Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

15. DÉCLIN ET EXIL

15.5. La « Terreur blanche » et les nostalgiques de l’Empire

La chute définitive de Napoléon, à la fin de l’année 1815, voit la France vaincue pour la deuxième fois et son territoire occupé pendant cinq ans par une armée étrangère totalisant 560 000 hommes. Les efforts de Talleyrand au Congrès de Vienne sont réduits à néant : les Alliés forcent cette fois Paris à verser des indemnités de 700 millions de francs, à restituer les œuvres d’art saisies en Europe depuis les guerres révolutionnaires et amputent le pays des dernières conquêtes territoriales. Installé à l’Élysée, francophile, le tsar Alexandre s’oppose aux exigences prussiennes réclamant des territoires français comme l’Alsace ou les Flandres et préserve le pays d’un dépeçage. Pour calmer son aile droite, Louis XVIII éloigne le régicide Fouché et remplace Talleyrand par le duc de Richelieu, dont le cabinet est composé exclusivement d’émigrés.
Un climat de vengeance s’installe dans l’Hexagone. Désapprouvant la Charte présentée par le roi, trop libérale à leurs yeux, et n’ayant rien appris des décennies d’émigration forcée ni des erreurs de 1814, les ultras de l’Ancien Régime menés par le comte d’Artois (frère cadet de Louis XVIII et futur Charles X) voient derrière la parenthèse des Cent-Jours le fruit d’un complot bonapartiste et républicain. Ce complot légitimise la « Terreur blanche », une réaction de haine sanglante qui se développe notamment dans le Midi et la vallée du Rhône, autour de Marseille et de Toulouse, en Vendée, en Bretagne et dans le Maine, où des bandes royalistes armées, mal ou pas contrôlées par l’administration royale, massacrent des dizaines de soldats bonapartistes et d’anciens Mamelouks de la Garde impériale. Le général Ramel (jadis déporté comme royaliste) est assassiné ; à Avignon, le maréchal Brune, héros de l’Empire, est lynché par la foule et jeté dans le Rhône. Cette terreur d’origine populaire – quelque 500 victimes entre 1815/16 – s’accompagne d’une vaste épuration « légale » qui touche plus du quart des fonctionnaires dans l’administration. Près de 70 000 personnes sont arrêtées pour délit politique et 6000 condamnées. Plusieurs généraux de l’Empire, ralliés à Napoléon pendant les Cent-Jours, sont exécutés (le maréchal Ney, La Bédoyère, Mouton-Duvernet, les frères Constantin et César Faucher).
Vingt mille officiers sont mis à la retraite d’office en 1814. Les officiers ayant repris du service pendant les Cent-Jours, en particulier ceux de la Garde, sont soumis soit à l’exil, soit à la demi-solde, ce qui les condamne à une vie assez misérable. Après 1815, ces proscrits, souvent militaires depuis la Révolution, n’ont pas d’autres métiers, sont assignés à résidence, n’ont pas le droit d’obtenir un passeport ni celui de posséder une arme ; leur courrier est ouvert et ils font l’objet d’une surveillance constante. Leurs seuls habits sont leur ancien uniforme, qu’ils n’ont pas le droit de porter et qu’ils cachent sous de longues redingotes. Les décorations militaires, le chapeau de forme civil et un gros bâton noueux qui leur sert d’arme sont leurs signes de ralliement. Ils vont devenir les principaux agents de la légende napoléonienne.
Nota bene : des seize adaptations de Le Colonel Chabert d’Honoré de Balzac, seules ont été retenues celles qui contiennent des scènes situées pendant l’Empire (par ex. la charge d’Eylau en 1807).
1907/08La Croix de l’Empereur (FR) de Louis Feuillade
Établissements Gaumont S.A. (Paris), 213 m. – Synopsis : Un général en demi-solde n’arrive plus à payer son loyer et son propriétaire lui suggère de vendre quelques reliques des guerres passées. Mais l’unique objet qui intéresse l’antiquaire est la décoration que le vaillant reçut jadis de Napoléon en personne. Furieux, le général jette le propriétaire et le marchand à la porte avant de s’effondrer dans un fauteuil où il revit en pensée les heures glorieuses de la Grande Armée. Lorsqu’il revêt son ancien uniforme, il découvre dans une des poches une bourse pleine d’argent dont il avait oublié l’existence. – US : Decorated by the Emperor.
1910Le Demi-Solde (FR) d’Etienne Arnaud
Établissements Gaumont S.A. (Paris), « Série d’Art », 293 m. – av. Georges Wague (col. Pascal), Renée Carl (Jeanne Pascal, sa fille), Alice Tissot.
Synopsis : Colonel d’Empire en demi-solde, Pascal lit Le Moniteur en tempêtant contre Louis XVIII. Sa fille Jeanne, qui l’apaise, flirte en secret avec René, un étudiant romantique, ignorant qu’il est le comte de Fierville, officier de la Maison du Roi. Au Café de la Régence, quelques jeunes blancs-becs légitimistes raillent les vieux grognards ; Pascal provoque René en duel. Ayant reconnu le père de Jeanne, René décharge son pistolet en l’air, mais Pascal tire juste et blesse le jeune homme. Le colonel ne comprend pas le geste de son adversaire. Ce dernier avoue à son père, le marquis, son amour pour Jeanne et le supplie de parler en sa faveur. Le jour de l’anniversaire d’Austerlitz, le marquis demande officiellement la main de Jeanne au colonel, entouré d’officiers impériaux en grande tenue. Devant les pleurs de sa fille, Pascal finit par céder. Six mois plus tard, à Sainte-Hélène, il montera la garde près de son Empereur exilé (sic), tandis que Jeanne, devenue comtesse, lit du Lamartine avec son époux.
1910The Three Cherry Pits / The Veteran’s Honor (US)
Vitagraph Co. of America, 995 ft./303 m. – Synopsis : Un vétéran de la Grande Armée, en vieil uniforme et décoré de la Légion d’honneur, se prélasse dans un jardin public quand il est pris à part par trois jeunes royalistes insolents qui le bombardent de noyaux de cerises. Le vieil homme collecte les noyaux et disparaît. Quelque temps plus tard, lors d’une réception, les trois sont présentés à leur victime, connue pour être un des plus redoutables duellistes de France. Il les provoque tour à tour en duel, blessant chacun là où l’avait atteint un noyau de cerise. Le dernier s’attend à périr d’un coup de sabre au cœur, mais le vétéran se meurt. Il fait appeler le trio à son chevet et pardonne l’offense. – IT : I tre noccioli di ciliegia.
1911L’Héritage du Demi-Solde (FR) de Louis Feuillade
Établissements Gaumont S.A. (Paris), série « Art et histoire », 250 m. – av. Luitz-Morat (cpt Bernard), Renée Carl (Mlle Bernard, sa nièce), Léonce Perret (le fiancé), Edmond Bréon.
Synopsis : Le capitaine Bernard, ancien officier de Napoléon à présent en demi-solde, apprend qu’un camarade de la Grande Armée lui lègue l’usufruit de sa fortune. Son frère, un riche bourgeois rallié aux Bourbons, le méprise, mais sa nièce en revanche, lui témoigne de l’affection. Bernard refuse de se battre au café où les demi-solde sont molestés par d’autres consommateurs, dont le fiancé de sa nièce. Ses anciens camarades se détournent de lui, et il rêve seul de la gloire d’antan. Apprenant qu’il est ruiné, le frère du capitaine annule les projets de mariage de sa fille, qui n’a plus de dot. Bernard lègue son pactole à sa nièce avant de se suicider.
1912Per la tua bambina ! (IT) de Gennaro Righelli
Vesuvio Films (Napoli), 250 m. – av. Matilde Vico (la petite Mathilde), Maria Righelli (sa mère). – Synopsis : En 1816. Napoléon est en exil à Sainte-Hélène, les Bourbons font régner la Terreur blanche. Jadis grenadier de la Garde impériale, Gérard vit dans un village, entouré de sa femme, de sa fille Mathilde, du portrait de l’Empereur et des souvenirs militaires. Il est de connivence avec une poignée d’officiers nostalgiques de l’Empire qui préparent un soulèvement. Le complot est découvert. Blessé, Gérard se cache dans sa maison. La petite Mathilde amadoue le sergent Poitevin venu arrêter son père en donnant sa poupée pour ses enfants, tandis que les autres conspirateurs sont fusillés. À quoi tient une vie ...
1919-1921*Mademoiselle de la Seiglière (FR) d’André Antoine
Société cinématographique des auteurs et gens de lettres (SCAGL)-Pathé Consortium Cinéma (Paris), 1775 m. – av. Huguette Duflos (Hélène de la Seiglière), Romuald Joubé (Bernard Stamply), Charles Lamy (Maître Destournelles), Félix Huguenet (marquis de la Seiglière), Catherine Fonteney (baronne de Vaubert), Charles Granval (Stamply père), Maurice Escande (Raoul de Vaubert), Léon Malavier, Saturnin Fabre.
Synopsis : Le marquis de la Seiglière, seigneur berrichon, s’est exilé en 1791, et son fermier Stamply a racheté les terres et le château, vendus comme biens nationaux. Revenue de l’émigration avec son vieux père, Hélène de la Seiglière brave l’arrogant marquis en épousant Bernard, le fils du fermier, un héros de la Moskova qui a survécu à la campagne de Russie. – Le grand Antoine, fondateur du Théâtre-Libre (1887) qui rompt avec toutes les conventions artificielles de la scène (décors et jeu naturalistes), l’homologue français de Stanislavski et l’inventeur de la mise en scène moderne, passe au cinéma en 1914. Il applique ses théories à la caméra et tourne cette adaptation du roman éponyme de Jules Sandeau (1848) au château de Rochefort, dans les Yvelines, en soignant les moindres détails du récit, mais en l’affublant aussi d’un dénouement heureux.
1920/21L’Agonie des Aigles : 1. Le Roi de Rome – 2. Les Demi-Solde (FR) de Dominique Bernard-Deschamps [et Julien Duvivier]
Société Française Art et Cinématographie (S.F.A.C.)-Pathé Frères S.A. (Paris), 1750 m. et 1550 m. – av. SÉVERIN-MARS [= Armand-Jean de Malafayde] (Napoléon / le colonel comte de Montander), Gaby Morlay (Lise Charmoy), Denise Séverin-Mars (l’impératrice Marie-Louise), Maxime Desjardins (gén. Jean-Martin Petit / cdt. Doguereau), Jean Rauzéna (Napoléon II, roi de Rome), Legall (Joseph Fouché), Moreno (le prince Klemens Wenzel von Metternich), Gilbert Dalleu (Goglu), Fernand Mailly (Chambruque), Max Dartigny (Fortunat), Danvilliers (Triaire), René Maupré (Pascal de Breuilly), Henri Duval (le préfet de police), Renée Wilde, Thierry Angély.
Première version cinématographique de Les Demi-Solde (1899), un roman très populaire du « poète de l’Empire » Georges d’Esparbès adapté par le jeune Julien Duvivier, qui est également assistant-réalisateur et collabore activement au tournage. – Synopsis : Prisonnier à Sainte-Hélène, Napoléon se meurt. Les anciens grognards de la Grande Armée, les « demi-solde » traqués par le nouveau régime, préfèrent une existence misérable à l’allégeance aux Bourbons. Le colonel comte de Montander, vétéran de la Garde impériale, reçoit de Napoléon un message secret pour son fils en Autriche. Le colonel et deux de ses fidèles, Doguereau et Goglu, décident de se rendre à Schönbrunn, où l’Aiglon, onze ans, à présent duc de Reichstadt, est retenu prisonnier sur ordre de Metternich. Ils rencontrent clandestinement l’enfant, lui racontent « leur vérité » sur les hauts faits de son père et lui confient le but de leur mission : ramener à celui-ci une mèche de ses cheveux. Ils sont mis en fuite par la garde du château et s’embarquent peu de temps après pour Sainte-Hélène. Parvenus à destination, les officiers remettent la mèche à Napoléon agonisant, qui rend l’âme après avoir baisé les cheveux de son fils.
Montander fait le serment de ne jamais abandonner le petit roi de Rome et décide d’organiser une conspiration avec des régiments qui sont dévoués à la cause impériale pour prendre d’un seul coup les places fortes de la frontière et rétablir le fils de l’Empereur sur le trône impérial. Alors qu’il tente de recruter des volontaires pour libérer le jeune roi de sa prison dorée en Autriche, Montander est dénoncé à la police et le commandant Doguereau, qui n’est autre que l’un des chefs de la conspiration, reçoit l’ordre de l’arrêter. Montander a été dénoncé par le lieutenant de Breuilly, qui lui dispute les faveurs de Lise Charmoy, une danseuse à l’Opéra italien. Doguereau provoque de Breuilly en duel et le blesse mortellement. Il succombe dans les bras de Lise, qui jure de se venger. Elle feint de tomber amoureuse de Montander (qui l’aime), découvre chez lui des documents compromettants sur la conjuration et le dénonce à la police. La maison est cernée. Prévenus de la trahison, les conjurés se réunissent malgré tout, en prévoyant de se faire sauter après avoir détruit tout indice pouvant impliquer leurs amis. Mais Lise les rejoint pour crier une dernière fois sa haine à Montander, puis s’évanouit ; afin d’éviter qu’elle soit tuée par la déflagration, les conspirateurs se rendent plutôt que de se suicider. Ils sont jugés, et Lise, repentante, réclame pour eux l’indulgence du tribunal. Rien n’y fait : ils sont condamnés à mort. Les soldats français du peloton d’exécution refusent de tirer sur ces braves et il faut aller chercher les Suisses pour les fusiller. Les demi-solde meurent avec un courage et une fierté qui marquent Lise à vie. Quant à l’Aiglon, il restera captif à Schönbrunn où il mourra dans la solitude.
Le roman d’Esparbès (partie d’un cycle en 12 volumes intitulé L’Épopée française) prend pour point de départ une série de conspirations bonapartistes ou antimonarchistes qui marquèrent les annales, tels que l’assassinat du jeune Charles Ferdinand d’Artois, duc de Berry (donc héritier du trône) en février 1820, le complot militaire du Bazar en août, l’insurrection du général en demi-solde Jean-Baptiste Breton en février 1822, diverses tentatives d’enlèvement de l’Aiglon, etc. Alors que les deux versions parlantes de 1933 et 1952 (cf. pp. 658 et 664) simplifient considérablement l’intrigue du livre en n’en reprenant que le complot de la deuxième partie (situé en 1822), la muette, véritable festival de nostalgia napoléonienne que produit la S.F.A.C. (constituée afin de filmer les hautes fresques de l’histoire nationale), illustre en détail, et avec les trémolos qui s’imposent, l’aventure rocambolesque des demi-solde à Schönbrunn, puis leur périple à Sainte-Hélène en avril 1821. Le récit est parsemé de retours en arrière évoquant la charge des cuirassiers à Wagram, les combats d’Eylau et Friedland (filmés sur le champ de courses de la Vallée de la Solle), la retraite de Russie (tournée dans le Jura enneigé) et les adieux de Fontainebleau (dans la cour du Cheval-Blanc). Le Musée de l’Armée prête armes et uniformes, les Invalides un drapeau authentique qui suscite beaucoup d’émotion parmi les figurants. Napoléon sur le déclin et Montander sont interprétés par le tragédien Séverin-Mars, un des acteurs fétiches d’Abel Gance (J’accuse en 1919, La Roue en 1920). La réalisation de cette grande fresque en deux époques s’étire de juin 1920 à janvier 1921, et aurait coûté deux millions de francs ; Bernard-Deschamps obtient l’autorisation de filmer à Fontainebleau, au Jardin des Plantes, au théâtre de Melun ; les intérieurs sont réalisés aux studios Gaumont aux Buttes-Chaumont. Alors que le film n’est pas tout à fait achevé, un montage de dix séquences où apparaît l’Empereur est projeté en avril 1921 au Trocadéro pour le centième anniversaire de la mort de Napoléon, en présence du maréchal Foch. Le film complet sort le 3 février 1922, récolte un beau succès et sera réédité par Super-Film dans une version raccourcie de 2500 m. à l’occasion de la sortie du Napoléon d’Abel Gance, six ans plus tard. – IT : L’agonia delle Aquile (Il re di Roma), GB : The Agony of the Eagles, DE : Alte Soldaten.
1923L’Insigne mystérieux (FR) d’Henri Desfontaines
Établissements Gaumont S.A. (Paris), « série Pax », 1850 m. – av. Adolphe Candé (gén. Herbaut), France Dhélia (Jeanne Herbaut), Fernand Herrmann (René de Montmort), Luc Dartagnan (le Procureur général), François Viguier (Bourdier).
Synopsis: une conspiration bonapartiste pour faire revenir l’Empereur durant la période de 1815 à 1821. Un jeune substitut au Procureur du Roi, René de Montmort, chargé d’instruire l’affaire des complots bonapartistes, tombe amoureux de Jeanne Herbaut dont le père dirige la conspiration. Obligé de l’arrêter sur dénonciation d’un jaloux, il cherche la mort au cours d’une émeute. Le décès de l’Empereur en 1821 met fin au complot et permet à René d’épouser Jeanne. – Adaptation du roman L’Épingle noire (1897) de G. Lenotre alias Théodore Gosselin, de l’Académie française, auteur d’une ribambelle de livres sur la Révolution et l’Empire.
1928Batalla de Damas / Damenkrieg (Der Kampf um den Mann) (ES/DE) d'Armand Guerra et Hans Werckmeister
Angulo Notario y Del Cerro-Parma Film. - av. Georg Alexander, Maria Corda, Leo de Córdoba, Carmen de Toledo, Alice Hechy, Paul Morgan, Manuel San Germán.
En 1817, Henri de Flavigneul, un séduisant bonapartiste condamné à mort, trouve refuge dans le château de la comtesse d'Autreval et ses amis et amies royalistes. La pièce Bataille de dames. Un duel en amour, comédie en 3 actes d'Eugène Scribe et Ernest Legouvé (1851), filmée à Alcalá de Henares (Madrid). Cf. téléfilm de 1980.
1933L’Agonie des Aigles (FR) de Roger Richebé
Société des Films Roger Richebé-Les Films Marcel Pagnol, 125 min. – av. Pierre Renoir (colonel de Montander), Annie Ducaux (Lise Dorian), Constant Rémy (cpt. Doguereau), Jean Debucourt (ltn. Pascal de Breuilly), Marcel André (le préfet de police), Berthe Fusier-Gir (la comtesse d’Ormesson), Gustave Berthier (le président du tribunal), Christian Argentin (le ministre Villèle), Léo Courtois (Gogla), Georges Prieur (gén. Grandaye), Antoine Balpêtré (cdt. Thiéry), Philippe Rolla (ltn. Huguenin), Marc Valbel (ltn. Triaire), Romain Bouquet (l’avocat), Geymond Vital (le messager de Nantes), Denic (cdt. Fourré), Daniel Lecourtois, Florent Di Crado.
Synopsis : À la Restauration, les officiers de Napoléon sont mis à la retraite et doivent vivre avec une demi-solde. Inutiles et désœuvrés, ils ont perdu tout prestige et passent leur temps à se réunir en espérant son retour. Après la mort de l’Empereur, en 1822, ils complotent sous le commandement du colonel Montander pour offrir le trône au jeune Roi de Rome, captif en Autriche. Montander est trahi par sa maîtresse, Lise Dorian, dont l’amant a été tué en duel par un bonapartiste. Les comploteurs sont passés par les armes, fiers, revêtus de leurs uniformes de parade et de leurs médailles gagnées sur tous les champs de bataille d’Europe ; Montander donne lui-même l’ordre de tirer au peloton d’exécution.
Cette deuxième adaptation cinématographique du roman Les Demi-solde de Georges d’Esparbès (cf. version muette en 1920/21), tournée aux studios Braunberger-Richebé à Billancourt, ne reprend que la seconde moitié de l’intrigue et ne comporte pas de retours en arrière (sauf une vue de Napoléon sur son lit de mort), comme d’ailleurs le remake suivant de 1952 (cf. synopsis détaillé du film muet de 1920/21 sous 15.4). Pas ou peu d’extérieurs (on reconstruit le célèbre Café Procope), l’épique cède ici sa place aux portraits et à l’étude du milieu sociopolitique de ces vétérans grognards – que la caméra rapproche des centaines de « poilus » de la Grande Guerre n’ayant pu se réadapter à la vie civile. Les déclamations sont emphatiques, Pierre Renoir la joue pathétique. C’est du travail honnête mais sans surprises, une exceptée : la présence insolite au générique de Marcel Pagnol, coproducteur et auteur du scénario ; l’année précédente, Roger Richebé s’est associé avec ce dernier pour coproduire Fanny qu’a mis en scène Marc Allégret ; Pagnol passera à la réalisation en 1934. En attendant, la tirade qu’il prête au général Grandaye au cours du procès final est un magnifique (et vain) plaidoyer de la fidélité : « Je suis venu vous parler de ces hommes. Pendant quinze ans, à côté d’eux, j’ai marché sur les routes de l’Europe. Je les connais. Il y a dans l’accusation un mot absurde, intolérable. Ce mot, c’est trahison. En 1815, ces officiers ont refusé de rester dans l’armée. Ils ont refusé de prêter serment au nouveau drapeau. S’ils ont pu attaquer le régime, on ne peut pas dire qu’ils l’ont trahi. On les accuse aussi de crime contre la Patrie. C’est un mensonge. La politique est une chose, la Patrie en est une autre. Il n’y a pas de crime en politique, il n’y a que des erreurs. Leur erreur à eux, nous la connaissons. Ils ne se sont pas mis du côté du plus fort. C’est ça que l’on voudrait punir ? Prenez garde qu’en les frappant vous ne frappiez les plus hautes vertus des hommes : la loyauté, la générosité, le courage. Mais la plus difficile de toutes : la fidélité dans le malheur. Ce n’est pas eux que je défends ici, c’est l’honneur de notre pays. »
On peut s’interroger sur l’opportunité d’aborder pareil sujet en 1933, n’était la popularité du roman d’Esparbès (réédité encore dix ans plus tard, sous Pétain). La première du film, le 23 novembre au Théâtre National de l’Opéra, sous le patronage de la Légion d’Honneur, se fait en présence de membres distingués du gouvernement (dont le ministre de la Justice, Albert Dalimier). On compte plus de 200 projections à l’Olympia, aux Grands Boulevards. L’accueil est cependant loin d’être unanime : si les Anciens Combattants et la gauche s’insurgent contre l’exaltation des faits d’armes, si Marianne dénonce « la glorification de l’héroïsme imbécile, du sacrifice inutile, de la fidélité obtuse » (29.11.33), à droite, L’Ami du Peuple parle d’un « public partisan » et relève qu’il « s’agit peut-être d’autre chose que de cinéma, c’est un jugement sur un régime et sur une forme de gouvernement » (24.11.33). D’Esparbès estime, lui, que la sympathie des spectateurs pour ses demi-solde serait l’expression d’un mécontentement général des Français envers les élites politiques de la Troisième République, éclaboussée par les scandales. Une République affaiblie par les crises économiques, la perte de prestige international et les retards dramatiques de son industrialisation. Dans le torchon fasciste et antisémite Je suis partout, Jean Fayard n’a que mépris pour ces « grognards avides de gloire et chargés d’héroïsme contre Hitler ... Il est difficile de réunir un public plus bourgeois, plus compassé et plus amoureux de l’ordre que celui qu’on retrouve à l’Opéra » (2.12.33). À sa manière, la réception du film cristallise la polarisation aiguë de la société française des années trente et le chaos latent qui conduira à la débandade de 1940. – US : The Death Agony of the Eagles.
1934Δ [L’Homme à l’oreille cassée (FR) de Robert Boudrioz ; Réalisations d’Arts Cinématographique, 80 min. – av. Thomy Bourdelle (col. Fougas), Jim Gérald, Jacques Torride, Hamilton, Jacqueline Daix, Alice Tissot. – Le roman fantastique d’Edmond About (1862) : en 1859, un ingénieur des mines ramène de Russie le corps desséché du colonel d’Empire Fougas, condamné à mort par les Prussiens en 1813 et réduit à l’état de momie par un professeur de Dantzig. Il lui casse accidentellement un bout d’oreille pendant le transport. L’ingénieur le ressuscite par un bain spécial et Fougas, vingt-quatre ans, emporté et excentrique, retrouve sa descendance, rend visite à Napoléon III, etc ... La version cinématographique de 1934 réveille Fougas de son sommeil cataleptique 120 ans plus tard, à l’instar du premake muet italien L’uomo dall’orecchio mozzato d’Ubaldo Maria del Colle (1916) et du plagiat L’uomo che dormi centotrent’anni d’Arturo Rosenfeld (1922).]
1936/37Le Mot de Cambronne (FR) de Sacha Guitry
Serge Sandberg/Cinéas Film, 36 min. – av. Sacha Guitry (gén. Pierre Cambronne), Marguerite Moreno (Mary Cambronne-Osburn), Jacqueline Delubac (Nanon), Pauline Carton (la préfète).
Synopsis : À Nantes, pendant la Restauration. Madame Cambronne, une Anglaise, ignore quel est le fameux « mot » prononcé par son époux lors de la bataille de Waterloo... et l’ancien général d’Empire (1770-1842), fidèle parmi les fidèles, compagnon de l’Empereur sur l’île d’Elbe et qui commandait le dernier carré de la Vieille Garde, refuse, honteux, de le lui révéler. C’est finalement Nanon, la domestique, qui le prononce en laissant tomber un vase !
Une pièce malicieuse en un acte et en vers, créée le 2 octobre 1936 au Théâtre de la Madeleine et filmée aux ateliers Pathé-Studio-Cinéma à Billancourt en une journée, avec les mêmes interprètes, costumes et accessoires. Jacqueline Delubac, alors Mme Sacha Guitry, n’y a « qu’un mot à dire ». Le sujet de la pièce fut soufflé à Guitry par Edmond Rostand. – Nota bene pour les béotiens : selon une légende très populaire, Cambronne, sommé de se rendre par le général britannique Colville, aurait répondu : « La Garde meurt mais ne se rend pas ! », puis, devant l’insistance du vainqueur, crié « Merde ! » (expression connue aujourd’hui comme « le mot de Cambronne »). Grièvement blessé, il fut capturé par les Britanniques après les combats ; contrairement aux délires bonapartistes, les derniers carrés impériaux ne furent pas massacrés, mais se retirèrent en essuyant de lourdes pertes tout en protégeant le restant de l’armée française en déroute. Transporté en Angleterre, Cambronne fut soigné puis rendu à la France, où il fut écroué à la prison de l’Abbaye. Acquitté grâce à l’éloquence de son avocat, il fut alors assigné à résidence à Nantes en mai 1816. Quatre ans plus tard, il épousa sa voisine Mary Osburn, une veuve écossaise. En 1822, Louis XVIII le nomma vicomte. Cambronne contesta toute sa vie les deux réponses qu’on lui attribue à Waterloo (puisqu’il n’y est pas mort et qu’il s’est bel et bien rendu).
1942*Pontcarral, colonel d’Empire (FR) de Jean Delannoy
Raymond Borderie/Pathé Cinéma, 122 min. – av. Pierre Blanchar (le colonel baron Pierre Pontcarral), Annie Ducaux (Garlone de Ransac), Suzy Carrier (Sybille de Ransac), Charles Granval (marquis de Ransac), Jean Marchat (Hubert de Rozan), Guillaume de Sax (général Fournier-Salovèze), Simone Valère (Blanche de Mareilhac), Léon Daubrel (Louis-Philippe), Marc Dantzer (Franz Liszt), Alberte Bayol (George Sand), Jean Chaduc (Frédéric Chopin), Georges Lequesne (Alfred de Musset), Robert Christidès (Alexandre Dumas), Marcel Delaitre (Austerlitz), Léon Daubrel (le roi Louis-Philippe).
Synopsis : Après s’être dressé, à Sarlat, le 25 août 1815, contre le retour de Louis XVIII, Pierre Pontcarral, baron et colonel d’Empire (fictif) mis en demi-solde, fuit avec son ordonnance Austerlitz. Il réapparaît en 1824 sous Charles X, confiné dans son modeste manoir du Périgord et surveillé par la police royale qui entoure d’espions et de provocateurs cet ennemi intransigeant et incorruptible des Bourbons dans l’espoir de le réduire au silence. Il fait la connaissance de la jeune Sibylle de Ransac, petite-fille d’un châtelain des environs qui l’admire ; il épouse toutefois sa sœur, Garlone, qui l’humilie avec son ancien amant, et il se venge en tuant ce dernier en duel. Pontcarral retrouve son grade et ses dignités à l’avènement de Louis-Philippe en 1830 et meurt au combat en Algérie avec son régiment, cinq ans plus tard.
Sorti en décembre 1942, ce film historico-romanesque de Delannoy obtient un succès public considérable en raison de la qualité de sa facture, du soin apporté aux reconstitutions d’époque, de sa trame romantique et de ses portraits psychologiques dessinés avec panache. Mais aussi parce qu’il constitue un rappel un brin chauvin des grandeurs des temps de victoire. En outre, la description de l’opposition de ce bonapartiste exemplaire aux compromissions d’une société royaliste servile aurait été, dit-on, ressentie comme porteuse de symbole de libération en pleine Occupation (une main fait sauter la plaque de la rue Louis XVI, et fait ainsi apparaître la plaque originelle, la rue Napoléon). Certaines répliques sont applaudies à chaque séance, notamment celle où le colonel rebelle s’adresse à son juge d’instruction en ces termes : « Sous un tel régime, monsieur, c’est un honneur d’être condamné ! » (dialogues de Bernard Zimmer, d’après un roman d’Albéric Cahuet paru en 1937). Menacé par les ultras de Charles X, Pontcarral s’exclame : « La condamnation à mort ? C’est la seule chose aujourd’hui qui ne s’achète pas ! » Plus tard, Louis-Philippe l’apostrophe : « Colonel Pontcarral, il est temps de sortir la France de ses humiliations, de rendre à son drapeau, notre drapeau, un peu de gloire ! », phrase qui sera coupée par la censure allemande et réintroduite à la Libération. Mais sans doute faut-il voir dans ce film qui flatte avec habileté le patriotisme, la gloire des drapeaux et, à la fin, l’empire colonial, plus « un esprit de fronde que de résistance » (Jacques Siclier). Produit avec de gros moyens (budget, décors, costumes, figurants), le film est tourné à Angoulême et sa région (vallées des Eaux Claires, château de la Tranchade, Rochers de Chamoulard, domaine de Fondaumier, Mouthiers), à Sarlat (Dordogne) et aux studios Pathé-Joinville. – IT : L’ultimo bacio, DE : Der Oberst des Kaisers.
1942/43L’Auberge de l’abîme (FR) de Willy Rozier
Sport-Films, 99 min. – av. Ruger Duchesne (ltn. Jacques Aimard), Janine Darcey (Martine Thierry), Aimé Clariond (le docteur Thierry, son père), Daniel Mendaille (Pailhan), Roger Legris (Milette, le berger), Jacqueline Hervé (Maria Pailhan), Georges Vasty (Félix Pailhan), Anita Lebel (Ginou), Georges Patrix (Albin Pailhan).
Synopsis : Dans les Cévennes en été 1815, après la défaite de Waterloo. La France rurale n’en peut plus des guerres, de la conscription et des fils qui ne reviennent pas au pays ; l’hostilité à l’encontre des militaires est tenace, profonde, aveugle. Après la débâcle de son régiment « derrière la Loire », le lieutenant Jacques Aimard regagne à cheval Mende-en-Lozère. Dissuadé de rejoindre le village voisin à la nuit tombée, il trouve un gîte dans la ferme dite « L’Auberge de l’abîme », gérée par le couple Pailhan et leurs enfants, Albin, Félix et Maria. Inquiet, il conserve ses deux pistolets et son sabre à portée de main durant la nuit. Le lendemain, reprenant sa monture en direction de Meyrueis, il est attaqué par les Pailhan en furie, persuadés qu’il est « l’homme aux bottes noires », un brigand recherché. Aimard tue Albin en légitime défense, son cheval est abattu. Blessé, il se terre dans les galeries d’une caverne géante, les gouffres souterrains de Bramabiau. Les paysans bloquent l’entrée, leur haine est à son comble. Thierry, le médecin du village, et sa fille Martine connaissent la cachette du lieutenant et le soignent, Martine s’éprend de lui. Le docteur succombe à un malaise, mais parvient à innocenter Aimard avant de décéder ; le véritable brigand est capturé, Aimard retourne chez lui avec Martine. – Une adaptation habile du court roman d’André Chamson (1933), reconstituant avec adresse le quotidien d’un village à la fin de l’Empire. Remake télévisuel en 1974 (cf. infra).
1943*Le Colonel Chabert (FR) de Robert Le Hénaff
Édouard Harispuru/Compagnie Commerciale Française Cinématographique (CCFC), 102 min. – av. Raimu (col. Hyacinthe Chabert), Marie Bell (comtesse Rose Ferraud), Aimé Clariond (Maître Derville), Frédérique Nadar (Mme de Ponthieux), Jacques Baumer (Delbecq), Fernand Fabre (comte Ferraud), Liliane Bert (Mme Hellé), Pierre Alcover (directeur de l’asile), Roger Blin et Jacques Charon (des clercs), Arlette Wherly (la fille Ferraud), Pierre Brûlé (le fils Ferraud), Suzanne Flon (Albertine).
Synopsis : Porté disparu à la bataille d’Eylau (Prusse orientale), le 8 février 1807, où il a contribué à la victoire en participant à la charge de cavalerie de Murat devenue célèbre, le colonel comte d’Empire Hyacinthe Chabert passe pour mort. Mais il a survécu miraculeusement à une horrible blessure qui l’a laissé manchot, a été recueilli et soigné par des paysans et, après avoir connu une longue odyssée, fait une embarrassante réapparition à Paris en 1817. Ayant hérité de sa fortune et ses domaines, son épouse Rose (une ancienne prostituée) s’est remariée avec le comte Ferraud, un arriviste, et empêche Chabert de faire valoir ses droits ; Delbecq, l’intendant des Ferraud, tente de faire passer le revenant pour un imposteur et de l’enfermer dans un asile, mais le vieil homme déjoue le piège et s’enfuit. Il se rend chez son avoué, Derville (qui est également celui de la comtesse), et lui confie sa tragique histoire. Rose feint la réconciliation, puis appelle à sa pitié pour mieux le tromper. écœuré, refusant tout compromis déshonorant, Chabert va mendier son pain dans les rues et, après avoir déchiré les papiers qui auraient permi sa réhabilitation, finit ses jours dans l’hospice des pauvres de Saint-Denis, parmi les vétérans et autres épaves de l’Empire.
Adaptée du roman éponyme d’Honoré de Balzac (1832), cette production s’inscrit dans le courant « patrimonial » des adaptations littéraires de prestige si typiques du cinéma français pendant l’Occupation : le scénario est signé Pierre Benoit, de l’Académie française (avec un coup de main d’Yves Mirande), le rôle-titre est confié à l’acteur fétiche de Marcel Pagnol (César, La Femme du boulanger), véritable monstre sacré, bourru, grognon, instinctif et lourdement mélancolique. Le film aurait dû être réalisé par le jeune Jacques Becker (mars 1943) qui se désiste après un violent désaccord avec Raimu (ce dernier ayant tendance à tirer toutes les couvertures à lui), et c’est Le Hénaff, ancien monteur de René Clair et de Marcel Carné, qui le remplace. La mise en scène appliquée à défaut d’être inspirée, les dialogues habiles de Benoit et une interprétation de qualité (Marie Bell, Clariond) qui résiste tant bien que mal à l’envahissante composition de Raimu en font un des succès notables des années noires. Un des sept films adaptés de l’œuvre de Balzac sous Pétain, tourné aux studios de Saint-Maurice à Joinville-le-Pont et, pour le morceau de bravoure de la charge d’Eylau, au Polygone de Vincennes avec le concours de la Garde républicaine de Paris. L’entêtement identitaire de Chabert, son attachement au passé impérial peuvent être perçus politiquement, la Restauration et ses « girouettes » étant implicitement assimilées à Vichy et à ses collabos. – IT : Il colonello Chabert, DE : Oberst Chabert, AT : Gräfin Chabert.
1949The Fighting Kentuckian / Eagles in Exile (Le Bagarreur du Kentucky) (US) de George Waggner
John Wayne/Republic Pictures (Herbert J. Yates), 100 min. – av. John Wayne (John Breen), Vera Ralston (Fleurette de Marchand), Hugo Haas (gén. Paul de Marchand, son père), Philip Dorn [= Frits van Dongen] (col. Georges Géraud), Oliver Hardy (Willie Paine), Odette Myril (Mme de Marchand), John Howard (Blake Randolph), Steve Darrell (gén. Andrew Jackson), Hank Worden (Abner Todd), Marie Windsor (Ann Logan), Beau Merritt (Paul Fix), Mae Marsh (sœur Hattie), Gino Corrado (soldat français).
En automne 1815, après Waterloo, plusieurs officiers de Napoléon condamnés à mort s’exilent aux États-Unis avec leurs familles. Le 3 mars 1817, un Acte du Congrès leur accorde quatre colonies en Alabama. Ils fondent la ville de Demopolis (comté de Marengo) qui devient rapidement prospère grâce à la culture des vignes et des olives, ainsi que les cités d’Aigleville et d’Arcola. Parmi les immigrants les plus éminents figurent le général-comte Charles Lefèbvre-Desnoëttes (un ami proche de Napoléon qui fit la campagne de Russie à ses côtés et fut blessé à Waterloo), le lieutenant-général baron Henri-Dominique Lallemand et le comte Bertrand Clausel. La plupart des expatriés n’ont pas l’esprit pionnier et revendront leurs terres à des colons américains pour s’établir à Philadelphie. Lefèbvre-Desnoëttes disparaîtra en mer lors de son retour en France en 1822. Tant pour l’Histoire. C’est à partir de ces éléments peu connus que le réalisateur germano-américain Waggner alias Waggoner, spécialiste du fantastique (The Wolf Man/Le Loup-garou avec Lon Chaney Jr., 1941) et du western de série B, brode un scénario pour la vedette John Wayne, également producteur du film.
Synopsis : En 1818, alors qu’il traverse l’Alabama avec son régiment de chasseurs à pied (« riflemen ») du Kentucky après avoir aidé le général Andrew Jackson à repousser les Anglais à la Nouvelle-Orléans, le milicien John Breen tombe sous le charme de Fleurette de Marchand, la fille d’un ex-général d’Empire (fictif) établi à Demopolis. Amoureux, Breen fausse compagnie à son régiment, se prend de sympathie pour Marchand père et lutte contre les mercenaires de Blake Randolph, un puissant propriétaire terrien qui cherche à déposséder les nouveau-venus, et si possible à les exterminer. Les Français (qui combattent dans leurs uniformes napoléoniens, au son de la Marseillaise) luttent à un contre cent, Breen abat les principaux félons et, au dernier moment, le général (et futur président) Andrew Jackson cavalcade à la rescousse avec son régiment du Kentucky. – Une sympathique petite bande d’aventures, dynamique et pétaradante, dans laquelle apparaissent Vera Hruba Ralston (la femme du patron de la Republic, Yates), l’acteur-réalisateur hongrois Hugo Haas et le comique Oliver Hardy, exceptionnellement sans Stan Laurel (malade) ; Hardy fait l’inséparable ami de Breen dont les gaffes et la couardise apportent un contrepoint d’humour. Le tout est agrémenté d’une photo cristalline de Lee Garmes, l’ancien chef opérateur de Josef von Sternberg (Shanghai Express) et tourné sur le backlot de la Republic et à Iverson Ranch, Chatsworth, avec l’habituelle pléiade de cascadeurs chevronnés. – FR (tv) : John Breen du Kentucky, IT : Il ritorno del kentuckiano, DE, AT : In letzter Sekunde, ES : El luchador de Kentucky.
1951/52L’Agonie des Aigles / Les Demi-solde – Au service de l’Aiglon (FR) de Jean Alden-Delos
J. Alden-Delos, Jean Velter/Trianon-Films et Cinéma Productions (Paris), 83 min. – av. Roger Pigaut (col. de Montander), Noël Roquevert (cpt. Doguereau), Colette Pearl (Lise Dorian), Charles Moulin (Goglu), Raymond Rognoni (Coutillot), Pierre Morin (Chambusque), Catherine Arley (comtesse d’Ormesson), Jean Mauvais (cdt. Thierry), Gérard Castrix (Triaire), Robert Allan (Pascal de Breuilly), Léonce Corne (Constant), Henri Valbel (le président du tribunal), Roger Vincent (le docteur), Georges Bréhat, Jean-Marc Lambert, Jean Berton, Maurice Dorléac, Jean-Pierre Lorrain.
La saga héroïque des demi-solde du colonel de Montander qui complotent pour placer le Roi de Rome sur le trône, sont trahis par une femme et passés par les armes. Troisième et dernière adaptation du roman Les Demi-solde de Georges d’Esparbès (synopsis détaillé, cf. le film muet de 1920/21 sous 15.4). Comme la précédente de 1933 (cf. supra), celle-ci n’aborde que la période à partir de 1822 et ne comporte pas de séquences relatives au Premier Empire ou à Sainte-Hélène. En revanche, elle montre la coupable, Lise, 30 ans plus tard, fidèle au souvenir, repentante sur la tombe de l’Aiglon, puis sur son lit de mort avec une broche de l’Aigle impérial à sa chemise et le buste de Napoléon sur sa table de nuit ... En dépit d’un sujet devenu passablement ringard après les ravages de la dernière guerre, le film (tourné en Gévacolor aux studios de Boulogne et en extérieurs à Paris, à Saint-Cloud et à Versailles) fait 758 000 spectateurs en France – avant de sombrer dans l’oubli. Novice dans le métier, son auteur, Jean Alden-Delos, en est à la fois l’adaptateur, le dialoguiste, le réalisateur et le producteur. Visiblement porté sur la chose militaire et un nostalgique de la grandeur coloniale d’antan, il fut chef de goumiers marocains en 1922 pendant la guerre du Rif contre Abd el-Krim où, grièvement blessé, il eut la vie sauvée grâce à la Légion étrangère. Ce qui peut expliquer son deuxième et dernier film, Sidi-Bel-Abbès (1953), panégyrique de la Légion en Algérie, tiré de son roman. Du cinéma d’arrière-grand-papa qui n’a plus aucun rapport avec les réalités du jour.
1952Nez de Cuir, gentilhomme d’amour / Naso di cuoio, gentiluomo d’amore (FR/IT) d’Yves Allégret
Paul-Edmond Decharme/Alcina Film (Paris)-Société Nouvelle Pathé-Cinéma (Paris)-Società Italiana Cines (Roma), 92 min. – av. Jean Marais (le comte Roger de Tainchebraye, dit « Nez de Cuir »), Françoise Christophe (Judith de Rieusses), Jean Debucourt (marquis de Brives), Massimo Girotti (docteur Marchal), Mariella Lotti (Hélène Josias), Yvonne de Bray (Marie-Bonne), Valentine Tessier (Simone de Tainchebraye), Marcel André (Josias), Denis d’Inès (le duc de Laval), Giani Esposito (un invité), Michel Etcheverry (un gentilhomme), Micheline Gary (paysanne), Yolande Laffon (Mme de Brigade), Bernard Noël (Guy de Merle), Françoise Prévost, Charles Bayard, Anne-Marie Duverney, Jean Yanne.
Texte d’ouverture, sur un paysage jonché de cadavres et de blessés appelant au secours : « 1814. Chargeant les Cosaques, Roger, comte de Tainchebraye, tomba en Champagne au cours de ce carnage connu sous le nom de campagne de France ... à la fin d’une de ces batailles sans espoir, durant lesquelles l’Empire, pour retarder sa chute, sacrifia par milliers des soldats de vingt ans ... et les gens de chez lui, piqueur en tête, revinrent au soir chercher parmi les morts, le corps de leur jeune maître ... » étendu dans la neige, méconnaissable car grièvement blessé au visage, le gentilhomme normand, vingt-deux ans, est transporté plus mort que vif dans sa berline. Il se remet après de longs mois de convalescence, mais porte dorénavant un masque pour dissimuler sa cicatrice. Dix ans plus tard, son charme demeurant intact auprès des femmes mariées ou célibataires, il multiplie cyniquement les conquêtes jusqu’au moment où il tombe follement amoureux de la seule qui lui résiste, Judith de Rieusses. Comme il refuse le mariage en raison, dit-il, de sa déchéance, elle épouse le vieux marquis de Brives, dont Roger devient le plus fidèle ami. À la mort de Brives, Judith revoit Roger, mais au cours d’une dispute, il lève son masque. Ne supportant pas la pitié qu’il croit lire dans les yeux de Judith, Roger s’éloigne à jamais.
Un film tiré du roman Nez-de-Cuir de l’auteur monarchiste Jean de la Varende, paru en 1936 ; La Varende s’est inspiré de la vie de son grand-oncle, Achille Périer de La Genevraye, blessé au visage lors de la prise de Reims en mars 1814. Claude Autant-Lara songe à porter le texte à l’écran, mais c’est Marc Allégret et son scénariste Jacques Sigurd, des hommes de gauche, qui gagnent la mise ; le tandem, connu pour ses films noirs à la française (Dédée d’Anvers, Manèges, Une si jolie petite plage) concocte une œuvre ni pleinement romantique ni véritablement noire (interprétation théâtrale, manque de passion et cruauté réelles, rythme paresseux), mais qui véhicule en filigrane la vision désenchantée d’une France émasculée par la guerre. À Roger qui se révolte contre son sort, le jeune docteur Marchal, transformé en eunuque par un boulet de canon, lance : « Il y a des milliers de morts depuis douze ans, pourrissant dans la terre, des ruines, des gosses étripés, des mères qui pleurent, Défiguré, la belle affaire, tu oses te plaindre, mais il y a bien plus malheureux que toi, bien plus. Les milliers et milliers d’estropiés qui se traînent sur les routes, qui crèvent de faim, qui, eux, n’ont pas de châteaux, qui n’ont rien ni personne... » Les propos introductifs dénigrant l’Empire n’existent pas chez La Varende, mais ils font écho à l’effondrement du Troisième Reich. Tournage du 2 juillet au 24 août 1951 aux ateliers Franstudio à Joinville (avec de fort beaux décors de Georges Wakhévitch) et dans la région parisienne. En 1983, à la veille de sa mort, François Truffaut envisagera de réaliser une nouvelle version avec Gérard Depardieu.ES : Nariz de cuero.
1953Captain Scarlett (Capitaine Scarlett) (US) de Thomas H. Carr
Howard Dimsdale/Craftsman Productions-United Artists, 75 min. – av. Richard Greene (cpt. Charles Scarlett), Leonora Amar (la princesse Marie), Nedrick Young (Pierre du Cloux), Manolo Fábregas (le duc de Courlaine), Carlos Músquiz (Etienne Dumas), Eduardo Noriega (comte de Villiers), Isabel del Puerto (Josephine Prenez).
Synopsis : À son retour de Waterloo, le capitaine Scarlett (patronyme bien français !) constate que ses biens ont été confisqués par le duc de Courlaine et son complice, le comte de Villiers, d’anciens émigrés qui ont pris le pouvoir en province. Profitant du chaos social et politique au lendemain de la seconde abdication de Napoléon, les félons écrasent le pays d’impôts. Scarlett devient une sorte de Zorro bonapartiste à la cape écarlate, tient tête aux représentants de la « Terreur blanche » revenus d’Angleterre pour se venger. Il échappe à la guillotine, sabre les tyrans et épouse la princesse espagnole qu’ils détenaient prisonnière, allez savoir pourquoi. – Il n’est pas garanti que les fabricants de ce bricolage ultrafauché savaient où se trouve la France sur la carte, et à quoi elle ressemblait en 1815, mais qu’importe ... Une grosse niaiserie filmée en Technicolor avec quinze figurants au Mexique (16 mm gonflé en 35 mm) et sortie en première mondiale à Mexico City sous le titre El capitan Escarlata. La version française tait le passé napoléonien du héros ainsi que la date précise de l’action, on ne saurait être assez prudent ! – DE : Der scharlachrote Kapitän.
1973(tv) Les Braises de décembre ou Le Moine (FR) de Lazare Iglésis
ORTF (FR3 20.11.73), 60 min. – av. François Perrot (le comte Hubert), Juliette Mills (la comtesse Sabine), Nathalie Juvet (Mathilde, leur fille), Jacques Frantz (cpt. de Saint-Alban), Paul Bonifas (le père Laurent), Thierry Missud (Frédéric), Fernand Bercher (M. Cousi), Annie Roudier (Zénobie, la gouvernante), André Thorent (Baptiste), Jacques Hilling (la voix du chien).
Une dramatique de Simone de Ricard : L’avant-veille de Noël 1815, dans leur château perdu dans le Quercy, le comte Hubert et la comtesse Sabine regardent le feu de cheminée s’éteindre ; leur couple bat de l’aile. La comtesse se souvient avec mélancolie de l’an passé, lorsque son mari et leur fille Mathilde étaient à Paris et qu’elle s’était laissée séduire par un bel officier bonapartiste égaré, Saint-Alban (flash-back). Une série de hasards et de quiproquos l’aident à oublier sa liaison fugace, à se rapprocher de son mari et à retrouver le sourire.
1974(tv) Schulmeister, l’espion de l’Empereur – 13. Après les Cent Jours (FR) de Jean-Pierre Decourt
Cyril Grize/ORTF-Société nouvelle Pathé-Cinéma (1re Ch. 15.4.74), 52 min. – av. Jacques Fabbri (Karl Ludwig Schulmeister), Henri Virlojeux (Joseph Fouché), Roger Carel (Hammel), Andrée Boucher (Suzel Schulmeister), Alfred Adam (gén. Pierre Cambonne), Howard Vernon (Sir Horace Mill), Georges Claisse (Tchernitchef), Pierre Hatet (col. Karl Justus Gruner), Claudine Collas (Adeline), Jacqueline Jefford (Mary Osburn), Patrick Préjean (Bajou), Raoul Billerey (Maréchal), Guy Fox (Klaus), Rico Lopez (Tulipe), Guy Delorme (le commandant).
Synopsis : L’Empereur est en route pour Sainte-Hélène, mais il reste en France une « bombe vivante » : Schulmeister, l’espion de Napoléon pendant quinze ans, dépositaire de tous les secrets du Premier Empire. Les vainqueurs à Waterloo sont déterminés à récupérer ou faire disparaître ce témoin embarrassant, chacun à sa manière. Celle de Tchernitcheff est radicale : l’espion du tsar Alexandre envoie ses cosaques au château de Schulmeister à Boissy-Saint-Léger pour tout y détruire. Hammel, bras droit de Schulmeister, sauve son épouse Adeline et Suzel de justesse. Fouché, à présent ministre de Louis XVIII, les fait suivre, espérant, grâce à eux, retrouver Schulmeister qui, caché chez le général Cambronne (dans son domaine de la Treille à Nantes), attend les siens pour s’embarquer pour l’Amérique à bord d’une frégate de Jean Lafitte, le fameux corsaire ; mais Sir Horace Mill fait intercepter le navire et le colonel prussien Gruner tend une embuscade à l’ex-commissaire impérial. Blessé, Schulmeister réussit à s’enfuir et c’est en compagnie de membres de l’ancien commando d’Ulm qu’il retrouve Suzel, Hammel et Adeline. Une troupe de saltimbanques l’aide à disparaître au nez et à la barbe des services secrets de toutes les puissances coalisées (séries Schulmeister, cf. p. 155).
1974(tv) L’Auberge de l’abîme (FR) de Jean-Loup Berger
ORTF (1re Ch. RTF 11.5.74). – av. Louis Velle (ltn. Jacques Aimard), Pierre Maguelon (Milette, le berger), Mireille Audibert (Maria Pailhan), Paul Crauchet (Pailhan), Janine Souchon (Mme Pailhan), Jean-Claude Monteil (Albin Pailhan), Yves Hugues (Félix Pailhan), Raoul Guillet (Thierry, le médecin), Jeanne Pérez (l’épicière), Jacques Serres (le compagnon), Jacques Alric (le maire), Jean Sagols (Julien), Léonce Corne (l’épicier), Edith Garnier.
Les Cévennes en été 1815 ... Une adaptation du roman d’André Chamson (1933) signée Jean-Louis Bory. Synopsis, cf. supra, film de 1943.
1979(tv) Damenkrieg (DE-RDA) de Robert Trösch
Deutscher Fernsehfunk der DDR, Ost-Berlin (DFF 25.7.79), 70 min. - av. Sonja Hörbing (la comtesse Cécile d'Autreval), Wolfgang Penz (Gustave de Grignon), Jalda Rebling (Léonie de Villegontier), Giso Weissbach (Henri de Flavigneul), Hans-Joachim Hanisch (le baron de Montrichard), Melchior Vulpius (sous-officier de dragons), Horst Bartnow (un domestique).
En 1817, Henri de Flavigneul, un séduisant bonapartiste condamné à mort, trouve refuge dans le château de la comtesse d'Autreval et ses amis et amies royalistes. La pièce Bataille de dames. Un duel en amour, comédie en 3 actes d'Eugène Scribe et Ernest Legouvé (1851). Cf. téléfilm de 1980.
1980(tv) Bataille de dames (FR) de Pierre Sabbagh (tv), Robert Manuel (th)
« Au théâtre ce soir », ORTF (1re Ch. 11.1.80). – av. Myriam de Colombi (la comtesse Cécile d’Autreval), Georges Montillier (le baron de Montrichard, préfet), Jacqueline Jolivet (Léonie de la Villegontier, sa nièce), Daniel Auteuil (Gustave de Grignon), Jean-Pierre Gernez (Henri de Flavigneul), Alain Faivre (le brigadier), Christian Plantu (le domestique), Maria Naudin, Agnès Chentrier, Michèle Adam, Jean-Pierre Seher, Michel Lecaille.
Synopsis : Au château d’Autreval près de Lyon, en octobre 1817. La comtesse d’Autreval, fervente royaliste et ancienne combattante en Vendée, cache dans son château un conspirateur bonapartiste : Henri de Flavigneul, dont elle est amoureuse. Flavigneul a été condamné à mort par le Conseil de guerre à Lyon, mais il s’est évadé et elle l’a engagé comme valet de chambre sous le nom de Charles. La nièce de la comtesse, Léonie, en est également amoureuse. Le fugitif est menacé par le nouveau préfet, Montrichard, qui soupçonne la comtesse de dissimuler le coupable. Celle-ci imagine de faire passer un de ses encombrants soupirants pour Henri. Le malheureux élu est Gustave de Grignon, qui risque le peloton d’exécution par amour. Inconscient, le préfet facilite la fuite du proscrit, qui est amnistié au dernier moment. – La comédie en 3 actes Bataille de Dames. Un duel en amour d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé (1851), enregistrée le 28 avril 1979 au Théâtre Marigny à Paris. Déplacée en 1814 pendant l'exil de Napoléon sur l'île d'Elbe, la matière a été portée à l’écran à Hollywood en 1929 sous le titre Devil-May-Care (cf. chap. 15.1).
1994**Le Colonel Chabert (FR) d’Yves Angélo
Jean-Louis Livi/Film Par Film-D.D. Productions-Paravision-Sidonie-Orly Films-Sédif Productions-TF1 Films Production, 110 min. – av. Gérard Depardieu (col. Hyacinthe Chabert), Fanny Ardant (la comtesse Rose Ferraud), Fabrice Luchini (Maître Derville), André Dussollier (le comte Ferraud), Claude Rich (Chamblin), Romane Bohringer (Sophie), Daniel Prévost (Boucard), Olivier Saladin (Hure), Maxime Leroux (Godeschal), Eric Elmosnino (Desroches), Guillaume Romain (Simonin), Patrick Bordier (Boutin), Jean Cosmos (Costaz), Jacky Nercessian (Delbecq), Albert Delpy (un notaire), Marc Maidenberg (valet).
(Synopsis, cf. supra, film de 1943.) Premier film du chef opérateur réputé Yves Angélo (Tous les matins du monde d’Alain Corneau, Un cœur en hiver de Claude Sautet), qui signe également le scénario avec Jean Cosmos. Une adaptation intelligente et un rôle en or pour Gérard Depardieu, impérial en revenant amnésique (plus crédible que Raimu parce que plus jeune), qui retrouve Fanny Ardant, sa partenaire de La Femme d’à côté de François Truffaut (1981). Depardieu enrichit son personnage par un jeu tout en subtilité et le script diverge sur quelques détails de la version de 1943 : Chabert n’est plus manchot, mais a survécu à une horrible blessure au crâne qui lui a fait perdre temporairement la mémoire ; pour le venger, l’avoué Derville, magnifiquement campé par Luchini, force la comtesse à révéler à son époux l’existence du premier mari et détruit ainsi son mariage.
Une belle réussite (mais hélas un flop en salle), tournée en extérieurs à l’abbaye du Moncel (Oise), à Marigny-le-Cahouet (Côte d’or), aux châteaux de Bizy (Eure), de Bouges (Indre), de Valençay (Indre) et de Chaalis (Oise). La charge meurtrière des 12 000 cavaliers de Murat (une des plus grandes charges de cavalerie de l’Histoire) contre les divisions russes de Bennigsen à Eylau est reconstituée avec un certain panache dans la neige à Bialka Tatranska, dans le sud de la Pologne (cf. p. 526). Chabert la revit en flash-back. Six nominations aux Césars 1995 (Angelo, Depardieu, Luchini, photo, décors, costumes) ; Golden Pyramid au festival du Caire 1994 pour Angelo, Ruban d’argent du Syndicat national italien des critiques de cinéma 1996 (costumes). – IT : Il colonello Chabert, DE : Die Auferstehung des Colonel Chabert, ES : El coronel Chabert, US : Colonel Chabert.