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l’antiquité au cinéma
dans le péplum. Quant aux scènes d’action, elles sont me-
nées avec une maestria rare. RaoulWalsh (assisté de Yakima
Canutt et lointainement du jeune Sergio Leone) dirige avec
vigueur le débarquement des Achéens et le phénoménal as-
saut frontal des murailles de Troie (hauteur : 12 mètres),
une séquence de sept minutes électrisée par la musique mar-
tiale de Max Steiner, avec 4000 figurants, des balistes et des
tours d’assaut (certes anachroniques pour l’âge de bronze,
comme la galère de Pâris, une dière, mais combien visuels).
Walsh refuse toutefois d’apparaître au générique. Le parti
pris de réalisme est tel que les édifices troyens prennent ef-
fectivement feu pendant le tournage, causant 700 000 $
de dommages. Wise lui-même met en scène l’entrée du fa-
meux cheval de bois (9 mètres de haut, 25 hommes cachés
à l’intérieur), la bacchanale et le carnage final dominé par
la silhouette monstrueuse et lugubre de l’équidé, une suite
de tableaux crépusculaires qui ne manquent pas de gran-
deur. (Ces scènes de destruction sont effectivement tournées
dans les restes calcinés du décor.)
Le cinéaste, dont c’est le premier travail en CinemaScope
(et aussi la première reconstitution historique), refuse de
se laisser intimider par le format panoramique de l’image,
traitant sa fresque comme un drame classique, racé et ner-
veux. Il parvient à éviter la théâtralité et la lourdeur ha-
bituelles des films à écran large par un découpage des plans
très morcelé, un montage particulièrement dynamique (la
statue grimaçante d’Athéna rythme le récit), des cadrages
composés avec style et des recherches chromatiques inusi-
tées (prédominance des bruns, beiges, verts olive et ocres).
A Hollywood, Jack Warner désapprouve le montage de
Wise et ce n’est qu’après un long conflit avec le studio que
le cinéaste peut imposer sa version.
Helen of Troy
pos-
sède une élégance et une amplitude visuelles peu commu-
nes dans le genre. Mais rien n’y fait : le film perd de l’ar-
gent. Comme
Land of the Pharaoh
de Howard Hawks
(tourné en même temps dans d’autres studios romains,
cf. 3.1), il paie son absence de stars connues. A sa sortie,
au moment de la crise chypriote, il suscite même un tollé
d’indignation chez les nationalistes grecs, leurs vaillants
ancêtres y étant dépeints comme des sauvages avides d’or
et d’esclaves, tandis que Troie – située en Turquie, l’en-
nemi héréditaire – est un havre opulent et pacifique qui
attise toutes les convoitises ! Après le naufrage de
The Silver
Chalice
de Victor Saville l’année précédente (cf. 6b.6.1)
et le demi-échec de
Land of the Pharaohs
,
Helen of Troy
est le dernier film du siècle que la Warner Bros. consacre
à l’Antiquité.
1957
Δ
The Story of Mankind
(US) Irvin Allen ; Warner
Bros. – av. Dani Crayne (Hélène de Troie). –
L’huma-
nité est menacée par un cataclysme nucléaire. Un tribu-
nal céleste doit décider de sa survie (cf. 2.2). Le diable fait
comparaître les « scélérats » de l’histoire humaine, dont la
belle Hélène, responsable de milliers de morts. Les plans de
bataille proviennent de
Helen of Troy
de Robert Wise.
1959
Δ
(tv)
The Tragical History of Doctor Faustus
(GB)
Ronald Eyre [d’apr. Christopher Marlowe.] – av. Feli-
city Young (Hélène de Troie).
1961
La guerra di Troia / La guerre de Troie
(IT / FR) Gior-
gio Ferroni ; Films Borderie-Europa Cinematografica-
Les Films Modernes, 105 min. – av. Steve Reeves (Enée),
John Drew Barrymore (Ulysse), Hedy Vessel (Hélène
de Troie), Warner Bentivegna (Pâris), Arturo Dominici
(Achille), Nerio Bernardi (Agamemnon), CarloTamber-
lani (Ménélas), Lydia Alfonsi (Cassandre), NandoTam-
berlani (Priam, roi de Troie), Juliette Mayniel (Créüse),
Luciana Angelillo (Andromaque), Mimmo Palmara
(Ajax). –
Un siège de Troie italianisé, donc centré sur le
personnage d’Enée-Reeves, les fameux amants étant, eux,
traités par-dessous la jambe. Un éclairage plus proche de
Le cheval de bois, silhouette menaçante issue de la nuit, est tiré à l’intérieur de la cité (
Helen of Troy
de Robert Wise, 1956)
Enée (Steve Reeves) et son épouse Créüse (Juliette Mayniel) sont les
véritables héros de
La guerra di Troia
de Giorgo Ferroni (1961)