5b – la grèce : le cycle de troie
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deTroie), Saffron Burrows (Andromaque, épouse d’Hec-
tor), Brendan Gleeson (Ménélas), Sean Bean (Ulysse),
Rose Byrne (Briséis), Garrett Hedlund (Patrocle), Ty-
ler Mane (Ajax), Julian Glover (Triopas), John Shrap-
nel (Nestor), Owain Jeoman (Lysandre), Vincent Regan
(Eudore), Joshua Richards (Hémon), Frankie Fitzgerald
(Enée). –
Après Heinrich Schliemann et Manfred Noa (en
1922), un troisième Allemand se penche avec fracas sur
la légende de Troie, projet rendu possible grâce aux suc-
cès mondiaux de
Gladiator
(Ridley Scott) et
Lord of the
Rings
(Peter Jackson). Le scénario de cette
Iliade
privée de
l’Olympe compresse dix ans de siège en quinze jours et prend
diverses libertés : Agamemnon, Ménélas et Ajax périssent
sur place, Hécube et Cassandre sont inexistantes, Hélène
et Pâris survivent au désastre et s’échappent. Réducteur au
possible, Petersen axe tout son récit autour du personnage
d’Achille qui est le premier à débarquer avec ses Myrmidons
(Omaha Beach version antique), une machine à tuer, un
archange exterminateur obsédé par la gloire et l’immorta-
lité, fût-ce en mourant jeune dans une guerre impérialiste
voulue par Agamemnon sous n’importe quel prétexte (selon
le cinéaste, les parallèles avec George Bush et l’Irak seraient
intentionnels) : Troie est la première étape vers les trésors du
Proche-Orient. Suivent la colère d’Achille après la mort de
son ami Patrocle, son amour pour la captive troyenne Bri-
séis, sa participation – inventée – à la ruse d’Ulysse (c’est
lui qui se dissimule à l’intérieur du cheval de bois, alors
qu’en réalité ce fut son fils Pyrrhus / Néoptolème), sa mort
pendant le pillage, tué par une flèche de Pâris. La produc-
tion craint tellement une connotation « gay » qu’elle trans-
forme Patrocle en cousin d’Achille et montre ce dernier au
lit avec deux femmes : on ne saurait assez insister ! Quant
à Briséis, elle devient ici une cousine d’Hector qui poignar-
dera Agamemnon lors du sac de Troie (privant ainsi Cly-
temnestre de ce plaisir).
En fait, nous assistons à la fétichisation d’un acteur : Brad
Pitt se forge un look et des expressions plus proches d’un
culturiste courroucé que du héros mythologique, un être tout
de haine et de fureur, une sorte de
Terminator
en jupette,
brute impitoyable qui, tourmentée sur le tard, réévalue sa
vie après la visite de Priam venu réclamer la dépouille de
son fils (scène que Peter O’Toole rend bouleversante). Dans
la deuxième partie du film, Petersen ravive le souvenir d’une
autre mythologie, celle, germanique, des
Nibelungen
, et
d’Achille il fait son Siegfried. Face à lui, un Hector cha-
rismatique, Pâris en homme doux, sans volonté et dominé
par la passion, enfin une Hélène en poupée Barbie insipide
et vite oubliée. Doté d’un méga-budget de 175 millions de
$ et de 400 figurants, Petersen a reconstruit Troie sur qua-
tre hectares à Fort Ricasoli (île de Malte), les intérieurs à
Shepperton (Londres), les remparts et la plage à Los Cabos
au Mexique où Simon Crane (
Braveheart
,
Saving Pri-
vate Ryan
) a réglé les combats, dont celui, superbement
chorégraphié, entre Achille et Hector. Une mise en scène
martiale et un peu racoleuse, sublimant partout la force
physique et la violence, avec des mouvements de caméra
ahurissants (le survol de la ville en flammes), des décors
et des soldats démultipliés jusqu’au vertige par les effets
numériques (on peut se demander s’il y avait autant de
population dans la région au X
e
siècle av. JC, et autant
de bois en Grèce pour bâtir pareille flotte !). Petersen s’of-
fre même une citation directe en survolant aussi la plage
Omaha Beach à l’antique : le débarquement des Achéens démultipliés par le numérique dans
Troy
de Wolfgang Petersen (2004)