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l'antiquité au cinéma
bat, mais pendant sa nuit de noces avec Ildico. En fait, la
fin du film s’inspire directement du livret de l’opéra
Attila
de Giuseppe Verdi (1846) : le roi des Huns, sur le chemin
de retour de Rome où il s’est incliné devant le pape (saint
vieillard qu’il avait vu précédemment en rêve), y épouse
Odabella, dont il a fait tuer le père. Elle le poignarde au
moment où les légions d’Ezio-Aetius attaquent et détruisent
le campement barbare. Les cauchemars et visions d’Attila
semblent aussi sortis de l’opéra de Verdi. Enfin, pour reve-
nir au film, il est peu vraisemblable qu’Attila se soit rendu
personnellement à Constantinople, et le coup d’Etat fomenté
contre Théodose est une pure fantaisie. Quant à l’authen-
tique Marcien (396-457), un soldat de fortune, il assura
à l’Empire d’Orient une grande prospérité par ses réformes
financières, refusa de payer tribut à Attila, qui fut forcé de
s’éloigner, et apporta en Italie son appui à Valentinien III
en 452 (le film opère un télescopage avec Aetius, le véri-
table vainqueur d’Attila à Troyes). Le Marcien historique
combattit le monophysisme et fit triompher la foi catholi-
que au concile de Chalcédoine (451). L’Eglise grecque l’a
canonisé ainsi que sa femme, sainte Pulchérie (399-453).
D’un caractère profondément dévot, Pulchérie fit régner
à la cour une ferveur quasi monacale et, profitant du ca-
ractère faible de son frère cadet Théodose, assuma l’essen-
tiel du pouvoir (nous sommes donc très loin de Ludmilla
Tcherina !). A la suite de la mort soudaine de Théodose en
450, Pulchérie monta sur le trône sans opposition et, pour
se donner un appui, épousa le vieux général Marcien (un
mariage blanc), qui régna avec elle. Pierre Corneille en a
fait une comédie héroïque,
Pulchérie
(1672).
1954
Attila/Attila, flagello di Dio/Attila, fléau deDieu
/
In-
vasion barbare
(IT / FR) Pietro Francisci [et Carmine
Gallone, MarioMonicelli, Alberto Lattuada] ; Lux Film-
Ponti De Laurentiis-Lux de France, 100 min. – av. An-
thony Quinn (Attila), Sophia Loren (princesse Hono-
d’intrigues, peu de combats dans cette fresque atypique,
hormis la bataille finale, inventée de toutes pièces et réglée
par John Sherwood.
Toujours sensible au chant funèbre des civilisations à l’ago-
nie, le cinéaste de
Written in theWind
, de
ATime to Love
and a Time to Die
, s’intéresse en priorité au personnage
charismatique du « fléau de Dieu » et à sa fille tourmentée
Kubra, avec laquelle Attila partage une complicité presque
incestueuse (rôle tenu par la Franco-Roumaine Rita Gam,
alors épouse de Sidney Lumet). Sirk place son Hun dans un
univers magique envahi de têtes de morts, de rêves prémoni-
toires, d’oracles néfastes, de superstition et d’armures éclai-
rées par la foudre. Cet Attila en fureur, encerclant Rome
comme un fauve, fait partie d’une galerie d’anti-héros typi-
quement sirkiens qui « tournent en rond autour d’eux-mê-
mes et de leurs rêves irréalisables », sauf que le Hun repré-
sente ici « une variante violente du personnage d’ordinaire
calme et introverti à la Hamlet » (Sirk). Il est à la fois fé-
roce, vulnérable et psychologiquement complexe, très supé-
rieur à l’Attila taillé à la hache d’Anthony Quinn. C’est
un barbare inquiet, interrogeant sans cesse son astrologue
et ménageant les moines chrétiens à la stupeur de ses com-
pagnons. Jeff Chandler, la vedette officielle du film, avait
refusé le rôle d’Attila pour ne pas ternir son image « po-
sitive », et c’est Palance qui lui vole l’affiche. Abonné aux
méchants exotiques, le comédien aux pommettes saillantes,
né Volodymyr Palahniuk et d’origine ukrainienne, jouera
également Ogotaï, le fils de Gengis Khan, dans
I mongoli
(DeToth / Freda) en 1961. A retenir, une scène à la limite
du fantastique lorsque le pape Léon, surgissant en blanc
des brumes matinales du Tibre, plante l’effroi dans l’âme
du Hun. La production s’est alloué un budget de 1300000
$, a emprunté à la MGM les armures romaines du
Ben-
Hur
muet et du récent
Quo Vadis
, et transformé les an-
ciennes baïonnettes de
All Quiet on the Western Front
(1930) en glaives ! Le tournage se fait à Universal City
et en extérieurs à Vasquez Rocks County Park et à Iverson
Ranch, Chatsworth (Calif.), où l’on recycle la forteresse de
The Black Shield of Falworth
(Rudy Maté) pour simu-
ler les murailles de Rome et de Byzance. La vue du palais
impérial byzantin provient de
A Night in Paradise
(A.
Lubin, 1946).
Les touches de lyrisme crépusculaire photographiées par le
grand Russell Metty (
Touch of Evil
d’OrsonWelles,
Spar-
tacus
de Kubrick qui lui valut l’Oscar) font pardonner le
délire du scénariste : Attila n’est bien sûr pas mort au com-
Coup d'Etat à Constantinople : Pulchérie (Ludmilla Tcherina, dr.)
devient impératrice pour contrer Attila (
Sign of the Pagan
, 1954)
Le fléau de Dieu (Anthony Quinn) s'acharne contre l'Eglise (1954)