L’ANTIQUITÉ TARDIVE
L
es historiens ont longtemps désigné les trois derniers siècles de l’ancienne Rome sous le terme malheu-
reux de Bas-Empire. En démontrant par exemple qu’il n’y avait pas de réelle coupure entre le Moyen
Age et la Renaissance, Jacques Heers a dénoncé les dérives du découpage de l’Histoire en tranches, car si
ces répartitions répondent à des préoccupations pédagogiques, les termes choisis pour marquer une séparation
sont, eux, rarement innocents. Dans le cas présent, la désignation de Bas-Empire signifie que « l’Occident est
traité en vase clos » et conduit à « ignorer le maintien des institutions et de la notion d’empire autour de By-
zance »
1
. Le terme implique de surcroît une déchéance, une condamnation, un jugement de valeur obéissant à
des critères ethnocentriques qui coloreront également les arts du spectacle, cinéma en tête, dans leurs diverses
représentations. Or, on ne constate pas une « chute » de l’Empire à proprement parler, mais une succession lente
et irréversible de transformations structurelles, politiques, éthiques, ethniques, ce pourquoi l’expression «Anti-
quité tardive », dépourvue de connotation péjorative, semble ici plus adéquate
2
.
La période ainsi désignée se décline en quatre temps qui se chevauchent partiellement : la réorganisation
de l’Empire à partir de Dioclétien, l’instauration du christianisme, la menace croissante des Barbares extra et
intra muros, enfin l’émergence de Constantinople. Militairement parlant, l’Empire a atteint son extension
maximale au II
e
siècle, sous les Antonins. La dynamique d’expansion déclenchée jadis par Jules César est désor-
mais bloquée au sud par le Sahara, à l’ouest par l’Atlantique, au nord par les forêts germaniques et à l’est par les
Parthes, invincibles. Les légions, qui vivaient à peu de frais sur les territoires ennemis, sont privées de nouvelles
conquêtes et coûtent une fortune à Rome, qui doit à présent les financer pour maintenir l’acquis. Les provinces
sont pressurisées, la lourdeur de la fiscalité provoque des soulèvements, et l’Empire tient tant que les garnisons
romaines sont assez nourries ou assez féroces pour faire respecter les exactions de leurs proconsuls.
6c – rome : l'antiquité tardive
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Les supplices de la Grande Persécution ordonnée par Dioclétien reconstitués dans les arènes de Vérone pour
Fabiola
d'A. Blasetti (1949)
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