6b – la rome impériale
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lement surprenants, faits de parois nues, d’espaces vidés de
tout accessoire, de façades stylisées à l’extrême, plus proches
du théâtre post-expressionniste que des habituels spectacles
hollywoodiens avec leur pseudo-réalisme propret. Les cou-
leurs sont appliquées de manière symbolique : Antioche est
en blanc-marbre, Jérusalem en or, Rome en rouge et noir,
les vêtements des figurants sont tous neutres. Des images et
des effets chromatiques d’une réelle beauté, soutenus par
une musique de Franz Waxman parfois proche d’Arnold
Schoenberg (Waxman défend d’ailleurs ce compositeur au
festival international de Los Angeles dont il est le fonda-
teur). On a peine à imaginer comment la Warner a toléré
tout cela. Un pari esthétique très déroutant, à la limite de
l’expérimental, mais en fin de compte gratuit puisque Sa-
ville ne réussit jamais à intégrer ces atouts dans sa mise en
scène et les noie dans un commentaire aussi pompeux que
soporifique. Deux nominations à l’Oscar, pour la photo
couleur et la musique, à juste titre.
1956
Mio figlio Nerone /Les week-ends de Néron /
BE :
Les
plaisirs de Néron
(IT / FR) Steno [= Stefano Vanzina] ;
Franco Cristaldi-Titanus-Vides-Les Films Marceau, 91
min. – av. Alberto Sordi (Néron), Brigitte Bardot (Pop-
pée Sabine), Vittorio De Sica (Sénèque), Gloria Swan-
son (Agrippine), Mario Mazza (Tacite), Giorgia Moll
(Lidia), Ciccio Barbi (Anicetus), Mino Doro (Gnaeus
Domitius Corbulo), Sandra Milo, Rina De Liguoro,
Carlo Tamberlani, Arturo Bragaglia. –
Une farce qui
prend pour source les
Annales
de Tacite. Retranché dans
son palais estival au bord de la mer, Néron est préoccupé
par des problèmes autrement plus importants que la poli-
tique : son chant. C’est avec sa voix divine et sa poésie qu’il
veut conquérir le monde. Il transforme ses prétoriens en
maçons pour édifier des théâtres dans tout l’Empire et rêve
de remplacer les légionnaires au front par des danseuses.
Agrippine, sa mère tyrannique, gâche systématiquement les
orgies de son rejeton, interrompt ses déraillements vocaux
et le pousse en vain à faire la guerre « dans les steppes gla-
cées de Britannie » (l’authentique Néron était effectivement
hostile aux aventures militaires et lors de l’insurrection de
Boadicée, il envisagea même d’évacuer définitivement l’île,
à la consternation de son entourage). Néron doit donc se
débarrasser de maman, maman veut la mort de Poppée
(sa concurrente) et de Sénèque, ces derniers s’acharnent en
vain à la faire disparaître aussi, mais c’est l’ultime conspi-
ration, celle d’empêcher l’empereur de chanter en public,
qui leur coûtera la vie à tous les trois. Et comme la plèbe
romaine n’apprécie guère plus ses croassements (« Rome m’a
traité de casserole ! »), la ville est punie par le feu. Néron
peut chanter devant le brasier.
Une comédie satirique souvent très drôle, qui a en outre
la particularité de réunir un quatuor de vedettes interna-
tionales. Le Néron d’Alberto Sordi, parodie du numéro
déjà grandguignolesque d’Ustinov dans le
Quo Vadis
de
la MGM (cf. infra), est un galopin infantile, capricieux,
à la fois fils à maman pleurnichard et matricide malchan-
ceux et pleutre. Ses répétitions musicales pour composer
une symphonie pastorale avec chèvre, lapin, hibou et co-
chon sont désopilantes. En Sénèque, De Sica fait un bel-
lâtre grisonnant et hypocrite (« la mamma est toujours la
mamma ! »), cupide et pontifiant (« nous appelons tous la
Artiste frustré, Néron (Alberto Sordi) subit les caprices de Poppée (Brigitte Bardot) dans la comédie
Mio figlio Nerone
de Steno (1956)