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 l'antiquité au cinéma
Jean-Léon Gérôme. Il en donne une vision sombre, hyper-
réaliste et quelque peu esthétisante, aux dominantes beiges,
noires, violettes et or. La bataille initiale, avec son déluge
de feu, de boue et de sang, est d’une sauvagerie inaccoutu-
mée, filmée (comme
Saving Private Ryan
de Spielberg)
caméra au poing, tandis que les joutes de gladiateurs sont
prises en plans rapprochés pour augmenter leur impact et
leur cruauté. L’arrivée triomphale des légions à Rome évo-
que directement les rassemblements nazis à Nuremberg fil-
més par Leni Riefenstahl (
Triumph desWillens
), tant par
ses images décolorées, presque noir et blanc, que par l’orga-
nisation géométrique des masses et l’architecture monumen-
tale à la Albert Speer qui les encadre. Mais cette magnifi-
cence visuelle n’écrase jamais les subtilités de l’intrigue.
L’arène constitue l’épicentre de la société romaine dont elle
rassemble toutes les strates. «Le pouvoir de divertir les foules
e s t le pouvoir », enseigne le laniste Proximo à l’aspirant-
gladiateur, « gagne la foule et tu retrouveras la liberté ». Non
seulement Maximus survit au carnage de l’arène, mais il y
acquiert un pouvoir démesuré : devenu champion du peu-
ple, il est le rival direct de l’empereur. D’un autre côté, ce
dernier a réintroduit les jeux pour neutraliser le Sénat et
s’attirer le soutien de la plèbe, inventant en quelque sorte
la CNN de son temps, une actualité-fiction pour épater le
badaud, trompeuse, quoique moins risquée que l’affron-
tement concret aux frontières de l’Empire. Mais les com-
bats de gladiateurs par lesquels il espère gagner le cœur de
ses sujets sont finalement sa perte. Scott livre ainsi une ré-
flexion sur le spectacle de masse, l’opium du peuple, et son
rôle dans la société en tant qu’instrument des puissants. Une
réflexion qui vise par extension le film lui-même, ou l’em-
pire américain et son arène hollywoodienne, car en misant
sur pareille surenchère de violence, d’efficacité émotionelle et
de spectaculaire, en empruntant non sans cynisme au style
des chaînes télévisées « branchées » (montage clip, ralentis,
gestuelle kung fu), Scott transforme son arène antique en
spectacle contemporain. Un show bien sûr ambigu dans la
mesure où il dénonce le goût de sang d’une civilisation tout
en l’exploitant visuellement à la limite de la complaisance.
Quant à cette poignée de justes qui conspire pour renverser
l’empereur et restaurer la République, c’est une idée haute-
ment anachronique qui traduit la défiance d’aujourd’hui
face aux administrations corrompues des gouvernements.
Le cinéaste a refusé toute scène érotique et surtout un happy
end, une infraction révolutionnaire aux règles du genre. Il
reprend un thème courant de sa propre filmographie, ce-
lui du héros qui risque sa vie pour une institution corrom-
pue ne méritant pas la loyauté de ses serviteurs. Mais la
réelle originalité de sa fresque tient au personnage même
de Maximus, un candidat au trône devenu esclave, le pre-
mier devenu le dernier, dont les prières ferventes aux dieux
lares ne sont pas uniquement une convention décorative
(du jamais vu dans un péplum). Ce héros désenchanté et
mélancolique est en réalité un mort en sursis, une sorte de
fantôme. Comme le relève Frédéric Strauss : « Invincible, il
donne l’image héroïque d’un homme qui semble combattre
pour sa vie, mais ne se bat, en fait, que pour les morts, sa
femme, son fils et Marc Aurèle. Maximus n’attend, pour
les retrouver, que de les venger chez les vivants » (
Télérama
,
21.6.00). Le récit de Scott débute par des images de l’au-
delà, de cet Elysée en teintes sépia, seul refuge pacifique que
Maximus rejoint enfin dans les derniers plans, comme si
le récit entier n’était qu’un long flash-back cauchemardes-
que conté par un revenant. Tout le film vit de cette dicho-
tomie étrange entre la mort et la vie, la nuit et la lumière,
les explosions d’énergie brute et la rêverie, porteuse de pes-
simisme et de poésie diffuse. Enrichie ainsi d’une dimen-
sion spirituelle, la vision antiquisante de Scott transcende
son décorum « colossal ». Nominé pour douze Oscars en
2001,
Gladiator
en remporte cinq, dont celui de «meilleur
film», du «meilleur acteur » (Crowe) et des «meilleurs effets
spéciaux ». L’accueil public et critique très positif du film
rouvre la porte aux reconstitutions historiques (
Troy
de Pe-
tersen,
Alexander
de Stone,
Kingdom of Heaven
du même
Scott) qui toutes, désormais, bénéficieront d’effets de foules
et de décors générés par ordinateur. C’est une nouvelle page
dans l’histoire du spectacle à l’écran qui se tourne.
2001 (vd)
Gladiator Eroticvs : The Lesbian Warriors
(US)
John Bacchus ; Prod. Ei Independent Cinema, 91 min.
– av. Darian Caine (la générale romaine Eroticus), Misty
Mundae (Clitoris), Jade Duboir (Orgasmus), John Paul
Fedele (Dickus Minimus), Debbie Rochon. –
Film
érotique, remake au féminin assez délirant du précédent.
2002 (vd)
Gladiator – 1. The Private Gladiator – 2. In the
City of Lust – 3. Sexual Conquest
(US / IT) Antonio
Adamo ; Fraserside Holdings Ltd (« Private Gold »), 350
min. – av. Toni Ribas (Maxximus), Frank Gun (Com-
mode), Rita Faltoyano (sa sœur Lucilla), Lynn Store, So-
phie Evans, Petra Short, Mandy Bright, Black Widow,
Cleare, Esther Virgin, Jyulia, Katalin. –
Version porno-
graphique du film de Ridley Scott, produite à Budapest à
grand renfort d’images numériques par
Private
, le maga-
zine pour hommes.
2008 (tv)
Rebellion and Betrayal (Un empire menacé)
(US /GB) Rex Piano, Gary Tuck ; épisode no 7 de la sé-
rie «Rome : Rise and Fall of an Empire (Rome : grandeur
et décadence d’un empire) », Gardner Films (Robert
H. Gardner)-History Channel-A&E (History Channel
GB : 25.5.08 /US : 1.9.08), 44 min. – av. Saul Reichlin
(narration). –
En 162, alors que Marc Aurèle hérite de
l’Empire, des combats éclatent au nord et à l’est, les légion-
naires sont en sous-effectif le long des frontières. L’empereur
commence une guerre ininterrompue de 13 ans contre les
En mourant, Maximus rejoint sa famille dans l'Elysée (
Gladiator
)
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