6c – rome : l'antiquité tardive
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amoureuse), élimine sainte Agnès, télescope les règnes de
Domitien et de Maxence, et surtout, ajoute une intrigue
criminelle (le meurtre de Fabius).
Blasetti s’efforce de ne pas étouffer ses personnages dans des
décors surdimensionnés, de les faire vivre, leur donner une
profondeur humaine qui parle au public moderne et le
sensibilise aux immenses souffrances endurées. Il cisèle ses
images, soigne les compositions plastiques, mais ses efforts
n’aboutissent qu’à du «marbre taillé dans la guimauve »
(Jean Mitry), à une mise en scène pompeuse et glacée, où
l’académisme l’emporte trop souvent sur le lyrisme. Seules
les prestations savoureuses de Michel Simon et Louis Sa-
lou animent la première partie, dont même les orgies sont
ennuyeuses (Michèle Morgan y rencontre son futur mari,
Henri Vidal). La suite prend un rythme plus rapide avec la
machination de Fulvius, les persécutions et tortures à grande
échelle, la prise de conscience de Fabiola (dont la motiva-
tion semble d’ailleurs plus amoureuse que spirituelle). En
Italie, le film se place au premier rang des recettes de ci-
néma de 1948 / 49, loin devant les chefs-d’œuvre du néo-
réalisme. Patronné en France par la Fédération Nationale
des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes,
Fabiola
reçoit à Paris le prix de la «Victoire du cinéma français »
comme meilleur film étranger. Aux USA, il sort dans une
version tronquée et à peine compréhensible de 96 minu-
tes (
Fabiola and the Fighting Gladiator
). En plein tour-
nage, le producteur D’Angelo, confronté à des difficultés
budgétaires, soutire du budget colossal de
Fabiola
de quoi
terminer
La terra trema
de Luchino Visconti et enchaîne
avec le financement de
Francesco, giuliare di Dio
(1950)
de Roberto Rossellini. Pour les cinéphiles, un véritable geste
de rachat. Pour l’industrie cinématographique, l’aventure
pharaonique de
Fabiola
démontre qu’au lendemain de la
guerre, l’Italie possède à nouveau une infrastructure suffi-
sante pour accueillir les productions les plus ambitieuses,
notamment, l’année suivante, le
Quo Vadis
de la Metro-
Goldwyn-Mayer.
1960
La rivolta degli schiavi / La rebelión de los escla-
vos /Die Sklaven Roms (La révolte des esclaves)
(IT/ ES /DE) Nunzio Malasomma [et DuccioTessari] ;
Pour
Fabiola
, qui doit réconcilier l'Italie post-fasciste avec le christianisme, Alessandro Blasetti fait ériger de somptueux décors à Cinecittà
La mort de saint Sébastien (Massimo Girotti) dans
Fabiola
, 1949