Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE
14. NAPOLÉON ET LA RUSSIE
Le 13 juin 1812, la Grande Armée, un demi-million d’hommes, franchit le Niémen (Vojna i mir / Guerre et Paix de Sergueï Bondartchouk, 1967).
14.2. La cauchemardesque campagne de Russie (1812)
En juin 1812, Napoléon arrive sur les rives du Niémen avec 691 500 hommes, la plus grande armée jamais rassemblée en Europe, réunissant des contingents français (340 000 hommes), bavarois, westphaliens, prussiens, autrichiens, saxons, polonais, suisses, néerlandais, belges, italiens, espagnols, croates, portugais, etc., au total vingt-cinq nations. Napoléon croit que face à pareille mobilisation, le tsar ouvrira aussitôt des négociations et que les opérations militaires se limiteront à la Pologne, un des enjeux du conflit. Il compte que les serfs de Lituanie se soulèveront contre leurs seigneurs à l’approche de ses troupes et que le rouble s’effondrera. Sa stratégie repose sur des opérations rapides conclues par une victoire décisive, or les Russes, répartis en deux armées que commandent Barclay de Tolly et Bagration, craignent l’affrontement et se dérobent sans cesse, attirant ainsi de plus en plus l’ennemi à l’intérieur du pays. Napoléon est forcé d’étirer ses lignes de communication et de laisser derrière lui près de 100 000 soldats pour sécuriser les régions occupées. La destruction de récoltes, d’entrepôts et de magasins de vivres, qui pourrait laisser croire à une tactique concertée de la terre brûlée par les Russes (ce qui ne fut pas le cas) entrave dramatiquement l’approvisionnement de la Grande Armée tout en acculant les autochtones à la famine. La Grande Armée est épuisée par les marches forcées et les étapes trop longues. Les désertions, notamment parmi les contingents non français, augmentent et les pluies diluviennes de juillet freinent la progression des véhicules. La ville de SMOLENSK est dévastée (16 août), mais, échappant à l’encerclement, l’armée impériale russe continue à reculer.
L’affrontement tant attendu a lieu sur la MOSKOVA, près du village de BORODINO (7 septembre), à 150 km de Moscou, où l’attend Koutouzov, le nouveau commandant en chef des armées du tsar. Napoléon enfonce ses redoutes mais remporte une victoire indécise, à la Pyrrhus, car s’il reste maître du terrain, ses pertes (env. 28 000 morts) ne peuvent être remplacées, contrairement aux 52 000 morts, blessés ou disparus de l’adversaire (45 % des effectifs russes). Refusant d’envoyer la Garde impériale au feu (« à 800 lieues de la France, on ne risque pas sa dernière réserve »), il ne parvient pas à écraser définitivement Koutouzov, ce dernier étant contraint à un repli désordonné vers l’est. Le 14 septembre, la Grande Armée prend ses quartiers à MOSCOU et découvre une ville presque entièrement désertée : pris de panique, 290 000 habitants, y compris fonctionnaires, police, nobles et marchands, ont quitté les lieux à la suite des troupes de Koutouzov ; seuls sont restés 2,3 % de la population, 6000 civils et quelque 20 000 blessés russes de la Moskova abandonnés à leur sort (14 septembre). La capitale religieuse de Russie étant conquise, Napoléon perd six semaines à attendre d’Alexandre des offres de paix qui ne viennent pas. Le comte Rostopchine, gouverneur de Moscou, donne l’ordre de mettre le feu à la « ville sainte » (ce qu’il niera plus tard), compromettant la situation des Français sur place. Un gigantesque incendie détruit les trois quarts de la capitale (la majorité des blessés de guerre russes auraient péri dans les flammes), Rostopchine ayant fait retirer toutes les pompes à eau. La propagande russe attribue le brasier sacrilège aux « envahisseurs barbares », suscitant désarroi et colère dans tout le pays, et cimentant définitivement la population autour de ses dirigeants (honni par ses compatriotes, Rostopchine finira ses jours en France !). L’incendie s’éteint après quatre jours, seul un cinquième des maisons et édifices restent debout, mais les provisions de l’armée n’ont pas brûlé. Lorsque Napoléon envisage alors de marcher sur Saint-Pétersbourg, la capitale politique, ses maréchaux s’y opposent. Las de rester inactif, il donne l’ordre de la retraite, en dépit des approvisionnements qui lui auraient peut-être permis de passer l’hiver à Moscou. Le 19 octobre, les Français quittent la ville avec une armée encore forte de 110 000 combattants, mais insuffisamment prémunie contre le froid. Vingt-cinq jours plus tard, elle sera réduite à une véritable « cohorte de fantômes ».
Le drame survient entre le 23 et le 25 octobre sur la route de Kalouga, lorsque Koutouzov, qui a refourni son armée, fait barrer la route des Français aux abords de la rivière Louja ; le village de MALOÏAROSLAVETS est pris et repris six fois, mais l’avant-garde de la Grande Armée, commandée par Eugène de Beauharnais, ne peut s’assurer une tête de pont solide sur l’autre rive. Les renforts de l’armée du Danube et du corps de Finlande, quelque 144 000 hommes, bloquent l’avancée française vers le sud. Napoléon lui-même échappe de peu à la capture par les cosaques en cherchant un passage sur la Louja, et décide de bifurquer sur la route de Mojaïsk déjà empruntée à l’aller, ce qui signifie retraverser des campagnes déjà pillées et dévastées, sans possibilité de ravitaillement. Rien n’eût été perdu si Napoléon avait pris une autre route. Koutouzov retient l’armée régulière. L’hiver précoce, la faim, l’état sanitaire, les affections épidémiques et le harcèlement incessant des cosaques, des unités partisanes ou de la paysannerie en armes font des ravages, les effectifs fondent rapidement, entre prisonniers, déserteurs ou, dans la majorité des cas, victimes d’une température qui descend de moins vingt à moins trente-sept début décembre. Une mort souvent très cruelle attend les prisonniers tombés entre les mains des partisans.
Le tsar et Koutouzov comptent anéantir et capturer « l’Antéchrist » lors du passage de la BÉRÉZINA (26-29 novembre) par l’unique pont subsistant, à Borissov où sont massées les forces de l’amiral Tchitchagov. Ayant appris l’existence d’un gué à Stoudianka, à 15 km au nord, Napoléon y fait établir en secret deux ponts de chevalet tout en bernant Tchitchagov par une brillante manœuvre de diversion. Pendant la nuit du 26 au 27, il échappe ainsi à l’encerclement et parvient à se sauver ainsi que son état-major au complet, ses dix maréchaux, la Garde et toutes les unités combattantes (quelque 60 000 hommes), au prix d’effroyables sacrifices, notamment parmi les régiments suisses et les 400 pontonniers néerlandais et tessinois du général Éblé. Toutefois, cette victoire tactique est chèrement payée : les tirs de l’artillerie russe s’intensifient avec les heures qui passent ; des milliers de traînards sans armes, des civils, hommes, femmes et enfants (beaucoup sont des Français installés à Moscou avant la guerre), engourdis par le froid, ont attendu la levée du jour du 29 pour traverser la rivière et sont massacrés par les cosaques, car Éblé fait sauter les ponts derrière lui pour empêcher toute poursuite. La division Partouneaux s’égare et est capturée. Le 5 décembre à Benitsa, ayant appris que le général Malet et des conspirateurs royalistes avaient fomenté un coup d’État à Paris, Napoléon rentre d’urgence en France, accompagné de Caulaincourt et escorté par un important détachement de cavalerie. Il laisse le commandement des restes de la Grande Armée à Murat qui repasse le Niémen le 13 décembre 1812. L’évaluation des pertes napoléoniennes en Russie reste sujet à caution, faute de sources précises : on estime de 200 à 250 000 morts et disparus, de 150 à 190 000 prisonniers et 50 000 déserteurs. Trois mille officiers sont disparus, dont 57 généraux ; les officiers subalternes et les sous-officiers perdus sont dix fois plus nombreux. Les erreurs d’appréciation tactiques et psychologiques de Napoléon, l’échelle démesurée du théâtre d’opérations et le « général hiver » auront eu raison de cette entreprise démente. Du côté russe, on évalue à 300 000 le nombre de morts ou de blessés, dont 175 000 au combat.
1907 | L’Estafette (FR) de Louis Feuillade Établissements Gaumont S.A. (Paris), 180 m. – « Episode burlesque de la grande épopée napoléonienne », situé en pleine retraite de Russie. Enfoui dans une épaisse fourrure, Napoléon confie un message vital à une estafette, capitaine de sa Garde. En cours de route dans la neige, l’homme épuise sa monture et doit poursuivre sa mission à pied. Il trouve refuge dans une isba isolée où une boulangère prépare du pain. Il la surprend, l’attache et la cache dans le pétrin après avoir endossé ses vêtements et son foulard, car dehors, une escouade de cosaques a découvert son cheval mort. Il a juste le temps d’avaler le pain cuit. Les Russes s’installent pour la nuit dans la cabane, interrogent la fausse boulangère à propos de la monture française et, affamés, mangent les bougies. En cours de soirée, le capitaine, démasqué, jette deux cosaques dans le four à pain et se débarrasse des autres à coups de sabre. Il détache la boulangère et s’enfuit avec un cheval russe. Le récit de ses prouesses provoque l’hilarité générale dans l’état-major de Napoléon, et celui-ci remet à l’estafette sa propre Légion d’honneur. |
1910 | Un épisode de 1812 (FR) de Ferdinand Zecca et Camille de Morlhon Pathé Frères S.A. (Paris) (« Série d’Art ») no. 3692, 260 m. (14 tableaux). – av. MAXIMILIEN CHARLIER (Napoléon), Georges Wague (Jean Gratien), Mylo d’Arcyle (Lise Morand, la fiancée), Blanche Alix (Mme Gratien, la mère). Le jour de ses fiançailles, Jean Gratien, un paysan, est appelé sous les drapeaux et mobilisé pour la Russie. Le jeune homme meurt en sauvant le drapeau français à la Bérézina ; agonisant, il tend l’étendard tricolore à l’Empereur, qui est bouleversé. Obéissant aux dernières volontés du décédé, Napoléon, de retour en France, recherche sa vieille maman et lui remet la Légion d’honneur que son fils a gagnée par son sacrifice, et à la fiancée un petit crucifix en or. Il est contrit face à la douleur des deux femmes, peine à retenir ses larmes et disparaît sans un mot, suivi de son état-major ... Filmé dans les studios de Joinville-le-Pont. – DE : Episode aus der Zeit Napoleons 1812. |
1910 | In tempo di guerra (En temps de guerre) (IT) Società Italiana Cines, Roma, 290 m. – Pendant la retraite de Russie, Nadeja, une jeune paysanne charitable et pieuse, sauve une patrouille française qui est en train de mourir de faim. Elle mène les soldats dans une caverne où les fermiers de la région ont caché leur nourriture. Ayant découvert cela, son père la chasse. Nadeja erre dans la neige ; elle est capturée par des Français qui la prennent pour une espionne et vont la fusiller, mais le sergent de la patrouille qu’elle a sauvée intervient en sa faveur, la prend sous sa protection et, de retour en France, l’épouse. – GB : In Time of War. |
1910 | Napoleon v Rossij (Napoléon en Russie) (RU) de Vassili Gontcharov et Inna Makarova Établissements Gaumont/Gomon Rouss (Moscou), 2 bob. /310 m. – av. VLADIMIR KRIVTZOV (Napoléon), Andreï Gromov, Piotr Tchardynine, Aleksandra Vladislavovna Slavina. Sujet franco-russe tourné à Moscou dans la nouvelle fabrique de films de Louis Gaumont, spécialisée dans le film historique. Gontcharov reprendra le sujet deux ans plus tard pour la concurrence, les Frères Pathé. – DE : Napoleon in Russland 1812, Napoleons Feldzug in Russland. |
1910/11 | *Il granatiere Roland (Campagna di Russia 1812 / La ritirata dalla Russia / Il passaggio della Beresina) (Roland le Grenadier. Retraite de Russie 1812) (IT) de Luigi Maggi « Serie d’oro » S. A. Ambrosio Film (Turin), 374 m. (env. 15 min.). – av. Alberto A. Capozzi (Roland), Mary Cleo Tarlarini (Hélène), Mario Voller Buzzi (le hussard), Gigetta Morano (la vivandière), Ernesto Vaser (La Feuillée, l’aubergiste), ARRIGO FRUSTA (Napoléon), Giuseppe Gray (ltn. Henry), Oreste Grandi, Norina Rasero, Ercole Vaser. Synopsis : De retour du Portugal après la chute de la forteresse d’Almeida en 1811, le grenadier Roland rentre dans son village et se repose à l’Ostellerie du Petit Caporal où son ami La Feuillée lui apprend que sa fiancée Hélène, lasse de l’attendre, en a épousé un autre, un officier. Effondré, Roland rallie la Grande Armée en partance pour la Russie. Il dirige une petite escouade de l’avant-garde sous le commandement du lieutenant des hussards Henry, que sa femme – Hélène – rejoint en troïka. Après l’incendie de Moscou, c’est la retraite. Généreux, Roland s’occupe d’Hélène et de son mari blessé à Borodino, qu’il soigne et nourrit. À la Bérézina, il parvient à faire transporter le couple sur l’autre rive, tandis qu’il reste héroïquement en arrière avec une poignée de camarades pour retenir les Russes. Le lendemain matin, les corbeaux survolent son cadavre dans la neige. Ce repère de la production muette italienne, retraçant le point de vue d’un simple soldat de la Grande Armée, n’est plus filmé devant des toiles peintes, mais en décors naturels dans le Piémont : devant des bâtisses d’époque à Turin, et à San Maurizio Canavese, sur un vaste terrain d’exercice militaire enneigé, avec près de 600 figurants et une centaine de cavaliers devant la caméra. Les intérieurs – l’isba, le salon du Kremlin et son panorama de Moscou peint par Decoroso Bonifanti et Paolo Borgogno – sont enregistrés aux ateliers Ambrosio de Borgo Dora, via Cantania ; Maggi réutilise les costumes et uniformes napoléoniens de Il debito dell’imperatore qu’il vient d’achever. La presse de l’époque, dans tous les pays d’Europe comme aux États-Unis, est dithyrambique, saisie par le réalisme alors rarement vu des images, fouettées par le vent glacial et les flocons de neige, la mise en scène concise (utilisant largement la profondeur de champ), la composition des plans et les longs panoramiques qui arpentent le paysage, dont la blancheur létale devient un élément essentiel de l’action (photo : Giovanni Vitrotti). Luigi Maggi avait dirigé la toute première version de Gli ultimi giorni di Pompei pour Ambrosio, deux ans auparavant. Napoléon est incarné par le poète (et scénariste du film) Arrigo Frusta, nom de plume de l’avocat piémontais Sebastiano Augusto Ferraris, qui a rasé sa moustache pour l’occasion. Quant à l’ingrate Hélène, elle est jouée par Mary Cleo Tarlarini, la première grande diva du cinéma italien. – US, GB : Grenadier Roland, DE, AT : Roland der Grenadier. |
1912 | The Emperor’s Messenger (GB) de Hay E. Plumb Cecil Hepworth/Hepworth Manufactoring Co., 290 m. – av. Jack Hulcup (ltn. Rentz), Claire Pridelle (Bessie), JOHNNY BUTT (Napoléon), Harry Royston. La fille d’un aubergiste sauve un messager de l’Empereur menacé par des cosaques. Bande d’aventures filmée aux studios de Walton-on-Thames (Surrey), avec le tout premier acteur de cinéma britannique rémunéré, Johnny Butt, dans le rôle de Napoléon. |
1912 | 1812 God (Tyssiatcha vossemsot dvenadzaty god) / Otechestvennaja vojna / Nachestvie Napoleona / Borodinskij boj [L’Année 1812 / La Guerre patriotique / L’Avance de Napoléon / La Bataille de Borodino] / FR : La Retraite de Russie (RU/FR) de Vassili Gontcharov, Kai Hansen et Aleksandr Uralsky Aleksandr Khanjonkov & Co.-Pathé Rouss (Moscou), 1300 m. / France : 650 m./env. 50 min. – av. PAVEL KNORR et VASSILI SEREZHNIKOV (Napoléon), Vladimir Gardine, Aleksandr [Andreï] Gromov, Nikolaï Vekov, Aleksandra Gontcharova, Valerij Tcheretchnikov, Nikolaï Semionov, Olga Petrova Zvantseva, Vassili Gontcharov, Baburina (femme dans l’armée française). Une suite de scènes historiques datées avec précision, qui commence par la rencontre de Koutouzov avec des moujiks dans un village près de Gjatsk, le 17 août 1812, puis enchaîne avec Napoléon embrassant affectueusement le portrait du Roi de Rome à la veille de Borodino-Moskova (26 août) ; suivent notamment le prince Bagration, mortellement blessé, qui passe le commandement des troupes à Konovitsyne ; la femme du général Touchkov cherchant le corps de son mari sur le champ de bataille ; le conseil de guerre à Fili (1.9.) où Koutouzov explique à son état-major que « la perte de Moscou ne signifie pas la perte de la Russie » ; le comte Rostopchine appelle le peuple à « défendre le cœur de la Russie » ; l’entrée de Murat dans Moscou (2.9.), de Napoléon au Kremlin (3.9.) puis à Pedrovorets (4.9.) ; Moscou livrée au pillage des maraudeurs, l’exécution des incendiaires ; Napoléon avance avec peine dans les rues brûlantes de la capitale, cherchant en vain à obtenir d’Alexandre « la paix à tout prix ! » ; les partisans attaquent dans la neige, la staroste Vassilissa convoie des prisonniers français ; Napoléon reçoit des mauvaises nouvelles de Paris et décide de rentrer (22.11.). Le film s’achève sur une note inattendue. Deux authentiques survivants de la « guerre patriotique » fixent l’objectif des cinéastes : S.V. Jousk, 118 ans, habitant du village de Chavelka (région de Vitebsk), et E. I. Jernosenkova, 115 ans, paysanne du village d’Irinova (Moguilev). L’invasion napoléonienne vue par les Russes (Khanjonkov est le distributeur exclusif du Film d’Art pour la Russie), mais cofinancée et exploitée mondialement par les Français. Selon la publicité d’époque, ce film célébrant le centenaire de la terrible campagne est exécuté avec le concours de l’armée russe dans le décor exact des événements (sous la supervision du colonel et historien Afanasiev Afonsky). Plusieurs plans sont des reproductions fidèles du cycle des tableaux napoléoniens de Vassili Vassiliévitch Verechtchaguine, archiconnus en Russie et exposés au Musée historique à Moscou : Napoléon sur les hauteurs de Borodino (1897), Le Kremlin en feu (1898), Mauvaises nouvelles de France (1895), Le Moscou conquis : Exécutions au Kremlin (1898) et Napoléon et le général Lauriston : La paix, coûte que coûte ! (1900). Comme les firmes Khanjonkov et Pathé tournent séparément, l’une les batailles, l’autre les scènes du Kremlin, chacune utilise un interprète de Napoléon différent. Le décorateur Sabinsky fait construire des maquettes reconstituant l’incendie de Moscou ; l’entrée de Napoléon dans la capitale est filmée en décors réels, sur la future Place Rouge. Les intérieurs sont fabriqués dans les studios de Pathé Rouss sur la chaussée Peterbourgskaïa (Tverskaya Zastava). Gontcharov utilise des mannequins pour les soldats français morts de froid et cache de la viande à l’intérieur des uniformes afin d’attirer les loups ; ainsi, le public russe peut se rendre compte de la contribution de ces prédateurs à la défense de la patrie ... La première du film a lieu à Moscou le 20 juillet 1912 en présence de hauts dignitaires civils et militaires, puis le 25 août, veille de l’anniversaire de la bataille de Borodino-Moskova, dans toutes les grandes villes de Russie. Un succès public prodigieux (seul un fragment de 32 min. a survécu). Cette même année, le producteur Khanjonkov sort Vojna i mir (Guerre et Paix) d’après Tolstoï (cf. infra, p. 554), également confinancé avec Pathé. – DE : Napoleons Rückzug aus Russland, US : The Retreat from Moscow. |
1912 | Napoléon, Bébé et les cosaques (FR) de Louis Feuillade Établissements Gaumont S.A. (Paris), 304 m. – av. Clément Mary [= René Dary] (Bébé), ÉMILE KEPPENS (Napoléon), Paul Manson (Floridor), Renée Carl (Mme Arthémise). Synopsis : Le 6 septembre 1812, à l’aube de la bataille de Borodino-Moskova, des cosaques attaquent l’arrière-garde d’un convoi en provenance de Paris et volent le portrait du Roi de Rome peint par Gérard et destiné à l’Empereur. Napoléon est d’humeur massacrante. « Le blondin du Petit Caporal est tombé aux mains de l’ennemi ! » murmurent les bivouacs. Bébé, sept ans, le jeune fils de Floridor et Arthémise, cantiniers au premier régiment des Grenadiers à pied de la Garde, est la mascotte de la troupe. Grognard en herbe, il frappe d’habitude le tambour en marchant devant la colonne avec une poignée de camarades de son âge, mais ce jour-là, la nourriture se fait rare, les grenadiers ont le ventre vide et Bébé décide d’aller seul aux provisions. Dans une ferme isolée, il attrape un lapin de garenne, puis croise deux grands cosaques affamés qui transportent le précieux tableau. Il échange sa musette contre la toile de Gérard. De retour au bivouac, Bébé apporte le portrait du Roi de Rome à l’Empereur qui lui pince l’oreille (« Mon brave ! ») et lui offre une prise de tabac. Le lendemain, sur ordre impérial, les troupes défilent devant le portrait de l’Aiglon avant de partir au combat. Élève-tambour du Premier Régiment de la Garde, Bébé est triomphant. Napoléon exulte, la bataille peut commencer sous de bons auspices ... « Si vous voulez qu’un film se vende, conseillait Feuillade à ses jeunes confrères, mettez, parmi les acteurs, un enfant ! » Bébé alias Clément Mary a quatre ans quand le cinéaste le découvre. Séduit par son génie comique, son jeu naturel et ses mines roublardes de garnement précoce, il en fait le premier enfant héros d’une série cinématographique. Bébé va devenir la star immensément populaire de 77 comédies de Feuillade, toujours entouré de ses parents de cinéma, Renée Carl et Paul Manson. Film tourné dans les studios Elgé aux Buttes-Chaumont (Paris). – DE : Napoleon, Fritzchen und die Kosaken, GB : Napoleon, Bobby and the Cossaks. |
1912 | Les Deux Grenadiers (FR) Établissements Gaumont S.A. (Paris), 221 m. – Lors de la retraite de Russie, Napoléon, sombre et pensif, chemine lentement dans la neige . Bellecourt et Toussaint, deux grenadiers affectés à l’arrière-garde, sont faits prisonniers par les cosaques. Nadia, la fille d’un chef cosaque, prend pitié d’eux, s’efforce de les soustraire aux rigueurs de la captivité et finit par leur rendre la liberté. Après des semaines de marche, les deux grenadiers atteignent la frontière allemande. Dans une auberge, ils apprennent l’abdication de leur Empereur et, incrédules, se battent à coups de poing contre les habitants avant de poursuivre leur route, exténués. Toussaint meurt d’épuisement, mais avant de rendre l’âme, il fait jurer à Bellecourt qu’il sera enseveli en terre française avec son uniforme et son fusil, car le jour venu, il veut pouvoir quitter sa tombe et défendre l’Empereur. Et effectivement, lorsque Napoléon s’enfuit de l’île d’Elbe, le fantôme du grenadier rejoint les rangs de la nouvelle armée en marche vers Paris ... La mystique napoléonienne entre délire romantique et surréalisme, d’après le poème Die Grenadiere de Heinrich Heine (1822), mis en musique par Robert Schumann, puis Richard Wagner. |
1923 | 1812 – Gräfin Vandières (Adieu) (DE) de Josef Berger Union-Film-Co. mbH (München), 1846 m. – av. Dary Holm (la comtesse Stéphanie de Vandières), Rudolf Basil (col. Philippe de Sucy), Rolf Pinegger (baron de Durande), Jack Mylong-Münz (gén. de Vandières), JOSEF BERGER (Napoléon), Ernst Schrumpf (Fleuriot, grenadier de la Garde), Carl Neubert (Dr. Fanjat), Julius Berger (Jean Petit, le tambour). Synopsis : Royaliste intraitable, le baron de Durande complote pour éliminer Napoléon. Le major Philippe de Sucy, l’ami d’enfance et l’unique amour de Stéphanie de Durande, la fille du baron, reçoit l’ordre d’arrêter les conspirateurs qui sont condamnés à mort. Le docteur Fanjat, le médecin de famille, suggère à Stéphanie d’implorer la clémence de l’Empereur ; celui-ci accepte de gracier Durande si sa fille épouse le vieux général d’Empire de Vandières. Elle accepte la mort dans l’âme, mais une fois la bénédiction prononcée, elle apprend que son père, refusant son sacrifice, a préféré se suicider. Vandières comprend, se retire : leur mariage restera blanc. Inconsolable, cantonné pendant des années en province, le colonel de Sucy décide en 1812 de partir pour la Russie avec la Grande Armée et d’y mourir sur le champ d’honneur. Il prend congé de Stéphanie. Vandières, qui a assisté à la scène, se joint à lui, et Stéphanie les accompagne tous deux à Moscou. Lors de la retraite, Sucy, qui commande un détachement de l’arrière-garde, découvre Stéphanie et son époux malade dans une cabane. Il offre son cheval à la comtesse, ses grenadiers transportent le général jusqu’aux rives de la Bérézina. Trop tard : les ponts sont détruits, les cosaques attaquent, Sucy défend les fuyards, le radeau transportant Vandières sombre sous les yeux horrifiés de son épouse qui hurle « Adieu ! » depuis l’autre rive. Traumatisée par tant d’horreurs, elle perd la mémoire. Sucy, qui est resté prisonnier en Russie pendant six ans, la retrouve en 1819 dans son château, mais elle ne le reconnaît pas et, hagarde, ne cesse de répéter le mot « Adieu ». Sur conseil du docteur Fanjat, Sucy reconstitue le drame de la Bérézina sur le domaine des Vandières et la thérapie de choc porte ses fruits : guérie, Stéphanie se réfugie dans ses bras. Une adaptation libre de la nouvelle Adieu d’Honoré de Balzac (1830), parue dans La Comédie humaine. Le romancier concentre son récit sur la période de 1819, le choc de Sucy en découvrant Stéphanie, ses diverses tentatives de lui faire recouvrer la raison, la mort brutale de la jeune femme confrontée à son passé et, dix ans plus tard, le suicide de son amoureux, devenu général sous Charles X mais « abandonné de Dieu ». Auparavant, l’épisode russe aura fait la matière d’un long retour en arrière, tandis que le film, lui, développe le récit de manière linéaire, opte pour un happy-end, rajoute le mariage sacrificiel du début et soigne en particulier la débâcle dans les neiges, en s’inspirant notamment des tableaux d’Yvon et de Faber du Faur. Son interprète principale, Dary Holm, est l’épouse et partenaire fréquente de l’acteur, cascadeur et réalisateur Harry Piel. |
1927 | Stolzenfels am Rhein. Napoleon in Moskau (Ein Film aus Deutschlands schwerer Zeit 1812 / 1813) (DE) de Richard Löwenbein Hegewald-Film GmbH (Berlin). – av. Eduard von Winterstein (Matthias Sebald), Maria Minzenti (Josepha Sebald, sa fille), Grete Reinwald (Marie, sa servante), Angelo Ferrari (Balthasar), Carl de Vogt (major Wenzel von Geyr), Harry Gondi (Fritz, son ordonnance), Henrich Pohl (maréchal Gebhard von Blücher), Heinrich Peer (Doanzan, préfet de Coblence), Louis Ralph (cpt. Mervel), Harry Frank (prince Fédor Grekov), Helen von Münchhofen (Katia, princesse Grekov, sa sœur), EGON VON HAGEN (Napoléon), Emil Rameau (Joachim Murat, roi de Naples), Friedrich Berger (Armand de Caulaincourt), Henry de Vries (gén. Louis-Alexandre Berthier), Walter Lingner (ltn. Mortier). Synopsis : Printemps 1812. L’hôtel Cron, la vénérable auberge de Matthias Sebald à Stolzenfels, sur les rives du Rhin près de Coblence, est un lieu de ralliement secret des patriotes allemands. Politiquement, les Rhénans sont divisés, une partie de la population sympathise avec Napoléon. Josepha, la fille de l’aubergiste, est courtisée par Balthasar, un riche collaborateur des Français, mais son cœur bat pour le major prussien Wenzel von Geyr, un agent du baron rebelle vom Stein qu’elle a soustrait à la police de Coblence. Il doit cependant renoncer à son activité subversive sur ordre de Frédéric-Guillaume de Prusse, qui est forcé de mettre 20 000 hommes à disposition de Napoléon pour la guerre contre la Russie. Nommé représentant du roi au sein de l’état-major français et fort de sa nouvelle autorité, Wenzel empêche l’arrestation de Josepha, se fiance avec elle et part pour la Russie. La victoire de Borodino-Moskova ouvre les portes de Moscou. Wenzel et son ordonnance Fritz prennent leurs quartiers dans le palais princier des Grekov, où la troublante princesse Katia distrait l’occupant (elle danse pour Murat !) tandis que, dans les souterrains, son frère Fédor met au point l’incendie systématique de la ville. Attendri par Wenzel, Katia cherche à l’avertir du danger imminent. Trop tard : Moscou brûle, les incendiaires sont fusillés, Fédor meurt l’arme à la main. Wenzel aide Katia à s’enfuir, mais celle-ci se jette sur Napoléon dans la vaine tentative de le tuer et périt à son tour. Wenzel et Fritz survivent miraculeusement à la retraite de la Grande Armée et rentrent à Stolzenfels au moment où Josepha, surprise avec des tracts antifrançais, est arrêtée et condamnée à mort sur dénonciation de Balthasar, auquel elle s’est refusée. Wenzel la fait libérer. Entre-temps, la Prusse se rallie à la Russie victorieuse, Napoléon se retire après sa défaite à Leipzig. En décembre 1813, Blücher entre en Rhénanie avec ses hussards. À Coblence, Balthasar paie le prix de sa trahison. Le 1 er janvier 1814, Blücher, sur le point de franchir le Rhin, bénit personnellement l’union de Wenzel, promu colonel, et de Josepha à Stolzenfels. Une vaste saga nationaliste (« les temps difficiles de l’Allemagne »), un peu décousue et dont le double titre, mêlant Stolzenfels à Moscou, prête à confusion. L’auteure du scénario, la productrice-réalisatrice Marie-Louise Droop, disciple exaltée et amie de Karl May, célèbre avec insistance la loyauté de la Rhénanie à la cause panallemande (entendez : prussienne), en 1927, une région toujours occupée par les troupes franco-anglo-belges. Son propos ne peut toutefois dissimuler une certaine admiration pour Napoléon, le grand chef de guerre. Droop adhérera en 1931 à la Ligue des femmes national-socialistes (NS-Frauenschaft) et travaillera dans les services secrets de la Wehrmacht sous les ordres de l’amiral Canaris. Quant à Egon von Hagen, il a déjà interprété Napoléon dans la comédie Der kleine Napoleon (1922) de Georg Jacoby (cf. p. 367). |
1929 | Diane – Das Schicksal einer Pariserin im Feldquartier (En 1812) (DE) d’Erich Waschneck Olga Tschechowa/Tschechowa-Film GmbH (Berlin), 2358 m. – av. Olga Tschechowa (Diane de Lasalle), Pierre Blanchar (ltn. Gaston Mévil), Henry Victor (col. Guy de Lasalle), Peter Voss (cpt. Rambaud), Boris de Fast (gén. prince Gagarine), Hans Adalbert Schlettow (comte Orloff), Mario Gerth (femme de chambre), Hubert von Meyerinck (Tichon), Alexej Bondireff (chirurgien du régiment), Ekkehard Arendt, Gaston Briese, Otto Kronburger, Theodor Loos, Emil Heyse, Hanns Schuster, Mikhail Rasumny, Hermann Speelmans. Synopsis : En octobre 1812, Guy de Lasalle, un colonel de la Grande Armée cantonné à Tchamtcheva près de Smolensk, apprend avec inquiétude que Napoléon a donné l’ordre de la retraite, car il attend l’arrivée de sa femme, Diane, et de sa petite fille, autorisées à le rejoindre. Il charge le lieutenant Mévil d’intercepter le traîneau de Diane et de la ramener à Smolensk. Mais cette dernière a été attaquée par des pillards qui la gardent en otage dans une isba. Mévil la libère et reconnaît en l’épouse de son colonel son ancienne fiancée : lasse de l’attendre, elle s’est mariée avec un autre. Un pillard le blesse d’un coup de pistolet et s’enfuit, les cosaques du capitaine Orloff capturent le couple et le ramènent au quartier général du prince Gagarine, aide de camp d’Alexandre I er, à Tchamtcheva. Diane accepte une invitation à dîner du prince dans le dessein d’adoucir la captivité de Mévil. Gagarine et Orloff rivalisent d’attentions pour séduire Diane. Entre-temps, Lasalle apprend la disparition de sa femme et découvre dans ses effets personnels un portrait miniature de Mévil. Il craint le pire. Mais Mévil décède de ses blessures ; Diane et son enfant s’enfuient vers Smolensk, protégés par un convoi de blessés. Le convoi est décimé par les cosaques, mais Lasalle retrouve sa petite famille vivante, cachée dans la neige. Ce récit du « sort d’une Parisienne dans l’état-major » (titre), imaginé par Rolf E. Vanloo (l’auteur d’Asphalt de Joe May, 1929), est conçu pour mettre en valeur la beauté de son interprète-productrice russo-arménienne, Olga Tschechowa, l’irrésistible femme fatale du cinéma allemand des années 1920/30. Le comédien français Pierre Blanchar, qui interprétera Napoléon dans le film anglais A Royal Divorce en 1938 (cf. p. 50) lui donne la réplique. Tourné aux ateliers Terra de Berlin-Marienfelde et dans le Brandebourg enneigé entre décembre 1928 et janvier 1929, Diane ne récolte qu’un succès d’estime ; la presse lui reproche d’avoir réduit l’épouvantable retraite à quelques images sans ampleur pour ne décrire que les tribulations d’une jolie femme dans un pays en guerre, en cultivant les clichés habituels (les Français sont galants, les Russes boivent et dansent, etc.). – IT : Nel turbine imperiale. |
1934 | Δ [épisode] Un soir à la Comédie-Française – 1. La Maison de Molière (FR) de Léonce Perret ; Films T. F. et J. de Maistre/Levy-Strauss, 30 min. – av. ÉMILE DRAIN (Napoléon). – Le 12 octobre 1812, Napoléon signe l’acte constitutif de la Comédie-Française au Kremlin, tandis que Moscou brûle. Épisode d’un docu-fiction sur la Maison de Molière tourné aux studios Pathé-Natan de Francœur, et qui repose sur une légende : en réalité, le décret ne fut pas signé à Moscou, mais au retour à Paris, puis antidaté de Moscou dans un but de propagande afin de rassurer l’opinion sur l’étendue du désastre en Russie. |
1941 | Δ Boyevoy kinosbornik : Son v ruku [= Un rêve dans la main / Un rêve se réalise] et Sluchaj na telegrafe [= Incident au bureau du télégraphe] (SU) de Yevgeniy Nekrasov, Lev Arnshtam et Grigori Kozintsev ; Soyuzdetfilm-Lenfilm Studio. – av. VLADIMIR KANTSEL / YEVGENI CHERVYAKOV (Napoléon), Petr Repnin (Adolf Hitler). – Segment d’ouverture et deuxième épisode d’un grand documentaire patriotique du Service cinématographique de l’Armée soviétique en 12 parties qui évoque les ennemis de la Russie, en établissant des parallèles entre l’invasion de Napoléon et celle d’Hitler. Napoléon déconseille vivement au Führer de s’aventurer dans les steppes russes : il sait de quoi il parle ! (Les autres segments sont réalisés notamment par Vsevolod Poudovkine, Mikhail Doller, Sergei Gerasimov, Ivan Mutanov, Herbert Rappaport, Konstantin Yudin, Boris Barnet et Aleksandr Olenin.) |
1943 | *Kutuzov – 1812 (Koutouzov) (SU) de Vladimir Petrov Mosfilm, 113 min. – av. Alekseï Diky (gén. Mikhail Koutouzov), Nikolaï Okhlopkov (gén. prince Mikhaïl Barclay de Tolly), Sergo Sakariadse (gén. Piotr Ivanovitch Bagration), SEMYON MEZHINSKY (Napoléon), Nikolaï Timtchenko (le tsar Alexandre Ier), Yevgeni Kaluzhsky (maréchal Louis-Alexandre Berthier), Nikolaï Brilling (maréchal Joachim Murat), Yvan Rijov (prince Volkojsky), Aleksandr Stepanov (maréchal Michel Ney), Anton Poliakov (maréchal Louis-Nicolas Davout), Vladimir Gotovtsev (gén. comte Levin August von Bennigsen), Gavriil Terekhov (Jacques Alexandre Law de Lauriston), Sergueï Blinnikov (l’ataman des cosaques Matveï Ivanovitch Platov), Boris Chirkov (le poète-soldat Denis Davydov), Vladimir Yershov (col. Alexeïevitch Beketov), Ivan Skouratov (Semion Zhestyannikov), K. Chilovtsev (major gén. Piotr Petrovitch Konovnitsyn), Vladimir Yerchov (Beketov), Mikhaïl Pugovkin (Fedia). Synopsis : Napoléon marche sur Moscou. Ministre de la guerre, inspirateur de la tactique de la terre brûlée, Barclay de Tolly donne l’ordre d’abandonner Smolensk aux Français (17 août) et face au tsar, le général géorgien Bagration dénonce ce prince d’ascendance écossaise établi à Riga comme un lâche et un traître. Le tsar nomme Koutouzov commandant en chef de l’armée impériale chargé de sauver la patrie. Autour des feux de camp, la soldatesque vante ses qualités de « Russe authentique » et chante de joie, mais au lieu d’attaquer, le nouveau chef continue à reculer devant l’avancée de la Grande Armée, ce « ramassis chaotique de nations étrangères ». L’affrontement a lieu à Borodino-Moskova ; Koutouzov refuse des renforts à ses généraux Barclay, Raïevski et Bagration. Mortellement blessé, ce dernier s’effondre sur son cheval blanc en criant « Pour la Russie ! » La plaine est couverte de cadavres. Au conseil de guerre à Fili, Koutouzov explique sa stratégie : ne plus se battre pour Moscou mais se retirer à Ryazan, couper la route aux approvisionnements et aux renforts français, réorganiser les troupes et attendre. L’inactivité agace, Barclay démissionne, Bennigsen se plaint auprès du tsar qui s’impatiente. Assis dans une église vide au Kremlin, Napoléon espère en vain des pourparlers de paix, puis arpente nerveusement l’espace. Des soldats ivres chantent en titubant sous ses fenêtres, les vivres commencent à manquer. Apprenant que les Français en sont réduits à manger des corbeaux et des rats, Koutouzov ordonne de tuer tous les oiseaux autour de la capitale. Il salue l’évacuation de Moscou par Napoléon comme le signal de la contre-offensive. Les Russes ne craignent pas l’hiver qui menace, car « Souvorov nous a appris à supporter la faim et le froid ». Le hussard poète Denis Davydov organise la guérilla des moujiks. Semion, un brave fantassin d’origine paysanne, rend Koutouzov attentif à la faiblesse de la cavalerie ennemie : lorsque le sol se couvrira de neige, les chevaux non munis de fers à glace périront par milliers. A Maloïaroslavets, Koutouzov force les Français à reprendre la route de Smolensk, une région qui ne peut plus les nourrir ; la nuit, pour les effrayer, il fait décupler le nombre de feux de camp sur la rive opposée de la Louja. Napoléon échappe de peu aux cosaques. À Smolensk, les réserves de nourriture sont pillées par des hordes de déserteurs. La traversée de la Bérézina, où Koutouzov fut en fait berné par Napoléon, est traitée du pied gauche : les deux ponts subissent le feu de l’artillerie russe (ce qui est faux) et une fois la Vieille Garde de l’autre côté de la rive, Napoléon ordonne de les brûler, sacrifiant ainsi le restant de son armée (en réalité, toutes les unités combattantes purent atteindre la rive gauche et y repousser les Russes, les sacrifiés de l’arrière-garde furent en majorité des civils, des malades et des traînards sans armes). Napoléon, effondré, prend congé de ses généraux et retourne en France pour y lever une nouvelle armée. Mis en chantier après la capitulation allemande à Stalingrad, Koutouzov est évidemment un film de circonstance, à première vue simplement destiné à renforcer le sentiment national et à proposer, à l’instar du Souvorov de Poudovkine en 1941 (cf. supra), un autre modèle de chef exemplaire ; Staline vient de s’autoproclamer maréchal de l’Armée Rouge et le 29 juillet 1942, le présidium du Soviet Suprême a introduit trois nouvelles décorations militaires, les ordres d’Alexandre Newski, de Souvorov et de Koutouzov. Cette dernière décoration est réservée aux généraux ayant organisé avec succès la retraite de larges formations, suivies de contre-attaques et de la reformation des unités avec un minimum de pertes humaines. Souvorov combattait à l’étranger, en Italie ; selon la nouvelle donne militaire et géopolitique, Koutouzov est son substitut idéal, lui qui lutte sur le sol sacré de la patrie. Mais le dictateur a des raisons personnelles de promouvoir cette nouvelle bande de la Mosfilm dont il exige que la fabrication soit impérativement achevée avant la fin des hostilités. Comme on le sait, le 22 juin 1941, lorsque Hitler lança l’« Opération Barbarossa » contre l’Union soviétique, Staline, aveuglé par Berlin et ayant écarté tous les avertissements de ses espions comme des alliés à Londres, fut totalement pris par surprise. Dans les mois qui suivirent, ses erreurs d’appréciation catastrophiques provoquèrent une hécatombe : des divisions entières de l’Armée Rouge s’effondrèrent, les Allemands firent un demi-million de prisonniers, atteignirent la grande banlieue de Moscou, assiégèrent Leningrad et occupèrent les trois quarts de l’Ukraine ; on compta un million de morts russes, militaires et civils. Dans son discours radiophonique du 3 juillet, après dix jours de silence inexplicable, le généralissime Staline, à la pointe du Comité de Défense de l’État, rappelle la victoire russe sur Napoléon, ajoutant que Hitler n’était pas plus invincible que Napoléon le fut jadis, et que, comme en 1812, la Russie menait une « guerre patriotique et nationale » qui serait également une guerre pour la liberté de tous les peuples. Puis il ordonna, un peu tard, la destruction de tout ce qui ne pouvait être évacué à l’arrière ... Le film Koutouzov a pour mission d’éclairer a posteriori le comportement du « stratège de génie des temps modernes ». À l’écran, il importe que la retraite des armées impériales russes de juin à août 1812 soit justifiée idéologiquement afin de faire passer la débâcle initiale de 1941/42 pour une manœuvre réfléchie aboutissant à la contre-offensive actuelle. Comme réalisateur, Staline choisit Vladimir Petrov, qui lui a déjà confectionné sur mesure un très spectaculaire Pierre le Grand en 1937, autre mascarade historisante présentant un substitut « progressiste » du Petit père des peuples. Accusé d’activités antisoviétiques en 1937, l’acteur de théâtre ukrainien Alekseï Diky a passé quatre ans dans un goulag en Sibérie avant de revêtir l’uniforme de Koutouzov pour la caméra ; sa performance plutôt convaincante plaît tant à Staline que Diky interprétera l’amiral Nakhimov, autre adversaire de Napoléon, en 1946, et le dictateur rouge lui-même dans trois épopées à la gloire du régime en 1949 (dont La Bataille de Stalingrad de Petrov). Les prises de vues commencent le 26 août 1943, sur les lieux mêmes de la bataille de Borodino-Moskova (afin d’en fêter le 131 e anniversaire) – alors qu’au même moment, des combats titanesques font rage à Smolensk, puis sur les rives du Dniepr. Le tournage va s’étirer sur six mois. Assisté de Vladimir Yegorov (le décorateur de Souvorov), Petrov compose des images de combat aussi fougueuses que confuses autour de la Grande Redoute Raïevski, utilisant une abondance d’effets fumigènes pour masquer la pénurie de figurants (l’affrontement de 1812 mobilisa 250 000 hommes) : ils ont mieux à faire contre les Allemands. La Mosfilm vient de se réinstaller dans ses meubles après avoir fui la Wehrmacht à Alma-Ata, et les intérieurs sont réalisés dans ses anciens studios sur la Colline des Moineaux (Vorobyovy Gory) – ces mêmes hauteurs d’où Napoléon aperçut pour la première fois les toits de Moscou. La personnification de l’Histoire exige que le héros en titre ait un contour individuel : ce n’est pas la « Grande Guerre Patriotique » qui est mise en avant, mais le combat entre deux personnalités, Koutouzov contre Napoléon, doublé des tensions entre le maréchal borgne et le tsar (le militaire contre l’aristocrate à la cour) et la mésentente dans l’état-major entre Bagration, Bennigsen et « l’étranger » Barclay de Tolly. Stylisé en vieillard fragile et émotif par Tolstoï, Mikhaïl Ilarionovitch Golennistchev Koutouzov (1745-1813) devient ici un homme à poigne, courageux, rusé, aux initiatives hardies (le comédien Diky est âgé de 54 ans, son modèle en avait 67 en 1812). Une image mythique et non un portrait psychologique, plaçant le chef militaire, initiateur d’une véritable union sacrée, au centre du drame. Par conséquent, l’hagiographie, fidèle en cela à Tolstoï, ignore sa paresse, son obséquiosité de courtisan, son goût du luxe, ses mœurs dissolues proverbiales (qui suscitaient de la répulsion chez nombre de ses contemporains, le tsar compris), ainsi que ses erreurs tactiques commises aux dépens de ses illustres confrères, Bagration et Barclay de Tolly. On aligne les parallèles, vraisemblables ou non : photos et actualités de ces années présentent toujours Staline en stratège attablé sur des cartes géographiques, lisant ou écrivant ; le Koutouzov du film fait donc de même. Pendant toute la bataille de Borodino-Moskova (jusqu’à l’annonce de la blessure mortelle de Bagration), il ne bouge pas de son bureau, corpulent, peu loquace, cachottier, rayonnant la calme assurance de celui qui connaît l’avenir. L’authentique Koutouzov en était l’exact contraire : remuant, colérique, plongé au cœur d’une bataille qu’il ne voulait pas mais à laquelle il fut acculé pour rétablir le moral de ses soldats. Selon la tradition historiographique de l’URSS, le film présente la demi-victoire de Napoléon – qui commit l’erreur de ne pas engager la Garde, ce qui lui aurait peut-être permis d’anéantir entièrement l’armée adverse et changer le cours de l’Histoire – comme une victoire de Koutouzov, alors que celui-ci ne fit qu’opposer une très farouche résistance autour d’un système d’ancrages défensifs (les redoutes). Perdant ses positions, Koutouzov fut contraint à un repli désordonné après une effroyable boucherie des deux côtés et laissa la voie libre en direction de Moscou. Peu apprécié par le tsar depuis la défaite d’Austerlitz (1805), l’authentique Koutouzov était forcé de parler de « victoire » s’il ne voulait pas être démis de ses fonctions et nuire plus encore à sa troupe. Dans le film, les replis tactiques de Koutousov ne sont jamais montrés ou perçus comme une retraite, mais comme de savantes manœuvres d’évitement faisant partie d’un Grand Plan Global – qu’on se garde bien d’expliquer. À Barclay de Tolly qui, au lendemain de Borodino-Moskova, estime qu’un affrontement ayant entraîné l’abandon russe du champ de bataille est une défaite, Koutouzov rétorque qu’en l’occurrence, il s’agit au contraire d’une victoire, car « l’esprit de l’armée n’est pas brisé ». Il n’a pas été contraint de se retirer, il l’a fait de son propre gré. On abandonne donc Moscou à l’envahisseur parce qu’on est victorieux, ou du moins parce qu’on n’a pas été battu ... Mieux vaut perdre sa capitale pour sauver son armée et la Russie que le contraire. « Du moment où tu comprends une vérité jusqu’au moment où elle triomphe, il faut parfois plus qu’une vie d’homme », assène en conclusion le général en chef, meneur iconique de la Nation, laissant Barclay bouche bée devant tant de sagesse. (Et les spectateurs en salle définitivement convaincus de la supériorité éblouissante de leur dictateur.) Toutes les étapes consécutives de la guerre contre Napoléon apparaissent dès lors comme prévues et planifiées. Et lorsqu’un envoyé français offre de mettre un terme au conflit, Koutouzov réplique que pour lui, « la guerre n’a pas encore commencé, nous en sommes encore qu’aux préparatifs ». En d’autres termes, la prise de Vilnius, Vitebsk, Smolensk, le bain de sang à Borodino, Moscou en flammes (pas un mot sur l’origine ou les responsables de l’incendie !), ce n’était pas encore « la guerre », car selon lui, la guerre se définit par des actions victorieuses. Miracle de la rhétorique. Le film, le seul de cette époque à représenter la campagne de 1812, traite Napoléon avec un certain respect ; Staline a lui-même été tenté par le bonapartisme dans sa jeunesse, les renvois aux divers tableaux de Vassili Verechtchaguine, comme le Napoléon sur les hauteurs de Borodino (cf. supra, L’Année 1812, 1912) abondent, et l’esprit de Tolstoï, auteur patrimonial, a été réactualisé dans le cadre d’une fervente renaissance du traditionalisme et du nationalisme. À l’écran, l’envahisseur français est un adversaire redoutable, mais nullement ridicule, alors qu’Hitler est présenté dans tous les produits de propagande soviétique comme un pantin à la fois grotesque et féroce. C’est curieusement à Napoléon et non à Koutouzov que Petrov laisse le mot de la fin. L’Empereur a réuni son état-major démoralisé dans une isba, c’est l’heure du bilan. Quelle est la principale erreur qui a provoqué une fin aussi tragique ? Ne pas avoir laissé entrer la Garde en premier à Smolensk pour empêcher les maraudeurs de piller les réserves de vivres et avoir annihilé ainsi toute possibilité d’y hiberner ? D’avoir repris l’ancienne route pour le retour ? D’avoir perdu un mois à attendre oisivement à Moscou ? « Non messieurs, coupe Napoléon (en se tournant vers la caméra), notre principale erreur est d’avoir fait la guerre à la Russie. » Il va de soi que le script passe sous silence l’implication des autres coalisés européens dans la lutte contre Napoléon – la Russie est seule à affronter la barbarie. Petrov a réuni une galerie de comédiens qui ressemblent à s’y méprendre aux portraits connus des personnalités représentées (Bagration, Barclay de Tolly, Bennigsen, Alexandre I er), comme si la ressemblance physique garantissait l’authenticité du récit. N’empêche, l’interprétation elle-même est raide, le verbe lent et mortellement solennel, et la narration assez pesante s’embourbe très vite dans de l’imagerie propagandiste somnolente (accompagnée d’un surplus de marches militaires) qui ne satisfera que les historiens des mouvances idéologiques et les nostalgiques du régime. – US : 1812, AT et DE-RDA : Kutusow – Napoleons Feldzug nach Moskau. |
1956-58 | Si le roi savait ça ... (Le Trompette de Napoléon) / Al servizio dell’ imperatore (FR/IT) de Caro Canaille David-Armand Medioni/Medionfilm (Roma)-Les Films Dis-Pa (Paris), 92 min. – av. Magali Noël (Arnaude, la servante), Jean Danet (ltn. Marcellin), Mireille Granelli (Vivette Nans [= Myonnette]), Henri Vilbert (Maître Nans, son père), Roberto Risso (Pascal [= Anselme Le Galoubet]), Elisa Cegani (Norine), Alessandra Panaro (Mireille), Ennio Girolami (le tsarévitch Nicolas), Mario Passante (Louis XVIII), Pina Bottin (Nanon), André Bervil (Aubin), Luigi Tosi, André Bervil, Luciana Paluzzi. Synopsis : La Camargue, entre Montmajour et Saint-Rémy-de-Provence, au printemps 1812. Napoléon a besoin de soldats pour la Russie. Fils ambitieux et fourbe de l’intendant du baron de Saint-Rémy, Marcellin s’est engagé comme lieutenant dans la Grande Armée. Il compte sur le prestige de l’uniforme pour séduire Vivette, la fille de Maître Nans (tyran domestique fortuné qui a perdu un bras à Marengo), mais celle-ci aime Pascal, un jeune berger, et attend un enfant de lui. D’entente avec Nans, le lieutenant le fait enrôler de force et c’est incorporé dans son régiment qu’il part en direction de Moscou. Il s’y couvre de gloire, devient à son tour officier et se voit confier une mission périlleuse derrière les lignes russes lors de la retraite. Marcellin, à qui Pascal a avoué son amour pour Vivette et la naissance prochaine d’un enfant, l’accompagne, puis tire sur lui, l’abandonnant dans la forêt glacée sur les rives de la Bérézina ; puis il s’empresse d’aller chez les Russes trahir Napoléon. À la Restauration, le vil opportuniste, devenu général, demande Vivette en mariage. Quoique fidèle à l’amour de Pascal, la jeune femme finit par céder, contrainte par son père ; Marcellin fait une brillante carrière à la cour de Louis XVIII. Mais Pascal n’est pas mort. Resté quinze ans en Russie, il a gagné l’estime et la confiance d’un général comme professeur de français de sa fille, et, appuyé par le tsarévitch Nicolas, il peut retourner en France. Il débarque chez Marcellin, devenu entre-temps baron de Saint-Rémy, et le confond. Marcellin le fait arrêter ; il va être fusillé quand le tsarévitch, de passage à Paris, l’innocente et révèle la trahison du gredin. Celui-ci périt noyé dans le Rhin en tentant de fuir, et Pascal et Vivette peuvent enfin vivre leur grand amour ; leur fille épousera un des fils du roi. Une adaptation fort médiocre de la nouvelle Le Trompette de la Bérésina (1866), un des innombrables produits feuilletonesques du vicomte Pierre-Alexis Ponson du Terrail. La journaliste Caro Canaille, épouse du cinéaste Carlo Rim et dont c’est l’unique réalisation, modifie tous les noms propres, affadit l’intrigue et transforme la fin en happy-end (elle publiera son scénario sous forme de roman en 1958). La bande est filmée en Eastmancolor et Franscope, dès juillet 1956 en extérieurs dans le Latium et aux studios Titanus Farnesina à Rome. Quoique n’interprétant qu’une servante volage avec laquelle Marcellin trompe passagèrement son épouse, Magali Noël figure en tête d’affiche du film dont elle est l’unique vedette. Pour une adaptation plus scrupuleuse de la nouvelle, cf. infra, le feuilleton télévisé de 1966. – Nota bene : c’est la première fois que le cinéma sonore de l’Hexagone évoque directement la retraite de Russie ; en 1935, les productions Helgal à Paris avaient annoncé un « Alexandre I er – le tsar damné – 1812 » de Vladimir Strichevski, projet curieux qui resta dans les tiroirs. |
1962 | Gusarskaya ballada [= La Ballade du hussard] (SU) d’Eldar Ryazanov Mosfilm, 96 min. – av. Larissa Goloubkina (Chourotchka dite Choura, comtesse Azarova), Juri Jakovlev (ltn. Poroutchik Rzhevsky), Igor Ilyinski (gén. Koutouzov), Nikolaï Krytouchkov (Ivan), Viktor Koltsov (Zarov), Antoni Khodoursky (comte Nourine), Tatiana Chmyga (Louise Germont, la cantatrice de Paris), Lev Polyakov (Pelymov), Alekseï Polevoy (Balmachov), Vladimir Chiryaev (Salgari), Vladimir Grave (Étienne Foch), Boris Ivanov (gén. Dussier), Youri Martynov (Marcel Lepelletier), Pavel Chpringfeld (Armagnac). Synopsis : Tandis que Napoléon traverse le Niémen, Choura, une jeune aristocrate et cavalière hors pair, est censée épouser le prétentieux lieutenant des hussards Rzhevsky, mais celui-ci a trouvé moyen d’échapper au mariage en servant d’estafette à Koutouzov. Décidée à rabattre le caquet de son fiancé et lui prouver que les femmes savent aussi se battre, Choura se coupe les cheveux, se déguise en cornette et se trouve dans le même escadron que Rzhevsky où ses exploits et sa hardiesse face aux Français la font bientôt remarquer – mais Rzhevsky ne la reconnaît pas. La Grande Armée marche sur Moscou, puis – ellipse – le paysage estival se couvre de neige, la même Grande Armée est en pleine retraite ... Choura et ses hussards harcèlent l’ennemi, capturent une berline transportant une cantatrice de Paris, la maîtresse du maréchal Davout. La dame fait sensation parmi les officiers russes et Choura, jalouse, a toutes les peines à l’éloigner de son fiancé, coureur de jupons. Elle délivre toute seule un général russe prisonnier des Français, Koutouzov la distingue, puis elle retrouve son fiancé sur ses terres où ils combattent des déserteurs qui cherchent à piller le palais familial. Irrité par son arrogance, Rzhevsky se bat en duel contre le cornette – avant de réaliser enfin qu’il s’agit de sa fiancée. Mi-bande d’aventures de cape et d’épée, mi-comédie musicale, ce film extrêmement populaire (qui engrangea 48,6 millions de roubles en Union soviétique) a été tourné en Sovcolor aux studios Kinostudiya Mosfilm, avec plusieurs centaines de figurants et de cascadeurs pour les séquences militaires. Formellement peu original mais plaisant, il est porté par la prestation charmante de Larissa Goloubkina, l’épouse du comédien Andreï Mironov. Le film repose sur une opérette de Tikhon Khrennikov, elle-même inspirée par la pièce en vers Davnym-davno (Il y a très longtemps) (1941) d’Aleksandr Gladkov. Quant à l’héroïne, elle est calquée sur Nadezhda Durova (1783-1866) : fille d’un major, elle plaqua époux et fils, se déguisa en uhlan polonais pour participer aux guerres contre Napoléon (à Eylau, Friedland, Iéna, Smolensk) et devint la première femme officier de l’histoire russe. Impressionné par les exploits de cette amazone, le tsar Alexandre la décora de la Croix de Saint-Georges et l’intégra comme lieutenant à un régiment de hussards. Encouragée par Pouchkine, elle publia ses mémoires qui firent aussi l’objet d’un opéra (Nadezhda Durova d’Anatoly Bogatyrev, 1956). Le lieutenant Rzhevski réapparaîtra dans la comédie Rzhevski contre Napoléon (cf. 2012). – DE-RDA : Husarenballade, US : Ballad of a Hussar. |
1964/65 | ® Popioly (Cendres) (PL) d’Andrzej Wajda. – av. Daniel Olbrychski (Rafal Olbromski), Stanislaw Zaczyk (le prince Joseph Poniatowski), JANUSZ ZAKRZENSKI (Napoléon). – Les Légions polonaises de Dabrowski combattent au service de Napoléon en Russie (épisode final) (cf. p. 426). |
1965 | [1812 (GB/SU) de Stan Strangeway ; Film Facilities-Sovexportfilm, 18 min. – av. Eva Brett (la jeune fille). – La campagne de Russie reconstituée avec des soldats miniatures, sur fond musical de l’ouverture de 1812 de Piotr Tchaikovski, jouée par l’orchestre symphonique du Bolchoï que dirige Nikolaï Golovanov.] |
1966 | (tv) Le Trompette de la Bérésina (FR) de Jean-Paul Carrère Yann Tardif/ORTF (1re Ch. 26.-31.12.66), 8 x 18 min. (2h24). – av. Dominique Paturel (Anselme Le Galoubet), Christine Minazzoli (Myonnette/générale de Bertrant), Olivier Hussenot (François le Manchot, son père), Renée Legrand (Suzanne), André Oumansky (Marcelin/gén. de Bertrant), ANDRÉ REYBAZ (Napoléon), Nicolas Vogel (gén. Jean-Baptiste Éblé), Roger Pigaut (prince Peter zu Sayn-Wittgenstein), Germaine Delbat (la mère Marianne), Cécile Sandonna (Nanette), Michel Barbey (Simon), Georges Bever (le père Aubin), Marcel Champin (Mathurin), Jacques Alric (Ouslov), Renaud Verley (le tsarévitch Nicolas), Sylvie Vaneck (Rose), Frank Estange (le cosaque), Jacques Andriot, Gilles Capel, Jean-Pierre Ducos, Franval et Daniel Philipon (des pontonniers de la Bérézina). Une adaptation en feuilleton du roman éponyme de Ponson du Terrail (1866), déjà filmé pour le grand écran neuf ans plus tôt (cf. le synopsis de Si le roi savait ça en 1957/58). Jean-Paul Carrère et son scénariste Michel de Ré collent de beaucoup plus près à l’intrigue rocambolesque du livre et soignent en particulier les éléments proprement historiques du récit ; cette fois, Napoléon, Éblé, Wittgenstein apparaissent à l’image. L’action débute sur les bords de l’Yonne, à la ferme de Crissenon, près d’Auxerre, où un régiment d’Empire s’installe. François le Manchot, riche fermier, ignore que sa fille Myonnette attend un enfant d’Anselme Le Galoubet, son garçon de ferme, et projette de la fiancer au lieutenant Marcelin, le fils de l’intendant de la ferme voisine. Fourbe, le militaire tend un piège à son rival en amour et le fait enrôler de force. Quelques mois plus tard, tandis qu’Anselme se retrouve transi et découragé près du village de Stoudienka, sur les bords de la Bérézina (un affluent du Dniepr), Napoléon tire des plans avec le général Jean-Baptiste Éblé (1757-1812) pour sauver les restes de la Grande Armée de la destruction complète, grâce au sacrifice de ses 400 pontonniers néerlandais. Dès le 25 novembre 1812, deux ponts sont construits, l’un pour les fantassins et la cavalerie, l’autre pour les convois et l’artillerie, alors que les Russes de Koutouzov, Wittgenstein et Tchitchagov, dupés par une manœuvre de diversion, attendent depuis le 23 les Français à Borissov, à 15 km en aval, où ils ont détruit le pont existant. Napoléon a besoin d’un homme courageux pour une mission dangereuse, dix officiers d’ordonnance ayant déjà péri à la tâche ; il fait sortir Éblé de l’eau (« tant pis s’il attrape un rhume ! ») pour qu’il lui indique un volontaire. Nota bene : comme le montre l’épisode 3 de ce feuilleton, Éblé s’était jeté lui-même à l’eau pour donner l’exemple à ses pontonniers. Il mourut d’épuisement le 31 décembre suivant à Königsberg/Kaliningrad. L’action héroïque de ses pontonniers a transformé l’épouvantable bataille de la Bérézina en « ultime victoire française d’une guerre perdue » (J. Tulard), ayant ainsi permis à Napoléon et au gros de ses forces d’échapper au piège de Wittgenstein et Tchitchagov, qui laissèrent, eux également, beaucoup d’hommes sur le terrain. Excellent nageur, le pontonnier Anselme traverse la Bérézina afin de découvrir où exactement se tiennent le général Corbineau et son corps d’armée, puis ramène un prisonnier cosaque ; l’interrogatoire révèle que Wittgenstein, pour sa part, ignore où campe la Grande Armée. Fait officier et décoré de la Légion d’honneur par l’Empereur lui-même, Anselme est chargé d’aller porter une lettre à Corbineau lui enjoignant de couvrir le passage des troupes avec ses unités. Marcelin, qui a juré sa perte, l’accompagne et l’abat d’un coup de pistolet, puis se rend chez Wittgenstein pour révéler les plans de Napoléon ... (épisode 4). Quinze ans plus tard, Anselme, qui a survécu à sa blessure et passé sa captivité dans le Caucase, est libéré par le tsarévitch Nicolas. Ce dernier, qui n’ignore rien de la trahison de Marcelin, devenu à la Restauration le général Bertrant, charge l’ambassade russe à Paris de réhabiliter sa victime. Dépouillé par des bohémiens, Anselme regagne son pays natal, où son ancienne fiancée, Myonnette, à présent la générale Bertrant, le reconnaît et révèle à leur fille commune, Rose, toute la vérité. Rose renonce à la vie dorée pour suivre son géniteur qui, lui, renonce à se venger. Devenue folle, Myonnette tue son mari (entre-temps condamné à mort) et finit internée à l’asile d’aliénés d’Auxerre. Conçu pour les programmes de fin d’année, ce feuilleton « très prenant et mouvementé » (Jacques Siclier), mais aussi mélo à souhait, marche sur les traces de Rocambole, autre télésérie à succès d’après Ponson du Terrail (1864). Le rôle principal est tenu par Dominique Paturel, héros dumasien très populaire du petit écran (Le Chevalier de Maison-Rouge en 1963 et d’Artagnan dans la série du même nom en 1969). Le tournage en noir et blanc a lieu aux studios ORTF des Buttes-Chaumont et, modestement, en extérieurs sur les rives de la Loire avec de faux glaçons, de la neige carbonique et la participation de la Garde Républicaine de Paris. – Episodes : 1. « Anselme Le Galoubet » – 2. « Le Secret de Myonnette » – 3. « Le Trompette de l’Empereur » – 4. « Le Double Crime de Marcelin » – 5. « Le Prisonnier du Caucase » – 6. « Le Général de Bertrant ». |
1969 | ® (tv) Jean-Roch Coignet (FR/BE/IT/CH/CA) de Claude-Jean Bonnardot (TF1 30.12.69+2.1.70), épisodes 5 et 6. – av. Henri Lambert (sgt./ltn. Jean-Roch Coignet), Pierre Santini (Gervais), François Dyrek (La Franchise), Max Vaille (Godaille), Enrico Salvatore (cpt. Renard), Jacques Mondain (Benoît), Gabriella Giorvelli (Margot-la-Joie), Milan Micie (maréchal Louis-Alexandre Berthier), Ratko Buljan (maréchal Michel Ney), Damir Mejousek (le cosaque mourant), Tatjana Salaj (comtesse Tamara Borissovna). – Fantassin de la Garde impériale, Coignet a participé à toutes les campagnes napoléoniennes depuis 1799, sans jamais avoir été blessé. Une partie des épisodes 5 et 6 de cette intéressante télésérie en couleurs tirée des fameux Cahiers du capitaine Coignet (1833) relate ses expériences durant la campagne de Russie (au total 72 minutes). En route pour Vilna après avoir traversé le Niémen, le régiment de la Garde auquel appartient le sergent Coignet cherche vainement les armées russes de Barclay de Tilly. « Les hommes tombaient, non pas fauchés par la mitraille sous un ciel de gloire, mais tués par le froid des nuits, la chaleur accablante des jours et la pénurie de vivres. » Les villages sont déserts, les moissons détruites par le feu, les grognards bivouaquent dans l’herbe humide ou à l’abri de cabanes de fortune. Coignet est promu lieutenant de ligne à l’état-major par l’Empereur lui-même. Il reçoit un cheval, un bicorne et une épée, et l’ordre de conduire 700 traînards jusqu’à Vitebsk pour les remettre au maréchal Davout, une marche de 40 lieues à travers une immense forêt. Une centaine de soldats s’enfuient et saccagent un village voisin ; Coignet aide les paysans à les neutraliser et en fait fusiller la moitié. À peine est-il arrivé fourbu sous les murs de Smolensk (17 août) qu’il doit retourner seul à Vitebsk pour y délivrer un courrier de Napoléon ; un moujik bien rémunéré lui évite d’être tué par des cosaques. Le 4 septembre, Coignet entre à Borodino et participe à la charge de la deuxième redoute sur les collines bordant la Moskova. Au soir d’une victoire indécise, les blessés et mutilés s’agglutinent pitoyablement autour des feux de camp. À Moscou, les flammes menacent les beaux quartiers. Les pompes ont été emportées, des galériens libérés boutent le feu aux habitations. Coignet, outré par la conduite déshonorante de certains compatriotes, blesse en duel un colonel qui pillait un palais, puis se fait le chevalier servant d’une belle comtesse, Tamara Borissovna. Ayant pris ses quartiers dans le palais, il invite ses camarades retrouvés, plus quelques actrices françaises, à un grand bal costumé, tandis qu’à l’extérieur, on fusille les incendiaires. Le 19 octobre, Coignet et ses camarades reçoivent l’ordre de quitter Moscou. La neige est tombée, la route encombrée par les fourgons des pillards de l’armée. La retraite vire au cauchemar, les pertes humaines sont considérables, comme le dicte le maréchal Berthier à Coignet dans une lettre adressée à l’Empereur. À l’arrière-garde, entre deux escarmouches avec Russes et maraudeurs, le maréchal Ney trouve refuge et de la soupe dans une isba. La Franchise meurt d’un coup de lance cosaque, Gervais également. Leurs camarades sont trop faibles pour creuser une fosse. Perdu, un pied gelé, Coignet dépouille un cosaque mourant de sa fourrure. Il finit épuisé à Magdebourg où il se met sous les ordres du prince Eugène de Beauharnais. – Un chapitre désabusé des Mémoires de Coignet, tourné en couleurs dans les studios de la Jadran Film à Zagreb et en extérieurs dans les paysages croates avec l’appui de l’armée de Tito (cf. p. 153). |
1974 | (tv) Schulmeister, l’espion de l’Empereur – 11. L’Espion du tsar (FR) de Jean-Pierre Decourt ORTF-Société nouvelle Pathé-Cinéma, saison 2, épisode 5 (1re Ch. 1.4.74), 52 min. – av. Jacques Fabbri (Karl Ludwig Schulmeister), William Sabatier (Anne-Jean Savary), Roger Carel (Hammel), Andrée Boucher (Suzel Schulmeister), Georges Claisse (Tchernitchef), Claudine Collas (Adeline), Valta Rozsafy (la danseuse), Maurice Travail (Michel), César Torres (Ivan) et Jean-Pierre Decourt (la voix de Napoléon). Napoléon prépare la campagne de Russie. Pour équiper son armée, il a besoin de faire fabriquer rapidement 32 000 copies des cartes d’état-major de l’Empire russe. De son côté, le tsar Alexandre a envoyé en France un espion, Tchernitchef, pour découvrir les plans des opérations militaires françaises. Schulmeister lui fait une proposition approuvée par l’Empereur : les cartes russes contre les plans français qu’il est allé lui-même voler au Ministère de la guerre. Tchernitchef accepte, l’échange a lieu, mais les plans fournis ont été trafiqués afin de tromper le tsar sur les futurs déplacements de la Grande Armée (cf. p. 155). |
1972 | (tv) Les Français à Moscou (FR) de Michel Roux (th) et Pierre Sabbagh (tv) « Au Théâtre ce soir » (2e Ch. ORTF 27.11.72). – av. Jean-Claude Pascal (cdt. François Blanchet), Nadine Alari (Hélène de Barkow), Marco Perrin, Paul Mercey, Michel Beaune, Jacques Castelot. Synopsis : Au Kremlin, dans Moscou en flammes, puis en cendres, entre le 20 septembre et le 19 octobre, date du début de la retraite. Le commandant Blanchet, estafette fraîchement arrivée de Paris, vaniteux, indiscipliné, séducteur, retrouve dans les salons surbondés du palais non seulement la comédienne Sabine, son ancienne maîtresse, mais surtout Hélène, celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer depuis son enfance. Hélène est mariée au comte de Barkow, le chef des incendiaires. Elle recherche son époux, ignorant qu’il a été abattu dans les rues de Moscou par le commandant Valbert, l’ennemi personnel de Blanchet avec lequel celui-ci s’est battu au sabre. Passé en conseil de guerre pour ce duel, Blanchet est désigné pour une mission suicide : faire sauter le Kremlin. Il a juste le temps d’avouer son amour à Hélène et de la renvoyer en France. Dramatique d’après la pièce en trois actes Un Français à Moscou de Pol Quentin, publiée en 1960, mais créée à la Comédie de Genève en octobre 1956, puis au Théâtre de la Renaissance à Paris le 18.1.1957, dans une mise en scène de Jacques Charon, avec Jean-Claude Pascal, Blanchette Brunoy, Hugues Wanner et Marcel Bozuffi. |
1974/75 | *Love and Death (Guerre et Amour) (US) de Woody Allen Jack Rollins & Charles H. Joffe Productions/United Artists, 85 min. – av. Woody Allen (Boris Dimitrovitch Grouchenko), Diane Keaton (Sonia Volonska), Olga Georges-Picot (la comtesse Alexandrovna), JAMES TOLKAN (Napoléon et son sosie), Jack Berard (gén. Lecoq), Howard Vernon (gén. Lévêque), Féodor Atkine (Mikhail Grouchenko), Henry Czarniak (Ivan Grouchenko), Harold Gould (comte Anton Ivanovitch Lebedokov), Jessica Harper (Natacha Petrovna), Sol L. Frieder (Leonid Voskovec), Hélène Vallier (Mme Wolf), Yves Brainville (André), Georges Adet (le vieux Nehamkine), Tony Jay (Vladimir Maximovitch), Lloyd Battista (Don Francisco), Alfred Lutter (Boris jeune), Jack Lenoir (Krapotkine). Synopsis : Lorsque Napoléon envahit l’Autriche (où il espère refournir sa cave en cognac), Boris Grouchenko, « couard militant » et pacifiste binoclard, est enrôlé de force dans l’armée impériale russe. Désespéré d’apprendre que Sonia Volonska, sa cousine adorée, a décidé d’épouser le vieux marchand de harengs Voskovec parce qu’Ivan, le frère de Boris, ne l’aime pas, il se jette dans la bataille. Boris devient un héros malgré lui lorsqu’il est projeté par un canon en plein milieu de l’état-major français, où il jette le désarroi. À Saint-Pétersbourg, ce fait d’armes peu courant lui vaut les faveurs de la belle comtesse Alexandrovna, mais aussi un duel avec Anton, son amant en titre. Veuve depuis peu, Sonia lui promet le mariage s’il survit au duel (ce qui est peu probable, espère-t-elle). Mais Boris n’est que blessé et il l’épouse. Entre deux crises conjugales nourries de débats philosophiques complexes sur la vie, l’amour et la mort, le couple Grouchenko se propose d’assassiner Napoléon (« le fameux tyran international ») qui est entré à Moscou. Ils se présentent auprès de l’Empereur comme frère et sœur d’une vieille dynastie espagnole, envoyés de Madrid par Joseph Bonaparte, et Napoléon, attiré par le décolleté de Sonia, la rejoint dans sa chambre. Boris surgit armé pour venger l’honneur familial – mais, pas de chance, ce Napoléon-là n’est qu’un sosie de l’Empereur. Arrêté, Boris est condamné à mort. Dans sa cellule, un ange lui promet sa grâce, les fusils du peloton d’exécution seront chargés à blanc (« Il y a donc un Dieu, Moïse avait raison ! »). Faux espoir – ou vaste duperie métaphysique : après la salve, Boris prend congé de Sonia en dansant autour d’une silhouette blanche armée d’une faux ... Pour son unique film en costumes, budgété à 2,6 millions de dollars, Woody Allen cuisine un savoureux bortch dont les ingrédients parodiques proviennent de Tolstoï (Guerre et Paix, Anna Karénine) et Dostoïevski (Raskolnikoff de Crime et châtiment, Les Frères Karamazof, Le Joueur), en passant par Ingmar Bergman (Persona, Le Septième Sceau), Luis Buñuel (le rêve), les Marx Brothers (La Soupe aux canards), Kant, Kafka, Eisenstein (les statues de lions du Cuirassé Potemkine), Chaplin (Charlot soldat), Laurel et Hardy et Buster Keaton, le tout agrémenté musicalement par la cantate d’Alexandre Newski et la troïka du Lieutenant Kijé de Serge Prokofiev (compositeur qu’il a préféré en fin de compte à Igor Strawinsky, initialement prévu). Outre les angoisses existentielles de l’intellectuel juif, la peur de la mort et du néant, les saillies irrésistibles sur le sexe, les impôts ou la politique qui habitent le cinéma d’Allen, on décèle également des clins d’œil à Vladimir Nabokov (le filet à papillon), le prétentieux radotage philosophique sur l’objectivité de la subjectivité est tiré de G. I. Gurdjieff et P. D. Ouspensky, et certaines citations proviennent de T. S. Eliot. L’absurdité de la guerre se résume à l’échange suivant : « S’ils tuent plus de Russes, c’est eux qui gagnent. Si nous tuons plus de Français, c’est nous qui gagnons », explique un sergent. Boris : « Et qu’est-ce que nous gagnons ? » L’œuvre est mise en chantier par la Century-Fox, mais le comédien-cinéaste ne supporte pas l’interférence du studio. Son film est donc entièrement tourné en dehors des États-Unis (une première), de septembre 1974 à février 1975, pendant un mois en extérieurs à Budapest (opéra, quartiers du château et du vieux port de Buda) et environs, avec la collaboration de Hungarofilm et Mafilm pour les batailles. Suivent huit semaines en France, en Yvelines (Maisons-Lafitte, Les Mesnuls, château de Jambville), aux châteaux du Breuil (Cheverny) et de Saint-Cyr (Rhône) ainsi qu’à Paris, notamment à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky et dans les salons de l’hôtel Beauharnais, résidence de l’ambassadeur de la RFA (classée monument historique) où est filmé le bal de Saint-Pétersbourg. Ghislain Cloquet, le chef opérateur belge de Resnais, Bresson, Delvaux et Demy, signe l’admirable photo en Panavision et couleurs De Luxe, et Woody Allen est assisté de Paul Feyder, fils du grand Jacques. Tout en n’étant pas à la hauteur des chefs-d’œuvre qui suivront, cette bande souvent désopilante et techniquement déjà très maîtrisée remporte un grand succès : c’est une œuvre charnière qui annonce des sujets plus réfléchis, faisant le pont entre les burlesques du début et Annie Hall ou Interiors, les deux films suivants. Produit avec un budget de 3 millions de $, il en engrange 20 aux États-Unis seulement. Au festival de Berlin 1970, il gagne le UNICRIT Award. – DE : Die letzte Nacht des Boris Gruschenko, IT : Amore e guerra. |
1979/80 | Eskadron gusar letutchikh / Denis Davydov [= L’Escadron des Hussards Volants] (SU) de Stepan Stepanov [= Stanislav Rostotsky] et Nikita Khubov Gorki Filmstudio, 167 min. – av. Andreï Rostotsky (Denis V. Davydov), Marina Shimanskaia (la comtesse Catherine), Viktor Choulgin (le comte, son père), Vladimir Machtchenko (col. Eyhen), Lydia Kusnezova (la paysanne Katerina), Evgéni Lebedev (gén. Mikhaïl Koutouzov), Aleksandr Zimin (Budelek), Nikolaï Yeryomenko (prince Bolkhovskoy), Aleksandr Karin (Bedryaga), Nikolaï Karpov (cpt. Tardieu), Igor Kachintsev (Khrapovitski), L. Nosov (sa fille), Ivan Krasko (col. Oustimovitch), Youri Rychkov (le cornette Popov), Andreï Semin (Mitia Beketov), Vladimir Chakalo (Jacob), Youri Bogdanov (le hussard Smaga), Alekseï Pankin (col. Palitsyn), Ivan Ekaterinichev (un partisan), Georgy Martirosyan (le colonel français), Youri Kosyh (Mikhalyev), Boris Klyuyev, Vladimir Sergienko et Yuri Menchagin (officiers français), Nikolaï Volkov (le prêtre). Les exploits d’un authentique Fanfan-la-Tulipe russe, l’intrépide hussard, poète romantique et partisan Denis Vassilievitch Davydov (1784-1839), aide de camp auprès du général Bagration à Eylau et en Finlande, héros des guerres napoléoniennes que Tolstoï fait apparaître dans Guerre et Paix (sous les traits de Vassili Denissov, 3 e partie, chapitres III-VIII) et Pouchkine dans La Dame de Pique. Souvent insolent, le hussard chante l’hédonisme et la bravoure, faisant de sa vie mouvementée un reflet de sa poésie. Le film se penche en particulier sur l’année 1812. Lieutenant-colonel dans le régiment de hussards Akhtyka, aux abords de Borodino, Davydov propose à Bagration de priver la Grande Armée de ravitaillement par des actions de guérilla de ses fameux « hussards volants ». La première nuit, ses partisans tombent dans une embuscade de moujiks qui ont confondu les uniformes français avec ceux de la cavalerie russe et Davydov estime désormais plus sage de porter l’armiak, l’habit traditionnel des paysans, ne parler que la langue vernaculaire et se laisser pousser la barbe (éduqués à la française, beaucoup d’officiers n’étaient pas capables de prononcer un mot dans leur langue maternelle). Une autre fois, Davydov parvient, avec seulement 130 hussards, à faire 370 prisonniers français et délivrer 200 Russes, s’emparer d’un chariot de munitions et neuf de fournitures. Trop peu nombreux, les hommes de Davydov laissent filer la calèche de Napoléon, mais ce dernier fait mettre sa tête à prix et désigne deux mille hommes pour le capturer – en vain. À la fin, il parvient enfin à capturer l’Empereur, mais c’est un sosie ! Les divers coups de force de Davydov contre la Grande Armée en font un des combattants les plus populaires et les plus adulés du pays (Staline créera l’Ordre de Denis Davydov pour récompenser des partisans particulièment méritoires dans la lutte contre la Wehrmacht). Le film est une honnête bande d’aventures destinée à un public adolescent, un peu longue (avec des poèmes de Davydov mis en chansons) mais sympathiquement dénuée de pathos, tournée en scope et Sovcolor dans le village de Vassilyevskoe et la région de Moscou, ainsi qu’en atelier aux studios Gorki. L’acteur, cascadeur et réalisateur Andreï Rostotsky, un élève de Sergueï Bondartchouk à l’école de cinéma de Moscou, a été choisi en raison de sa très forte ressemblance avec le héros tel que l’a immortalisé le portraitiste anglais George Dawe (à l’Ermitage) : trapu, moustachu, cheveux au vent, les traits fins, le regard vif. Mais aussi à cause de ses connaissances en arts martiaux et de ses qualités peu ordinaires de cavalier (il est directeur artistique du Théâtre hippique « Kaskader »). Le comédien, qui fera une chute mortelle en 2002 lors d’une cascade, est dirigé par son propre père, Stanislav Rostotsky, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale formé au cinéma par Grigori Kozintsev et ami intime de S. M. Eisenstein. – DE (RDA) : Schwadron der fliegenden Husaren. |
1981 | (tv) La Mémoire des siècles – 3. La Comtesse de Ségur (FR) d’André Leroux (FR3 30.12.81), 30 min. – av. Martine Sarcey (Sophie Rostopchine, comtesse de Ségur), François Kanel (Mme Schwetchine), Albertine Aveline (la comtesse Catherine Rostopchine-Protassov), Paul-Emile Deiber (Louis Veuillot). Sophie, comtesse de Ségur (1799-1874) raconte l’entrée des troupes napoléoniennes et l’incendie de Moscou ordonné par son propre père, le comte Fedor Rostopchine, gouverneur général de la ville. (Emission pour la jeunesse d’André Castelot et Jean-François Chiappe.) |
1982 | (tv) Adieu (FR) de Pierre Badel (TF1 18.2.82), 95 min. – av. Ludmilla Mikael (Stéphanie de Vandières), Jean-Claude Drouot (Philippe de Sucy), Robert Favart (gén. de Vandières), François Dyrek, Rose Thiery. Autre version de la nouvelle éponyme de Balzac, déjà portée à l’écran par les Allemands en 1923 (cf. supra). L’adaptation de Badel, dont l’action-cadre est située en 1829, est cette fois rigoureusement fidèle à la nouvelle, avec sa conclusion tragique. |
1985 | Borodino (SU) de Leonid Volkov Lennauchfilm (Studios de films de vulgarisation scientifique), Léningrad, 50 min. – av. Elena Ignatova (narration). – Un docu-fiction écrit par Natalia Gostoutcheva et tourné à l’occasion du 170 e anniversaire de la bataille, sur les lieux historiques, avec reconstitutions des moments décisifs de l’affrontement. |
1985 | Bagration / Bagrationi (SU) de Gyuli Chokhonelidze et Karaman (Guguli) Mgeladze Mosfilm-Gruziafilm-Quartuli Pilmi (2 parties), 101 min. + 66 min. – av. Gyuli Chokhonelidze (prince Piotr Ivanovitch Bagration), Mikhail Kuznetsov (gén. Koutouzov), Irina Alforiova (comtesse Ekaterina Skavronskaïa, Catherine Bagration), JANRI LOLACHVILI (Napoléon), Yuri Katine-Yartsev (gén. Alexandre Souvorov), Arnis Licitis (tsar Paul Ier), Irina Malysheva (duchesse Catherine Pavlovna, sa sœur), Victor Mourganov (gén. Barclay de Tolly), Arnis Licipis (tsar Alexandre Ier), Anatoly Vedenkin (le duc Georges d’Oldenburg), Vladimir Druzhnikov (Emmanuel Franzevitch Saint-Preux), Paul Butkevitch (Jozef Gava), Vladimir Konkin (prince Alexandre Menchikov), Levan Mskhiladzé (gén. Philippe-Paul de Ségur, aide de camp de Napoléon), Galina Levtchenko (princesse Gagarine), Ivan Turchenko (l’ordonnance de Koutouzov). Synopsis : Blessé à la jambe à la bataille de Borodino-Moskova (à l’âge de 47 ans), alors qu’il défend les fortifications de la Grande Redoute Raïevski, le prince Bagration passe ses derniers jours à Sima dans la demeure de sa tante ; la gangrène le ronge et il décédera le 24 septembre, après une agonie de quinze jours. Plongé dans l’obscurité d’une pièce, il revoit en pensée les diverses étapes de sa vie : ses débuts militaires sous Catherine II ; la traversée des Alpes suisses et la prise du Pont du Diable avec son mentor, le général Souvorov, en automne 1799 ; son entretien avec le tsar Paul, au regard dément, suivi de sa disgrâce ; son mariage malheureux avec Catherine Skavronska, la ravissante et frivole nièce du prince Potemkine qui le quitte pour vivre à Vienne (maîtresse de Metternich, elle lui donnera une fille) ; le tsar Alexandre le rappelle à la cour, il se bat à Austerlitz avec Koutouzov et fait à présent face à l’invasion de la Russie. Napoléon n’a guère d’estime pour les généraux russes, sauf pour Bagration qui lui tient tête à la bataille de Smolensk (16/17 août), ville où il s’est retranché avec 130 000 hommes. La destruction et l’incendie de la cité privent les Français, techniquement victorieux, d’une source importante d’approvisionnement. Napoléon fulmine. Contrairement à l’impopulaire Barclay de Tolly qui prône la retraite tactique et la terre brûlée, Bagration bout d’en découdre et voit dans le refus de combattre l’expression d’une insupportable lâcheté. L’occasion arrive enfin à Borodino, où il commande l’aile gauche de l’armée, et sa présence enthousiasme les soldats qui se croient désormais invincibles (« Bagration est avec nous ! ») ... Un boulet explose, le héros tombe de cheval en criant « hourrah ! » et se réveille sur la table des chirurgiens. Lorsqu’il expire, un cheval blanc s’enfuit dans les collines au son de chœurs folkloriques idoines. Une hagiographie qui tient du devoir de mémoire : issu de la prestigieuse famille des Bagratides qui régna longtemps sur la Géorgie et l’Arménie, l’impétueux Piotr Ivanovitch Bagration (1762-1812) est ici célébré par les enfants de sa patrie dans une production majoritairement géorgienne tournée en Sovcolor aux studios de la Gruzia Film à Tbilissi. C’est le réalisateur, coscénariste et comédien géorgien Chokhonelidze qui interprète Bagration, rôle qu’il tenait déjà en 1967 dans le Guerre et Paix de Sergueï Bondartchouk (cf. infra). Hélas, le talent n’est pas au rendez-vous et la bande, d’une lenteur éprouvante, bavarde, dénuée d’humour, narrée en plans fixes, ne s’anime qu’avec les quelque 20 minutes de bataille de Borodino, des plans généraux et panoramiques tous empruntés au film susmentionné de Bondartchouk. Toutefois, entrecoupée de vues rapprochées montrant Chokhonelidze actif autour d’une de ses fameuses « flèches » (retranchements), cette séquence de tableaux visuellement très impressionnants ne permet à aucun moment de comprendre le déroulement de l’affrontement, ni le rôle de Bagration dans la bataille. Un échec en salle. – Rappelons que l’« Opération Bagration » fut le nom donné par Staline à l’offensive générale de l’Armée Rouge de juin-août 1944 contre Hitler. |
1987 | (tv) The Struggle with Napoleon (GB/CA) de John McGreevy Épisode no. 3 de « Peter Ustinov’s ‘My Russia’ », AA Films-Victor Solnicki Productions-CTV (BBC2 2.10.87), 48 min. – av. Andreï Tolubeev (le tsar Alexandre Ier), Lev Durov (Léon Tolstoï), Peter Ustinov (narrateur). – Dans cet épisode de sa série en six chapitres, le comédien et scénariste d’origine russe Peter Ustinov relate la campagne napoléonienne (en déambulant sur les sites historiques) et comment celle-ci est devenue le point de départ du roman Guerre et Paix de Tolstoï. |
1990 | *(tv) Napoléon et l’Europe / Napoleon w Europie – 5. Moscou / Moskwa (FR/PL/DE/PT/ES) de Janusz Majewski Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych PoltelZespol Filmowy « Tor »- 3SAT-TVE-RTP (La Sept 2.11.90 / FR3 8.2.91), 52 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Andrzej Seweryn (le tsar Alexandre Ier), Thierry Bosc (maréchal Michel Ney), Jacques Frantz (maréchal Joachim Murat), Tadeusz Lomnicki (gén. Koutouzov), Philippe Bouclet (Caulaincourt), Corinne Marchand (Mme Aubert-Chalmé), Lezsek Teleszinski (marquis de Lauriston), Adam Ferency (Duroc), Miroslaw Konarowski (prince Eugène de Beauharnais), Michal Pawlicki (Berthier), Jan Fryzlewicz (comte Daru), Marek Barbasiewicz (Eugène de Ségur), Grzegorz Wons (maréchal Bessières), Wojciech Alaborski (baron Larrey, chirurgien de l’Empereur), Krzysztof Wakulinski (Michaud), Henryk Bista (comte Benningsen), Ignacy Machowski (Jermolov), Ryszard Barycz (col. Toll), Maciej Robakiewicz (ltn. Afinkov), Jerzy Gudejko (Constant). Synopsis : Des milliers de cadavres jonchent le champ de bataille de la Moskova. Au matin du 8 septembre 1812, Napoléon fait sa toilette tout en dictant une lettre à l’impératrice dans laquelle il proclame sa victoire sur les armées du tsar. De son côté, à Fili, le général Koutouzov s’adresse à ses officiers en leur ordonnant, malgré leur victoire à Borodino, de se retirer : « Tuer des dizaines de milliers d’hommes peut passer, en français, pour une victoire. En russe, se retirer devant l’ennemi en sauvant son armée ne sera jamais une défaite ! Napoléon est comme un torrent que nous ne pouvons pas encore arrêter. Moscou sera l’éponge qui l’absorbera ... » En dépit de l’avis contraire de son état-major, Napoléon marche sur Moscou. La ville est presque vidée de ses habitants. À Saint-Pétersbourg, le tsar apprend qu’on l’a trompé sur l’issue de la bataille, mais ne songe pas à signer la paix avec l’envahisseur. Fedor Rostopchine, gouverneur, conseille à Koutouzov d’incendier la ville. Alors que Moscou brûle, l’Empereur ébahi abandonne le Kremlin pour se replier dans une propriété des environs où il attend vainement une réponse du tsar, ne voulant pas comprendre que les Russes refusent toute capitulation inconditionnelle. « Jamais leur pire ennemi n’aurait fait ça ! » s’exclame-t-il face au rougeoiement moscovite. Il était venu « pour en finir avec les barbares du Nord, leur montrer ce qu’est la vraie civilisation », et le voilà au centre d’un immense piège, tandis que « l’Europe nous regarde ». Agressé, le peuple russe fait corps avec le tsar et ne considère pas ces prétendus libérateurs autrement que comme une horde de Tartares. Réinstallé au Kremlin une fois l’incendie maîtrisé, Napoléon essaie d’y recréer un semblant de vie de cour, mais ses tentatives paraissent dérisoires face aux menaces qui guettent son armée : l’hiver, la famine, l’isolement. Le grand écuyer Caulaincourt, qui connaît le pays, dresse un tableau noir de la situation. Napoléon s’obstine à attendre encore, jusqu’au jour où Murat, aux avant-postes de la Grande Armée, tombe dans un guet-apens de cosaques ; il est blessé, perd quelque quatre mille hommes et deux généraux ainsi que tous les bagages et vivres. Napoléon décide de quitter Moscou. En apprenant la nouvelle, Koutouzov se jette à genoux et remercie le Ciel d’avoir sauvé la Russie. Épisode d’une vaste, intelligente et très instructive coproduction télévisuelle européenne dont chaque partie entraîne le spectateur dans une région d’Europe ayant accueilli ou subi la Grande Armée. Réalisé à Varsovie, ce volet est signé par un téléaste polonais. La musique de Wojciech Kilar, qui épouse le rythme du glas, accompagne admirablement cette épuisante et vaine démonstration de force dans la steppe russe (cf. p. 28). |
1993 | (vd) The Campaigns of Napoleon : 1812 – The Battle of Borodino (GB) de Bob Carruthers Bob Carruthers, Gary Russell/Cromwell Films Ltd. (Stratford u. Avon), 55 min. – av. Robert Whelan (narration). – Docu-fiction avec reconstitutions de la bataille en Roumanie, extraits de longs métrages (Guerre et Paix de S. Bondartchouk) et commentaires d’historiens, notamment Dr. David Chandler, auteur de The Campaigns of Napoleon. |
1993 | (vd) Napoleon on the Road to Moscow / 1812 – Napoleon’s Road to Moscow (Moscou 1812 – La Mort de la Grande Armée) (GB) de Graham Holloway Série « The History Makers », Bob Carruthers/Cromwell Films Ltd. (Stratford u. Avon), 61 min. – av. Dominique Carrara (sgt. Adrien Bourgogne), Robert Powell (narration). Docu-fiction écrit et produit par Bob Carruthers, avec reconstitutions, extraits de Guerre et Paix de S. Bondartchouk, gravures et peintures. La campagne est commentée « in situ » par le sergent Adrien Jean-Baptiste François Bourgogne (1785-1867), 27 ans, du régiment des fusiliers grenadiers de la Garde, un des survivants qui publiera en 1853 ses Mémoires du sergent Bourgogne. |
1998 | (vd) La Terrible Campagne de Russie (FR) de Jean-François Coulomb des Arts Austerlitz Reportages & la Fondation Napoléon, 48 min. – Plus un documentaire animé par quelques timides reconstitutions (escarmouches, retraite dans la neige) grâce aux Associations pour l’Histoire vivante (notamment le Club historique du régiment des lanciers lituaniens) qu’un véritable docu-fiction. Le narrateur-réalisateur, en uniforme de maréchal d’Empire, nous entraîne sur les lieux authentiques de la campagne, des rives du Niémen à Vilna, Vitevsk, Smolensk, Borodino, Moscou, Malo-Jaroslawetz, Viasma, Krasnoje et finit sur les berges de la Bérézina (en Biélorussie), une découverte de paysages habités par le passé qui fait tout l’intérêt du film. |
1999 | ® Pan Tadeusz (Pan Tadeusz. Quand Napoléon traversait le Niémen) (PL/FR) d’Andrzej Wajda. – av. Michal Zebrowski (Pan Tadeusz), HENRYK BARANOWKSI (Napoléon), Krzysztof Kalbaziuk (gén. Jozef Dabrowski). – En 1811/12, la Pologne-Lituanie se rebelle contre la Russie, ses régiments sont incorporés à la Grande Armée (cf. p. 430). |
2003 | [Le Chien, le Général et les Oiseaux / Il cane e il suo generale (FR/IT) de Francis Nielsen ; Stéphane Tchal Gadjieff, Raphaël Berdugo, Danièle Rosencranz/Solaris-Roissy Films-Gam Films-Prima-Teva Studio, 75 min. – Dessin animé av. les voix de Michel Elias / Tonino Guerra (le général), Clémence Gegauff, François Jerosme, Philippe Noiret (narrateur). – Un conte poétique adapté d’une fable de Tonino Guerra (d’après les dessins de Sergueï Barkhin) : en 1812, un jeune général russe sacrifia les oiseaux (auxquels il mit le feu) pour brûler Moscou et sauver son pays envahi par Napoléon. Il devint ainsi un héros national. Mais désormais à la retraite, le vieux général ne trouve pas le repos, hanté par le souvenir des oiseaux en flammes et attaqué chaque jour par tous les volatiles de Saint-Pétersbourg où il vit seul et s’ennuie. Un chien qui croise sa route va transformer ses cauchemars en rêves magiques ... Film sélectionné aux festivals de Cannes, Venise et Marrakech 2003.] |
2003 | ® Fremds Land (CH) de Luke Gasser. – av. Luke Gasser (David), Bruno Gasser (Kobi), Karisa Meyer (Kathri), Gerhard Halter (Sepp). – Enrôlés de force dans la Grande Armée en 1810, deux grenadiers d’un régiment suisse désertent à la Bérézina et survivent dans les neiges de la vaste Russie (cf. p. 420). |
2004/05 | Δ Für kurze Zeit Napoleon / Vor even Napoleon (DE/NL) de Bert van Esch ; Maxim-Film GmbH (Bremen)-Metropolitan Pictures (Amsterdam), 95 min. – av. WOLFGANG KRONE (Napoléon), Vladimir Baran, Thomas Bartels, Dietmar Fricke, Bernhard Krinke-Heldenfels, Suzanne Kohn, Gunther Namyslo, Werner Pollack. – Documentaire sur le tournage d’un long métrage resté inédit de Wolfgang Krone (qui y joue également le rôle de Napoléon). Bricolé en super-8 avec des amis autour de 1985 dans la région de Hanovre, le film intitulé Die Erinnerungen des Grenadiers Rousseau (Les Mémoires du grenadier Rousseau) illustre des épisodes de la campagne de Russie. |
2006 | (tv) 1812, ili lyudi generala M [= 1812 ou les hommes du général M) (RU) de Sergueï Vasiliev Nikolaï Suslov/Svarog Films Co. (Canal 100 13.1.06), 15 min. – av. Sergueï Lagay (le major des hussards), Ilya Morozovsky (le colonel des hussards), Nikolaï Goriaev (le soldat français), Igor Derevianko (l’artilleur borgne), Mikhaïl Dubov, Igor Goldfeder, Vadim Konkov, Vladimir Mikhailov et Leonid Morozovsky (des hussards), Elena Kondratiuk, Elena Garusova, Svetlana Guz, Natalia Maikova et Irinia Nemchikova (des gitanes). Un court métrage mêlant enquête, intrigues et comédie, écrit par Alexeï Goussev et Nikolaï Suslov et dont l’action se joue parmi les hommes du général comte Mikhaïl Andreïevitch Miloradovitch (1771-1825), un des grands oubliés de la « guerre patriotique ». C’est lui qui mène l’armée de réserve à Borodino-Moskova, puis commande l’arrière-garde retardant l’occupation de Moscou. Pendant la retraite, son corps d’armée est l’un des plus actifs dans la poursuite des forces françaises (Murat le combat souvent et ils échangent leur manteaux en gage d’estime). Miloradovitch sera tué lors de l’insurrection des Décembristes. |
2012 | 1812. Ulanskaya ballada [= La Ballade des Uhlans] (RU) d’Oleg Fesenko Gleb Shprigov/Central Partnership (JSC), 98 min. – av. Anton Sokolov (comte Alexeï Tarusov), Sergueï Bezrukov (ltn. Gorzhevsky), Anatoly Bely (prince Kidnadzé), Stanislav Duzhnikov (sgt. Ptoukha), Valery Nikolaev (comte Jacques de Witt), Anna Chipovskaïa (Beata Nikolaeva), Olga Kabo (Martha), Sergueï Juravel (gén. Mikhail Koutouzov), ÉRIC FRATICELLI (Napoléon), Svetlana Metkina (Maria Walewska), Dmitry Isaev (tsar Alexandre Ier), Gediminas Adomajtis (Armand de Coulaincourt), Bloris Klyuyev (comte Alexeï Arakcheyev), Egor Pazenko (gén. Fiodor Ouvarov), Paul DeLong (Ledokhovsky), Alexey Makarov (cdt. Trinity), Vladimir Gostyukhin (Tarusov Sr.), Svetlana Dryga (Adèle), Vladimir Gostyukhin. Synopsis : À la veille de la bataille de Borodino-Moskova, le comte de Witt, un des plus redoutables agents secrets français, subtilise le plan de la disposition des troupes russes. Apprenant cela grâce à la perspicacité du jeune comte Tarusov, Koutouzov l’envoie accompagné de ses trois meilleurs lanciers, les uhlans Gorzhevsky, Kidnadzé et Ptoukha, pour intercepter l’espion en ex-Pologne, où Napoléon séjourne auprès de la comtesse Maria Walewska. Après la bataille et l’entrée des Français à Moscou, les quatre inséparables lanciers sont chargés de récupérer la couronne impériale que le tsar Alexandre, dans la panique, a oubliée au Kremlin et que le conquérant veut offrir à sa maîtresse polonaise. La course-poursuite s’engage en dirigeable entre Moscou, le duché de Varsovie et Paris : les espions napoléoniens et leur chef n’ont qu’a bien se tenir ... Cette bande d’aventures écervelée et historiquement aberrante est tournée en Russie, en Pologne et en Biélorussie pour l’équivalent de 5 millions de dollars (150 millions de roubles), budget bénéficiant d’une aide substantielle de l’État russe sous le prétexte que la production a été mise sur pied pour marquer le bicentaire de la « guerre patriotique ». Dépense qui suscite la fureur des médias. Ne rapportant que 1,3 millions de $, le film est un échec retentissant en salle, malgré la présence à l’affiche de Sergueï Bezrukov, vedette immensément populaire. Un fiasco dû à l’inexpérience du réalisateur, à la médiocrité des effets digitaux (Borodino) et surtout à l’inanité du scénario qui pille Dumas sans vergogne – ni talent. Une fois de plus, les trois mousquetaires sont devenus quatre : le jeune cornette Tarusov-d’Artagnan, dont le père connaissait Koutouzov-Tréville, se joint au sage et expérimenté Gorzhevsky-Athos, au fin séducteur Kidnadzé-Aramis et au gros Ptoukha-Porthos, redoutable manieur de jambons, afin de pourfendre les ennemis de la patrie (« un pour tous et tous pour rien », résume un critique outré). Ce quatuor de Rambos défait des régiments de grenadiers de la Garde en maniant des pistolets qui se rechargent tout seuls ! On n’arrête pas le progrès. |
2012 | Rzhevsky protiv Napoleona [= Rzhevsky contre Napoléon] / Napoleon kaput ! / Shershe la fam [= Cherchez la femme] (RU/UA/US) de Marius Waisberg [= Marius Balchunas] Kvartal 95 Studio-Eugene Efuni Entertainment-September Planet Studios-Leopolis 80 min. – av. Pavel Derevyanko (ltn. Poroutchik Rzhevsky / comtesse Choura Rzhevskaya), VOLODYMYR ZELENSKY (Napoléon), Svetlana Khodchenkova (Natacha Rostova), Michael Galoustyan (marquis de Maso-Sade), Mikhaïl Efremov (Léon Tolstoï), Marat Basharov (prince Piotr Ivanovitch Bagration), Vladimir Simonov (gén. Mikhail Koutouzov), Dmitry Mukhamadeev (maréchal Michel Ney), Valery Zolotoukhine (gén. Aleksandr Vassilévitch Souvorov), Eugene Michka (Lefty), Ksenia Sobcahk (Madame Xue-Xue), Ilya Oleinkov (Demian), Potap (Gopnik), Anna Semenovitch, Anfisa Tchekhov, Jean-Claude Van Damme. Synopsis : Pour se reposer un peu, Napoléon décide de conquérir le monde ... en commençant par la Russie. L’ogre corse étant un coureur de jupons invétéré, Koutouzov imagine un plan infaillible pour le terrasser : une belle femme. Mais aucune ne parvient à retenir durablement son attention, même pas « Miss Russie 1812 », Natacha Rostova, une des victimes de l’irrésistible lieutenant des hussards Rzhevsky. C’est ce dernier qui est désigné volontaire pour une mission héroïque : il se fait passer pour sa propre épouse, la comtesse Choura, sème le trouble dans l’état-major ennemi et conduit Napoléon à sa perte. Une vaste pitrerie réunissant autour du clown numéro un, à savoir Bonaparte, toutes les figures de la littérature, de l’histoire et du folklore national : Koutouzov, Bagration, Souvorov, Natacha Rostova (l’héroïne de Guerre et Paix), Tolstoï himself, et, en tête, le hussard Rzhevsky, célèbre depuis La Ballade du hussard (cf. film de 1962), devenu entre-temps le champion des blagues grivoises et de l’ambiguïté sexuelle. Seulement voilà : n’est pas les Monty Python (ou même Mel Brooks) qui veut ! Le résultat est sinistre, mais remplit les salles en Russie. Filmée en Ukraine en couleurs et 3D Stereoscopic, cette farce est aujourd'hui une réelle curiosité, Napoléon, l'ennemi de la Russie, étant campé par un des comédiens les plus populaires de la télévision locale: Volodymyr Zelensky, le futur président de l'Ukraine en guerre contre Moscou et l'héroïque adversaire de Poutine depuis 2022 ! |
2012 | (vd) La Bataille de la Moskova / Borodino (FR/RU) (tv : 2.9.12). – av. MARK SCHNEIDER (Napoléon), Franky Simon (maréchal Michel Ney), Andreï Mahlow-Gras (le tsar Alexandre Ier), Igor Bordachenkov. – Reconstitution gigantesque sur les lieux mêmes, à l’occasion du bicentenaire de la bataille. Le spectacle réunissant 2000 fantassins et 300 cavaliers (y compris une centaine de pièces d’artillerie) – des reconstituants bénévoles en tenues militaires de l’époque venus du monde entier – est donné en présence de l’ex-président français Valéry Giscard d’Estaing, qui ouvre la manifestation, du président Vladimir Poutine, du ministre de la Culture Vladimir Medinsky, de Maria Romanova et de 200 000 spectateurs. Capté par toutes les télévisions du pays, l’événement a été financé par la Ville de Moscou et les autorités régionales pour 35 millions de dollars. L’Américain Mark Schneider a déjà campé Napoléon dans la reconstitution de Borodino en 2005. |
2012 | (tv) 1812 / Napoleonic Wars in Russia (RU/UA) mini-série de Pavel Tupik et Andrey Vershchagin Vlad Ryashin, Konstantin Ernst, Valery Babich/Star Media, Moskva-Babich Design (TV Pervy Kanal 1.-2.+6.-9.12), 4 x 51 min. - av. Alexander Nedbailo (gén. Mikhail Koutouzov), GEORGY BULAT (Napoléon). Docu-fiction ambitieux commémorant le bicentenaire de la campagne de Russie, tourné en 3D pendant une année dans la région de Kiev (scénario de Marina Bandilenko) avec une majorité de comédiens anonymes et des effets numériques. Première partie d'un vaste projet "poutinien" consacré au rôle de la Russie pendant les guerres napoléoniennes entre 1803 et 1815 (cf. infra la série 1812-1815 des mêmes réalisateurs). La production voit la campagne de 1812 comme une conséquence des guerres révolutionnaires de 1789 qui mobilisèrent les armées de l'Europe à une échelle jamais vue auparavant. Avec le "coup d'État de 1799, la France tomba entre les mains d'un commandeur de génie, mais aussi d'une ambition presque illimitée. Dans la vieille Europe en proie au chaos social et à la désunion, chaque État opérait pour soi, dans la poursuite de gains à court terme et de politique nationaliste. Ces facteurs et la puissante armée créée par Napoléon firent de celui-ci le maître du continent européen, qui put concrétiser une part de son rêve d'une "monarchie globale" dirigée par la France" (publicité du film). - Épisodes: 1. "Invasion" - 2. "Confrontation" - 3. "Borodino" - 4. "Expulsion". |
2012-2014 | (ciné+tv) Vasilisa / Vasilisa Kozhina (RU) mini-série d’Anton Sivers Yuri Sapronov, Andrei Smirnov, Mikhail Vavilov/Vsermirny Russkiye Studii-Russian World Studios (RWS Moscou), 114 min. (tv : 11.12.14, 4 épisodes). – av. Svetlana Khodchenkova (Vassilissa Kojina), Dimitri Solomykin (Ivan Riazanov), Aleksandr Golubev (Rokotov), Jérôme Cusin (cpt. Blier), Irina Rozanova (Katerina Karlovna, la mère d’Ivan), Igor Chernevitch (Maxim Petrovitch Kojin, le mari de Vassilissa), Kseniya Razin (Hélène, sœur d’Ivan), Andreï Ilyin (Elaguin), Yuri Batunin (gén. Nemerovsky), Alekseï Barabach (le tsar Alexandre), VITALY KOVALENKO (Napoléon), Johann Morio (Cantana), Kristina Kuzmina, Fyodor Nikitin, Cécile Gendre, Valery Nemechaev, Dimitry Bykovskiy. Synopsis : Sychyovsky Uyezd, un village de la province de Smolensk. Vassilissa et Ivan s’aiment mais ne peuvent se marier, car elle est la fille d’un serf, lui le fils d’un grand propriétaire. Vassilissa épouse Maxime, l’aîné du village, avec l’accord de leur maître commun, Elaguine. En été 1812, une unité de la Grande Armée commandée par le capitaine Blier pénètre dans le village et pille les fermes. Viols, morts, représailles. Maxime est abattu en voulant empêcher la profanation de l’église. Vassilissa, folle de douleur, se jette sur les agresseurs ; Blier est impressionné par le courage de la jeune veuve et ne peut plus l’oublier. Elaguine pactise avec l’occupant tandis que Vassilissa se réfugie dans la forêt où elle forme un groupe de partisans, des veuves de guerre et des adolescents armés de fourches, de haches et de piques. Toujours amoureux d’elle, Ivan rejoint Koutouzov ; il est blessé à la Moskova. Lors de la retraite française, la troupe de Vassilissa attaque convois et traînards. Apprenant le passage imminent de l’« Antéchrist » Napoléon, les partisans sabotent un pont, mais les grenadiers impériaux parviennent à le redresser à temps. Vassilissa est capturée par Blier, la corde l’attend. Ivan surgit au dernier moment avec ses uhlans et la libère. Il se bat au sabre contre Blier ; ce dernier est blessé et le met en joue avec son pistolet. Mais Vassilissa protégeant Ivan de son corps, Blier n’a pas le cœur de tirer. Dans Guerre et Paix, Tolstoï vante le courage de Vassilissa Khozina/Kojina (1780 ?-1840 ?), surnommée la Jeanne d’Arc russe. On ne sait presque rien de sa vie, sinon qu’elle fut l’épouse du staroste Gorshkov, décorée à la fin de la « guerre nationale » et portraiturée par Alexander Smirnov en 1813. Poutine ayant déclaré 2012 « année de l’histoire russe », un long métrage sur elle est mis en chantier, d’abord par le réalisateur Dimitry Meskhiyev, en coproduction avec la France. Mais la transformation de la jeune paysanne ludique et gaie en cheffe de guerre nécessite plusieurs réécritures et les responsables sont bientôt dépassés par l’ampleur du projet, budgeté à 7 millions de dollars. Le téléaste Anton Sivers reprend les rênes, pour un film et une série en 4 épisodes dont le tournage débute en mars 2012 à Tsarskoïe Selo et dans la forêt de Toksovo pour la retraite de la Grande Armée. Un village de dix maisons est reconstruit à Pskov, d’autres scènes sont enregistrées dans la région de Saint-Pétersbourg, dans la vieille Église de l’Ascension Slovusheye près du village de Terebenev (érigée par Koutouzov) et aux musées de la vie rurale à Bugrovo, de Priyutino et d’Alexandre Pouchkine à Mikhailovskoye. Le long métrage est finalement présenté au Festival international du film de Shanghai 2014 et décroche le Prix du public au Festival du cinéma russe à Saint-Pétersbourg. Le résultat est décevant, de l’imagerie léchée et formatée pour tous les goûts (avec son lot de cascades), envahie par une musique sirupeuse. Le récit est incohérent, la narration saccadée, car plusieurs passages de la série originale ont disparu (l’officier russe Rokotov, autre amoureux). On décèle au début une amorce de critique sociale (la condition humiliante des moujiks, l’espoir que les Français vont abolir le servage), mais le patriotisme et la religiosité russes réanimés sous Poutine l’emportent : le film s’achève sur un pope qui se recueille devant une icône de la Vierge. – DE : Napoleon 1812 – Krieg, Liebe, Verrat (dvd), US : Vasilisa, Napoleon’s Nemesis. |
2014/15 | **(tv) Napoléon. La Campagne de Russie – 1. La Moskova / Le Feu – 2. La Bérézina / La Glace (FR) mini-série de Fabrice Hourlier Stéphanie Hauville, Gaëlle Guyader/Arte France-Docside Production-Indigènes Productions (Fabrice et Stéphanie Hourlier) (Arte 10.1.15), 2 x 52 min. – av. MARC DURET (Napoléon), Pawel Delag (Alexandre Ier), Jean-Pierre Michaël (Armand de Caulaincourt), Constantin Balsan (sgt. Adrien François Bourgogne), Alexandre Medvedev (gén. Mikhaïl Koutouzov), Miglen Mitchev (gén. Alexandre Dmitrievitch Balachov), Alix Benezech (la grande-duchesse Catherine Pavlovna Romanova, sœur du tsar), Bernard Chabin (Louis-Alexandre Berthier), Andreï Zayats (Pamfil Nazarov, le boyard), Olivier Neveux (marquis Alexandre de Lauriston), Jochen Hagele (cpt. Ivan Iakovlev), Nicolas Planchais (maréchal Georges Mouton), Veronika Ovchinnikova (la sœur de Pamfil Nazarov), Patrick Hamel (gén. Leonty Leontyevitch Bennigsen), Paul Fructus (gén. Viazmitinov), Kevin Boise, Nathan Metral (soldats de la Garde impériale), Thibault Pinson (tambour-maître), Pauline Deshons (Florencia, la vivandière), Félix Beauperin (jeune voltigeur), Pierre-Marie Rochefort (maître de poste allemand), Alexis Victor (narration). À ce jour l’unique fiction – ou plutôt docu-fiction, en l’occurrence – qui donne une vue d’ensemble vraiment convaincante, et de surcroît objective, de la terrible campagne de 1812, contée à la fois du point de vue de l’envahisseur et de l’envahi. Le scénario est rédigé par Fabrice Hourlier et Marc Eisenchteter, avec Marie-Pierre Rey (spécialiste incontournable en la matière) comme conseillère historique. Tout en détaillant les stratégies à la Moskova et à la Bérézina, le récit donne le beau rôle à quelques témoins rarement entendus et qui ont laissé des témoignages sans prix. Ainsi, Armand de Caulaincourt, Grand écuyer de l’Empereur et ancien ambassadeur à Saint-Pétersbourg ; il voit clair dans le jeu de Napoléon qui, trop confiant en sa bonne étoile, s’obstine à ne pas tenir compte de ses innombrables mises en garde (« il croit à une bataille parce qu’il la désire »). Après la mort de son frère Auguste, 35 ans, tombé à la Moskova, Caulaincourt accompagnera Napoléon en traîneau et en berline pendant les quatorze jours et quatorze nuits du retour à Paris et consignera les confidences de son impérial vis-à-vis dans ses Mémoires. Le film suit aussi le parcours du sergent Adrien François Bourgogne (1785-1867) qui fait partie des rescapés de la débâcle, est capturé à la Bérézina et parviendra à s’échapper en route pour la Sibérie ; ou celui du boyard Pamfil Nazarov (1792- ?), un des 30 millions de serfs russes. Recruté de force en septembre 1812 dans le village de Selikov, Nazarov se retirera plus tard dans un monastère où il couchera ses souvenirs sur papier ; son attachement à la terre natale aura été plus fort que les promesses de libération venant de l’ouest. Quant à Koutouzov, ayant su fédérer l’armée et le peuple autour de lui (quitte à mettre l’incendie de Moscou sur le dos des Français), il préfère se vautrer au lit avec ses deux maîtresses que de discuter avec le marquis de Lauriston envoyé par l’ennemi. À Saint-Pétersbourg, le tsar fait emprisonner le capitaine Iakovlev pour avoir eu l’outrecuidance de lui transmettre un message personnel de Napoléon. Spécialisé dans la réalisations de docu-fictions historiques mêlant images de synthèse, décors virtuels et plateaux réels, Hourlier a notamment réalisé en 2007 un remarquable Trafalgar (cf. p. 291), divers films sur l’Antiquité (Le Destin de Rome en 2011, Au nom d’Athènes en 2012) et développé un style narratif et visuel proche de l’illustration du XIX e siècle (à dominantes camaïeu), le pathos en moins. La rigueur et le foisonnement de la documentation donnent à son épopée émaillée de victoires décevantes une force supplémentaire. En plus, Hourlier inaugure ici une esthétique et une technique inédites : l’usage de la Stop-Motion alliée à la photogrammétrie (création complète de séquences 3D figées en pleine action, dans lesquelles la caméra se promène et s’attarde sur ses protagonistes). Le résultat semble parfois un peu spécieux, mais permet de garder une certaine distance (sans artifices brechtiens), de mesurer, la tête froide, l’ampleur et les responsabilités de la tragédie, enfin de mieux assimiler les commentaires précieux des historiens intervenants (M.-P. Rey, Thierry Lentz, Victor Bezotosny, Jacques-Olivier Boudon et Dominic Lieven). Un modèle du genre. – DE : Napoleon Bonapartes Russland-Feldzug – 1. Die Moskwa – 2. Die Bjäresina, ES : Napoleón. La campaña de Rusia, GB : Napoleon. The Russian Campaign. |
2015 | (tv) 1812-1815. Zagranichniy pokhod [=Les Campagnes à l'étranger] / The Napoleonic Wars : The War of the Sixth Coalition / 1812-1815. Expatriate Campaign (RU/UA) mini-série de Pavel Tupik et Andrey Vereshtchaguine Vladislav Ryashin, Valery Babich, Konstantin Ernst, Sergey Titinkov/Star Media, Moskva-Babich Design-Pervy Kanal (TV Pervy Kanal 12.6.15), 285 min., 4 x 70 min. - av. Alexander Nedbaio (gén. Mikhail Koutouzov), GEORGY BOULAT (Napoléon), Igor Artyushenko, Sergei Babichev, Sergei Boguslavsky, Yegor Irodov, Rusland Nikonenko, Sergei Vishnyak, Vladimir Volik, Konstantin Gerasimyuk, Viatcheslav Evtushenko, Dmitry Zheleznyak, Alexander Itygilov Jr., Sergei Kalantai, Alexey Karamash, Alexey Kolesnik, Sergey Korshikov, Olga Kostenko, Mikhail Lipinsky, Vitaly Matvienko, Tatiana Moroz, Kirill Nikitenko, Oleg Obukhovsky, Oleg Pavlioutchenkov, Olga Radchuk, Yuri Rebrik, Viktor Semirozumenko, Maxim Sinchukov, Artyom Smirnov, Dmitry Turkevich, Avetykov, Piotr Tsegelny, Alexey Cherevatenko, Oleg Yurchishin. Les campagnes militaires de l'armée impériale russe, de l'incendie de Moscou à l'occupation de Paris en 1815, en passant par les batailles de Dresde en 1813 (dernière victoire majeure de Napoléon en Allemagne) suivie des défaites françaises à Dresde, Kulm et à Leipzig, puis de la campagne de France, des épisodes "glorieux" mais moins connus des téléspectateurs russes. Sont également inclus les détails de l'abdication de Napoléon, le premier exil sur l'ile d'Elbe et les Cent Jours. Un vaste docu-fiction "patriotique" (scénario: Marina Bandilenko) clamant que "ce sont les baïonnettes russes qui ont sauvé l'Europe de la dictature de Napoléon", réalisé en Ukraine, près de Kiev, avec une utilisation massive de l'infographie par la même équipe responsable de 1812 (cf. supra). Du travail visuellement très soigné, historiquement bien documenté, fabriqué avec le soutien du ministère de la Culture de la Fédération de Russie et de la Société historique militaire russe et qui remporte le Prix TEFI (Académie de la Télévision russe) à Moscou. Bref, un hymne à l'armée russe qui doit faire ronronner Poutine. |