Introduction 
XVII
tions d’un peuple, la chute ou la naissance d’un Etat, des biographies filmées, du cinéma religieux,
du fantastique (la mythologie gréco-romaine), du film catastrophe (Sodome, Pompéi), du film
d’aventures et d’expédition (Ulysse, Jason, Hercule), du mélodrame, de la comédie musicale (Han-
nibal chante dans
Jupiter’s Darling 
!
), de la propagande fasciste ou communiste, des adaptations
littéraires, de la parodie, de la satire et du burlesque (Keaton, Chaplin, Laurel et Hardy, Astérix),
du cinéma érotique ou carrément pornographique, et même du reportage (à travers la docu-fic-
tion). C’est donc un genre pour le moins polymorphe, dont les visées peuvent être culturelles,
didactiques, édifiantes ou simplement divertissantes.
Le genre a ses nécessités, ses conventions narratives et par conséquent aussi ses écueils potentiels. Il
exige une grande clarté et linéarité du récit (peu de flash-backs, rarement du « passé dans le passé »)
et donc une stylisation visuelle limitée. Il lui faut l’éclat de la tragédie plutôt que l’étalage des am-
biguïtés : les conflits sont extériorisés, l’action et l’utilisation inspirée de l’espace ont la primauté,
avec le danger d’une étude de caractères sacrifiée ou simplifiée à l’excès.
Mais, en premier lieu, il y a l’impératif du spectaculaire, car le public s’attend à voir « plus » que
dans un autre type de films. Pour reprendre les propos de Kubrick cités plus haut, cette possibilité
est un privilège non négligeable du cinéma et elle répond à ce qu’on pourrait appeler sa fonction
archéologique. Or, raconter l’histoire avec la caméra, c’est d’abord essayer de la montrer, d’en
donner une interprétation « imagée » (donc quantifiée). La perception visuelle l’emporte ici, d’où
le rôle fondamental du décor, mais aussi la menace du « colossal », une propension à la surenchère
qui nous vient du XIX
e
siècle. Souvent, celle-ci est véhiculée moins par le film lui-même que par
la publicité tapageuse accompagnant son lancement : superlatifs, étalage de chiffres (à prendre
avec circonspection), etc. On conviendra que le mégaspectacle étalé sur écran géant n’est pas tou-
jours essentiel au récit ; il arrive parfois qu’il se suffise à lui-même, au même titre que la danse des
comédies musicales ou les cavalcades du western, pour le seul plaisir d’en mettre « plein la vue ».
Mais n’est-ce pas là une réponse adéquate au gigantisme des anciens ? Le Parthénon, les temples du
Capitole, la pyramide de Khéops ne sont pas des édifices miniatures, et leurs proportions étaient
calculées pour impressionner. Quand Xénophon chiffre l’armée de Xerxès aux Thermopyles à près
d’un million d’hommes, quand la
Torah
vide l’Egypte d’un quart de sa population supposée pour
suivre Moïse en exode, est-ce de l’exagération due à l’ignorance, de l’hyperbole idéologique ou un
effet de style ? Un cinéaste peut certes préférer l’ellipse ou l’allégorie, mais il n’y a objectivement
aucun mérite artistique à économiser sur la visualisation de l’épique, pour autant que les moyens le
permettent et, surtout, que le talent soit au rendez-vous. Puis, même vus à travers le petit bout de
la lorgnette, les événements marquants (ou estimés tels) du passé – l’entrée de Cléopâtre à Rome,
la bataille navale d’Actium – ne peuvent être simplement escamotés, au risque de frustrer le spec-
tateur qui veut confronter son imaginaire à celui des réalisateurs. On ne triche pas avec les « clous »
de certains récits (la course de chars de Ben-Hur), ni avec la figuration, dont les déplacements sont
censés exemplifier la destinée d’une collectivité. Ceci entraînant cela, les coûts prohibitifs inhé-
rents à ce type d’entreprise font que le film doit obligatoirement interpeller un public très large,
donc séduire si possible les foules du samedi soir tout comme le cinéphile averti, un pari toujours
possible mais pas à la portée du premier venu.
Aux Etats-Unis, une grande partie du panthéon des réalisateurs hollywoodiens s’est laissé tenter
par le péplum. On pense d’emblée à Cecil B. DeMille que le public assimile – à tort – exclusive-
ment au film antique (
The Ten Commandments
, 1923 et 1956 ;
Sign of the Cross
, 1932 ;
Cleopa-
tra
, 1934;
Samson and Delilah
, 1949), puis au pionnier David Wark Griffith (
Judith of Bethulia
,
1913;
Intolerance
, 1916), tous deux représentants d’un cinéma des origines naïf, sentimental et
lyrique. On a tant ironisé sur les envolées barnumesques et les dérapages du premier qu’on a oublié
qu’il était aussi un merveilleux conteur. D’autres ont abordé la matière avec une sensibilité et des
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