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 l’antiquité au cinéma
choisi parce qu’il rendait la redoutable cavalerie et les ar-
chers mèdes inefficaces, ce qui n’est pas le cas à l’écran. (Se-
lon Hérodote, le défilé en soi laissait juste passer un char,
et la surface de combat à l’embouchure avait une largeur
d’environ 15 mètres.) Toutefois, les paysages authentiques
sont un plus évident dans cette reconstitution soignée mais
stylistiquement terne, qui bénéficie d’une musique intéres-
sante de Manos Hadjidakis, empreinte d’une instrumen-
tation à caractère folklorique.
Le film suit Hérodote d’assez près, mais en laissant dans
l’ombre les autres unités grecques engagées. Maté place aussi
tout au début des affrontements l’attaque surprise du camp
ennemi, un coup de force audacieux des Spartiates pour
retarder les préparatifs ennemis. En réalité, cette entre-
prise suicidaire scella le sort des hoplites : se sachant encer-
clé, Léonidas renvoya la plus grande partie de ses troupes
et, ne gardant avec lui que les 300 résolus à mourir ainsi
que des Thespiens et Thébains volontaires, il pénétra avec
eux dans le camp perse et y jeta le désordre avant que ses
braves ne soient débordés par le nombre et périssent tous.
Représentatifs des totalitarismes du siècle, les Perses ne veu-
lent ici rien moins que « conquérir le monde » (Alexandre le
Grand s’en chargera, dans l’autre direction). Pour fouetter
l’ardeur de la troupe, le Grand Roi ordonne l’exécution de
toutes les femmes à soldats de son armée : ses hommes de-
vront se servir chez les Grecs, une aberration scénaristique
destinée à démoniser gratuitement le satrape oriental. Dé-
tail amusant : Richard Egan, qui campe l’héroïque Léo-
nidas, interprétera une année plus tard son ennemi mor-
tel Xerxès dans
Esther and the King
de Raoul Walsh (cf.
2.5.3), où il apparaît comme un monarque sage et géné-
reux qui protège les Juifs. Affaire de point de vue.
1994 (tv)
The Spartans
(GB) Peter Nicholson ; série «Ancient
Warriors », Phil Grabsky-The Learning Channel (TLC)-
Seventh Art Productions-Discovery Channel, 25 min.
– av. Colgate Salsbury (narration). –
Docu-fiction avec
scènes reconstituées. La bataille des Thermopyles contée par
le militaire Aristomède.
Artémisia, la reine d’Halicarnasse qui partage sa couche
et met sa flotte à son service, des Grecs de Béotie et l’ex-roi
de Sparte. Soutenu à Corinthe par Thémistocle, Léonidas
cherche vainement à unifier les royaumes grecs. Pour ga-
gner du temps, il se résigne au sacrifice ultime et affronte
l’envahisseur asiatique avec une poignée d’hoplites, sa garde
personnelle, dans le défilé dit des « portes chaudes ». Les
Grecs résistent héroïquement pendant plusieurs jours mais
sont finalement encerclés par traîtrise. Léonidas tombe. Ses
compagnons ayant refusé de livrer la dépouille de leur roi
à l’ennemi, ils sont tous anéantis par une pluie de flèches.
Une évocation ni fortuite ni anodine en pleine « guerre
froide », le texte introductif du film annonçant sans am-
bages que 300 soldats grecs ont défendu aux Thermopyles
« leur liberté et la nôtre » ! Sans oublier que pour l’Athènes
du XX 
e
siècle, le barbare venu d’au-delà de l’Hellespont est
l’ennemi héréditaire turc ... L’illustration de ce haut fait de
l’Antiquité bénéficie du soutien tout particulier du patron
gréco-américain de la 20th Century-Fox, Spyros Skouras.
Le réalisateur d’origine hongroise Rudy Maté (jadis chef-
opérateur de Dreyer pour
La passion de Jeanne d’Arc
) ne
peut tourner sur les lieux mêmes, car les alluvions du Sper-
chios ont transformé l’étroite vallée des Thermopyles en une
plaine cultivée. Il trouve un cadre montagneux bordant la
mer à Perachora et au cap Heraion, près de Loutraki (à
l’est du canal de Corinthe, Péloponnèse). Maté peut y faire
évoluer les 2600 militaires mis à disposition par l’armée
grecque pour illustrer l’ingénieuse tactique des phalanges,
armures de bronze et manteaux écarlates, face au corps
d’élite mède des « Immortels » dans leurs armures noires.
Mais les lieux ne sont pas assez exigus pour rendre entière-
ment crédible la résistance des Spartiates : le défilé avait été
Le corps d’élite perse en noir (
The 300 Spartans
, 1961)
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