorer à l’écran le bicentenaire de l’insurrection générale, en participation avec TeleMadrid. Le ministère confie l’entreprise au cinéaste José Luis Garci, auteur littéraire, critique et producteur internationalement encensé, ayant décroché l’Oscar du meilleur film étranger en 1982 pour Volver a empezar et trois autres nominations à la statuette d’or hollywoodienne en 1984, 1987 et 1998 ; son film El abuelo (1998) est déjà tiré d’un texte de Pérez Galdós. Garci a ses acteurs et collaborateurs attitrés, notamment Gil Parrondo, le talentueux décorateur de Patton de Franklin J. Schaffner en 1970 et de Robin and Marian de Richard Lester en 1976 ; le budget est confortable sans être écrasant (16,5 millions d’€), permettant de réunir jusqu’à 9000 figurants et 50 chevaux, mais, mauvais présage pour une œuvre commémorative, le tournage compliqué à Madrid et environs en retarde la sortie de cinq mois : on rate l’anniversaire. Garci soigne les apartés intimistes, bichonne ses dialogues, compose des tableaux d’une élégance discrète et aux éclairages veloutés ; mais sa narration se heurte à un scénario trop touffu (le film, qui fait plus de deux heures et demie, est sérieusement amputé pour l’exploitation en salle). En dépit de ce que promet le titre, le soulèvement madrilène lui-même est traité superficiellement, placé tout à la fin du film. On en mesure mal la férocité et l’ampleur (pas une image de la résistance au parc de Monteleón ou à la Porte de Tolède, ni du mitraillage du peuple sans armes devant le Palais Royal, scènes auxquelles le cinéaste aurait renoncé faute de capitaux). Garci cherche en priorité à montrer la confusion de la situation politique telle que vécue par le petit peuple, ignorant des desseins du palais, et par l’entourage direct du roi pris dans un écheveau d’intrigues en faveur ou contre lui (la bourgeoisie et l’aristocratie sont laissées de côté). Seule la population, abandonnée par ses gouvernants et l’armée, paie la facture du sang. Tout pertinent qu’il soit, ce constat désabusé ne suffit pas à remplir les cinémas : le film de Garci attire à peine 127 000 spectateurs et comptabilise une recette risible de 738 000 €. – Nota bene : le roman de Benito Pérez Galdós a déjà été adapté à la télévision en 1970 par Gustavo Pérez Puig (cf. supra).
2010Bruc. La llegenda / Bruc. El desafío (ES) de Daniel Benmayor
Telefónica Producciones (Barcelona)-Generalitat de Catalunya-Institut Català de les Indústries Culturals (ICIC)-Ikiru Films I.C.A.A.-Mesfilms-Televisió de Catalunya-El Toro Pictures, 85 min. – av. Juan José Ballesta (Bruc), Vincent Perez (Maraval), Astrid Bergès-Frisbey (Gloria), Santi Millán (De la Mata), Nicolas Giraud (Nouaille), Moussa Maaskri (Attab), Jérôme Le Banner (Baraton), Justin Blanckaert (Magne), Francesc Albiol (Dr. Ballart), Blai Llopis (Jaume), Albert Vidal (Nicolau), Marcel Borràs (Miquel), Cristina Coromina (Marti), Joan Bentallé (François Ames de Çua).
Synopsis : Été 1808 en Catalogne. Quelques centaines de villageois catalans menés par un certain Bruc ont infligé une humiliante défaite à la Grande Armée, la première (cf. Tambor del Bruch en 1948 et La leyenda del tambor en 1980). Fulminant de rage, Napoléon ordonne à Maraval, son meilleur chasseur de têtes, de lui ramener celle de Bruc, l’homme au tambour, et de venger l’affront fait à Son Impériale Majesté. (Le tambour est ici non un enfant, comme le veut la légende, mais un adulte.) Maravel exécute la famille et les compagnons de Bruc, mais le charbonnier catalan se révèle un redoutable adversaire qui, connaissant parfaitement le terrain, parvient à exterminer tous ses persécuteurs au cours d’une haletante poursuite, jusqu’au duel final, où Brac achève son tortionnaire.
C’est Rambo versus l’Empire ou le traqueur traqué. Il s’agit en fait d’un démarcage ibérique du western Chato’s Land (Les Collines de la Terreur) (1972) de Michael Winner où l’Apache Charles Bronson réglait ses comptes avec Jack Palance et ses tueurs. Historiquement absurde, violent, tape-à-l’œil (montage clip) mais divertissant. Un produit audiovisuel à classer dans la mouvance des indépendantistes catalans ? Filmé sur place à El Bruc, Castellterçol, Cerdanyola, Collbató, Marganell, Montserrat (comm. Barcelone), Arnes, Aiguamurcía (Tarragona) et Cañada Real. – Lauréat du Premio Gaudi (Barcelone) pour costumes, maquillages et direction de production, et 9 nominations (dont décors, photo, J. J. Ballesta). – GB : Legend of the Soldier, DE : Bruc – Napoleons blutige Niederlage.
2012*Linhas de Wellington / The Lines of Wellington / Les Lignes de Wellington (Débâcle) (PT/FR) de Valeria Sarmiento
Paulo Branco/Alfama Films-Clap Filmes-France 3 Cinéma, 151 min. – av. John Malkovich (gén. Arthur Wellesley, vicomte de Wellington), Marisa Paredes (Doña Filipa Sanches), Melvil Poupaud (maréchal André Masséna), Mathieu Amalric (gén. baron de Marbot), Elsa Zylberstein (sœur Cordélia), Nuno Lopes (sgt. Francisco Xavier), Vincent Perez (le peintre Henri Lévêque), Soraia Chaves (Martírio), Carloto Cotta (ltn. Pedro de Alencar), Victória Guerra (Clarissa Warren), Marcello Urgeghe (maj. Jonathan Foster), Jemima West (Maureen Percy), Afonso Pimentel (Zé María), Míguel Borges (Manuel Pena Branca), Filipe Vargas (Vicente de Almeida), Adriano Luz (Bordalo), João Luís Arrais (jeune autiste), Albano Jerónimo (l’abbé guérillero), Joana de Verona (Brites), Gonçalo Waddington (l’infirmier Eusébio Zanaga), Catherine Deneuve (Severina), Isabelle Huppert (Cosima Pia), Michel Piccoli (Leópold Scheitzer), Chiara Mastroianni (la hussarde, compagne de Masséna), Malik Zidi (Octave Ségur), Diogio Dória (vieux paysan), Maria Jõao Bastos (Maria de Jesus Almeida), Miguel Monteiro (cpt. Saavedra), Liliana Leite (porteuse d’eau).
Synopsis : Portugal, le 27 septembre 1810, lors de la troisième tentative napoléonienne d’envahir le pays (après Junot en 1807 et Soult en 1809). À Buçaco, les 65 000 hommes du maréchal Masséna sont tenus en échec par les 25 000 soldats de l’armée anglo-portugaise du général Wellington. Le sergent Xavier voit mourir son ami le caporal Percy, et son lieutenant, Pedro de Alencar, est entre la vie et la mort. Malgré la victoire, Wellington juge prudent de se retirer pour défendre la capitale à partir des Lignes de Torres Vedras, un complexe impressionnant de fortifications et de redoutes qu’il a fait construire dans le plus grand secret au nord de Lisbonne. La majeure partie de la population des régions que doit traverser l’armée française encombre les routes, Wellington appliquant la politique de la terre brûlée, les propriétés agricoles sont abandonnées, les biens ne pouvant être transportés détruits, le ravitaillement de l’ennemi devient difficile. Soigné par Doña Filipa, une riche veuve qui a refusé de quitter sa propriété à Coimbra, Alencar se prend d’amitié pour Bordalo, un poète accompagné de quelques déserteurs polonais qui s’adonnent à la guérilla et au pillage. Après diverses escarmouches et de nouvelles blessures, Alencar atteint les « lignes de Wellington » où il retrouve Bordalo. Tous les paysans des environs ont été réquisitionnés pour renforcer les fortifications. Masséna est surpris de découvrir pareil obstacle et, faute de renforts et de vivres, il lève le siège après quatre semaines, laissant derrière lui un campement peuplé de mannequins. C’est une victoire pour la coalition anglo-portugaise, mais le pays est exsangue.
Répondant à une commande de la région de Torres Vedras qui souhaite commémorer le bicentenaire de la résistance portugaise à Napoléon, le producteur Paulo Branco charge le scénariste Carlos Saboga de lui rédiger un scénario dont il confie la réalisation à son compère de toujours, Raúl Ruiz (les trois viennent de terminer Les Mystères de Lisbonne, 2010). Celui-ci met le film en chantier (repérages, casting, costumes, musique), puis décède du cancer le 19 août 2011. La réalisatrice chilienne Valeria Sarmiento, son épouse et monteuse, reprend les rênes de l’entreprise en suivant les pistes esquissées, mais en métamorphosant le récit distancié et ironique de Ruiz en aventure plutôt classique, au rythme pondéré (Branco aurait demandé à la cinéaste de revoir Guerre et Paix de King Vidor). À titre amical et en hommage à Ruiz, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Michel Piccoli et Chiara Mastroianni font une apparition brève et un peu surréaliste devant la caméra. On tourne sur place, à Lisbonne, Torres Vedras, Cintra, Folgosinho (Gouvela) et Obidos (Leiria). Les paysages sont composés comme des tableaux d’époque, en plans larges, avec des intérieurs aux délicates tonalités picturales, somptueusement éclairés, le tout étant inspiré par les toiles du peintre suisse Henri Lévêque – ou Henry L’Évêque (1769-1832) –, chargé jadis par Wellington de faire un travail de reconnaissance sur le terrain avant l’arrivée des armées.
Sarmiento parvient à trouver un souffle épique que le petit budget (3,5 millions d’euros) ne laissait pas espérer, créant une sorte de fresque intimiste fragmentée, un « carnet de guerre » sans batailles mais au goût d’amertume, fait de furtifs échanges entre militaires et civils, connus ou anonymes et de toutes conditions, paysans, fuyards, espions, profiteurs, mutilés qui disparaissent ou reviennent au gré de la progression géographique. Quelques femmes sortent du lot : la veuve fantasque sombrant dans la folie (admirable Marisa Paredes) ou la jeune Anglaise délurée (Victória Guerra) qui, seule, trouve le cran d’abattre un cheval blessé. Le lent voyage en direction des fortifications devient ainsi un périple dans le temps, fourmillant de petites histoires qui s’inscrivent dans la grande, d’images-souvenirs avec son lot de bestialités, de rencontres furtives, d’accouplements sans lendemain. Le regard est néanmoins politique, comme en témoigne d’entrée le portrait assez juste des deux principaux antagonistes : Masséna (Poupaud), jeune coq glaçant, et Welllington (Malkovich), plus pantin vaniteux que lord (il harcèle Lévêque pour qu’il lui fasse un portrait digne de sa grandeur et l’assomme avec sa recette culinaire du « bœuf Wellington »). Quant aux alliés « roastbeefs » de Londres, des « hérétiques protestants » (les Irlandais mis à part) dont l’intervention n’est pas désintéressée, ils sont rendus responsables de la présence des Français, et ne valent guère mieux : une jeune Portugaise est tour à tour violée par la soldatesque de Napoléon, puis par ses « sauveurs » britanniques. Aux yeux des autochtones, facilement manipulables, les Français sont tous soit des « Jacobins », soit des juifs, des francs-maçons ou des « antéchrists » que des curaillons défroqués et assoiffés de sang incitent à exterminer sans pitié. On tranche les têtes des ennemis tués pour en décorer la route vers Lisbonne. Pour ces maquisards analphabètes, David (le Portugal) terrasse Goliath (la France) grâce à sa fronde (l’Angleterre), mais ces rodomontades du désespoir ne cachent ni la misère ni l’épuisement d’une population en loques, souvent réduite à détrousser les cadavres, ni surtout l’épouvantable chaos social, religieux et idéologique dans le lequel le pays, lâchement abandonné par ses monarques, a été précipité.
C’est la qualité majeure de ce film choral pas entièrement maîtrisé (n’est pas Robert Altman qui veut), dépourvu de progression dramatique comme de dénouements satisfaisants, mais qui dresse un panorama très cru, saisissant, de l’exode massif, du déracinement et des dérèglements en cascade dont souffre le pays. Les épidémies et l’hiver rigoureux tuent les soldats par milliers : l’armée de Masséna perd environ 25 000 hommes entre octobre 1810 et mars 1811. Pour la même période, la population portugaise de la région compte 50 000 morts de faim et de maladie. Accessoirement, ce film a le mérite de faire redécouvrir un chapitre quasi inédit de l’épopée napoléonienne, une erreur de plus dans la stratégie française au sud des Pyrénées (dans le même contexte, cf. supra : A Caçada do Malhadeiro de Quirino Simões, 1967). – Première mondiale lors de la 69 e Mostra de Venise, festivals de Toronto, Londres, New York, Hong Kong et San Sébastian 2012. Globe d’Or (Lisbonne) 2013 pour Victória Guerra et Nuno Lopez (nominations pour V. Sarmiento, P. Branco). Prix de la Société portugaise des Auteurs pour le scénariste Carlos Saboga. L’œuvre sort à la télévision remontée en série de 170 minutes, à trois épisodes, avec le titre de As Linhas de Torres Vedras (RTP1 31.3.13). Episodes : 1. « Despuès de la batalla – 2. « Tierra quemada » – 3. « Torres Vedras ». – DE : Lines of Wellington – Sturm über Portugal.
2016(tv) El Monasterio del Tiempo (ES) de Jorge Dorado
Série "Il ministerio del tiempo" (épis. 12), Radiotelevisión Española, Madrid (TVE 7.3.16), 70 min. - av. FERNANDO CAYO (Napoléon), Jordi Martínez (le maréchal Ney), Hovik Keuchkerian (Juan Martín Díez, dit "El Empecinado"), Aura Garrido (Amelia Folch), Nacho Fresneda (Alonso de Entrerríos), Nadia de Santiago (Rosa del Amo), Francesca Piñón (Angustias).
Une série de science-fiction relatant les tentatives de modifier l'histoire de l'Espagne en voyageant dans le temps. - Noël 1808, Napoléon passe la nuit dans l'abbaye de Santa Clara de Tordesillas, ou ses troupes arrêtent trois insurgés. L'un deux étant l'ancêtre du futur président Adolfo Suárez, l'abbesse fait tout pour le sauver.