Ayesha et Antinéa

« Le mythe de la reine immortelle au cinéma
I. Ayesha – II. Antinéa »

in : « L'Ecran fantastique » (Paris) nos. 57 et 58, juin et juillet 1985 (32 p.)

Ayesha, l'héroïne du roman « She » (« La déesse de feu », 1886) de Sir Henry Rider Haggard, et Antinéa, la souveraine berbère de « L'Atlantide » (1919) de Pierre Benoit, incarnent à perfection un des mythes les plus fascinants de notre imaginaire : celui de la femme-reine à la beauté inaccessible, échappant à l'emprise du temps et soumettant à sa loi une contrée dont le nom n'est mentionné que dans les cartes géographiques du rêve. « She » a été vendu à près de cent millions d'exemplaires et les deux romans ne totalisent à ce jour pas moins de 20 adaptations cinématographiques. Analyse systématique et filmographies.

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Mises à jour (2013)

"ANTINÉA" de Pierre Benoit – nouveau

1992 – L'Atlantide (France / Italie)

Réal.: Bob Swaim - Scén.: Bob Swaim, Christopher Frank, Nicola Badalucco, Franco Bernini, Jonathan Meades, Angelo Pasquini - Photo: Ennio Guarnieri (Technicolor)  Mus.: Richard Horowitz - Déc.: Luciano Ricceri - Cost.: Maurizio Millenotti - Mont.: Marie-Sophie Dubuis - Prod.: Roberto Cicutto, Vincenzo De Leo, Giovanna Genoese, Christian Charret / Aura Film (Rome), RCS Produzione, RAI Uno, Compagnie Française Cinématographique (CFC), Gaumont Télévision, Canal+, 110 min. / version tv: 180 min. - Sortie: 30.12.1992 (Paris), RAI Uno: 16.1.1994 en deux parties.

Int.: Victoria Mahoney (Antinéa), Tchéky Karyo ( Morhange), Christopher Thompson (Saint- Avit), Anna Galiena (Amira), Jean Rochefort (Le Mesge), Günther Maria Halmer (Bielovsky), Orso Maria Guerrini (Cegheïr-ben-Cheïkh), Patrice-Flora Praxo (Tanit Zerga), Michele Melega (Ferrière), Claudia Gerini (Sophie Morhange), Antonio Marsina (Nirval), Fernando Rey (Père Mauritius), Aziz El-Fatihi (Bou Djema).

La dernière adaptation du roman de Benoit à ce jour est due au cinéaste américain Bob Swaim, qui a surtout travaillé en France ("La Balance", 1982). Contacté par le producteur italien Roberto Cicutto, qui détient les droits du roman, Swaim découvre sur le tard que l'entreprise est financée à 90% par la télévision italienne (Sergio Silva) et que les attentes de ses commanditaires diffèrent radicalement des siennes. Le tournage s'effectue au Maroc, à Tanger, dans les décors naturels d'Erfoud (région de Meknès-Tafilalet) et en studio à Cinecittà, avec la comédienne et réalisatrice afro-américaine Victoria Mahoney dans le rôle d'Antinéa. (La production souhaitait Mathilda May.) Comme le relève Françoise Marchand dans son intéressante analyse du film (cf. www.atlantide-films.net/filmo/swaim.htm), tous les personnages ont été modernisés en fonction de la psychologie des années quatre-vingt-dix. Le capitaine Morhange est un séducteur invétéré dont l'épouse, Sophie, s'est suicidée après avoir découvert son infidélité (ce prologue se déroule à Tanger en 1894). Morhange s'est retiré dans un monastère après le décès de sa femme, mais en apprenant la disparition de Saint-Avit (son fidèle compagnon d'aventures avec lequel il a même partagé une maîtresse, l'Espagnole Amira) dans le Hoggar, il part aussitôt à sa recherche. Cegheïr-ben-Cheïkh le conduit dans un village touareg qui se révèle être un formidable site de fouilles archéologiques (persuadé qu'il s'agit de l'Atlantide, Le Mesge se prend pour un nouveau Schliemann) et y retrouve Saint-Avit. Envoûté par la reine, celui-ci refuse obstinément de repartir avec son camarade. Morhange ne résiste pas moins que Saint-Avit aux avances d'Antinéa, mais, ce qui est nouveau, ne se permet pas de la juger. Antinéa, jeune femme noire d'une étrange douceur, est reléguée au deuxième rang dans le scénario de Swaim. Elle s'avoue perturbée par les écrits mystiques de sainte Thérèse d'Avila (découverts dans les bagages de Morhange) et sa conception d'un amour inséparable du malheur et de la souffrance. Morhange refuse de la revoir afin de ne pas faire du tort à son ami. Mais par amour pour le séduisant capitaine, la reine sort du palais tête nue, descend le rejoindre dans le village au risque de perdre son prestige de déesse et l'autorise même à quitter son royaume avec Saint-Avit. Ce dernier, à l'instigation de Le Mesge, poignarde Morhange. Antinéa le chasse. Saint-Avit atteint la civilisation, mais Tanit Zerga périt durant la traversée du Sahara. A Tanger, Cegheïr-ben-Cheïkh l'attend pour retourner auprès de la reine... L'éclairage novateur de Swaim (scènes érotiques comprises) se défend, pour autant que l'on se tienne à la version télévisée de trois heures qui seule permet de saisir les motivations souvent complexes des protagonistes. Sorti en salle dans une copie lourdement mutilée, le film subit une avalanche de sarcasmes au nom des sacro-saints fantasmes de Pierre Benoit et est retiré de l'affiche après seulement une semaine d'exploitation. Une redécouverte s'impose.

"AYESHA" de H. Rider Haggard – nouveau

2001 – She / She Who Must Be Obeyed ! (Canada / Grande-Bretagne / Bulgarie / Italie)

Réal.: Timothy Bond - Scén.: Peter Welbeck, Peter Jobin - Photo: Adolfo Bartoli (couleurs) - Mus.: Stelvio Cipriani - Déc.: Giovanni Natalucci, Iren Muratova - Cost.: Simonetta Antonucci - Mont.: Michael Rea - Prod.: Harry Alan Towers, Evgeny Michailov, Alexander Metodiev, David Goldstein, Maria Rohm  /Towers of London, GFT Entertainment, Italian International Film, Boyana Film Co., Prophecy Entertainment, 94 min.- Sortie: 2001 (video), 29.6.2005 (Espagne).

Int.: Ophélie Winter (Ayesha), Ian Duncan (Leo Vincey/Kallikrates), Martina Colombari (Ustane), Maria Bäumer (Roxanne), Edward Hardwicke (prof. Ludovico H. Holly), Götz Otto (Attila, grand chambellan), David Ross (Joe), Christoph Waltz (Michael Vincey, père de Leo), Michael A. Miranda (Abdul Al-Hamid), Jennifer Podemski (Tala).

Une production cosmopolite tournée (ou plutôt bricolée) à Sofia, en Bulgarie, par le téléaste canadien Timothy Bond. De toute évidence, l'entreprise est mise sur pied pour surfer sur la vague rémunérative des "Indiana Jones" et des aventures récentes d'Allan Quatermain (budget: 7 millions de dollars canadiens). Aprés l'Afrique du roman, le Pôle Nord en 1935 et le désert proche-oriental en 1964, le royaume de Kôr est déplacé ici en Asie centrale, à l'est de Samarkand (Ouzbékistan), en direction de la Mongolie. Ayesha y est venue jadis avec Alexandre le Grand, au troisième siècle avant J.C. Ayant assassiné Kallikrates, elle est condamnée par le conquérant macédonien à rester sur place, au pied des Montagnes de Lune, et c'est là qu'elle a découvert la flamme éternelle. Ayant trouvé la carte du royaume de Kôr dans les affaires de son père décédé 20 ans plus tôt de manière inexpliquée, Leo Vincey se met en route, accompagné du professeur Holly et de son butler Joe. Ustane est ici, allez savoir pourquoi, départagée en deux femmes: Roxanne, une sauvageonne amoureuse de Leo (elle le viole quasiment en une séance de soft porno), et Ustane, l'inoffensive cheffe de tribu des Anahagas, toute dévouée à la reine. A la cour de Kòr (une grande grotte avec des escaliers géants) règne Attila (sic), le Grand Chambellan de la reine, un barbu jaloux et ambitieux. Ayesha n'apparaît qu'après une demi-heure, une jolie blonde oxygénée, évanescente et sans charisme aucun, le bas de visage un peu chevalin (la chanteuse, actrice et mannequin franco-néerlandaise Ophélie Winter). Majesté, autorité, sex-appeal sont absents: l'éternité avec cette Ayesha-là doit être d'un ennui mortel, à moins qu'elle se mette à chanter. Une idée amusante toutefois (la seule, hélas): tandis qu'Attila ordonne de précipiter les Anahagas désobéissants dans un puits de feu, Ayesha les libère, les regarde avec douceur ... et les malheureux se jettent eux-mêmes dans les flammes. Après la mort d'Ayesha (les effets spéciaux ne valent de loin pas ceux de la Hammer), un tremblement de terre détruit évidemment le royaume, Leo affronte Attila en duel et le tue. Roxanne reste auprès de son peuple, les Britanniques retournent sur leur île. Le récit est incohérent sur bien des points: ainsi, on apprend que Michael Vincey, le père de Leo, s'est rendu à Kôr auparavant, qu'il aurait été l'amant d'Ayesha et aurait assisté à son bain dans la flamme bleue, mais on ne comprend pas pourquoi il est revenu à Cambridge en crachant du sang et pourquoi il interdit à son fils de toucher au coffre qui contient la carte de Kôr et la bague de Kallikrates (début du film). Enfin, l'absence de toute mise en scène ou d'utilisation intelligente des décors font de cette version le nadir des adaptations de Rider Haggard (le nanar d'Avi Nesher en 1982 n'étant pas pris en considération). On comprend que la distribution du film soit restée quasi confidentielle.

Le film muet SHE (1911) de George O'Nichols, Thanhouser Prod., USA

avec Marguerite Snow (Ayesha) et James Cruze (Leo Vincey)

peut être visionné en entier (24 minutes) sur le site suivant:

http://www.thanhouser.org/tcocd/Filmography_files/she.htm

Les aventures d'Allan Quatermain:

1979 – King Solomon's Treasure (Canada / GB) d'Alvin Rakoff, avec John Colicos (Allan Quatermain), Britt Ekland, Patrick Macnee,David McCallum.

1985 - King Solomon's Mines (Allan Quatermain et les mines du roi Salomon) (USA) de Jack Lee Thompson, avec Richard Chamberlain (Allan Quatermain), Sharon Stone, Herbert Lom, John Rhys-Davies.

1986 - (tv) King Solomon's Mines (Australie), dessin animé des productions Burbank Films.

1986 - Allan Quatermain and the Lost City of Gold (Allan Quatermain et la cité de l'or perdue) (USA) de Gary Nelson, avec Richard Chamberlain (Allan Quatermain), Sharon STone, James Earl Jones.

2004 - (tv) King Solomon's Mines (Allan Quatermain et la pierre des ancêtres) (USA/Allemagne) de Steve Boyum, av. Patrick Swayze (Allan Quatermain), Alison Doody, Roy Marsden.

2008 - (vd) Allan Quatermain and the Temple of Skulls (USA) de Mark Atkins, avec Sean Cameron Michael (Allan Quatermain), Christopher Adamson, Natalie Stone.

Bibliographie

(les parties filmographiques sont plutôt aléatoires, mais les textes généraux sont utiles)

- Johan Daisne, Pierre Benoit ou l'Éloge du Roman Romanesque, éd. Albin Michel, Paris, 1964 (280 p.)

- Philip Leibfried, Rudyard Kipling and Sir Henry Rider Haggard on Screen, Stage and Television, McFarland & Col, Jefferson (North Carolina), London, 2000 (214 p.).