Page 128 - Hervé Dumont - L'antiquité au cinéma

128l'antiquité au cinéma
midinette du XXe siècle : devenir un mortel parmi les mortels, connaître leurs sentiments, partager émotions
et troubles de sa chère Iole. L’Héraclès du mythe n’est en fait qu’un demi-dieu qui atteindra l’immortalité et
l’Olympe après son immolation sur le bûcher. Simultanément à ce retour aux racines du spectacle populaire,
la formule du péplum bon marché, utilisant décors, costumes et stock-shots interchangeables, déclenche la
renaissance passagère d’un genre qui peut être considéré comme l’équivalent latin du western américain. Aux
Etats-Unis, où elles font également un malheur au box-office, les aventures d’Hercule répondent à la mode
des super-héros de science-fiction popularisés par les «Marvel Comics », en assénant une note supplémentaire
d’exotisme pseudo-historique, de sadisme et de chairs généreusement dénudées.
Pour exploiter cette mine d’or, la concurrence réanime Maciste, Ursus, Goliath, Samson, Taur et autres
gladiateurs body-buildés (cf. Les Héraclides, 7.1). Attirés à Rome, une douzaine de culturistes se battent pour
succéder à Reeves : Kirk Morris, Alan Steel, Samson Burke, Dan Vadis, Ed Fury, Mickey Hargitay, lot de torses
bombés dont se détachent surtout Reg Park et Mark Forest que Vittorio Cottafavi et Mario Bava mettent en
valeur avec adresse, malice et imagination (La vendetta di Ercole, Ercole alla conquista di Atlantide, Ercole al
centro della terra). Mais les schémas se répètent, les scénaristes peu inspirés s’éloignent progressivement de la
légende, mélangeant la Grèce, l’Egypte, la Bible, les Aztèques et les Mongols, ou accumulant en surenchère
leurs surhommes dans un même produit stéréotypé. A bout de souffle en Italie, le genre est récupéré aux Etats-
Unis deux décennies plus tard par la mode « Sword & Sorcery » que lancent les exploits « préhistoriques » de
Conan the Barbarian (cf. Heroic Fantasy, 7.2). Quant à Hercule, il n’est bientôt plus que l’ombre de lui-même :
déraciné dans les forêts néo-zélandaises par la grâce des séries télévisées durant les années 1990, il dégénère en
silhouette exsangue et insipide, pop-corn visuel pour ados incultes.
1 Les «Hercule » muets suivants ne sont pas des péplums, leur action se déroulant au XXe siècle : L’ultima fatica di Ercole d’Emilio Graziani-Walter (av.
Alphonse Trouché, 1918) et Il trionfo di Ercole de Francesco Bertolini (av. Giovanni Raicevich, 1922).
2 Cf. Maciste & Co. I giganti buoni del muto italiano de Vittorio Martinelli et Mario Quarngnolo, Ed. Cinepopolare, Germano del Friuli 1981 ; Gli
uomini forti de Alberto Farassino et Tati Sanguineti (éd.), Mazzotta, Milano 1983 ; Giganti buoni. Da Ercole a Piedone (e oltre), il mito dell’uomo forte
nel cinema italiano de Michele Giordano, Gremese, Rome 1998.
Au sommet de l'Olympe, séjour des dieux, Hermès présente Jason à Zeus et à Héra ( Jason and the Argonauts de Don Chaffey, 1963)