276
l’antiquité au cinéma
mi-Samson, celui-ci est la véritable vedette du film et ses
poses héroïques inspireront, dit-on, l’iconographie du duce,
auquel Bartolomeo Pagano ressemble physiquement. Le co-
losse a été découvert par le metteur en scène Vincenzo Leone
(alias Roberto Roberti), père de Sergio Leone.
Cabiria
, qui coûte 1250000 lires d’époque (soit vingt
fois les frais d’une production courante qui revient alors
à 50-60000 lires), est tourné sous le titre de
Il romanzo
delle fiamme
, puis de
La vittima eterna
dans les studios
de l’Itala à Ponte Trombetta (vers Turin), à la frontière al-
géro-marocaine pour les images de désert, à Avigliana pour
le siège de Cirta (avec 400 figurants), sous les remparts de
la forteresse de Portoferraio, au bord de l’Adriatique, en
Sicile et au Val di Lanzo, près d’Usseglio, pour la traversée
des Alpes avec les éléphants. A défaut de vestiges archéologi-
ques utilisables pour ses décors colossaux, Pastrone s’appuie
sur une architecture géométrique aux accents afro-méso-
potamiens (il a visité en 1912 à Paris l’exposition consa-
crée à la civilisation carthaginoise). Réédition sonorisée en
1931 par Pastrone, avec une musique de Luigi Avitabile
et José Ribas, et l’introduction d’un nouveau personnage,
un prêtre qui chante pendant le sacrifice à Moloch (136
min.). Projet avorté d’un remake en 1952 (Ponti-De Lau-
rentiis-Lux-Film).
1937
Scipione l’Africano (Scipion l’Africain)
(IT) Carmine
Gallone ; Consorzio Scipione-E.N.I.C., Roma, 115 min.
– av. Annibale Ninchi (Publius Cornelius Scipion), Ca-
millo Pilotto (Hannibal), Isa Miranda (Vélia), Fosco
Giachetti (Masinissa, roi de Numidie occidentale), Mar-
cello Giorda (Syphax, roi de Numidie orientale), Fran-
cesca Braggiotti (Sophonisbe, son épouse et fille d’Has-
drubal), Memo Benassi (Caton l’Ancien), Ciro Galvani
(Quintus Fabius Maximus), Lamberto Picasso (Hasdru-
bal, frère d’Hannibal), Raimondo van Riel (Maharbal),
Marcello Spada (Arunte). –
Ce premier péplum italien de-
puis
Gli ultimi giorni di Pompei
de 1926 relate les prin-
cipaux événements de la deuxième guerre punique. En Ita-
lie, un village romain est assailli par les Carthaginois qui
brutalisent la population, violent les femmes et terrorisent
les enfants. La patricienne Vélia, la fiancée d’Arunte, est
enlevée et forcée de devenir la concubine d’Hannibal. A
Rome, Arunte supplie Publius Cornelius Scipion d’agir et
de laver cet affront. Tandis que la plèbe romaine accueille
avec enthousiasme les projets expansionnistes du consul, à
Carthage, les partisans politiques d’Hannibal se font ra-
res. Prisonnière dans le camp de l’envahisseur, Vélia tient
publiquement tête à Hannibal, suscitant son admiration.
Scipion traverse la Méditerranée avec 80 000 hommes. Il
affronte Syphax, roi des Numides, rallié à Hannibal à cause
de la haine que son épouse Sophonisbe voue aux Romains,
mais le roi est détrôné par Masinissa qui renverse la situa-
tion au profit de Rome. Sophonisbe meurt empoisonnée.
Hannibal est écrasé à Zama. Au cours de la bataille, Vélia
retrouve son fiancé, puis expire dans ses bras ... De retour
dans sa villa campagnarde de Liternus, Scipion redevient
un époux et un père de famille modèle.
Le cinéma fasciste cherche à établir un parallèle entre des
figures de chefs de guerre historiques et le Duce tout en
récupérant l’engouement populaire pour les films monu-
mentaux, dans le dessein de toucher un très large public
par une propagande indirecte. Pas d’empereurs décadents
à l’écran, mais l’exaltation des valeurs de la Rome répu-
blicaine qui permettent au fascisme de trouver dans l’His-
toire une pseudo-légitimité. On a envisagé Jules César, puis
Auguste. Mais le premier est entaché par sa liaison peu sé-
rieuse avec Cléopâtre, et le second dominé par son épouse
Livia. Scipion, lui, est de bonne famille, sans casier judi-
ciaire et chaste. Comme le Duce, bien sûr. L’époque choi-
sie se prête idéalement aux buts visés : c’est une période
de civisme, d’éthique politique, de cohésion nationale et
de victoire militaire. Au début du film, dans un discours
aux sénateurs romains, Scipion déclare qu’afin de chasser
Hannibal d’Italie, où il s’est installé depuis quinze ans, il
faut aller porter la guerre jusqu’à Carthage. Les sénateurs
tergiversent, Caton l’Ancien s’y oppose, mais le peuple ac-
clame ...
Scipione l’Africano
, film de prestige pour le fascisme alors à
son apogée, reprend la trame et les personnages qui avaient
Archimède, le grand savant, défend Syracuse (
Cabiria
, 1914)
Bartolomeo Pagano, le «bon géant» de
Cabiria
(1914)