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 l'antiquité au cinema
JULES CÉSAR : LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE
60 / 44 av. JC
Nommé consul, Caius Julius Caesar (*– 100) forme un Premier Triumvirat avec POMPÉE et CRASSUS
(60 / 50 av. JC). Crassus périt en – 55 dans la désastreuse expédition contre les Parthes du roi Orodès I
er
,
après la défaite de Carrhae, en Mésopotamie. Entre –55 et – 47, Pompée et César (gouverneur de la Gaule
narbonnaise) se brouillent graduellement. Après ses campagnes victorieuses en Gaule celtique et en Breta-
gne, César franchit le Rubicon, marche sur Rome, contraint les troupes sénatoriales à la reddition et met en
fuite Pompée dont il écrase l’armée à Pharsale (Grèce) en – 48. Ses autres adversaires sont écrasés à Thapsos
(Afrique du Nord) en –46 et à Munda (Espagne) en –45, où périt Caton, l’âme de la résistance. Pompée
est assassiné en Egypte. Jules César est nommé dictateur et censeur à vie. Alarmés par ses prétentions mo-
narchiques, des conspirateurs républicains (Marcus Junius Brutus, C. Cassius Longinius, etc.) l’assassinent
aux Ides de mars –44, précipitant le pays dans le chaos. César est abattu par vingt-trois coups de poignards
devant – ironie du sort – la statue de Pompée, son ancien rival politique.
Le Second Triumvirat (43 / 31 av. JC) entraîne le partage du monde romain entre trois « imperatores » char-
gés de procéder à une réforme de l’Etat : OCTAVE (Caius Julius Caesar Octavianus, *–63, petit-neveu et
fils adoptif de César, futur empereur Auguste) hérite de l’Occident, MARC ANTOINE (Marcus Antonius,
*–82) de l’Orient et LÉPIDE (Marcus Aemilius Lepidus) de l’Afrique (Tunisie). Les trois mènent la guerre
civile contre les assassins de César : la victoire de Marc Antoine à Philippes (Thrace) est suivie des suicides
de Brutus et de Cassius (octobre –42). Marc Antoine se tourne vers l’Egypte et Cléopâtre (cf. 6a.6).
L
a période transitoire de Rome entre la République et l’Empire, on l’a dit, est la plus prisée des cinéastes. Elle
est particulièrement riche en événements, brassant sur une période de trente ans personnalités extraordi-
naires, intrigues politiques, drames d’amour et batailles aux conséquences déterminantes pour tout l’Occident.
Une période axée sur le seul vrai triumvirat que la postérité reconnaît, celui formé par César, Antoine et Octave
(triumvirat apocryphe, puisqu’il n’a jamais existé tel quel). Les autres triumvirs sont réduits à de la figuration ;
certes, Pompée est le grand adversaire politique, mais il demeure souvent absent de l’écran tandis que ses vic-
toires sont abusivement attribuées à César (l’élimination des pirates dans la Méditerranée). Crassus appartient
à une décennie précédente (son nom reste surtout lié au sort de Spartacus). Lépide n’apparaît que chez Shakes-
peare. Des quelque 175 films se déroulant à l’époque de César, seuls deux tentent d’englober à la fois sa vie et
sa carrière :
Caius Julius Caesar
, un muet italien d’Enrico Guazzoni (1914), et le téléfilm international
Julius
Caesar
d’Uli Edel (2002) ! Tous les autres ne font qu’illustrer des épisodes de sa campagne de Gaule, sa capti-
vité chez les pirates, sa liaison avec Cléopâtre et, dans l’écrasante majorité, son assassinat aux Ides de mars. (La
susceptibilité nationale étant ce qu’elle est, aucun film italien sonore ne montre l’élimination du dictateur.) Ce
constat surprenant tient d’abord au personnage lui-même.
A priori, la lente ascension d’un fils d’une ancienne famille patricienne en perte d’influence au poste le plus
élevé de l’Etat – tour à tour flamine de Jupiter, tribun, questeur, édile curule, grand pontife, préteur, imperator,
consul et maître de Rome – n’a rien d’affriolant et il est compréhensible que les cinéastes ne s’attachent qu’aux
épisodes qui possèdent un potentiel visuel. De surcroît, cette trajectoire faite de calcul et d’habileté peut susciter
le respect, mais guère la sympathie des spectateurs. César profita de la puissance de Pompée et des richesses de
Crassus pour parvenir à ses buts, conquit en huit ans, brutalement, un nouveau territoire pour Rome (la Gaule,
cf. infra), acquit ainsi une fortune personnelle et l’adulation de ses soldats qui le suivirent même pour franchir le
Rubicon, provoquant par là une guerre civile de quatre ans. Selon l’historiographie, ses traits de caractère appa-
raissent très contradictoires : fier, audacieux, volontaire, cupide, vaniteux, sans scrupules et égocentrique, mais
aussi attachant, généreux, magnanime et charismatique. On le sait capable de clémence comme de cruauté,
cultivé, supérieurement intelligent, grand orateur, utilisant avec adresse la proximité du petit peuple et sachant
se mettre en scène. Son génie militaire stupéfie, on le dit même invincible, mais c’est une fois vainqueur à Rome
que transparaît l’ambition sans limites et l’hybris de ce géant qui a usurpé le pouvoir absolu par intérêt person-
nel. Tous les écrivains de l’Antiquité, qui craignaient le génie individuel comme une force démoniaque, ont
été partagés entre l’admiration pour l’homme et la haine du tyran. Les ragots concernant sa vie privée – deux
épouses, Cornélie et Calpurnie, et d’innombrables maîtresses, dont Servilia, la mère de Brutus – sont tendan-
s
6a.5
I...,292,293,294,295,296,297,298,299,300,301 303,304,305,306,307,308,309,310,311,312,...674