6b – la rome impériale 
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craquements de l’édifice ou la fin des Antonins, suite à celle
du dernier grand empereur. Mann se veut néanmoins his-
torien et moraliste, décelant dans la Rome de Commode
plusieurs symptômes de la société fatiguée et finissante du
XX 
e
siècle : « J’ai voulu montrer la folie du monde, le dé-
clin et la mort de l’esprit », dit-il. Avec ses scénaristes Ben
Barzman et Philip Yordan (jadis étiquetés « de gauche »),
il explique la déchéance de Rome par le fait qu’elle n’a
« pas su renoncer à sa politique de ségrégation, ni aider
les pays alliés sous-développés, ni réaliser que les hommes
libres produisent plus et mieux ». Ce discours philosophique
évoquant décolonisation et intégration ethnique marque la
première partie du film qui est meublée de soliloques im-
périaux sur la nécessité non de conquérir mais de civiliser
les barbares. Le propos est néanmoins capital et, comme le
rappelle le stoïcien Timonidès devant le Sénat, Rome croit
avoir anéanti les autres par la force, «mais la haine que
nous laissons derrière nous ne meurt jamais ». Liberté, éga-
lité, paix et les limites de l’impérialisme sont des thèmes
nouveaux dans le film historique, qui reflètent les inter-
rogations d’une autre génération. De manière plus fonda-
mentale, la réflexion du film porte sur les rapports entre la
barbarie et la civilisation, le chaos et la loi, la nature et sa
domestication. Les grands espaces du début sont progressi-
vement confisqués par l’homme pour asseoir sa domination
mortifère. Visuellement, on passe des forteresses du limes en-
tourées de forêts épaisses au marbre des palais écrasants à la
fin, monuments d’orgueil de ceux qui se croient le centre
du monde. Or la véritable barbarie, la plus dévastatrice,
ne se niche pas dans les maquis mais au cœur de la civili-
sation (ainsi que l’a démontré l’Holocauste). A ce titre, la
magnificence des décors n’est pas gratuite.
Comme souvent dans l’œuvre de Mann, le conflit naît de
l’antagonisme entre deux anciens amis qui deviennent en-
nemis (cf. Gary Cooper et Lee J. Cobb dans
Man of the
West
, etc.), chacun riche en contradictions. Livius est le
soldat rigide qui n’obéit qu’à la légitimité et aux règles
Commode (Christopher Plummer) trône sous la statue de la louve
Sortant d'une main géante et entouré de sa garde arménienne, le
«
divin
»
Commode se présente au peuple devant le temple de Jupiter
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