6c – rome : l'antiquité tardive 
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possède la bombe H depuis deux mois, une nouvelle qui
crée une forte inquiétude en Occident). Constantinople-
Ankara, renforcé par Washington, devient le rempart de
la civilisation contre la menace asiatique. Au même mo-
ment, les catholiques américains saluent comme un mar-
tyr le cardinal Wyszynski, démis de ses fonctions par le
gouvernement communiste à Varsovie. Dans le film, poli-
tiquement et militairement, la péninsule italienne n’existe
pas, seule la présence papale se fait sentir. Valentinien III,
l’empereur d’Occident, néglige ses responsabilités, peut-être
une allusion à l’état de crise permanent du gouvernement
de la Democrazia christiana. L’invasion des Huns est due
à l’absence de gouvernements forts ; or, il faut une opposi-
tion musclée en Europe pour endiguer l’« épidémie venue
de l’Est », d’autant plus que l’adversaire se confond en faus-
ses promesses : Attila veut « libérer » l’Ouest en détruisant
Rome mais, en réalité, il réduit en esclavage les peuples qui
le suivent. Ces facteurs conditionnent certes le squelette du
scénario (cf. aussi le commentaire général sur Attila), mais
la mise en scène de Douglas Sirk y ajoute une coloration
très particulière. Fantaisie débridée, le film réunit un inou-
bliable Attila qu’interprète Jack Palance avec une sauvage-
rie animale proprement envoûtante (inspiré par le
Tamer-
lan
de Christopher Marlowe, Sirk le drape dans la sombre
dignité d’un surhomme élisabéthain) et l’étoile des ballets
de Serge Lifar, Ludmilla Tcherina, dans son unique rôle
à Hollywood. Pour détourner les rois barbares de l’émeute
lors d’une réception, elle exécute à la cour une danse las-
cive (prestation incongrue de la part d’une princesse by-
zantine !) qui sera excisée dans diverses copies. Beaucoup
Thompson (Seyte), Fred Nurnay (le chambellan Euse-
bius), Norbert Schiller (un devin), Sim Iness (Hercu-
lanus). –
Attila intrigue à Constantinople où il intimide
le falot Théodose II. Le général Marcien, qui fut prison-
nier des Huns, met l’empereur d’Orient en garde contre
Attila, mais il est emprisonné. Théodose est renversé par sa
sœur Pulchérie qui libère Marcien et le place à la tête de
ses légions, tandis que les hordes hunniques marchent vers
l’Ouest. Ebranlé par la visite surprise du pape et la mort
de sa fille Kubra, qu’il tue parce que devenue chrétienne,
Attila renonce à l’assaut de Rome. Les troupes byzantino-
romaines de Marcien piègent les Huns à Pilium, près de
Ravenne, où l’esclave Ildico poignarde Attila (qui avait fait
exécuter ses parents) alors qu’il se bat en duel contre le gé-
néral romain. A l’image de la prédiction de sa nourrice, le
Hun périt sous le signe de la croix : l’ombre portée du poi-
gnard la dessine sur son cadavre.
Dans cet unique péplum de l’Universal (avant le
Sparta-
cus
de Kubrick en 1960) et son deuxième film en Cine-
maScope et Technicolor, l’épopée d’Attila est montrée du
point de vue de Byzance. Un point de vue tout sauf gra-
tuit : comme l’
Attila, flagello di dio
de Pietro Francisci (cf.
infra), quoique moins axé sur la politique vaticane, cette
version est marquée par les tensions de la guerre froide, et
si Constantinople vient ici à l’aide d’une Italie déliques-
cente pour sauver de justesse le monde chrétien, il n’est pas
déplacé de rappeler que la Grèce comme la Turquie ont ad-
héré à l’OTAN en 1951, qu’une première base aérienne a
été installée à Izmir en octobre 1953, suivie de la signature
d’un traité militaire musclé avec les Etats-Unis (l’URSS
«
Quiconque vit par l'épée périra par l'épée » prédit le pape Léon le Grand à Attila sous les murs de Rome (
Sign of the Pagan
, 1954)
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