6a – rome : de romulus à césar
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logues stupides (« la magie de sa mort doit nous enseigner
les leçons de son sacrifice » radote un druide, tandis qu’à
l’assemblée de Bibracte, le jeune roi annonce emphatique-
ment à ses guerriers : «Vous serez le marteau et je serai l’en-
clume ! »). La figuration, pourtant nombreuse, s’agite mol-
lement à défaut d’être dirigée, le siège d’Alésia est bâclé,
les batailles sont confuses ou grotesques (devant Gergovie,
les légionnaires perdent la tête pour des Gauloises aux seins
nus et, distraits, se font trucider par les époux de celles-ci).
Les interprètes sont laissés à eux-mêmes, la psychologie est
inexistante et la mise en scène accumule invraisemblances
sur maladresses. Beaucoup de prétention desservie par une
facture de sous-produit des années 1960. D’où un échec
public total dans les salles et une presse qui croule de rire.
Cette version édulcorée et héroïsée des faits rejoint l’image
patriotarde du « fédérateur éphémère de la Gaule » propa-
gée par les manuels scolaires depuis Napoléon III, instru-
mentalisée par les nostalgiques de l’Alsace-Lorraine après
1870, récupérée tour à tour par Vichy et la Résistance,
donc une sorte d’ovni en l’an 2000, après des décennies de
contestation et de réécriture. Historiquement, le combat
de Vercingétorix fut en premier lieu une guerre civile entre
tribus (oligarchies républicaines pro-romaines contre mo-
narchies populistes anti-romaines) avant d’être une guerre
de conquête étrangère. De nombreuses nations gauloises n’y
participèrent pas et les légions romaines étaient très large-
ment composées de recrues de Gaule cisapline et transal-
pine. Celtill ne fut pas assassiné sur ordre de César (comme
le laisse croire le scénario), mais mis à mort par les grands
de sa cité pour avoir voulu être roi. Quant à Vercingétorix,
il ne s’est pas rendu de son plein gré aux Romains, mais a
été désigné « volontaire » par les autres chefs gaulois pour
assumer la défaite collective.
Toutefois, cette légende cinématographique du grand résis-
tant contre le rouleau compresseur latin, réécrite du point
de vue du perdant, se démarque sur deux points. D’abord,
elle présente le Jules César le plus négatif de l’histoire du ci-
néma. Brandauer en fait un manipulateur machiavélique
et fourbe. Vaniteux, poseur, il admet sans peine avoir payé
une fortune son titre de « pontifex maximus » (« la popula-
rité coûte cher »). Poursuivi par ses banquiers, il considère
ses campagnes militaires comme un moyen de rembourser
ses dettes, et la guerre en Gaule comme une simple étape sur
sa route vers le pouvoir à Rome, les dérapages sanguinaires
faisant partie du calcul politique. A Avaricum (Bourges),
il ordonne le massacre de tous les habitants : « Je veux un
bain de sang ! » (dans ses écrits, l’authentique César met la
faute de ce « dommage collatéral » – seuls 800 des 40000
Gaulois de la cité auraient été épargnés – sur la colère de la
soldatesque). Jusqu’à présent, les ennemis barbares de Rome
au cinéma étaient montrés comme des sauvages incultes,
tous vêtus, sans distinction, de fourrures et de hardes in-
terchangeables (Gaulois, Germains, Huns et Tartares). Ici,
autre nouveauté, la culture druide et la civilisation celte
sont mises en relief, un apport de la conseillère historique du
film, Anne de Leseleuc, archéologue du C.N.R.S., auteure
Jules César fait ériger une double enceinte fortifiée autour d'Alésia pour isoler Vercingétorix (
Caesar
de Nick Green, BBC 2006, cf. 6a.5.1)
La reddition du chef gaulois (
Vercingétorix
de J. Dorfmann, 2000)