6c – rome : l'antiquité tardive 
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Le film est mis en chantier pour prendre de vitesse un pro-
jet parallèle de la MGM avec Ava Gardner et Robert Tay-
lor dont Richard Thorpe devait prendre les rênes. Freda se
dit intéressé au « destin d’une danseuse, fille d’un domp-
teur qui cherche à libérer les esclaves, participe à une course
de chars et devient impératrice ... une sorte de petite sœur
de Spartacus » – rôle confié à Gianna Maria Canale, une
Calabraise aux yeux verts et la grande passion (et compa-
gne) du cinéaste. A ses côtés, on trouve la vedette du récent
Les derniers jours de Pompéi
de L’Herbier et du
Messa-
lina
de Gallone, le Français Georges Marchal. Tourné peu
de temps avant l’
Ulisse
de Camerini,
Teodora
précède de
quelques années la déferlante du péplum italien bon mar-
ché (1959-1965). C’est le premier long métrage européen
en Eastmancolor. Le film de Freda bénéficie donc encore
de moyens que ses successeurs en série n’auront plus guère.
L’hippodrome et les palais de Byzance sont ressuscités sur
l’énorme esplanade à colonnes antiques du Museo della Ci-
viltà Romana, dans la cité administrative que Mussolini
avait fait édifier pour l’Exposition universelle romaine en
1942 (qui n’eut jamais lieu), à la périphérie de la capi-
tale. L’endroit fait 7000 mètres carrés avec, sur les côtés,
deux constructions de 170 mètres séparées par une façade
de 76 mètres de large sur 21 mètres de haut ; transformé
en Circus Maximus, le site offre une « épine » de 98 mètres
de long autour de laquelle les neuf quadriges peuvent s’af-
fronter. 200 gradins en faux marbre, une centaine de sta-
tues gréco-romaines et 3000 figurants très habilement pla-
cés maquillent les raccords modernes. Les trucages optiques
sont de Mario Bava. D’autres extérieurs se font à Ravenne
(basilique San Vitale), où Freda profite de réaliser un pe-
tit documentaire sur
I mosaici di Ravenna
, aux studios
romains de Safa Palatino et à Cinecittà (l’intérieur de la
basilique de Sainte-Sophie). Les séquences d’action sont
brillantes (courses au soleil, sauvagerie des combats finaux
dans les souterrains), la critique relève avec raison la jus-
tesse des reconstitutions et le soin apporté aux détails du
mobilier et aux éclairages qui dynamisent l’ensemble des
décors. Freda introduit des variations sur les stéréotypes du
genre : son héroïne possède une vraie dimension qui explose
dans la fameuse scène de danse où la jeune impératrice,
décidée à faire appliquer une authentique justice sociale,
acquiert une conscience politique. En Italie, la scène de
danse où le nombril de Mme Canale est trop visible est
excisée à la demande du Centro cattolico cinematogra-
fico. Quant à Justinien, « l’empereur qui ne dort jamais »
(Marchal, très crédible), intellectuel studieux, chrétien dé-
vot porté au jeûne, éperdument épris d’une prostituée re-
pentie, il apparaît partagé entre l’amour et la méfiance (la
méfiance maladive était bien le principal travers du Jus-
tinien historique, en politique comme en amitié). Le film
s’achève sur une note de sérénité, le couple, tendrement
uni, ayant réussi une synthèse heureuse entre la fermeté
patricienne et un libéralisme d’inspiration populaire. US :
Theodora, Slave Empress
.
Théodora (Gianna Maria Canale) seconde son impérial époux
(Georges Marchal) dans toutes les grandes décisions (1953)
Le massacre du soulèvement Nika dans les rues de Constantinople
mis en scène par Riccardo Freda (
Teodora
, 1953)
Toujours méfiant, Justinien I
er
est influencé par Jean de Cappadoce
I...,601,602,603,604,605,606,607,608,609,610 612,613,614,615,616,617,618,619,620,621,...674